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Il est inutile de prévoir le cas où le disponible en faveur de l'époux serait plus considérable que le disponible en faveur de l'étranger, puisque ce cas ne peut exister, le minimum du dernier étant égal au maximum du premier.

4°. Enfin, quand les deux donations sont révocables, putà, si elles sont faites toutes deux par testament, alors elles doivent être réduites proportionnément, de manière cependant que la donation faite à l'époux n'excède ni le quart des biens, ni un quart d'enfant le moins prenant.

Il arrive souvent que l'époux ayant enfans, au lieu de donner à son second époux une somme d'argent ou un objet déterminé, lui donne en général une part d'enfant. Cette donation, qui ne peut excéder le quart des biens, quel que soit le nombre des enfans, étant une véritable donation de biens à venir, puisqu'elle est subordonnée à la quotité des biens, et au nombre d'enfans que le donateur laissera à son décès, est assujétie aux règles établies pour ces sortes de donations entre époux; en conséquence elle est caduque par le prédécès du donataire, même ayant enfans. (Art. 1093.)

Quid, si le donateur meurt sans enfans, comment será estimée la part d'enfant revenant à l'époux? Anciennement on pensait, d'après la loi 164, S1, ff. de Verborum Signific., que le donataire devait avoir moitié de la succession, attendu, disait-on, que la moitié est la plus grande part du tout. Aujourd'hui il faudrait décider, d'après le même raisonnement, qu'il ne peut avoir que le quart, ex præsumpta voluntate donatoris, qui, en donnant une part d'enfant, est présumé avoir voulu donner la plus grande part qu'il lui fût possible de donner, s'il avait des enfans à son décès, mais qui n'est toujours censé avoir voulu donner que cette part : secùs, si la donation était de tout ce dont la loi lui permettait de disposer; car, alors, s'il n'y avait pas d'enfans, l'époux aurait toute la succession; sauf, s'il y avait des ascendans, la nue propriété qui leur est réservée par l'art. 1094. On ne peut dire que, dans ce cas, le donateur ait manifesté l'intention de donner seulement une part. ( Voir RICARD, partie 3o, no 1281.)

Le donataire d'une part d'enfant peut-il demander le rapport des objets donnés, aux enfans qui viennent à la succession, à l'effet d'établir sa part en conséquence? Oui, sans doute, puisqu'il faut qu'il ait une part d'enfant, il faut bien faire la part de tous les enfans, et le traiter fictivement comme un enfant. ]

En comparant ces dispositions à celles qui sont relatives à la portion disponible ordinaire, l'on voit qu'il est possible que, dans les deux derniers cas, l'époux n'ait pas, à l'égard de son conjoint, la même latitude qu'il aurait à l'égard d'un étranger. De là résulterait un moyen facile d'éluder les dispositions de la loi, si elle n'avait pris à cet égard des précautions spéciales. [En effet, celui qui n'a qu'un enfant, pourrait donner à un étranger la moitié de ses biens en propriété, ou le tiers, s'il en avait deux. Il ne peut toujours donner à son conjoint que le quart en propriété, et le quart en usufruit; et même, si l'enfant est d'un premier mariage, il ne peut donner à son époux que le quart en propriété. ]

que

Elle prohibe, en conséquence, et annule toute donation faite par le moyen de personnes interposées. [L'article dit à personnes interposées ; ce qui paraît ne comprendre le cas où le donataire direct ou ostensible est personne interposée, à l'effet de remettre à l'incapable. Cependant il peut arriver que la donation soit faite directement au second époux, mais qu'elle soit faite par personne interposée, comme si la femme donne secrètement à un tiers, qui donne ensuite ostensiblement au second mari. La donation ostensible n'est pas faite à personne interposée, puisqu'elle est faite au mari même; mais elle est faite par personne interposée ; et elle sera en conséquence annulée, si l'interposition est prouvée. ]

Sont réputés, de droit, personnes interposées, d'abord 1100. les enfans et descendans de l'époux donataire, issus d'un mariage précédent; [ainsi les enfans communs du second lit ne sont pas compris dans la prohibition. Et en effet, leur qualité d'enfans est un titre suffisant pour justifier la donation. Il n'est pas nécessaire de supposer qu'elle a été

faite dans la vue de l'autre conjoint; etcette décision doit avoir lieu, quand même, par le fait, le second époux aurait profité de la donation; putà, s'il avait succédé à l'enfant donataire prédécédé. ( LA COMBE, verbo NocEs, partie 1, sect. II, no 2.)]

En second lieu, les parens dont ledit époux était héritier présomptif au jour de la donation, quand même par 1100. le fait il n'en aurait pas hérité.

[Quid, de ceux dont il n'était pas héritier présomptif au moment de la donation, mais auxquels il a cependant succédé, soit ab intestat, soit par testament? Il n'y aura pas interposition de droit. Ce sera au juge à décider, d'après les circonstances, s'il y a interposition de fait. Si, par exemple, la donation a été faite, à un aïeul paternel de l'incapable, dont le père vivait encore au moment où elle a été faite, l'interposition sera facilement présumée. Il n'en sera pas de même, si elle a été faite à un oncle de l'incapable, si, à l'époque de la donation, le donataire avait des enfans; mais si le donataire, quoiqu'ayant des enfans, a ensuite fait une donation à l'incapable, d'une valeur à peu près égale à celle qu'il a reçue, l'interposition pourra être présumée plus facilement. ]

[L'article dit: encore que par le fait l'époux n'ait point survécu. Je ne crois pas que cela doive être entendu restrictivè, mais seulement explicativè, et que, de quelque manière qu'il arrive que l'époux n'hérite pas, la donation ne doit pas moins être annulée. ]

La donation déguisée sous la forme d'un contrat onéreux, ou de toute autre manière, est également nulle. Il en est de même de toute disposition indirecte, mais seulement pour 1099. ce qui excèderait les quotités fixées ci-dessus. [Il résulte de la manière dont est rédigé l'art. 1099, que la donation indirecte, mais de l'époux à l'époux, est valable jusqu'à concurrence de la quotité fixée par la loi, au lieu que la donation déguisée, ou faite par le moyen de personnes interposées, est entièrement nulle. L'Édit des Secondes Noces rangeait dans la même classe toutes ces espèces de donations, et les réduisait indistinctement au disponible.

Mais le Législateur actuel ayant adopté une rédaction entièrement différente pour chacun des deux cas, qu'il pouvait très-facilement embrasser tous deux dans une même. disposition, on ne peut supposer qu'il ait agi absolument sans motif; et l'on doit, d'après cela, présumer qu'il a entendu appliquer à chacun d'eux une décision différente. Mais qu'entend-on par une donation indirecte, distincte d'une donation déguisée? C'est, par exemple, si l'époux répudie une succession à laquelle son époux est appelé par une substitution; s'il répudie un legs, dont le profit doit venir à son époux par droit d'accroissement, et autres cas semblables. On peut donner pour exemple d'une donation déguisée, si l'époux avait fait une vente simulée, etc. La loi ne voit pas de fraude dans le premier cas, parce que l'époux n'a pas cherché à déguiser ses intentions. Il a donné indirectement, il est vrai; mais ce qu'il a fait, il l'a fait publiquement. En conséquence, la loi se contente de réduire l'avantage au disponible. Dans le second cas, l'époux a voulu dérober la connaissance de la donation qu'il voulait faire; et la loi annule entièrement la donation, parce qu'elle punit plus grièvement celui qui prend des voies obliques pour faire, même ce qu'il pourrait faire directement et librement, nouvelle preuve à l'appui de l'opinion émise ci-dessus, page 2 du tome 4.

Ces règles générales établies, nous allons passer aux dispositions particulières à chaque espèce de donation entre époux.

SECTION PREMIÈRE.

Des Donations entre Époux par contrat de Mariage.

Les époux peuvent, par contrat de mariage, se faire, ou réciproquement, ou l'un des deux à l'autre, toutes les donations mentionnées dans le chapitre précédent ; et elles sont assujéties aux mêmes formes; [par conséquent, elles 1091. ne sont pas nulles par défaut d'acceptation. (Art. 1087.)] Il y a cependant cette différence, que la condition de survie du donataire est toujours sous-entendue dans les dona

tions de biens à venir, et dans celles de biens présens et à

venir qui, en conséquence, ne sont point transmissibles 1093. aux enfans issus du mariage, en cas de décès de l'époux donataire avant le donateur.

[Quant à la condition de survie du donataire, l'ona jugé à Caen, le 13 décembre 1816, et en Cassation, le 5 mai 1818, que la condition de survie du donataire était censée réalisée, quand il avait été tué par le donateur, et ce, conformément à l'article 1178. (SIREY, 1819, 1re partie, pag. 162.)]

[Dans les donations de biens présens et ́à venir, quid, si cependant cette donation, quoique faite par un seul acte, était conçue dans la forme prescrite par l'article 1084, c'est-à-dire, si l'on y avait annexé l'état des charges existantes au moment de la donation? Je pense qu'alors la donation de biens présens est distincte de celle des biens à venir, et qu'elle est transmissible. (Article 1092 ). Voir un arrêt de Cassation, du 15 décembre 1813. (SIREY, 1815, 1re partie, pag. 102.)]

[On se demande, quant à la transmissibilité des enfans issus du mariage, pourquoi cette différence avec la disposition de l'article 1082? C'est d'abord que, comme nous l'avons dit, quand un tiers donne à une personne, par contrat de mariage, il est censé embrasser dans sa libéralité, nonseulement l'époux donataire, mais encore sa postérité. Ici l'époux a pu donner à son époux seul, et en sa seule considération. Secondement, il n'a pas besoin de donner à ses enfans; il n'a qu'à ne pas leur ôter. Troisièmement, les enfans retrouveront toujours les objets dans la succession du survivant. Enfin, il est une raison qui, sous le rapport de la morale, n'est pas la moins forte, c'est qu'il n'est pas bon de dépouiller les pères et mères pour enrichir lesenfans: il est, au contraire, très-utile de conserver aux premiers les moyens de retenir les seconds dans les bornes du respect, dont malheureusement ils ne s'écartent que trop souvent.

Cette dernière raison me déterminerait volontiers à penser que les parties ne pourraient déroger à cette disposition, même par une stipulation expresse, et que, par conséquent, les époux en se mariant ne pourraient, dans

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