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Et notre Le Vavasseur :

Messieurs, je suis Pierrot, j'ai sur chaque narine,
Pour cacher sa rougeur, prodigué la farine;
J'en ai sur chaque joue et j'en ai sur les yeux :

gueux comme un Limousin,

Vantard comme un Gascon, fluet comme un cousin,
Badaud comme à Paris, vilain comme en Lorraine,
Et franc comme l'on est dans le pays du Maine,
Lambin comme un Picard, têtu comme Breton,

En Champagne je suis le centième mouton..

Quant à Arlequin, M. Moland nous le fait suivre dans ses premières transformations; il nous le montre allant de mièvreries en pétulances jusqu'au moment où le serpentin à paillettes ne sera bientôt plus qu'un pétillement de lazzis, de bondissements et de malices. « Arlequin, qui, à l'origine, était niais et balourd, fut doué par la suite d'un esprit assez vif. » « Dominique modifia très sensiblement le caractère d'Arlequin..... Depuis lors le caractère d'Arlequin est devenu, dit Riccoboni, l'effort de l'art et de l'esprit du théâtre..... C'est un caméléon qui prend toutes les couleurs. Arlequin, s'il n'était jadis naïf qu'à demi, devient alors tout à fait scélérat. » Arlequin devait gagner encore chez nos contemporains longtemps après la chute de la vraie comédie italienne et moins sur le théâtre, il faut le dire, que dans une sorte de transfiguration analogue, toute proportion gardée, à celle de don Juan. Nos poëtes l'aiment toujours:

Arlequin est danseur, il est fat, il est brave,

Son sac est plein de tours de dix mille voleurs,
Et son habit est fait de toutes les couleurs ;
Son visage d'Afrique est un masque qui cache,
Sa pommette rosée et sa blonde moustache.

Toujours spirituel en dépit des amours,

Pendant la nuit de noce il fait des calembours.

Et, comme un écho, les Camées répondent aux Moralités :

Arlequin, nègre par son masque,

Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque

Cassandre son souffre-douleurs.

Hélas! sous Louis XIV même, vers la décadence du règne, la carrière d'Arlequin avait été brusquement brisée au plus beau moment. « Le mardi, 4 mai 1697, M. d'Argenson, lieutenantgénéral de police..... se transporta à onze heures du matin au théâtre de l'hôtel de Bourgogne et y fit apposer les scellés..... avec défenses aux acteurs de se présenter pour continuer leurs spectacles, Sa Majesté ne jugeant plus à propos de les garder à son service. D'où venait cette soudaine et brutale mesure? on prétend que, dans une pièce intitulée La fausse Prude, Mezzétin s'était permis des allusions à madame de Maintenon. >> Ainsi avait fini le théâtre italien, victime de la plus désagréable et de la plus funeste des favorites et des reines; et on peut dire qu'il n'avait pas fini sans honneur, s'étant attaqué à si forte partie sous la direction de ce Mezzetin qui, plus tard, ne modérant jamais ses audaces, paya par une si longue pénitence dans la prison de Konigstein, ses prétentions, heureuses espérons-le, aux bonnes grâces de la favorite du roi de Pologne, Auguste Ier.

Le livre de M. Moland nous fait passer en revue toute cette glorieuse histoire du théâtre italien qui put vivre à côté de Molière et fut digne d'être mis par lui à contribution.

E. PRAROND.

NOTES

POUR SERVIR A LA CONTINUATION DU

GALLIA CHRISTIANA.

(SUITE.)

APPENDICE

III (*).

1789-1808.

(1793 SUITE.)

Juillet 25. A cinq heures du soir, la cloche du Beffroy et celles des paroisses annoncent l'arrivée, à Amiens, de deux représentants du peuple. C'étaient André Dumont et Chabot. Ils se rendent, le lendemain, à la Cathédrale, accompagnés des corps administratifs et de la garde nationale. Ils y haranguent le peuple auquel ils promettent une grande diminution sur les denrées et les grains. (On avait décidé, peu de jours auparavant, qu'il ne serait plus fait qu'une sorte de pain, dont les 8 livres se vendraient 25 sols). Le lundi 29, à cinq heures du soir, Chabot se rend de nouveau à la Cathédrale

(*) Voir la Picardie, 1868, pages 469, 502, 1869, 37 et suivantes.

et parle au peuple avec impertinence. Il monta dans la chaire, un pot de vin à la main, et il en buvait à pleine gorgée afin de rauimer son éloquence.

30 Juillet. Le Conseil général du département prend, par rapport aux cloches, un arrêté précédé du § suivant :

« Considérant que ces cloches multipliées dans des siècles d'ignorance pour frapper les sens du peuple, et l'asservir à des pratiques souvent suspertitieuses, n'offrent aujourd'hui qu'un luxe sacerdotal, tout à la fois puéril et nuisible à la tranquilité publique qu'une seule cloche est suffisante pour appeler aux cérémonies du culte que des hommes libres, des républicains, ne peuvent, sans honte, demeurer attachés à ces hochets du fanatisme, lorsque les besoins de l'Etat en sollicitent un besoin plus utile, a arrêté Art. I. Toutes les cloches existantes dans les églises conservées, à l'exception d'une seule au choix des Conseils-généraux des communes, seront descendues des clochers et tours qui les renferment, dans les trois jours de la publication du présent arrêté, à la diligence des procureurs desdites communes. Art. II. Dans les trois jours suivans, les procureurs des communes seront tenus, sous leur responsabilité, de faire transporter au chef-lieu de leur district, les cloches descendues. Art. III. Les procureurs des communes feront pareillement enlever et conduire au district, les matières de cuivre et bronze non exceptés par la loi, existant dans les églises de leur territoire respectif. Art. IV. Les directoires des districts ouvriront un registre sur lequel ils inscriront exactement la quantité et le poids des cloches et bronzes qu'ils recevront de chaque commune... Signé : Bellegueule, président, et, Daullé, pour le secrétairegénéral. »

31 Juillet. -Dumont demanda qu'on descendît toutes les cloches des paroisses et qu'on en conservât qu'une seule dans chaque clocher. Il n'ignorait pas, disait-il, la pétition antérieure des habitants pour la conservation de leurs cloches: mais il complait sur leur patriotisme pour un sacrifice que réclamait le danger de la patrie. On sait que la République avait un pressant besoin de canons. Le Conseil de la commune prenait, le 2 août, un nouvel arrêté pour ce sujet : quoiqu'un

délai de trois jours à partir du 30 juillet eût été donné, on résistait, puisque les administrateurs du district réclamaient, au 14 septembre et encore au 3 octobre, contre le retard ou le refus des citoyens; on prévenait pour la dernière fois, que si dans le délai de trois jours, il n'était pas satisfait à la loi, on sera forcé d'agir avec la rigueur qu'aura méritée la désobéissance.

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4 Août. Dimanche. Publication et affiche du présent arrêté.

Dimanche 18. André Dumont et Joseph Lebon arrivent à Montdidier. Dumont, du haut de la chaire du Sépulcre, exposa qu'il importait de surveiller les ennemis intérieurs, de les dénoncer, de leur faire subir les peines portées par la loi. Il représenta la nécessité de convertir les cloches en canons, de n'en laisser qu'une par paroisse. Lebon, dans un discours prononcé à Saint-Pierre, s'écria: Qu'il voudrait avoir le boyau du dernier des prêtres pour en pendre le dernier des rois. Les deux représentants retournèrent à Amiens, dans une modeste carriole, derrière laquelle suivait, attaché à une corde, l'abbé Guédée, ancien principal du collége (Voyez le Moniteur du 23 août 1793, page 1007).

1er Septembre.

Dimanche. On donna l'ordre de fermer

toutes les portes de la ville.

2, 3, 4 et 5 Septembre. - Visites domiciliaires dans lesquelles beaucoup de personnes suspectes et d'étrangers sont pris et conduits dans les églises des communautés supprimées.. qui leur servent de lieu de détention.

Samedi 7. Les prêtres détenus à la Providence sont conduits à Bicêtre.

Voici comme on procéda, d'après un rapport adressé au Pape, le 20 septembre, par l'abbé R. A. Grimaudet-Coelcanton,

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