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mais il ne saurait prendre, au nom de sa Cour, un engagement absolu et de nature à limiter l'indépendance du Cabinet Autrichien.

M. le Comte de Clarendon répond que chaque Puissance est et sera seule juge des exigences de son honneur et de ses intérêts; qu'il n'entend nullement circonscrire l'autorité des Gouvernements, mais seulement leur fournir l'occasion de ne pas recourir aux armes, toutes les fois que les dissentiments pourront être aplanis par d'autres voies.

M. le Baron de Manteuffel assure que le Roi, son Auguste Maître, partage complètement les idées exposées par M. le Comte de Clarendon; qu'il se croit donc autorisé à y adhérer et à leur donner tout le développement qu'elles comportent.

M. le Comte Orloff, tout en reconnaissant la sagesse de la proposition faite au Congrès, croit devoir en référer à sa Cour avant d'exprimer l'opinion des Plénipotentiaires de la Russie.

M. le Comte de Cavour désire savoir, avant de donner son opinion, si, dans l'intention de l'auteur de la proposition, le voeu, qui serait exprimé par le Congrès, s'étendrait aux interventions militaires dirigées contre des Gouvernements de fait, et cite, comme exemple, l'intervention de l'Autriche dans le Royaume de Naples en 1821.

Lord Clarendon répond que le voeu du Congrès devrait admettre l'application la plus générale; il fait remarquer que, si les bons offices d'une autre Puissance avaient déterminé le Gouvernement Grec à respecter les lois de la neutralité, la France et l'Angleterre se seraient très-probablement abstenues de faire occuper le Pirée par leurs troupes; il rappelle les efforts faits par le Cabinet de la Grande Bretagne, en 1823, pour prévenir l'intervention armée qui eut lieu, à cette époque, en Espagne.

M. le Comte Walewski ajoute qu'il ne s'agit ni de stipuler un droit, ni de prendre un engage

ment; que le vou exprimé par le Congrès ne saurait, en aucun cas, opposer des limites à la liberté d'appréciation qu'aucune Puissance ne peut aliéner dans les questions qui touchent à sa dignité; qu'il n'y a donc aucun inconvénient à généraliser l'idée dont s'est inspiré M. le Comte de Clarendon, et à lui donner la portée la plus étendue.

M. le Comte de Buol dit que M. le Comte de Cavour, en parlant, dans une autre séance, de l'occupation des Légations par des Troupes Autrichiennes, a oublié que d'autres Troupes étrangères ont été appelées sur le sol des États Romains. Aujourd'hui, en parlant de l'occupation par l'Autriche du Royaume de Naples en 1821, il oublie que cette occupation a été le résultat d'une entente entre les cinq Grandes Puissances réunies au Congrès de Laybac. Dans les deux cas, il attribue à l'Autriche le mérite d'une initiative et d'une spontanéité que les Plénipotentiaires Autrichiens sont loin de revendiquer pour elle.

L'intervention, rappelée par le Plénipotentiaire de la Sardaigne, a eu lieu, ajoute-t-il, à la suite des pourparlers du Congrès de Laybach; elle rentre donc dans l'ordre d'idées énoncé par Lord Clarendon. Des cas semblables pourraient encore se reproduire, et M. le Comte de Buol n'admet pas qu'une intervention, effectuée par suite d'un accord établi entre les cinq Grandes Puissances, puisse devenir l'objet des réclamations d'un État de second ordre.

M. le Comte de Buol applaudit à la proposition telle que Lord Clarendon l'a présentée, dans un but d'humanité; mais il ne pourrait y adhérer, si on voulait lui donner une trop grande étendue, ou en déduire des conséquences favorables aux Gouvernements de fait et à des doctrines qu'il ne saurait admettre.

Il désire, au reste, que le Congrès, au moment même de terminer ses travaux, ne se voie pas ob

ligé de traiter des questions irritantes et de nature à troubler la parfaite harmonie qui n'a cessé de régner parmi les Plénipotentiaires.

M. le Comte de Cavour déclare qu'il est pleinement satisfait des explications qu'il a provoquées, et qu'il donne son adhésion à la proposition soumise au Congrès.

Après quoi, Messieurs les Plénipotentiaires n'hésitent pas à exprimer, au nom de leurs Gouvernements, le voeu que les États, entre lesquels s'éleverait un dissentiment sérieux, avant d'en appeler aux armes, eussent recours, en tant que les circonstances l'admettraient, aux bons offices d'une Puissance amie.

Messieurs les Plénipotentiaires espèrent que les Gouvernements non représentés au Congrès s'associeront à la pensée qui a inspiré le voeu consigné au présent protocole.

(Suirent les signatures).

Certifié confirme à l'original.

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Le protocole de la précédente séance est lu et approuvé.

M. le Comte Orloff annonce qu'il est en mesure, en vertu des instructions de sa Cour, d'adhérer définitivement au vou consigné à l'avant-dernier paragraphe du Protocole N.o XXIII.

Il est donné lecture du projet de déclaration annexé au protocole de la dernière réunion; après quoi, et ainsi qu'ils l'avaient décidé, Messieurs les Plénipotentiaires procèdent à la signature de cet acte.

Sur la proposition de M. le Comte Walewski, et reconnaissant qu'il est de l'intérêt commun de maintenir l'indivisibilité des quatre principes mentionnés à la déclaration signée en ce jour, Mes. sieurs les Plénipotentiaires conviennent que les Puissances qui l'auront signée, ou qui y auront accédé, ne pourront entrer, à l'avenir, sur l'application du droit des neutres en temps de guerre, en aucun arrangement qui ne repose à la fois sur les quatre principes objet de ladite déclaration.

Sur une observation faite par Messieurs les Plé

nipotentiaires de la Russie, le Congrès reconnaît que la présente résolution, ne pouvant avoir d'effet rétroactif, ne saurait invalider les Conventions antérieures.

M. le Comte Orloff propose à Messieurs les Plénipotentiaires d'offrir, avant de se séparer, à M. le Comte Walewski tous les remerciements du Congrès pour la manière dont il a conduit ses travaux: « M.' le » Comte Walevski formait, dit-il, à l'ouverture de >> notre première réunion, le voeu de voir nos dé>> libérations aboutir à une heureuse issue; ce voeu » se trouve réalisé, et assurément l'esprit de con» ciliation, avec lequel notre Président a dirigé nos » discussions, a exercé une influence que nous ne »saurions trop reconnaître, et je suis convaincu de >>>> répondre aux sentiments de tous les Plénipoten» tiaires en priant M. le Comte Walewski d'agréer » l'expression de la gratitude du Congrès. »

M. le Comte de Clarendon appuie cette proposition qui est accueillie avec un empressement unanime par tous les Plénipotentiaires, lesquels décident d'en faire une mention spéciale au protocole.

M. le Comte Walewski répond qu'il est extrê mement sensible au témoignage bienveillant, dont il vient d'être l'objet ; et, de son côté, il s'empresse d'exprimer à Messieurs les Plénipotentiaires sa reconnaissance pour l'indulgence dont il n'a cessé de recueillir les preuves pendant la durée des conférences. Il se félicite avec eux d'avoir si heureusement et si complètement atteint le but proposé à leurs efforts.

Le présent protocole est lu et approuvé.

(Suivent les signatures).

Certifié conforme à l'original.

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