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deleine; et, en même temps, le christianisme aurait converti Marius en Lazare, et confondu Julie avec MarieMadeleine. Enfin, le peuple ne verrait plus aujourd'hui, dans les trois figures de la stèle des Baux, que trois femmes, les trois Maries. Les légendes relatives à l'apostolat de la Provence par des disciples immédiats du Christ, n'auraient pas d'autre fondement. Mais, bien que l'origine romaine du monument soit incontestable, il nous semble hardi de supposer qu'il représente Marius : les preuves que M. Gilles prétend en donner, nous semblent bien peu décisives. Le nom même du monument, les Trémaïé, auquel on attribue le sens de tres Marii imagines, est un argument bien peu concluant, car, en usant de la plus grande liberté, Trémaïé ne pourrait se traduire que par les « trois Marius, » et non pas les « trois images de Marius. » Au reste, on peut signaler dans l'ensemble du travail de M. Gilles, une tendance à vouloir retrouver partout le souvenir du vainqueur des Cimbres: il serait représenté, en compagnie de Marthe, dans une autre stèle des Baux qui, pour cette raison, serait nommée les Gaié, c'est-à-dire, à l'avis de l'auteur, Caii imagines. Les noms de Mont gaié ou Mont Maié donnés à une montagne voisine de Fos, et sur laquelle s'élèvent des camps romains, rappelleraient de même leur occupation par le consul romain, Caius Marius. Mais est-il admissible que la tradition provençale eût conservé le souvenir du prénom de Marius et le désignât tantôt sous son nom, tantôt sous son prénom? Aussi, ne croyons-nous pas qu'on doive apporter grande attention à ces dénominations de montagnes et de monuments, mais bien plutôt se garder d'admettre les conclusions de M. Gilles au sujet de la légende des saintes Maries. AUGUSTE LONGNON.

Deusdedit, presbyteri cardinalis tituli Apostolorum in Eudoxia, collectio canonum e codice Vaticano edita a PIO MARTINUCCI, præfecto altero bibliothecæ Vaticanæ. Venetiis, ex typographia Emiliana, 1869, gr. in-8° de xx-520 p.

Depuis longtemps, les savants désirent la publication de plusieurs anciennes collections canoniques inédites, parce que ces recueils renferment des restes précieux de documents aujourd'hui perdus. La collection du cardinal Deusdedit, contemporain de S. Grégoire VII, était au nombre de celles que l'on attendait avec le plus d'impatience, grâce à l'étude que les Ballerini lui avaient consacrée dans le siècle dernier. Aussi, l'annonce de l'ouvrage de M. Martinucci a-t-elle été accueillie avec faveur. La vue de son beau volume, si bien imprimé, augmente encore les bonnes dispositions de l'amateur studieux, qui se promet une pleine et entière satisfaction.

Mais, hélas ! dès qu'on veut se servir du livre, quel désappointement ! Pas de table; pas de notes, pas une seule, du commencement à la fin; rien qui permette de distinguer ce qui est inédit de ce qui ne l'est pas; le discernement entre les documents apocryphes et authentiques laissé tout entier à la mémoire du lecteur; enfin, pour les textes imprimés, aucune indication qui facilite la comparaison entre la leçon qu'on nous présente et les leçons déjà connues.

Quel a donc été le rôle de l'éditeur? Son livre s'ouvre par une préface de quinze pages, dont huit sont empruntées aux Ballerini. Restent sept pages pour l'éditeur. C'est peu, mais c'est assez, si elles renferment tout ce que l'on sait sur la personne du cardinal, sur ses œuvres, et sur les manuscrits qui nous en restent. Après la préface, vient le texte, publié avec une fidélité

que je me permets de trouver exagérée. Car enfin, quel besoin avons-nous de savoir qu'un copiste distrait ou ignorant a écrit pernentinelibus pour pertinentibus (p. 316), terroriis pour territoriis (p. 20), Emilitie pour Emilie, etc., etc.? S'il s'agissait d'un texte obscur dont le sens puisse changer, suivant que l'on adopte telle ou telle correction, je comprendrais qu'on reproduisit brutalement les bévues de son manuscrit. Mais quand le sens est aussi certain que la faute est évidente, je ne partage plus le culte des fautes d'orthographe et des solécismes.

Je ne sais si cette fidélité outrée déplaira à tout le monde. Mais au moins suis-je assuré que tous regretteront le manque de notes, d'éclaircissements et de dissertatious. Et cependant, ce n'était pas, certes, la matière qui faisait défaut. Les Ballerini s'étaient donné la peine d'indiquer plusieurs des travaux à exécuter. Ils avaient affirmé, par exemple, l'existence de variantes importantes entre l'ordo no 9 de Mabillon, et sa reproduction par le cardinal Deusdedit. Ils avaient signalé des rapports instructifs entre le n° CXLIIII du livre III, et le Liber censuum de Cencius Camerarius, postérieur d'un siècle. Dans cette comparaison, que de renseignements sur les domaines temporels du Pape au xe siècle, sur la géographie ecclésiastique, etc., etc...? Le temps sans doute a manqué au savant bibliothécaire pour donner à son œuvre tout le développement qu'elle compor tait. Si M. Martinucci a rendu à la science un vrai service, il l'a donc rendu d'une façon très-incomplète. P. H. C.

Histoire et théorie du symbo-
lisme religieux, par l'abbé Au-
BER, chanoine de Poitiers. Poitiers,
A. Dupré, 1870, t. I, in-8°.

Cet ouvrage comprendra quatre vo-
T. X. 1871.

lumes dont le dernier contiendra des tables particulières et générales qui en feront un véritable dictionnaire d'archéologie, de symbolique et d'art chrétien. Ce sera un livre d'art et de philosophie, à la fois à l'usage des artistes, des amateurs de l'antiquité et des savants qui y trouveront des aperçus nouveaux exposés avec une méthode et une clarté qui étaient assez difficiles à obtenir en présence d'immenses matériaux réunis depuis nombre d'années. Le premier volume et le second sont imprimés, mais celui-ci n'est pas encore livré au public; ils sont consacrés à exposer les théories élémentaires d'après lesquel les on doit étudier et reconnaître la science du symbolisme. Les troisième et quatrième volumes appliqueront ces théories à l'architecture, à la peinture et à la sculpture chrétiennes : l'auteur espère y expliquer toutes ces énigmes semées sur les murs, sur les chapiteaux, aux voûtes des églises.

Le premier volume est une introduction à l'œuvre d'ensemble, établissant l'existence et l'emploi du symbolisme dans les usages de tous les peuples, et les rapports de la société de tous les temps. L'auteur y examine les langues écrites ou parlées, les sciences, les nombres, les hieroglyphes, les croyances divines et païennes, et les arts chez les anciens. A propos de ceux-ci, M. l'abbé Auber développe des idées neuves, en général, sur l'esthétique des arts d'imitation par la peinture et la statuaire, et sur l'architecture; il entre dans ces détails sur le symbolisme des couleurs si oublié aujourd'hui. Il critique les systèmes plus ou moins contestables d'auteurs et d'artistes en renom, et il le fait avec une modération qui n'enlève aucune valeur à la force de son argument.

Le nom de M. l'abbé Auber, l'un des savants les plus laborieux du Poitou, 19

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est une garantie éloquente pour le
lecteur qui voudra s'initier à une
science trop négligée depuis trois
siècles.
A. DE B.

Flistoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, racontée à mes petits enfants, par M. GUIZOT. Ouvrage illustré d'environ 200 gravures sur bois d'après les dessins d'A. de Neuville. Paris, Hachette, 1870-71, t. I (25 livraisons ont paru, p. 1-416), in-4°.

Il ne peut entrer dans notre pensée de rendre compte ici de l'Histoire de France de M. Guizot et d'apprécier cet ouvrage. Nous le ferons, quand le moment en sera venu, à une autre place que celle-ci; mais il n'est pas possible de différer plus longtemps de présenter à nos lecteurs une œuvre que le nom de l'auteur recommande suffisamment à leur attention, de lui dire brièvement ce qu'elle est et comment elle a été composée et traitée.

Laissons d'abord la parole à M. Guizot. Lui-même nous expose son but : il a voulu, pour ses petits enfants comme pour le public, bien faire comprendre notre histoire, intéresser en satisfaisant à la fois l'intelligence et l'imagination, en la montrant à la fois claire et vivante « Pour atteindre, dit-il, le but que je me proposais, j'ai toujours pris soin de rattacher mes récits ou mes réflexions aux grands événements ou aux grands personnages de l'histoire... Les grands événements et les grands hommes sont les points fixes et les sommets de l'histoire; c'est de là qu'on peut la considérer dans son ensemble et la suivre dans ses grandes voies. >>

Il ne faut donc pas s'attendre à trouverici un récit suivi: Les grands hommes et les grands fails de l'histoire de France, tel pourrait être le titre de l'ouvrage de l'illustre écrivain. Il

prend les choses ab oro, et ses cent quinze premières pages sont consacrées à la description de la Gaule, aux peuples qui l'habitaient, aux expéditions des Gaulois, aux invasions romaines. aux campagnes de César, à la Gaule sous la domination romaine, à l'établissement du christianisme dans la Gaule. Enfin les Francs, et avec eux la France, apparaissent à la suite de ce long préambule, et l'historien arrive aussitôt à Clovis, après un rapide aperçu des invasions des barbares. Nous voici en présence d'une de ces figures qui captivent l'attention, de ce « grand barbare qui, à travers tant de vices et de crimes, a fait ou plutôt a commencé deux grandes choses qui ont déjà duré quatorze siècles et qui durent encore, la monarchie française et la France chrétienne. » Après lui, il ne rencontre plus, pendant deux siècles, que de « ces personnages que la mort rejette dans l'insignifiance. »> Aussi l'historien glisse-t-il légèrement sur les Mérovingiens c'est à peine s'il rappelle ces épisodes qui ont fait l'objet du livre célèbre d'Augustin Thierry, et s'il s'arrête un instant à Dagobert qui « à tout prendre, fut, après Clovis le plus distingué des rois francs et le dernier vraiment roi de la race des Mérovingiens. » Voici venir les Carlovingiens la rude figure de Charles-Martel et la majestueuse grandeur de Charlemagne vont apparaître dans une lumière éclatante sous la plume de l'historien. Ses pages sur le grand empereur (p. 193232) sont dignes de lui: «Charlemagne a aspiré et atteint à toutes les grandeurs la grandeur militaire, la grandeur politique, la grandeur intellectuelle; il a été un habile guerrier, un législateur actif, un héros poétique. Et il a réuni, il a déployé tous ces mérites dans un temps de barba rie générale et monotone où, sauf dans l'Église, les

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esprits étaient inertes et stériles. » Charlemagne mort, les grandes figures ne sont plus dans la famille régnante, mais dans la maison qui bientôt va s'appeler la Maison de France. L'historien raconte le démembrement de l'empire, les faiblesses de Louis le Débonnaire, les divisions intestines de ses fils; il rend justice, en passant, aux vertus et aux bonnes intentions» de quelques-uns des Carlovingiens; mais pour trouver des hommes, il faut s'adresser à la race qui arrêta le flot des invasions normandes, et qui, pendant la plus grande partie du x siècle, exerça de fait le pouvoir. Ceci conduit l'historien à exposer les origines de la féodalité et à apprécier ce régime féodal, demeuré si « odieux à l'instinct public, » et qui apparait alors comme « une sorte de pis-aller nécessaire.» «La féodalité seule a pu naître du sein de la barbarie; mais à peine la féodalité estelle établie, qu'on voit naître et grandir dans son sein, la monarchie et la liberté. » Les premiers Capétiens, la conquête de l'Angleterre, les Croisades, tels sont les faits qui remplissent les dernières livraisons parues de l'Histoire de France de M. Guizot.

Il nous est impossible de suivre plus longtemps le grand historien. Plus son récit avance, plus il prend d'ampleur, plus les événements se déroulent avec cette clarté dans l'exposition et cette sobriété dans le style qui n'appartiennent qu'aux maîtres. Une grande équité domine tous les jugements, et l'on ne rencontre guère la trace de ces passions et de ces préventions dont, d'ailleurs, l'historien de la civilisation française a su plus qu'aucun écrivain de notre temps se montrer exempt. Nous citerons en passant cette appréciation des Croisades : « Leur œuvre n'a pas été vaine, car dans l'ensemble de l'histoire du monde, les croisades ont marqué le

temps d'arrêt de l'Islamisme, et puissamment contribué à la prépondérance décidée de la civilisation chrétienne. >>

Un mot en terminant à l'adresse des éditeurs. Ils n'ont à coup sûr rien négligé pour placer cette œuvre importante dans les meilleures conditions typographiques; ils ont confié à un artiste habile le soin des illustrations. Mais ont-ils bien réussi à joindre l'exactitude au pittoresque? A côté d'un récit aussi grave et aussi sobre, pourquoi des gravures si dramatiques et parfois si échevelées ? Pourquoi des scènes sur lesquelles l'œil de l'enfance ne saurait s'arrêter sans inconvénients (voir p. 43 et 163) ? Il y a là un défaut d'harmonie que nous regrettons et que nous croyons devoir signaler à la vigilante attention des éditeurs.

G. DE B.

François de Tersac, baron de Montberaud. Essai biographique renfermant quelques lettres inédites d'Henri III, d'Henri IV et de Catherine de Médicis, par l'abbé Jules de CARSALADE DU PONT. Auch, 1871, F. Foix, in-8o de 29 p. (Extrait de la Revue de Gascogne).

Un hasard que M. l'abbé de Carsalade a bien raison d'appeler heureux, lui a mis sous la main une douzaine de lettres inédites adressées, les dix premières, par Henri III et par Catherine de Médicis à François de Tersac, les deux dernières, par Henri IV, l'une à Jean-Jacques de Tersac, frère du baron de Montberaud (10 mars 1577), l'autre à M. de Badens (26 juin 1594). Les neuf lettres d'Henri III sont ainsi datées 2 janvier 1577, 4 mai 1579 (celle-là, signée à la fois par Henri III et par sa mère, à Nérac), 8 février et 13 avril 1580, 30, 31 juillet et 30 septembre 1585, 24 mai et 24 septembre 1586. La lettre de Catherine de Médicis fut écrite à Agen, le 20 mars 1579. Ces divers documents et l'excellent

commentaire dont M. l'abbé de Carsalade a su les entourer, aident à mieux connaître l'histoire des guerres de religion en Guyenne et en Languedoc, et font revivre le souvenir d'un vaillant chevalier gascon, « dont la vie tout << entière se passa à combattre non << sans gloire pour les plus saintes «< causes: Dieu et le roi, et dont le « nom cependant manque à tous les << grands recueils biographiques et « nobiliaires. » A de nombreux détails sur le maréchal des camps et armées du roi, M. l'abbé de Carsalade a joint de nombreux détails sur la gé néalogie de la maison de Tersac de Montberaud. Signalons aussi (p. 17-21) un rôle inédit de la compagnie de gens d'armes levée par François de Tersac, tiré des archives du séminaire d'Auch, et renfermant une cinquantaine de noms, qui tous appartiennt à la noblesse gasconne. Enfin, n'oublions pas de dire que la lettre du roi de Navarre à J.-J. de Tersac, constatant la présence du prince à Mirande, le 10 mars 1577, permet de combler une des lacunes de l'Itinéraire de Henri IV, itinéraire dans lequel le mois de mars de ladite année était resté complétement vide. Tous ceux qui recherchent dans les renseignements historiques la nouveauté et la sûreté, seront contents du travail de M. l'abbé de Carsalade, et souhaiteront, comme moi, que ce consciencieux chercheur nous donne le plus possible de travaux du même genre.

T. DE L.

Le premier président de Gourgues et le duc d'Epernon, par Louis de VILLEPREUX. Paris, Cotillon, 1870, in-8° de 103 p.

Le mémoire de M. de Villepreux, après avoir été honoré d'une médaille d'or par l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Bordeaux, a paru dans la Revue critique de législation et

de jurisprudence. C'est une consciencieuse étude sur le premier président du parlement de Bordeaux, et sur le lieutenant général du roi en Guyenne. L'auteur a retracé d'une plume rapide la biographie de ces deux personnages, mais il s'est occupé tout particulièrement de l'histoire de leur vie dans la période comprise entre les années 1623 et 1628. M. de Villepreux n'a rien négligé pour raconter avec une minutieuse exactitude, les querelles de l'homme de robe et de l'homme d'épée. Car, non-seulement il a consulté Leaucoup de livres, soit de leur temps, soit de notre temps, mais encore beaucoup de manuscrits, et, parmi ces derniers, les Registres secrets du parlement de Bordeaux, conservés à la bibliothèque de cette ville, et la correspondance inédite de M. de Magnas de Saint-Gery, cousin du duc d'Epernon, et chargé par lui de diverses missions à la cour, correspondance qui fait partie des papiers de famille de M. le baron de SaintGery, à Marmande, sans parler des nombreux documents réunis dans le 17 volume de la collection Dupuy. M. de Villepreux, entre Marc Antoine, de Gourgues, et Louis de La Valette, duc d'Epernon, a pris nettement parti pour le magistrat dont il glorifie « le noble caractère et la haute indépendance, » et qui maintient avec tant d'énergie « les droits et l'autorité du parlement contre le plus hautain et le plus turbulent des grands seigneurs de cette époque. » Je n'ai que des éloges à donner soit au récit, soit aux appréciations de M. de Villepreux. Je relèverai seulement une petite erreur du lauréat de l'Académie de Bordeaux: Marie de Médicis n'était pas prisonnière à Angers (p. 11), mais bien au château de Blois, quand le duc d'Epernon la délivra et l'amena triomphalement à Angoulème. T. DE L.

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