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temps montrera la fausseté, n'aient été présentées à Votre Majesté et dans les cercles influents de l'Empire de Russie. En Finlande, on a eu de tout temps la conviction profonde que le peuple peut et doit s'adresser avec confiance à son Souverain pour lui exprimer ses sentiments intimes. Certains de la valeur de ces raisons, les États les soumettent loyalement et sincèrement à l'examen personnel de Votre Majesté Impériale. Ils osent espérer que les paroles généreuses adressées un jour à la Finlande du haut du trône qu'occupe Votre Majesté continueront à être vraies que les manifestations de loyauté, de vérité et d'obéissance à la loi pourront toujours compter sur la protection et la faveur du Souverain.

Les États, résumant la discussion précédente, soumettent donc à Votre Majesté les conclusions suivantes :

Aux termes de la Constitution de la Finlande, une loi obligatoire pour le peuple finlandais ne peut être créée que conformément à la procédure établie par les lois fondamentales du pays, laquelle suppose, d'une part, que le Souverain est assisté dans sa fonction législative par des autorités nationales, et, de l'autre, que la loi, dans toutes les matières qui ne se rapportent pas aux questions dites administratives et économiques, doit étre faite avec la connaissance et le consentement des États.

Au contraire, la procédure pour la création de lois destinées aussi à la Finlande établie par les règlements qui font suite au manifeste du 3/15 Février 1899 est contraire aux lois fondamentales de la Finlande et à la Constitution que possède le pays conformément à ces lois.

Le Manifeste et les règlements y annexés, décrétés sans le consentement des États de Finlande, et d'ailleurs suivant une procédure qui n'est pas conforme aux règles que prescrivent les lois fondamentales du pays, ne peuvent, en conséquence, avoir en Finlande le caractère sacré de la loi.

En particulier, une loi sur le service militaire des habitants de la Finlande ne peut donc, sans violation de la Constitution du pays, être promulguée comme loi d'Empire cu consacrée de toute autre façon par l'Empereur et Grand-Duc sans avoir été adoptée par les États.

La Loi actuelle sur le service militaire, qui a été créée selon la procédure prescrite par la Constitution du pays, ne peut être modifiée ou abrogée que par une décision concordante de l'Empereur et Grand-Duc et des États.

Dans le cas où Votre Majesté Impériale croirait cependant nécessaire une procédure spéciale pour la création de lois communes à l'Empire de Russie et à la Finlande, les États ont le ferme espoir que Votre Majesté Impériale daignera, pour traiter l'affaire dans les formes requises par les lois fondamentales du poys, remettre aux États une proposition contenant le projet de modifications aux lois fondamentales qui paraitront nécessaires à cet effet.

REVUE DE DROIT INT. - 32 ANNÉE.

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En outre, les États veulent affirmer en terminant :

Qu'ils considèrent comme leur devoir fondé sur l'ordre universel, de maintenir · fermement la loi et le droit qui, en 1809, ont été solennellement assurés au peuple finlandais comme devant étre maintenus irrévocables.

Si nous nous en rapportons à nos renseignements, les réponses de la Diète de Finlande n'ont pas encore été soumises à l'empereur de Russie. Toute la question de la réforme militaire dans le grand-duché doit, au préalable, être soumise à l'avis du Conseil d'État. Est-il permis d'espérer que ce grand corps d'État envisagera l'affaire qui nous occupe à un point de vue plus sage et plus juste que le point de vue auquel se sont placés les représentants du militarisme nationaliste, dont les tendances néfastes apparaissent dans les documents qui ont été remis à la Diète?

Certes, la Finlande n'a pas reculé et ne reculera pas devant les sacrifices qu'elle serait obligée de faire en vue de la défense du grand-duché et de la Russie; aussi, ce qui a appelé l'attention des publicistes et des jurisconsultes étrangers sur les faits qui viennent de se produire depuis plus d'une année, c'est l'importance des questions de droit qui ont été soulevées ou auxquelles touchent les mesures prises par le gouvernement impérial. Par la race, par les mœurs, par la religion, par les traditions historiques et par l'organisation politique et sociale, le peuple finlandais forme un peuple tout à fait différent du peuple russe. Notre siècle a précisément consacré le principe des nationalités. Faut-il qu'en ce qui concerne le grand-duché ce principe soit foulé aux pieds? La Russie, ne l'oublions pas, a respecté jusqu'ici la nation finlandaise et, encore en 1897, Nicolas II a exprimé sa gratitude au peuple finlandais et a rappelé sa loyauté et son attachement. Est-il besoin de reproduire les paroles impériales que nous avons déjà citées? C'est avec une profonde satisfaction, disait l'Auguste Souverain aux membres de la Diète, que je vous assure de ma reconnaissance et de ma bienveillance pour la fidélité et le dévouement inébranlables dont ce peuple a toujours fait preuve envers ses Souverains, à leur grande joie.

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Et l'on ose prétendre maintenant que les intérêts mêmes de l'empereur exigent un changement de politique, un abandon de nobles traditions. Quels sont donc ces intérêts? Nous n'en voyons pas; nous ne trouvons point de réponse à la question. L'histoire montre que jamais les affaires finlandaises n'ont suscité la moindre difficulté. Aucune loi d'ailleurs ne peut être publiée en Finlande sans la sanction de l'empereur; aucune

mesure administrative de quelque importance ne peut être prise sans l'approbation de l'empereur; quand le moindre doute surgit au sujet de l'opportunité d'une décision quelconque, le Souverain peut toujours prendre l'avis de ses conseillers russes avant de donner sa ratification aux projets du gouvernement de la Finlande; le ministre de la guerre de Russie a la haute direction militaire dans le grand-duché. C'est dire qu'il n'est pas possible que les affaires finlandaises s'engagent jamais dans une voie périlleuse pour l'empire. Est-il vrai aussi que les leçons de l'histoire sont là pour enseigner et proclamer que jamais de prétendues raisons d'État ne peuvent suffire pour troubler l'ordre établi sur des engagements sacrés et pour jeter le désarroi, la tristesse et le mécontentement au sein d'un peuple pacifique et loyal?

UN CAS DE NATURALISATION COLLECTIVE EN DEHORS

DE TOUTE CESSION DE TERRITOIRE,

PAR

Jivoïn PÉRITCH,

professeur à la faculté de droit de Belgrade.

I

Quand on a égard au nombre des personnes auxquelles elle s'applique, la naturalisation peut être de deux espèces : individuelle, lorsqu'il y a une seule personne qui change de nationalité; collective, lorsque l'acte juridique qui entraîne la perte d'une nationalité et l'acquisition d'une autre se rapporte à plusieurs personnes à la fois (1). Dans l'un et l'autre cas, il y a toujours un même fait juridique, le changement de nationalité; seulement il existe entre eux cette différence que, dans le premier cas, ce changement s'opère en une seule personne, tandis que, dans le second, il s'opère en plusieurs. Dans un cas, l'événement d'où découle la naturalisation a un effet individuel, dans l'autre un effet collectif.

L'expression de naturalisation collectire est prise quelquefois dans une acception qu'elle ne saurait avoir; c'est ainsi qu'on l'applique à la naturalisation obtenue par un père de famille et qui, dans la plupart des législations basées sur une opinion admise par beaucoup d'auteurs (2), s'étend aux enfants mineurs ainsi qu'à la femme. Par ce motif qu'ici le changement de nationalité n'est pas limité au seul postulant, le père, on a fini par assimiler ce cas à la naturalisation par cession de territoire, laquelle seule a droit à la qualification de collective. En

(1) Nous comprenons ici par naturalisation tout changement de nationalité, et non seulement le changement de nationalité par la naturalisation stricto sensu.

(2) Sur cette question voir: WEISS, Traité théorique et pratique de droit international privé, t. I. p. 353 et suiv.; DESPAGNET, Précis de droit international privé;

p.

212 et suiv.; COGORDAN, La nationalité au point de vue des rapports internationaux, p. 152 et suiv.; CALVO, Le droit international théorique et pratique, t. II, p. 83; FOELIX et DEMANGEAT, Traité du droit international privé, t. I, p. 92 et suiv.; VON BAR, Thecrie und Praxis des Internationalen Privatrechts, p. 247, 249 et 250.

effet, de ce que la naturalisation du père s'applique aussi à sa femme et à ses enfants, il ne faut pas en conclure que c'est une naturalisation collective. Nous ne sommes pas ici en face d'un seul et même fait juridique entraînant le changement d'allégeance d'une collectivité de personnes. Au contraire, il y a dans ce cas plusieurs faits juridiques dont chacun opère sur un seul individu; en d'autres termes, il y a ici plusieurs naturalisations individuelles qui coïncident les unes avec les autres. Les enfants mineurs changent de nationalité en même temps que leur père parce que celui-ci est censé avoir sollicité la naturalisation, non seulement pour lui-même, mais aussi pour ses enfants. L'acte présenté par le père à fin de naturalisation se dédouble ainsi : il contient deux demandes différentes, l'une par laquelle il sollicite sa propre naturalisation, l'autre tendant à faire acquérir à ses enfants la nationalité à laquelle il aspire lui-même. Cette dernière demande, le père la présente comme mandataire de ses enfants et agissant dans leur intérêt personnel. Le même raisonnement peut être fait relativement à la femme. Nous sommes donc ici en présence, non d'une naturalisation collective, mais de plusieurs naturalisations individuelles. Il n'en est pas de même en cas de cession de territoire. Un seul acte, la cession, opère le changement de nationalité dans la personne de tous les habitants du territoire cédé qui n'ont pas fait usage de leur droit d'option.

La naturalisation collective suppose donc nécessairement une cession de territoire, survenue à la suite soit d'une guerre, soit d'un arrangement à l'amiable entre deux États. Par la cession, une portion du territoire d'un État passe sous la souveraineté d'un autre État dont elle fera désormais partie intégrante. Nait alors la question de savoir quelle sera la situation juridique des habitants du pays cédé. Cette question, l'une de celles qu'a soulevées le droit international moderne, ne pouvait se poser dans les siècles passés alors que l'homme étant considéré comme un accessoire du sol qu'il habitait partageait, en cas de cession, le sort du territoire cédé (1). Par cela même qu'une province passait sous l'autorité d'un autre État, ses habitants devenaient ipso facto, et sans qu'ils eussent la possibilité de s'y soustraire, nationaux de l'État au profit duquel la cession venait d'avoir lieu. Aujourd'hui que les pays civilisés ont cessé de considérer l'homme comme une dépendance du sol, on applique dans une annexion un traitement différent au territoire et aux habitants. Le

(1) WEISS, op. cit., t. I, p. 39 et suiv. ; p. 535 et suiv.

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