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M. Jules Petit, et qui rectifie les incorrections du texte.

G. DE B.

Les errata historiques militaires, par Th. JUNG, capitaine d'étatmajor. I. De quelques errata de l'annuaire militaire français. II. (Michel Le Tellier.) III. Rocroy, Thionville, Sierck, le passage du Rhin. Paris, bureaux de la Revue militaire française, 11, rue SaintDominique, 1869, trois fasc. gr. in-8° de 27, 56 et 57 p.

M. Jung est un des rares capitaines d'état-major de l'armée française qui, sous le régime impérial, consacraient à l'étude et aux recherches historiques les loisirs qui leur laissait la vie militaire. Dans ses Errata historiques militaires, publiés par une revue spéciale et dont nous avons trois fascicules sur les yeux, il nous apprend qu'il a conçu le projet d'écrire une histoire complète, appuyée sur les pièces originales, du ministère de Michel Le Tellier, secrétaire d'État de la guerre, père de Louvois. Il relève les assertions contenues dans l'Annuaire militaire et dans les livres qui servent à l'enseignement de l'armée, et démontre qu'elles sont en ce qui concerne Le Tellier, et ne peut-on point dire ici: ab uno disce omnes?

de la plus flagrante inexactitude. Dans sa sainte indignation, le capitaine Jung s'écrie: « En présence de cet exposé rapide, on ressent plus que de la curiosité, on éprouve un sentiment de tristesse. On se demande ce que peut être notre malheureuse histoire de France, et l'on comprend mieux cette phrase de notre maître à tous en fait d'études historiques, M. Aug. Thierry « Notre vraie histoire de France est encore ensevelie dans la poussière de nos chroniques contemporaines. >>

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Ce n'est pas dans les chroniques que M. Jung a dirigé ses patientes in

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vestigations c'est dans les innombrables cartons des archives de la Guerre, mine précieuse et presque inexplorée. C'est de là qu'il tire aujourd'hui ses Errata militaires, qui sont comme une préface à son livre : Le secrétariat de la guerre sous Michel Le Tellier, et où il expose son plan, sa méthode, les éléments de son travail, où il entre déjà dans le vif de la question en prenant, sur Le Tellier, sur Sublet des Noyers, sur la campagne de 1643 et le rôle du duc d'Enghien, les historiens en flagrant délit d'inexactitude ou d'omission.

Espérons que M. Jung est sorti sain et sauf de la terrible campagne de 1870-71, et qu'aux Errata que nous signalons, à ses intéressants articles sur le Masque de fer, publiés par la Revue contemporaine, et qui sont restés inachevés, il pourra ajouter bientôt les importants travaux qu'il a si laborieusement et si consciencieusement préparés.

G. DE B.

Biographie et fragments inédits des manuscrits du baron de Vuorden, diplomate attaché à l'ambassade d'Espagne auprès de Louis XIV, plus tard grand bailli des États de Lille, etc., par C. DE VENDEGIES. Paris, Aug. Aubry, 1870, in-8° de 285 p.

Ceci n'est point à proprement parler un texte original. C'est un résumé, avec extraits, des correspondances, mémoires, journal de voyage, etc., de M. de Vuorden, conservés à la bibliothèque de Cambrai. M. de Vendegies nous dit qu'entre une simple analyse et une reproduction intégrale il a cru devoir prendre un moyen terme, «faire disparaître les longueurs, compléter des textes l'un par l'autre, et enfin conserver in extenso les passages qui pouvaient l'être sans fatigue pour le lecteur. » Nous pensons que l'éditeur a trop songé au lecteur et

point assez à l'historien. Si pour l'un ce résumé peut suffire, il ne saurait en être de même pour l'autre rien ne remplace le texte même. J'ajouterai que ce que nous lisons de la plume de M. de Vuorden doit inspirer le regret que, sans reproduire tous les manuscrits laissés par le soldat diplomate, on n'ait point fait un choix et donné intégralement les fragments publiés.

Quoi qu'il en soit, nous avons là

avec les éléments d'une biographie qui aurait dû précéder le texte, dans les conditions que nous indiquons, mais qu'il faut chercher dans l'analyse et dans les extraits quelques détails intéressants sur les guerres de Flandre (1653-56) et d'Italie (1657-58, sur la paix des Pyrénées et l'entrevue de Louis XIV avec Marie-Thérèse, sur la cour depuis le 6 février jusqu'au 6 avril 1661 (le journal tenu à cette époque par Vuorden est ici reproduit textuellement), et la mort de Mazarin, etc. Vuorden, qui était né à Chièvres, sujet espagnol, en février 1629, passa en 1668 au service de la France, et donne de curieux détails sur l'entretien qu'il eut alors avec la reine. Il fut nommé grand bailli des États de Lille, reçut le titre de baron en 1679 et mourut le 3 août 1689, laissant le souvenir d'un esprit cultivé, lettré même, d'un brillant militaire, d'un diplomate estimé, d'un parfait honnête homme et d'un noble

cœur.

Nous espérons que la publication de M. de Vendegies, faite avec luxe et tirée seulement à cent exemplaires, n'est que l'avant-goût d'une édition plus complète et plus critique des manuscrits du baron de Vuorden.

FR. DE F.

Les Assemblées provinciales sous Louis XVI et les divisíons administratives de1789, par le vicomte de LUÇAY. Paris, G. de Graet, 1871, gr. in-8° de vi636 p. (Publication de la Société bibliographique.)

M. de Lavergne avait surtout étudié en historien la grande réforme opérée aux derniers jours de la monarchie par Louis XVI. M. de Luçay l'apprécie au contraire, presque exclusivement, au point de vue administratif. Une introduction, riche de faits et d'observations, initie le lecteur à l'organisation de la France à la fin du XVIII siècle; intendances, contributions des pays d'États, tout est décrit avec directes et indirectes, administration soin, et offre ainsi le tableau le plus complet que nous ayons de notre ancien régime; on pourrait seulement brouillée, des résumés encore plus réclamer, dans une matière si emclairs à la fin de chaque chapitre. M.de Luçay examine ensuite les plans de Turgot, les plans de Necker, montre que l'administration provinciale constituait une notable amélioration sur l'état précédent, et que, malgré les faibles moyens d'action, souvent contestés, dont disposaient pendant des résultats matériels imles Assemblées, elles amenèrent ceportants suppression générale de la corvée, abonnement des vingtièmes, adoucissement des tailles, révision du cadastre, forte impulsion donnée aux travaux publics, etc..., tout ce qui préparait le rapprochement entre les classes de la société et surtout l'abandon des priviléges, car on voyait la noblesse et le clergé renoncer à l'exemption des impôts. C'étaient là, il faut en convenir, d'heureux fruits d'une innovation qui, venue en d'autres moments que ceux de la lutte entre le Roi et le Parlement, eût pu empêcher les emportements qui, au

lieu d'une réforme nécessaire, amenèrent la Révolution.

M. de Luçay nous a donné un très-bon travail sur les divisions. administratives de 1789, et sur l'organisation des corps municipaux lors de la constitution de l'an III et de la loi du 28 pluviôse. On reconnaît le légiste maître de son sujet. Enfin, un travail très-curieux, comparant les généralités avec les départements qui en ont été formés, termine cet ouvrage, dont la première édition, parue en 1857, a été considérablement augmentée. Dans ce tableau comparatif, on voit que les provinces payaient, les unes plus, les autres moins que les départements actuels, par rapport aux recettes totales du budget. Ainsi l'Alsace payait un et demi pour cent de l'ensemble des contributions du royaume; les deux départements formés de l'Alsace payent deux pour cent des recettes totales du budget. Le Languedoc payait six et demi pour cent de l'ensemble des contributions; aujourd'hui les départements qui le composent payent quatre et demi. Le Bourbonnais payait un, sept dixiè mes pour cent, les départements qui en ont été formés payent deux, un dixième pour cent. La Normandie payait dix pour cent, les départements payent aujourd'hui huit, neuf dixièmes pour cent, etc... L'ouvrage de M. de Luçay nous parait très-utile pour connaître et apprécier notre organisation administrative ancienne et nouvelle. Le titre ne dit pas assez tout ce que renferme ce savant travail.

H. DE L'E.

Histoire de la Révolution dans le département de l'Aisne, 1789, par Alfred DESMAZURES. Vervins, imp. Flern; Paris, Décembre-Allonnier, 1869, in-8° de 311 p. En lisant sur le titre « Ouvrage

couronné par la Société académique de Saint-Quentin, »> on s'attend à trouver ici un travail sérieux, calme, impartial, fait d'après toutes les sources, imprimées ou inédites, soigneusement compulsées, et utilisées avec l'intelligence et le tact du véritable historien. Nous avouerons avec regret qu'il n'en est rien, que le livre de M. Desmazures laisse de tout point à désirer, que les recherches sont insuffisantes, que la part de l'inédit est nulle; qu'enfin, les défauts sont aggrayés par le style déclamatoire de l'auteur et par les fantaisies révolutionnaires les plus exagérées. Ainsi, d'après l'auteur, l'ère ouverte dans la nuit du 4 au 5 août << allait donner à la France plus de grandeur en cinquante ans que pendant les quatorze siècles passés sous les institutions détruites; » « la jeune France épousait le droit; » « sans les excitations réactionnaires, la monarchie constitutionnelle aurait été établie pour longtemps en France; » Louis XVI avait beau protester, «l'armoire de fer devait... montrer la fausseté de ses sentiments; » après Varennes, « il ne pouvait plus être considéré que comme un ennemi, par la nation comme un prévenu, » etc., etc. Ainsi, à un endroit de son livre, l'auteur réfute le Catéchisme de la Révolution qui avait la naïveté d'admettre le culte catholique et de croire aux miracles; ailleurs il discute un bref de Pie VI, et démontre-victorieusement cela va sans dire que le Pape n'entendait rien au véritable esprit évangélique; il n'a que des éloges pour l'évêque constitutionnel Marolles, le prélat qui dans un sermon « à ses ouailles» disait que « depuis quatre cents ans la nation gémissait sous le plus dur esclavage, et que, sous ce funeste gouvernement, un seul homme était libre et des millions étaient esclaves, » etc.

Est-ce à dire que tout soit répré

hensible dans le livre de M. Desmazures, et que l'on n'en doive tirer aucun profit? Je me garderai bien d'aller jusque-là. L'auteur nous donne d'intéressants renseignements sur l'assemblée provinciale de 1787 et sur les opérations qui précédèrent les élections aux États généraux; il analyse longuement les cahiers. Seulement ici, il tire des conclusions exagérées quand il prétend voir la souveraineté nationale se substituant, dans la pensée des électeurs, à la souveraineté royale. Il constate d'ailleurs que le clergé, « à part quelques vœux rétrogrades dictés par le désir de maintenir son importance, demandait une bonne partie des réformes qui allaient s'accomplir; » que « la noblesse renonçait à ses priviléges et s'engageait à supporter toutes les impositions consenties par les États généraux; » qu'enfin les principales réformes à faire à la monarchie sont écrites dans les cahiers du clergé et de la noblesse. » M. Desmazures est naturellement fort hostile à l'émigration, qu'il trouve antipatriotique et sans motifs légitimes. Il nous apprend pourtant que, dès les mois de juillet et d'août 1789, « la foule se portait aux derniers excès contre les châteaux et les nobles, » et que « les chartriers et les terriers, preuves du droit des oppresseurs, étaient brûlés au milieu des saturnales d'un peuple enivré de liberté et d'égalité. » Il nous montre l'exaspération qui régnait après le décret du 4 août. En juin 1790, les bandes armées pillaient les châteaux de Gercy, de Puiseux, de Le Hénie, de Sains, etc., et chaque bande était suivie d'un notaire pour faire signer aux seigneurs des actes de renoncement à tous leurs droits féodaux. « C'étaient, dit l'auteur, les représailles des opprimés. » — A côté de ces dispositions menaçantes et de cet esprit révolutionnaire qui gagne les masses, on constate un attache

ment persistant à la royauté: « L'amour d'un roi qui, depuis son avénement au trône, s'est montré le père de son peuple..., disait en juillet 1790, le directoire de l'Aisne, va devenir le devoir impérieux et l'habitude constante de tous les Français. Il sera, comme il a toujours été, le caractère et la passion de tous les citoyens du département de l'Aisne. » Et ces protestations se renouvellent jusqu'à la veille du 10 août. L'auteur avoue luimême, à la date de juin 1791, que « les chefs de l'armée, de la marine, le clergé, la noblesse, une bonne partie du peuple étaient royalistes. » Il ressort donc, au fond, de la lecture de ce livre: 1o que les réformes demandées par la France royaliste auraient pu être accomplies sans la Révolution; 2° que c'est une minorité violente et factieuse qui a imposé sa loi au pays. Le pays, qui pouvait se régénérer en se transformant, a été ainsi conduit, de catastrophes en catastrophes, à la lamentable situation où nous le trouvons à l'heure présente.

G. DE B.

La justice révolutionnaire août 1792, prairial an III, d'après des documents originaux, la plupart inédits, par M. BERRIAT SAINTPRIX, conseiller à la cour impériale de Paris. Tome ler. Deuxième édition. Paris, Michel Lévy, 1870, gr. in-8° de xxxI-490 p.

M. Berriat Saint-Prix, enlevé au mois de septembre 1870, au moment où il venait d'imprimer le présent volume, avait passé vingt ans à recueillir dans nos dépôts de Paris et dans toutes les archives provinciales, les matériaux du vaste ouvrage dont il avait publié une ébauche en 1861, et dont les remaniements successifs avaient paru depuis dans le Cabinet historique. La Revue a pu ainsi, à plus d'une reprise, mettre ses lecteurs

au courant des travaux du savant magistrat, que je rencontrais souvent à cette bibliothèque du Louvre, si précieuse, si favorable à l'étude, et que, hélas ! nous ne retrouverons plus. M. Berriat Saint-Prix apportait à cette enquête les dispositions qui lui étaient propres : c'était comme une révision de tous ces procès qu'il entreprenait, et dont il consignait les résultats dans ces études sur chaque tribunal révolutionnaire que nous retrouvons ici groupées. Avec quelle patience, quel zèle, quel soin minutieux ce travail fut poursuivi, c'est ce dont se rendront compte tous ceux qui liront ces pages, où la Vérité seule se fait entendre, et où les erreurs, les mensonges, les calomnies, de quelque côté qu'ils viennent, sont réduits à leur juste valeur. Il n'y a pas d'époque l'auteur en fait la remarque pour laquelle on ait commis

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plus d'omissions et d'erreurs, même chez les historiens les plus respectables. Que dire de ceux qu'inspirent la passion et la haine? M. Berriat Saint-Prix a non - seulement conscience et la sévérité du juge, mais aussi le calme et l'impartialité qui sont également ses attributs. « Je me suis, dit-il, imposé la plus grande modération de langage; habituellement j'ai laissé parler les faits ; quel relief, d'ailleurs, mes réflexions auraient-elles ajouté aux horreurs, aux infamies que j'ai mises en lumière?» Et il termine son avertissement par ces lignes qui sont bonnes à méditer aujourd'hui : << La peine que ce livre m'a coûtée ne saurait se dire; mais je la bénirai si ce labeur peut contribuer à ouvrir les yeux sur les malheurs et les crimes qui, fatalement, arrivent et se commettent, lorsque l'ignorance, la bassesse, le fanatisme dominent. >>

L'ouvrage s'ouvre par une introduction où l'auteur expose ce qui se rap

porte aux cent soixante-huit tribunaux révolutionnaires (divisés en quatre classes tribunaux révolutionnaires, commissions révolutionnaires, commissions militaires, tribunaux criminels des départements), et présente les traits généraux de son livre. « Sous la domination de Robespierre, dit-il, cent soixante-huit tribunaux révolutionnaires envoyèrent à la guillotine ou à la fusillade, DIX-SEPT MILLE personnes, le plus grand nombre sans formalités et sans preuves. >> Dans une première partie, l'auteur esquisse l'histoire des tribunaux de l'Ouest (Nantes, Carrier à Nantes, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Sarthe, Mayenne, Orne, Manche, Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan, Vendée, Deux-Sèvres et Charente-Inférieure, p. 1-290); dans la seconde, il passe en revue les actes des tribunaux du Midi (Gironde (Bordeaux), Landes, Basses et HautesPyrénées, Ariége, Pyrénées-Orientales, Lot-et-Garonne, Gers, Tarn, Haute-Garonne, Aude, Hérault, Gard, Bouches-du-Rhône (Marseille), Var, Corse, Basses-Alpes, Vaucluse (Avignon et Orange), Ardèche, Drôme, Hautes-Alpes et Isère, p. 291-478). La partie la plus importante de ce premier volume est celle relative à Nantes et à la Loire-Inférieure, qui ne comprend pas moins de 134 pages.

Nous espérons que la mort du regrettable auteur n'empêchera pas la publication du second volume, consacré au Centre, à l'Est et au Nord, et dont la rédaction devait être bien avancée; c'est au moins ce qui ressort d'une lettre de M. Berriat Saint-Prix à M. Louis Paris, datée du 19 août moins d'un mois avant sa

1870, mort.

G. DE B.

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