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le 15 septembre 1830, que la machine locomotive fut inaugurée par l'ouverture du chemin de fer de Liverpool à Manchester; et déjà elle est connue partout, et déjà il faut compter par centaines de millions, par milliards, les capitaux qui sont employés à établir des rails-ways dont elle doit faire la fortune; tous les pays du monde sont, sur ce point, dans une sorte d'agitation financière extraordinaire; les gouvernements eux-mêmes sont entraînés par l'enthousiasme universel. On dirait que la prospérité publique a été mise au concours entre les peuples, et qu'elle doit tomber en partage à celui qui aura consacré le plus de millions à faire les plus grandes lignes de chemins de fer; on ne peut citer aucune autre découverte qui ait eu le privilége de frapper l'imagination d'une manière plus séduisante, et de s'emparer à un plus haut degré de la confiance publique.

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M. Pillet-Will s'exprimait ainsi, en 1836. A cette époque, les chemins de fer étaient en pleine activité en Angleterre, en Belgique, en Allemagne et surtout aux États-Unis ; des ministres spéciaux avaient déjà

publié, dans ces pays, des comptes-rendus qui témoignaient des magnifiques résultats obtenus par cette nouvelle et prodigieuse industrie. Dans un livre sur l'Amérique du nord, également publié en 1836, M. Michel Chevalier nous traçait un magnifique tableau de ce que le génie entreprenant des Améri– cains avait déjà su faire pour la fondation et l'exploitation des chemins de fer. Il faut bien le dire : la vapeur ne volait pas encore de Paris à Saint-Germain, lorsque M. Michel Chevalier nous disait dans ses Lettres sur l'Amérique :

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Il y a, écrivait M. Chevalier en 1836, seize cents milles (six cent cinquante lieues) de Boston à la Nouvelle-Orléans : c'est deux fois et demie la distance du Havre à Marseille; il est très probable que dans peu d'années cette ligne immense sera occupée par des chemins de fer... Ce n'est pas un projet en l'air; c'est un fait déjà à demi réalisé. Le chemin de fer de Boston à Providence (route de NewYork) est en pleine exécution... De New-York à Philadelphie, il y en aura bientôt, non seulement un de livré à la circulation, mais deux en concur

rence l'un de l'autre, l'un sur la rive droite, l'autre sur la rive gauche de la Delaware. En sept heures on passera de l'une des métropoles à l'autre cinq heures de chemin de fer et deux heures de bateau à vapeur sur les belles eaux de l'Hudson. De Philadelphie on va à Baltimore par la Delaware et la Chesapeake, et par le chemin de fer de Newcastle à Frenchtown, en huit heures. De Baltimore à Washington, le chemin de fer a été résolu, la compagnie autorisée, les actions souscrites et les travaux commencés, dans l'espace de quelques mois.

"De Washington à Blakely (Caroline du nord), 24 lieues de chemins de fer sont terminées à partir de Blakely. Une compagnie vient d'être autorisée à entreprendre le reste, c'est-à-dire à joindre Richmond au Potamac (30 lieues), et le Potamac même à Washington... La ligne se continue de Blakely à Charleston (Caroline du sud); de Charleston, un chemin de fer de 55 lieues, c'est le plus long qu'il y ait encore au monde, conduit à Augusta (Georgie); la ligne se continue ensuite d'Augusta à Montgommery (Alabama). Dans dix ans tout cela sera achevé,

tout cela sera sillonné par des machines locomotives...

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La Pensylvanie a 130 lieues de chemin de fer achevées, sans compter 21 lieues que les capitalistes de Philadelphie ont jetées sur le sol des États de New-Jersey et de Delaware. La longueur des chemins de fer que nous possédons en France est de 37 lieues, c'est-à-dire à peu près égale à ce que les bourgeois de Philadelphie, dans leur libéralité, ont bien voulu accorder à leurs voisins nécessiteux. L'État de New-York, dont la population est la plus hardie et la plus heureuse dans ses spéculations, n'a encore que quatre ou cinq petits chemins de fer; mais si l'on exécute seulement la sixième partie de ceux qui sont projetés par la législature, New-York ne le cédera pas à la Pensylvanie.

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« Les marchands de Baltimore, une ville qui avait à peine six mille habitants lors de la Déclaration d'indépendance et qui en compte aujourd'hui cent mille, se sont mis en tête de faire un chemin de fer entre eux et l'Ohio, sur une distance de 100 lieues; ils l'ont commencé bravement; ils en ont fait maintenant près du tiers...

La Virginie, dont la population est à peu près la même que celle du département du Nord et qui est plus pauvre, possède déjà 29 lieues de chemin

de fer en pleine circulation et 44 lieues en cours d'exécution, sans compter les chemins qui seront commencés cette année. Le département du Nord, où il serait au moins aussi aisé d'en établir, où ils seraient d'un meilleur produit, n'en a pas une toise d'achevée, pas une toise de commencée... Remarquez, ajoute M. Chevalier, qu'il ne s'agit là que des chemins de fer, dont la passion est toute nouvelle. La passion des canaux, qui, en Amérique, date de loin, y a fait des prodiges; il y a des États qui les comptent par deux cents, trois cents, quatre cents lieues de long.'»

En 1836, la France n'avait encore réalisé que de simples études, sur trois ou quatre grandes lignes; aujourd'hui ces études sont déjà des œuvres, et des études nouvelles nous promettent enfin la prompte exécution d'un vaste système de communication, avec l'aide du fer et de la vapeur : la science, le gouvernement, l'industrie, l'argent et le peuple se

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