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se serait trouvée omise comme la condition de l'âge, puisqu'elle fait partie du premier alinéa. Mais l'article 555 disant, au contraire: « le surplus des dispositions du précédent article sera exécuté,» il est évident que sauf le choix d'une personne habituée à converser avec le sourd-muet au lieu d'une personne qui connaisse la langue ou l'idiome de l'accusé ou du témoin, les conditions de l'âge, comme du serment, enfin le surplus des dispositions prescrites doit être exécuté.

Il faut donc tenir pour constant, malgré cet arrêt de rejet de la Cour de cassation que l'interprète donné aux sourds-muets illettrés doit, comme celui que l'on donne à ceux qui parlent une langue où un idiome différent, être âgé de 21 ans, parce que cet âge légal est nécessaire pour inspirer de la confiance, pour bien se pénétrer de ses devoirs, pour connaître la foi due au serment et s'y conformer, et parce que la difficulté d'avoir pour interprète, en pareil cas, une personne de 21 ans, habituée à converser avec un sourd-muet n'est pas plus grande que celle de se procurer dans telle ou telle province du midi de la France, un individu du même age qui parle l'idiome de la basse Bretagne par exemple, et vice versa. et parce que d'ailleurs cette considération très-secondaire disparaît devant le besoin d'une justice régulière (1).

Espérons, au reste, qu'il en sera de cet arrêt isolé du 25 décembre 1824 comme de quelques arrêts de la Cour de cassation relatifs au serment des enfants au-dessous de 15 ans, ou à la qualité d'étrangers des jurés, etc., etc., que sa haute sagesse a réformé après plusieurs examens, quoique sa jurisprudence parût fixée par une longue série de decisions.

Mais ce mode tracé par la loi pour la désignation d'un interprète ne concerne que les accusés sourds-muets qui sont illettrés (article 555, C. crim.).

Ainsi, lorsqu'il y a lieu de juger des sourdsmuets qui savent écrire, s'il est convenable de leur désigner toujours un interprète pour faciliter les rapports et les communications entre les juges, les jurés, les témoins et l'accusé (2), cet interprète n'est point alors, comme au premier cas, partie nécessaire dans la procedure; ce n'est point avec lui, comme intermédiaire de l'accusé, mais avec l'accusé directement,

que se fait l'instruction; et cette distinction est une nouvelle preuve de la sollicitude du législateur, puisque le sourd-muet qui sait écrire a en lui-même un moyen plus facile et surtout bien plus sûr que celui de la traduction d'un interprète, pour comprendre l'objet de l'accusation et les interpellations qui lui sont faites, et pouvoir, en y répondant et en se défendant, manifester ses pensées et ses observations: ainsi toute l'instruction, même celle qui a lieu aux débats devant les jurés et les juges, doit être faite par écrit en cette circonstance.

S II.

Observations, sur la nomination des interprètes dans les procédures relatives aux sourds-muets.

164. La loi ne parle que de l'accusé, du président de la cour d'assises (art. 566, Ć. crim.), et du procureur général; et, l'article 333 faisant partie de la 1re sect. du chap. IV du Code d'instruction, qui concerne l'examen, il est naturel de penser que ces dispositions ne s'appliquent exactement qu'aux sourds-muets contre lesquels l'accusation est déjà admise, et qui sont traduits devant une cour d'assises. Cependant, comme, en matière criminelle, une longue instruction doit précéder ce moment, et, que, pour la faire avec soin, il faut bien rendre intelligibles au sourd-muet les soupçons, les indices, les charges qui s'élèvent contre lui, et recueillir ses réponses et ses moyens de défense, et que le sourd-muet ne peut ni être mis en accusation avec moins de précautions que tout autre individu, ni comparaître devant une cour d'assises sans avoir subi les premières épreuves de la procédure criminelle, je pense qu'il faut considérer les termes des articles 352 et 355 comme l'expression générale de la volonté du législateur pour la manière de procéder à l'égard des accusés sourds-muets et de ceux qui ne parlent pas la même langue et le même idiome, et que les formalités qu'ils prescrivent doivent, en conséquence, être mises en usage, avec les distinctions résultant de la loi, par le juge instructeur ou par la chambre d'accusation de la cour royale, lorsqu'on s'occupe de l'instruction et de tous les actes antérieurs aux

(1) Après avoir rapporté en entier l'addition que Legraverend avait laissée manuscrite, je dois faire remarquer que ses raisonnements ne me paraissent pas sans réplique lorsqu'il combat les inductions que la Cour de cassation à tirées du texte de l'art. 335. En effet, si cet article disait seulement qu'on désignera pour interprète une personne ayant l'habitude de converser avec le sourd-muet; sans doute les dispositions de l'article 332 relatives à l'âge ne seraient pas absolument inapplicables, puisqu'il y aurait faculté de choisir, entre plusieurs individus, celui qui, ayant l'habitude de con

verser avec l'accusé, serait d'ailleurs âgé de vingt et un ans; mais l'article porte que c'est la personne qui a le plus d'habitude qui doit être choisie. Or, il peut se faire que cette personne expressément désignée n'ait pas vingt et un ans, il est donc vrai que la condition de l'âge exigée par l'art. 552 n'est pas exigée absolument pour le cas prévu par l'art. 333.—Duvergier.

(2) Suivant l'ord. de 1670, on nommait un curateur au sourd-muet accusé qui savait écrire, comme à celui qui était illettré.

débats en matière criminelle; et que pour le jugement des délits correctionnels et des contraventions de police, et la procédure qui peut précéder le jugement, le même mode doit être également adopté comme conforme tout à la fois à la raison, à la justice, à la loi nouvelle et à l'ancien usage.

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avec le nouveau système des lois publiées sur la procédure criminelle, et nous avons vu, en effet, au paragraphe précédent, que la loi de 1791, en forme d'instruction, déclarait, en termes précis, que si le législateur n'avait rien prescrit en pareil cas, c'est qu'il appartient spécialement à la société, ou à celui qui la représente près des cours et des tribunaux, faire la preuve contre l'accusé.

Cette opinion, à laquelle la nécessité ferait en quelque sorte un devoir de se ranger, est d'ailleurs conforme à la loi du 29 sept. 1791. Cette loi, il est vrai, ne parlait pas d'interprète pour les sourds-muets: mais elle portait, comme on l'a vu, que, quant aux muets naturels, l'assistance de leurs amis et conseils lèverait les difficultés à leur égard; que cette assistance aurait lieu pour eux dans toutes les parties de la procédure; et si la loi n'avait pas de disposition sur ce sujet, c'est, conime elle l'exprime formellement, parce qu'elle laissait à la prudence et à la conscience des juges l'emploi de tous les moyens propres à mettre la vérité dans son plus grand jour.

SECTION II.

DES MUETS VOLONTAIRES.

165. L'ordonnance de 1670 désignait sous le nom de muet volontaire l'accusé qui refusait de répondre, lorsqu'il pouvait le faire; elle défendait de lui donner un curateur; elle prescrivait au juge de faire à l'accusé trois interpellations de répondre, en lui déclarant, à chaque fois, que son procès lui serait fait comme à un muet volontaire, et qu'ensuite il ne serait plus reçu à répondre sur ce qui aurait été fait en sa présence pendant son refus de parler: toutefois elle laissait au juge la faculté de donner à l'accusé un délai pour répondre; mais ce délai ne devait pas excéder vingt-quatre heures. Si l'accusé persistait à garder le silence, le juge devait continuer l'instruction sans qu'il fût besoin de l'ordonner; et, dans chaque acte de procédure, il devait être fait mention du refus de l'accusé de parler. Si, dans la suite, l'accusé voulait répondre, ce qui avait été fait jusqu'à ses réponses devait subsister; il n'était même plus admis à former des reproches contre les témoins, s'il ne justifiait, par pièces, des motifs de suspicion. Si l'accusé, après avoir commencé à répondre, cessait de le vouloir, la procédure devait être continuée. Cependant les faits sur lesquels l'accusé refusait de répondre, ne devaient pas être censés confessés par lui; mais ce silence pouvait former contre lui un indice.

Ces formes rigoureuses de procéder, toutes défavorables à l'accusé (1), devaient disparaître

|

de

La nouvelle loi ne contient pas plus de dispositions sur cet objet que n'en contenaient la loi du 16 septembre 1791 et le Code des délits et des peines; et comme un caprice de l'accusé ne peut ni arrêter ni suspendre le cours de la justice, l'instruction doit être continuée aujourd'hui ainsi qu'elle l'était autrefois, et il doit même être procédé au jugement malgré le refus de répondre, sans qu'il soit alors nommé d'interprète, comme cela a lieu pour les sourdsmuets, puisque cette nomination n'aurait aucun objet: mais le silence de l'accusé, quoique très-suspect, et d'ailleurs injurieux à la dignité des magistrats, ne forme pas un indice contre lui. Le juge instructeur doit agir et les tribunaux doivent prononcer suivant leur conscience, comme dans toute autre affaire, d'après le résultat des charges et des preuves, indépendamment du refus de l'accusé de répondre; et si (pourvu que ce soit avant le jugement) l'accusé se décide à parler après avoir refusé de le faire, il peut discuter tout ce qui a été fait pendant son silence, sans qu'on puisse en aucune manière le lui opposer, il le peut surtout, à quelque époque du débat que ce soit, puisque devant la cour toute l'instruction doit être orale, et que les principes libéraux de notre législation criminelle ne permettent jamais de refuser à un accusé présent les moyens de se défendre et de se justifier.

On sent que l'accusé qui s'est obstiné à se taire, laisse naturellement subsister contre lui, dans toute l'intégrité de leur force, les impu tations, les dépositions qui sont à sa charge, et dont quelques explications de sa part auraient pu détruire ou affaiblir l'effet: mais il ne doit attribuer qu'à lui seul cet inconvénient; et le législateur a, sans doute, fait pour la justice et pour l'humanité tout ce qu'il était possible de faire, en ne rendant pas la situation du muet volontaire pire que celle de tout autre accusé, et en ne le privant pas de l'assistance du conseil qui, dans ce cas comme dans tout autre, doit être donné à l'accusé, et que son ministère oblige à discuter les charges et les motifs d'accusation et à présenter les moyens de défense et d'excuse.

Le mode prescrit par l'ordonnance de 1670 à l'égard des muets volontaires n'était pas ap

(1) Malgré la sévérité de ces formes, elles ne peuvent être comparées à celles que prescrivent, en pareil cas,

LEGRAVEREND.-TOME 1.

les lois anglaises. V. ce qui a été dit dans l'Introduction sur le jugement de penance.

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plicable à ceux qui refusaient de répondre, soit | répondre, puisque la compétence doit toujours

à raison de l'incompétence prétendue du tribunal ou du juge, soit parce qu'ils croyaient avoir des motifs valables de récusation, soit parce qu'ils alléguaient que l'affaire pour laquelle on les avait décrétés était trop légère pour leur faire subir un interrogatoire, ou qu'il n'y avait contre eux aucun indice, ou qu'ils n'étaient pas légitimement constitués en jugement: c'est ce que prouve le procès-verbal même de l'ordonnance (1). Cette prétention formait alors un incident qui devait être d'abord jugé par le tribunal entier. Aujourd'hui toutes ces allégations, la récusation exceptée (2), ne sont plus de nature à donner lieu à une procédure particulière et à un jugement distinct; elles sont successivement appréciées par le tribunal de première instance, et par la chambre d'accusation de la cour royale avant la mise en jugement, et par la cour d'assises, ou par le tribunal correctionnel, suivant que le prévenu ou l'accusé y a été renvoyé.

Il n'est guère probable, au reste, que des accusés ou des prévenus s'obstinent aujourd'hui à se taire; l'incompétence prétendue du tribunal où ils sont traduits ne peut les empêcher de

(1) V. sur l'art. 19, l'observation de Talon, et la réponse de Pussort.

(2) La récusation doit être jugée par le tribunal en

être jugée, et qu'ils conservent d'ailleurs la faculté de l'appel ou du recours en cassation, suivant la nature du jugement. La légèreté de la prévention rentre maintenant dans la question de compétence, à raison des diverses classes de tribunaux de répression; et le mandat d'amener, de comparution, de dépôt ou d'arrêt, la mise en accusation ou en jugement, n'ont rien d'infamant dans notre législation criminelle: le défaut de charges suffisantes appar, tient aux moyens généraux de défense. Enfin la légitimité des poursuites et la régularité de la procédure doivent être examinées et jugées, ainsi que la gravité des charges, soit par les tribunaux qui statuent sur la mise en accusation ou en jugement, soit par ceux qui prononcent définitivement sur le sort des accusés ou des prévenus, soit en dernier lieu, par la Cour de cassation, juge souverain en matière de formes et de compétence, et il est difficile de supposer une circonstance où les accusés et les prévenus puissent croire qu'ils ont quelque intérêt à garder un silence obstiné dans le sanctuaire de la justice.

tier, suivant le Code de procédure civile, qui s'applique aux juges criminels comme aux juges civils.

CHAPITRE XIII.

DE LA MANIÈRE D'INSTRUIRE ET DE PROCÉDER CONTRE LES INSENSÉS ET FURIEUX PRÉVENUS DE CRIMES ET DE DÉLITS.

S Ier.

166. Le Code d'instruction et les lois antérieures ne contiennent aucune disposition à cet égard. Le Code pénal, (art. 64), se borne à dire : Il n'y a nicrime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action. Il importe d'ètre bien fixé sur ce point pour se rattacher à une règle commune.

Le Code civil (art. 489 et suiv.), s'est occupé des individus qui sont dans un état habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur, et a ordonné leur interdiction lors même que leur état présente des intervalles lucides: il a autorisé, en ce cas, tout parent à provoquer l'interdiction de son parent. Les époux sont respectivement investis du même droit à l'égard l'un de l'autre. Enfin, dans le cas de fureur, comme la société est intéressée à en prévenir les dangereux effets, si l'interdiction n'est provoquée ni par l'époux, ni par les parents, elle doit l'être par le procureur du roi, qui peut même la provoquer, dans le cas d'imbécillité ou de démence simple, contre un individu qui n'a ni époux, ni épouse, ni parents connus.

D'un autre côté, les lois de police chargent spécialement les administrateurs locaux de faire arrêter et retenir en lieu de sûreté les insensés, furieux, et tous ceux dont la démence peut nuire à l'ordre public et à la sûreté, à la tranquillité des citoyens (1). Ces dispositions prévoyantes du législateur sont, en général, de nature à rassurer la société sur les excès auxquels pourraient se livrer les insensés, et à mettre aussi leur famille à l'abri des abus sans nombre dont la faiblesse ou l'aliénation de leur raison pourrait être la source. Mais enfin ces malheurs, ces inconvénients graves que la loi a voulu prévenir, peuvent avoir eu lieu avant

(1). art. 3, tit. XI de la loi du 24 août 1790, et l'article 15, tit. Ier de la loi du 19-22 juill. 1791.-Le college des bourgmestre et échevins est chargé du soin d'obvier et de remédier aux événements facheux qui pourraient être occasionnés par les insensés et les furieux

que la vigilance des magistrats ait été éveillée par aucun symptôme alarmant, et des faits réputés par la loi crimes ou délits peuvent avoir été commis par ces individus avant que l'on ait reconnu ou soupçonné que le danger était imminent. L'état d'imbécillité ou de démence peut aussi ne s'être manifesté qu'au moment de l'exécution du crime ou depuis qu'il a été commis, il peut même être l'effet du remords, la crainte, sur certains individus qui, jusque-là sans reproche, ont été poussés par des circonstances extraordinaires à se souiller de quelque action atroce.

de

Comment doivent se conduire, en pareil cas, les fonctionnaires auxquels la loi a remis le soin de rechercher les prévenus et de les livrer aux tribunaux!...... Quelle doit être alors l'action de la justice répressive sur ceux qui sont signalés comme auteurs des faits dénoncés?...... Comment doit-on établir et constater que l'imbécillité ou la démence est réelle?..... A qui appartient-il de déclarer légalement l'état des prévenus?..... L'époque de la manifestation de l'imbécillité ou de la démence, son caractère habituel ou accidentel, doivent-ils influer sur les mesures à prendre, suivant qu'elle est antérieure ou postérieure au fait qui donne lieu aux poursuites?.... Nous allons examiner successivement chacune de ces questions.

nes,

Sous l'empire du Code des délits et des peile directeur du jury pouvait instruire à décharge comme à charge, dans ce sens seulement qu'ayant à recueillir tout ce qui se rapportait au fait et à ses circonstances, si quelque partie de ses recherches était favorable au prévenu, il devait en consigner exactement le résultat dans son instruction, et la prendre en considération comme le reste de la procédure, lorsqu'il rendait son ordonnance, soit

laissés en liberté. S'il y a nécessité de déposer la personne de l'insensé ou du furieux dans un hospice, maison de santé ou de sécurité, il y sera pourvu par le collége, à la charge d'en donner avis dans les trois jours au juge de paix ou au procureur du roi. (Loi comm. belge, art. 95.)

le prescrivait la loi du 7 pluviose an IX (2).

Aujourd'hui le juge d'instruction se trouvant investi d'une partie des droits du directeur du jury, nous pensons qu'il doit, autant que cela peut se concilier avec le nouveau mode d'instruction, faire ce que faisait précédemment le directeur du jury; ainsi, lorsque l'imbécillité ou la démence sera alléguée ou présumée, le juge d'instruction ne négligera rien pour se fixer sur ce point, et vérifier si elle est réelle ou feinte; si le prévenu est de bonne foi, ou s'il y a fraude de sa part. Il devra s'entourer de tous les témoignages (3), de tous les renseignements propres à fixer son opinion; soumettre le prévenu à des visites et à des contre-visites fréquentes de la part des gens de l'art; ordonner que ces visites soient faites avec soin à divers intervalles, à des jours et à des heures diffé

pour traduire le prévenu devant le jury d'ac- | cusation ou devant le tribunal correctionnel, soit pour le mettre en liberté; et si les preuves recueillies par lui laissaient dans son esprit la conviction que les faits dénoncés ne constituaient pas un délit, abstraction faite de leur moralité, rien ne forçait le directeur du jury à en faire la base d'une instruction criminelle. Ses devoirs étaient tracés dans l'art. 15 de la loi du 7 pluviose an IX. «Quand le directeur » du jury, portait cette loi, trouve l'affaire >> suffisamment instruite, il en ordonne la >> communication au magistrat de sûreté, lequel est tenu, dans trois jours au plus, de » donner ses réquisitions par écrit, ensuite desquelles le directeur du jury rend une or>> donnance par laquelle, selon les différents » cas, la nature et la gravité des preuves, il >> met le prévenu en liberté, ou le renvoie de-rents; faire surveiller le prévenu dans le lieu » vant le tribunal de simple police, ou devant >> le tribunal de la police correctionnelle, ou » devant le jury d'accusation. »>

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Le sort du prévenu était donc, sous ce rapport, dans la conscience et les lumières du directeur du jury; mais ce fonctionnaire se serait écarté de ses dévoirs si, au lieu de s'attacher exclusivement au fait, il avait informé sur la moralité du prévenu et sur les motifs plus ou moins vagues de justifications qu'il pouvait alléguer. Cependant, comme l'imbécillité ou la démence est une excuse tellement péremptoire, qu'il est impossible de soumettre à un jugement criminel celui qui en est atteint, quelle que soit la nature où la gravité du fait qui lui est imputé (1), on pensait généralement, quoique cette opinion trouvât des contradicteurs, que le directeur du jury pouvait, lorsqu'il était convaincu de cet état du prévenu, déclarer qu'il n'y avait pas lieu d'instruire contre lui, sauf, en cas de réquisition contraire du substitut magistrat de sûreté, à faire vider le différend | par le tribunal de première instance, ainsi que

de sa détention, l'interroger fréquemment et de manière que ses opérations ne soient pas prévues; et si la loi ne lui permet pas, comme au directeur du jury, de statuer par une décision même provisoire sur la continuation de l'instruction et sur le sort du prévenu, il n'importe pas moins que tous les éléments propres à établir l'imbécillité ou la démence soient réunis avec soin, puisque le juge d'instruction doit, par un rapport détaillé, éclairer la religion du tribunal de première instance, préparer la conviction de ce tribunal et celle des juges supérieurs (art. 127 et suiv., C. crim.), et que l'intérêt de la justice et celui de l'humanité lui prescrivent également de ne rien laisser dans l'incertitude.

Si le juge d'instruction avait omis ou négligé de faire constater l'état d'un prévenu dont le bon sens paraîtrait aliéné, ou si cette aliénation ne s'était manifestée que depuis le complément de la première instruction, la chambre d'accusation de la cour royale, en statuant sur la mise en accusation, la cour d'assises, si déjà elle se

(1) Furiosus furore solùm punitur.
(2) V. art. 16 de la loi du 7 pluv. an IX.

(3) La démence ou la sagesse sont des faits qui ne peuvent être naturellement et communément prouvés que par témoins (d'Aguesseau, t. III, p. 195 et 520). Des faits de démence bien prouvés, soit par des témoins, soit par des écrits, seraient supérieurs à un interrogatoire dont les réponses seraient sages et pleines d'une raison apparente (d'Aguesseau, ibid., p. 595).

Les témoins qui déposent de la démence ou de la fureur, doivent rendre raison de ce qu'ils disent, c'est à-dire, raconter les faits qui se sont passés devant eux. Præsuppono (dit Boerius, Decis.,23, no 44) quod probatio furoris est difficilis, quia non creditur testibus de furore deponentibus, nisi causam reddant scientiæ.

Les témoins doivent déposer de différentes époques : un homme, en effet, ne peut pas être déclaré fou parce que, dans quelques moments rares, il aurait fait des actions de folie. Quamvis enim, eo tempore quo testes actorum deponant furiosum, mulla vidissent

facere fatuitatis signa, quæ probent fatuitatem, non tamen sequitur quod semper fuerit fatuus, quoniam non semper viderunt eum talia facere, cùm non fuissent continuo cum eo. (Boerius, loc. cit., no 83.)

Quoique ces règles soient plus spécialement applicables au cas où l'interdiction d'un individu est réclamée pour cause de démence, elles peuvent cependant aussi être consultées lorsqu'il s'agit de constater la démence d'un individu prévenu ou accusé de quelque crime ou délit ; mais, malgré l'autorité de d'Aguesseau, je pense qu'en général, les faits personnels au prévenu ou à l'accusé, les épreuves auxquelles on le soumet, et les rapports des gens de l'art, sont des moyens plus sûrs et moins incertains pour se fixer sur la véritable situation de son esprit et de ses facultés, que des déclarations de témoins qui, par intérêt pour lui ou pour sa famille, pourraient présenter comme des preuves ou des présomptions d'aliénation, des faits indifférents, de peu d'importance, ou même familiers aux personnes jouissant de la plénitude de leur raison.

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