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roman d'Eugène Sue, Latréaumont (1837).

T. DE L.

Les derniers Troubadours de la Provence, d'après le chansonnier donné à la Bibliothèque impériale par M. Ch. Giraud, par M. Paul MEYER. Paris, Franck, 1871, gr. in-8° de 207 p.

Le mémoire de M. Paul Mayer, extrait des tomes XXX et XXXI de la bibliothèque de l'Ecole des Chartes, est, sans contredit, le plus important et le meilleur de tous les travaux de cet érudit, relatifs à la littérature provençale. Ce mémoire se divise en trois parties, l'introduction, l'analyse et l'appréciation des pièces nouvelles du recueil, l'appendice. Dans l'introduction, le savant critique, après avoir rapidement retracé l'histoire du déclin et de la chute de la poésie des troubadours, décrit le chansonnier Giraud et raconte les aventures de ce précieux manuscrit qui paraît avoir été possédé par Jean de Nostre-Dame, l'auteur des Vies des poètes provensaux, et qui, offert en 1836 par Mme la marquise de Simiane à M. Giraud, a été donné par cet ancien ministre de l'Instruction publique, en 1859, à la Bibliothèque nationale, où il a reçu le n° 12472 du fonds français.

Abordant ensuite les textes, M. Meyer les groupe, autant que possible, par ordre chronologique sous le nom de chaque auteur, discutant avec la plus heureuse sagacité les mille questions historiques et philologiques qu'il rencontre sur son chemin. Il cite de nombreux fragments des poésies inédites que renferme le chansonnier Giraud, et de cette partie de son livre il forme ainsi, en quelque sorte, une anthologie qui, accompagnée de notices à la fois biographiques et littéraires, nous fait admirablement connaitre la poésie méridio

nale dans la période comprise entre 1270 et 1310 environ. Les troubadours dont s'occupe M. Meyer sont : Guilhem de Saint-Didier, Hugo de Maensac, Peire Cardinal, Daspol (inconnu jusqu'à ce jour), Guilhem de Murs, Jacme Mote d'Arles, Bertran Carbonel de Marseille, Rostanh Berenguier de Marseille, Johan de Pennes, Ponson, Moter, Berenguier, Trobel (trois noms entièrement nouveaux), G. de Lobevier, Bertran Albaric et Guibert (également inconnus jusqu'ici comme les deux suivants), Peire Trabastal et Rainaut de Tres Sauses. M. Meyer a eu soin de relever un assez bon nom. bre d'erreurs commises par ses devanciers, notamment par Raynouard, par Diez, par Bartsch, par Don Manuel Mila (p. 18, 46, 57, 58, 68, etc). Je me contenterai de signaler une seule de ses rectifications, celle de l'erreur de Raynouard publiant dans l'Annuaire de la Société de l'Histoire de France pour l'année 1837, deux couplets sous le nom de RichardCoeur-de-Lion, alors que ces couplets appartiennent à une chanson de Cercamon. Une des discussions les plus intéressantes de toutes celles qui abondent dans le mémoire de M. Meyer, est la discussion à laquelle il se livre (p. 134-138), pour établir la mauvaise foi et l'ignorance de J. de Nostre-Dame. L'habile critique met si bien en lumière les inexactitudes infinies (volontaires ou involontaires) de l'auteur des Vies des poètes provensaur, que tout le monde redira avec lui (p. 138): « Il n'en faut pas plus pour retirer toute valeur à un livre qui, tant dans sa forme originale que dans la traduction qu'en a faite un Italien laborieux, Crescimbeni, est encore la source où beaucoup vont puiser ou compléter leur connaissance de la littérature provençale. »

A l'appendice, on trouve les tables très-détaillées du chansonnier Giraud

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Notice our Marguerin de La Bigne, theologal de Bayeux et grand doyen de l'église du Mans (15461597), par le R. P. dom Paul PioLIN, bénédictin de la Congrégation de France. Caen, Le Blanc-Hardel, 1870, in-8° de 67 p.

Marguerin de La Bigne, un des érudits qui ont fouillé avec le plus d'ardeur et le plus de succès « le champ immense de la Bibliothèque des Pères de l'Eglise,» a été tantôt oublié par les critiques, tantôt insuffisamment étudié par eux. Le savant auteur de l'Histoire de l'église du Mans vient de le venger d'une manière éclatante de l'oubli des uns, de la légèreté des autres. Il est impossible d'être plus exact et plus complet que l'a été dom Piolin dans la notice, à la fois biographique et bibliographique, dont j'ai le plaisir de rendre compte, et qui restera comme un modèle. C'est surtout à l'aide des anciennes archives du chapitre de Saint-Julien du Mans, que le R. P. a rectifié les inexactitudes échappées à ses devanciers, et comblé les lacunes de leurs travaux. Du reste, le nouvel éditeur du Galli christiana ne se contente pas de relever les erreurs relatives à l'éditeur des huit volumes in-folio de la Bibliothèque des Saints-Pères (1575-1578); il relève aussi celles qui ont été commises au sujet de divers membres de la famille de La Bigne, notamment de Gace de La Bigne, chapelain des rois Philippe de Valois, Jean le Bon et Charles V, auteur du poëme intitulé: Le roman des oyseaulx et des chiens, cité trop souvent sous le faux titre

de: Déduictz de la chasse, et trop souvent aussi attribué à Gaston Phébus. Signalons, au milieu de toutes les excellentes indications historiques et littéraires rassemblées par dom Piolin en ces remarquables pages, une note très-curieuse au point de vue bibliographique (p. 48), sur les auteurs qui ont repoussé, comme apocryphe, la Pragmatique sanction attribuée à saint Louis.

Maintenant, qu'il me soit permis de prendre la parole pour un petit fait personnel, et de dire au vénérable érudit, en réponse à un bienveillant reproche (p. 6), que l'on a écrit si souvent Margarin ou Marguarin (en latin Margarinus), au lieu de Marguerin, que j'étais presque autorisé à me servir de la première forme de ce prénom. In dubiis libertas. C'est en vertu de cette sentence de saint Augustin, que dom Piolin a pu (p. 53) appeler Clemangis, le célèbre théologien que beaucoup d'autres appellent Clamanges, nom que porte le village du département de la Marne, d'où était originaire l'ami et l'émule de Gerson et de Pierre d'Ailly.

T. DE L.

Vie de Guy du Faur de Pibrac, par Guillaume COLLETET, de l'Académie française, publié avec notes et appendices, par Ph. TAMIZEY DE LARROQUE. Paris, A. Aubry, 1871, gr. in-8° de 75 p.

M. Tamizey de Larroque nous a donné déjà la Vie des poëles gascons et la Vie des poëles agenais, sauvant ainsi non-seulement de l'oubli, mais encore de la ruine, les riches trésors littéraires de Guillaume Colletet, qui viennent de disparaître dans l'incendie de la Bibliothèque du Louvre.

Nous espérons qu'il a bien encore quelques Vies en portefeuille et que son Pibrac ne sera pas le dernier joyau qu'il nous donnera,

La Vie de Pibrac est une des notices de Colletet qui semble avoir été le plus soigneusement préparées; c'est aussi une des plus développées et des plus intéressantes. Mais ce qui y ajoute un très-grand prix, ce sont les notes, les commentaires et les rectifications du savant éditeur. Je dirai même que, quand on est si riche de son propre fonds, on ne devrait pas se borner à annoter un texte; le public est en droit de demander davantage et de réclamer un travail personnel, qui laisserait bien loin derrière lui l'œuvre érudite mais un peu surannée de l'auteur de la Vie des poèles français. Du reste, M. Tamizey de Larroque nous offre, dans ce travail même, une page de son crú qui nous fait d'autant plus regretter qu'il se montre habituellement si réservé et si avare : il termine la publication du texte, si savamment annoté, et de trois lettres inédites de Pibrac, par une dissertation sur la passion dont Marguerita de Valois fut l'objet de la part de son chancelier (p. 57-66). L'appendice comprend encore une note sur quelques citations relatives à Pibrac et sur les travaux récents dont il a été l'objet, et des indications pour une nouvelle édition des Quatrains.

G. DE B.

Inventaire des manuscrits de la Sorbonne, conservés à la bibliothèque impériale, sous les numéros 15176-16718 du fonds latin, par Léopold DELISLE, membre de l'Institut. Paris, Aug. Durand et PedoneLauriel, 1870, gr. in-8° de 77 p.

Cet Inventaire, extrait du tome XXXI de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, fait suite aux Inventaires

dont j'ai parlé ici (livraison du 1er juillet 1870, p. 334), et il est dressé ai-je besoin de le dire? avec le même soin, la même exactitude. Bibles, psautiers, vies des Saints, décrétales, sermons, gloses, ouvrages de l'antiquité classique, ouvrages des Pères de l'Eglise, ouvrages des docteurs du moyen âge, recueils spéciaux relatifs à la Sorbonne, mélanges du XVIIe siècle, abondent dans les 1,500 manuscrits énumérés par M. Delisle. J'appellerai l'attention des curieux sur les articles 15464-15466 (catalogues de la Bibliothèque du cardinal de Richelieu), 15488 (manuscrit en tête duquel figu. re une lettre adressée, vers 1351, par le cardinal Pierre Ducros à l'évêque de Cambrai, et au chapitre de NotreDame d'Anvers, pour maître Jean de Clotinghem, 15707 (manuscrit à la fin duquel on trouve des notes sur la mort de Clément IV), 16021 (prophéties diverses en latin et en italien), 16074 (Miracle arrivé à Laon en 1565), 16139 (Jo Bodini, de abditis rerum sublimium arcanis), 16315 (livre de prières offert par le calligraphe Jarry à Michel Le Masle), 16409 (pour gardes de ce volume: fragments de comptes relatifs aux travaux de fortification de Paris, en 1364), 16575 (Recherches de Cl. Hemeré sur Robert de Sorbonne), etc. Espérons que la publication des inventaires du fonds latin, commencée en 1863, sera régulièrement continuée jusqu'à complet achèvement, et, certes, ce ne sera pas là un des moindres titres d'honneur d'un homme qui, soit comme érudit, soit comme bibliothécaire, a déjà rendu tant de services à la science et aux travailleurs. T. DE L.

VICTOR PALMÉ.

Le Mans. Imprimerie Ed. Monnoyer, place des Jacobins.

CLÉMENT V

PHILIPPE LE BEL ET LES TEMPLIERS

I

On aurait de la peine à trouver, dans toute l'histoire de France, un événement dont les causes soient moins connues et dont le caractère soit plus diversement apprécié que la condamnation des Templiers sous Philippe le Bel. La suppression d'un ordre militaire et religieux aussi puissant est en soi une chose grave, et les violences qui l'accompagnèrent donnent fort à réfléchir. L'accord de la puissance temporelle et du pouvoir séculier, de l'Église et de la royauté, fut nécessaire, mais cet accord fut long à s'établir, et peut-être n'a-t-il pas été bien sincère. Les chevaliers du Temple étaient-ils coupables? Quels motifs ont pu pousser le roi de France à provoquer leur destruction? Quelles raisons ont pu déterminer le Saint-Siége à prononcer leur abolition? Ce sont là des problèmes dont l'examen a sa place marquée dans la Revue des questions historiques.

Tout d'abord, il convient de restreindre le nombre des points sur lesquels doit porter la discussion. La culpabilité des Templiers forme, à elle seule, une question qui mérite et même exige une étude spéciale; aussi la réserverons-nous et l'ajournerons-nous. Bornons-nous pour l'instant à rechercher pourquoi Philippe le Bel poursuivit la suppression du Temple, et par quels moyens il l'obtint du Pape; car, disons-le tout de suite, il y eut, d'une part, obsession ardente et persévérante; d'autre part, résistance ferme et prolongée, qui finit pourtant

T.

x. 1871.

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par être vaincue. Il y a là des mystères à éclaircir, d'autant plus que la tradition historique, s'appuyant sur des bruits contemporains, présente Clément V comme forcé d'obéir à Philippe le Bel en vertu d'un traité secret; c'est donc, à proprement parler, l'histoire des rapports de Philippe le Bel avec Clément V au sujet des Templiers, que nous nous proposons de retracer, à l'aide de documents inédits, ou interprétés autrement qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour.

Ce récit sera souvent douloureux, et le lecteur sera plus d'une fois attristé par le spectacle de la pression implacable que le petit-fils de saint Louis cherchait à exercer sur le Souverain Pontife: peut-être souhaitera-t-il plus de fermeté de la part du successeur de saint Pierre; mais il devra faire la part des circonstances. En tout état de cause, nous pensons que cette étude minutieuse des faits, appliquée à une époque où la papauté exilée de Rome était venue chercher un asile de ce côté des Alpes, sera instructive, et fera voir que l'indépendance du Saint-Siége est une condition nécessaire du libre exercice du pouvoir spirituel, et que, lorsque cette indépendance a fait défaut, la papauté a eu à lutter contre des exigences ou des influences que son devoir lui commandait de repousser, mais que sa faiblesse la forçait quelquefois de subir.

Clément V fut, en effet, le premier Pape d'Avignon. Dès le milieu du XIIIe siècle, le séjour de Rome était devenu presque impossible, par suite des querelles des Guelfes et des Gibelins. L'aristocratie romaine, partagée en deux camps, dominait dans la ville éternelle : Pérouse était devenue le séjour habituel des Papes. Boniface VIII avait dù se retirer à Anagni, sa ville natale, dans l'espérance d'échapper aux violences de Philippe le Bel, qui surent l'y atteindre. Ce fut à Pérouse que se tint le conclave réuni pour donner un successeur à Benoît XI qui, en 1304, avait remplacé Boniface VIII.

Mais bien que tourmentée, la papauté était, sauf des cas tout à fait exceptionnels, soit à Rome, soit à Pérouse, soit dans une autre ville italienne, à l'abri de pressions extérieures. Il n'en fut pas de même quand elle se fut retirée à Avignon. Une ancienne légende veut que ce soit sur les ordres de Philippe le Bel que Clément V ait transporté, hors d'Italie, le siége du souverain Pontificat, et voici comment.

Jusqu'à nos jours, on a accepté le récit du chroniqueur ita

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