Page images
PDF
EPUB

métaux, du bois, du fil, de la laine, du coton, etc.? Comment se fait-il que nous ayons laissé les arts qui ne tendent qu'à satisfaire les appétits sensualistes, qu'à faire naître des besoins factices, prendre la suprématie sur tout ce qui a pour objet de rendre l'homme meilleur pour ses semblables, et plus fort contre les mauvais instincts de sa nature?

Cet immense désordre s'est produit, parce que les chefs de la société, après avoir laissé nier impunément toutes les lois de la vie morale, ont fini par agir comme s'ils croyaient que la civilisation peut se perpétuer par le développement de l'industrie; que l'ordre doit nécessairement régner dans un Etat, lorsque toutes les intelligences et toutes les activités y sont dirigées au profit des progrès matériels.

Les sourds murmures qui s'élèvent autour d'eux doivent leur faire comprendre que les peuples ont d'autres besoins que ceux auxquels le génie de l'industrie a pour but de donner satisfaction.

Le grand malheur de notre époque, c'est qu'elle ne comprend pas que le progrès matériel est le plus puissant des dissolvants sociaux, lorsqu'il se produit en dehors du progrès moral, et ne trouve pas dans ce dernier un modérateur de l'égoïsme chez les uns, de l'envie chez les autres.

Oui, les luttes que nous soutenons contre la matière et les triomphes que nous obtenons sur elle sont magnifiques; mais au prix de quels sacrifices soutenons-nous ces luttes et remportons-nous ces triomphes? Au prix de tout ce qui avait constitué jusqu'en ces Jerniers temps notre vraie force et notre vraie grandeur

Notre abâtardissement physique est déjà tellement prononcé, que personne n'ose plus en contester l'existence. Notre abâtardissement moral est un fait tout aussi indéniable, tout aussi évident. Qui oserait, en effet, refuser de reconnaître que nous avons transporté sur la fortune l'amour que nous avions autrefois pour la gloire? Qui oserait prétendre que nous avons encore l'orgueil qui vient du cœur; que notre caractère n'a pas subi d'abaissement; que nous avons pour les lâchetés de toutes les sortes les vigoureux mépris qui les rendaient si rares chez nos pères?

Notre double décadence a frappé tous les esprits sérieux, et tous conviennent, d'une manière plus ou moins formelle, qu'elle est due, d'un côté à l'affaiblissement des principes. générateurs de la morale publique et privée, et de l'autre, à la multiplicité sans cesse croissante de nos besoins factices, absorbant, au préjudice de nos besoins naturels, une part immense de nos forces productrices ou plutôt nourricières?

Après les aveux qui surabondent, il semble que tous les amis de la société ne devraient avoir qu'une voix pour combattre tout ce qui tend à empêcher que les principes d'où notre civilisation est sortie ne reprennent tout leur empire, et pour protester contre tout ce qui tend à faire prospérer les arts destinés à donner satisfaction à nos besoins factices aux dépens des arts qui ont pour objet de satisfaire nos besoins naturels. Mais pour agir ainsi, il faudrait avoir un courage qui manque à la plupart des hommes.

On ose bien dire que la société souffre et s'en va, parce qu'elle devient de plus en plus pauvre en vertus; mais on craint de nommer les vertus qui lui font surtout défaut, parce que ces vertus sont essentiellement chrétiennes, et l'on recule devant cet aveu: « Notre société ne peut être sauvée que par un grand retour à la morale chrétienne, c'est-à-dire, à la foi, aux dogmes qui sont en même temps le principe et la sanction de cette morale. »

On ose bien dire aussi que notre société, pour nourrir des vices, qu'elle nomme des besoins, laisse exister et grandir dans son sein des misères qui accumulent sur elle toutes. les insomnies de la peur; mais on se garde bien de préciser les vices, les faux besoins qui nous dépensent une énorme somme de travail, et nous privent du retour si désiré de la vie. à bon marché.

Pourquoi craint-on de donner leurs vrais noms à ces vices, de caractériser ces faux besoins?

- C'est parce que, généralement, ces vices, ces faux besoins sont devenus des habitudes de bon ton, sont passés sous des patronages contre lesquels on craint de se heurter; c'est parce que l'on a peur de paraître trop puritain ou plutôt trop chrétien.

Ah! si l'on pouvait faire dans l'Evangile un choix des vertus dont il enseigne la pratique, comme on exalterait celles qui tendent à protéger ceux qui vivent dans les jouissances, contre ceux qui vivent dans les privations ! Mais la morale de l'Evangile ne se scinde pas; l'Evangile n'est un bienfait pour les sociétés, qu'à la condition d'être accepté tout entier, c'est-à-dire dans les devoirs qu'il impose comme dans les droits qu'il proclame.

Sans cette acceptation entière, de ses charges comme de ses profits, le christianisme est, non pas le flambeau qui éclaire, mais la torche qui projette des menaces d'incendie : il est, non pas la paix, mais la guerre; non pas l'amour, mais la haine.

Quelques voix mal assurées s'élèvent contre cette accusation que notre société accorde aux arts matérialistes la suprématie qui appartenait autrefois aux arts spiritualistes. L'unique réponse à faire à ceux qui nient ainsi l'évidence, c'est de les inviter à faire connattre les travaux spiritualistes qui sont de nature à prouver que la génération qui s'en va sera dignement remplacée par celle qui doit lui succéder. La science, la philosophie, la grande littérature, la vraie poésie ont encore chez nous d'illustres et nobles vétérans ; mais où sont les jeunes hommes dont les œuvres nous interdisent la crainte de voir notre intelligence nationale descendre vers des niveaux humiliants?

On a osé dire que les tendances de chaque paysjet de chaque époque ne pouvaient pas être les mêmes, et qu'il était, sinon impossible, du moins très-difficile de donner une direction systématique à l'intelligence et à l'activité sous toutes les formes d'une nation. C'est là une erreur qu'il importe de ne pas laisser s'accréditer.

La vérité est que partout et toujours les hommes se portent du côté où se trouvent les profits matériels ou moraux dont les gouvernants sont les dispensateurs et les répartiteurs plus ou moins souverains. Le mot : « Viennent des Mécène, et les Virgile ne manqueront pas,» est aussi juste pour les choses qui regardent le travail des mains, que pour celles qui regardent le travail de l'esprit. Sous ce rapport l'histoire parte comme la raison. Il est vrai que ce fut un mendiant qui créa l'Iliade et l'Odyssée; mais il est vrai aussi que ce furent les honneurs rendus à la mémoire de ce mendiant, appelé Homère, qui donnèrent à la Grèce tous les beaux génies dont les noms forment la plus brillante de ses couronnes. Ce ne sont pas des accusations que nous élevons ici; ce sont de simples constatations. de faits que nous rappelons.

C'est assurément avec les meilleures intentions du monde que les divers gouvernements de notre monde actuel prêtent au développement du progrès matériel le puissant concours qui fait faire à ce progrès des pas si gigantesques; mais ils se trompent de la manière la plus étrange, s'ils supposent que les arts industriels peuvent marcher plus vite que les travaux de l'esprit, sans danger pour l'avenir de la société, au sein de laquelle se forme cet écart.

Nous disions, il y a environ deux ans : « Que celui qui douterait que les grandes décaadences des civilisations soient sorties de l'étouffement des travaux spiritualistes par les << arts industriels, encouragés d'une manière presque exclusive, veuille bien se souvenir <que la vieille Asie tomba des hauts sommets d'où elle dominait le monde antique, aussitôt « que les arts industriels furent devenus sa principale passion; que la vieille Grèce ne « commença à fléchir sous le poids de son grand nom et ne le laissa tomber sous les pieds « des conquérants qu'après qu'elle eut transporté aux industries asiatiques les encourage«ments qu'elle réservait auparavant pour ses sages, ses orateurs, ses poëtes et ses guer«riers; que le colosse Romain ne commença à vaciller sur ses bases, qu'après que les « Asiatiques et les Grecs furent parvenus à rendre les descendants des Cincinnatus et des « Scipion amoureux de leurs arts et rivaux de leur gloire de second ordre. »>

Dans les siècles plus rapprochés du nôtre, les sociétés qui placèrent leurs intérêts matériels au-dessus de tous les autres n'ont pas été plus heureuses. Notre Europe méridionale surtout est, de son orient à son occident, couverte de noms qui ne rappellent sans doute pas des ruines aussi pulvérisées que celles de Babylone, de Tyr, de Sidon, de Palmyre, de Memphis, de Carthage, de Syracuse et de Corynthe; mais qui ne s'appliquent plus néanmoins qu'à des cités et à des Etats n'ayant plus pour toute grandeur que celle qu'ils empruntent à leur histoire. Est-il besoin de nommer Venise, Gênes, etc., etc.?

On se tromperait, au surplus, de la manière la plns grossière, si l'on croyait que les arts industriels aient une existence qui leur soit propre, c'est-à-dire si l'on refusait d'admettre que les arts vivent d'une vie d'emprunt et sont uniquement le reflet, et, si nous pouvons parler ainsi, la matérialisation du génie philosophique, scientifique, littéraire d'une époque. Non-seulement nous voyons que chez les peuples sans lettres et sans science les arts industriels végètent dans une éternelle enfance, mais encore il nous est démontré par l'histoire que nulle part les arts n'ont précédé les lettres et les sciences. Ils se sont, au contraire, toujours développés à leur suite, les ont partout suivies dans leur déclin et ne sont nulle part restés vivants sur leurs ruines.

Nous reconnaissons toute la valeur des arts industriels et nous les aimons. C'est parce que nous les aimons et leur désirons longue vie, que nous sommes effrayés de les voir prendre sur les arts de l'esprit une domination qui doit, un peu plus tôt ou un peu plus tard, causer leur propre anéantissement.

En demandant que la renaissance des arts de l'esprit soit favorisée, nous ne faisons donc que solliciter appui en faveur des arts industriels, car ces derniers eux-mêmes commencent à manquer de force, ainsi que nous le démontrerons un peu plus loin, et ont perdu toute initiative dans la grande invention, c'est-à-dire, ont commencé à redevenir routiniers, depuis que les lettres et les sciences sont tombées dans l'état de faiblesse, d'agonie progressive qui ne leur laisse plus que les derniers semblants de la vie.

La résurrection des arts de l'esprit est encore possible, facile même, car le découragement qu'ont produit les dédains jetés aux hommes qui placent les vrais travaux de l'intelligence au-dessus de tout, n'est pas universellement arrivé jusqu'au désespoir et à l'impuissance; mais la comparaison que ces hommes courageux font de leur sort avec celui de ceux qui appliquent toute leur activité aux choses matérielles, produit des entraînements qui ne laisseront bientôt plus sur les hauteurs d'où nous est descendue la domination morale que nous exerçons sur le monde civilisé, que les grands noms qui ont précédé, accompagné et suivi le siècle de Louis XIV. Les quelques soldats que la Restauration avait formés pour les hautes luttes de l'intelligence ne sont plus, en effet, que des vieillards s'en allant vers la mort, sans laisser de postérité.

Ne nous abandonnons pas à des alarmes extrêmes, malgré tout, et ayons plus de respect pour les longs siècles qui ont formé notre histoire; les riches traditions de noblesse et d'honneur qu'ils nous ont laissées peuvent avoir abandonné nos esprits, sans être pour cela sorties de nos cœurs. C'est là que nous les voyons, en effet, c'est de là que leur voix se fait incessamment entendre, pour tenir en éveil tous les généreux instincts; c'est de là qu'elles tonnent, au nom de la conscience publique, contre le culte du veau d'or et l'adoration des succès de bourse et autres vilenies de cette espèce.

Sursum corda! Ne nous lassons pas de répéter ce ri de protestation contre l'abandon des arts de l'esprit, contre la prédominance illégitime des représentants du travail matériel, contre toutes les causes qui tendent à faire descendre notre intelligence vers un niveau indigne de notre grand nom.

Nous l'avons implicitement dit ci-dessus: permettre aux arts matérialistes de dominer les arts spiritualistes, c'est placer l'industrie et le travail matériel, en général, dans les conditions d'une rapide décadence: il nous reste à démontrer plus explicitement cette vérité et à prouver que cette décadence de l'industrie a déjà commencé à se manifester d'une manière très-sensible.

[ocr errors]

Il est reconnu que l'état de liberté, d'égalité ou desciavage d'un pays, dépend essentiellement de la manière dont les richesses y sont administrées. Partout, malgré la diversité des mœurs nationales et des institutions, les causes qui créent la satisfaction ou le mécontentement, la division ou la concorde entre les citoyens, ont leur source dans l'un ou dans l'autre de ces deux faits: bonne ou mauvaise répartition des richesses. Les désordres et les vices qui résultent d'une extrême opulence et d'une extrême misère, sont si nombreux et, à toutes les époques, ont eu des résultats si funestes pour les Etats où quelques-uns possédaient tout et où les masses ne possédaient rien, que nous osons à peine dire qu'il existe une question plus digne de l'attention des hommes politiques, que celle qui a pour objet le gouvernement de la richesse publique.

Supposer possible l'existence d'une société dans laquelle il n'y aurait ni riches ni pauvres est une utopie aujourd'hui ensevelie sous des raisons écrasantes. Oser la soutenir encore, c'est cyniquement déclarer que l'on se maintient volontairement en dehors de la bonne foi; c'est braver a honte qu'il y a à préconiser le crime.

Mais parce que la doctrine de ceux qui voudraient dépouiller les uns pour enrichir les autres, révolte à la fois la raison, la conscience, tous les instincts sociaux, est-ce à dire pour cela que la société n'ait pas le droit de juger le mérite des causes qui maintiennent des disproportions si énormes entre la richesse des uns et la pauvreté des autres; qui font que les uns arrivent si promptement à l'extrême opulence, pendant que les autres, tout en se livrant à un persévérant travail, ont tant de peine à gagner leur pain de chaque jour ?

L'examen de ces causes n'est pas seulement l'un des droits les plus incontestables de J'Etat ; c'est encore l'un de ses devoirs les plus impérieux. Cette intervention de l'Etat dans la formation et les mouvements de la richesse se retrouve dans toutes les constitutions et toutes les législations, tant anciennes que nouvelles. La doctrine des économistes qui voudraient que l'Etat s'abstint dans une question de cette importance, est une énormité aussi étrange que la doctrine de ceux qui demandent la liberté absolue au point de vue politique. On ne réfute pas de semblables absurdités quand on s'adresse à des lecteurs intelligents.

La question de savoir si notre ancienne législation était plus favorable ou moins favorable que la législation actuelle au progrès régulier de l'industrie et du travail sous toutes ses formes matérielles a été agitée mille fois et n'a pas encore été résolue d'une manière satisfaisante. Il est très-certain, d'un côté, que les maîtrises, les jurandes, l'existence des communautés et corporations en général, avaient des inconvénients qui n'existent plus; mais il est très-vrai aussi qu'elles avaient d'inappréciables avantages qui ont disparu sous le régime de la libre concurrence.

Le régime des maîtrises, des jurandes et des communautés commerciales a en sa faveur un argument qui n'est pas sans valeur et qui manque au régime de la libre concurrence. Cet argument est celui des siècles nombreux qui ont composé l'existence de ce régime des jurandes, siècles qui ne remontent pas seulement à saint Louis, à PhilippeAuguste, aux Capétiens, mais s'enfoncent jusqu'aux premiers âges de Rome, des républiques grecques et bien au delà encore.

Le régime de la libre concurrence n'a pas encore trois quarts de siècle et, malgré les nombreux monopoles qui existent en dehors de lui, il a marqué son existence par des ruines, des catastrophes, des crimes bien rares, sinon inconnus sous le régime des inspections et des jurandes.

Tout le monde, au surplus, s'accorde enfin à reconnaître que notre nouvelle législation industrielle et commerciale aurait bon nombre d'emprunts à faire à la législation ancienne. Dans toutes nos grandes villes, dans tous nos grands centres manufacturiers et commerciaux, on comprend de plus en plus que la concurrence sans limites est un désor

dre dont les conséquences deviennent chaque jour plus menaçantes; et l'on cherche partout à se reconstituer sous forme de corporation. C'est ainsi que Paris a vu, depuis plus ou moins de temps, se reconstituer un grand nombre de syndicats dont le nombre tend chaque jour à s'accroître. Ces syndicats ont pour but, d'un côté, de rapprocher les individus de même profession et, de l'autre, de les soumettre, tant pour ce qui concerne leurs droits que pour ce qui concerne leurs devoirs, à une règle commune.

Voici quelques-unes des professions qui se sont volontairement syndiquées à Paris: charpentiers, menuisiers, serruriers, maréchaux-ferrants, peintres en bâtiment et vitriers couvreurs et zingueurs ; mécaniciens, fondeurs, chaudronniers, paveurs, miroitiers, poêliers- fumistes et fabricants de cheminées; selliers, carrossiers, harnacheurs, tapissiers et marchands de meubles; entrepreneurs de bains publics, marchands de bois à brûler, marchands de bois à ouvrer; marchands de charbon de terre; ingénieurs civils, architectes, commerçants en tissus, bronziers et doreurs, imprimeurs en lettres, imprimeurs lithographes, etc.; bouchers, boulangers, etc., etc.; courtiers de commerce, commissaires priseurs, agents de change, agréés, huissiers, entrepreneurs de roulage, administrateurs des chemins de fer, sous le nom de secrétariat, etc., etc.

Indépendamment de ces syndicats qui ne sont qu'un retour volontaire vers notre ancienne législation industrielle et commerciale, il existe, il s'établit chaque jour dans presque toutes les professions des institutions qui, sous diverses formes et divers noms, ontpour but et pour objet le même retour vers l'ancienne communauté. Ici c'est un cercle quotidien ou une réunion périodique de gens d'un même état; là c'est une société d'encouragement ou de bienfaisance ou de défense commune, telles que: société d'horticulture; société des gens de lettres; cercle des sociétés savantes; condition des soies; condition des laines; union des comptables; société mutuelle des garçons de caisse et de recettes; société des employés de la papeterie; société des instituteurs; société des institutrices; société des chefs d'institutions; association des artistes musiciens; association des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, architectes, dessinateurs; association des inventeurs et des artistes industriels; sociétés des artistes d'église; société des auteurs et compositeurs dramatiques, etc., etc.

Les ouvriers et les serviteurs protestent aussi bien que les patrons contre l'isolement où la législation nouvelle les a réduits : ici c'est un bureau de placement qui leur sert de centre de réunion, là c'est une société de secours mutuels, ou une maison commune qui, dans le temps de chômage, leur procure la nourriture et le logement; ailleurs c'est un garni, Ja maison d'un traiteur, un cabaret choisi et adopté d'un commun accord; souvent c'est le compagnonnage, etc.

Cette réaction progressive contre le régime de la libre concurrence et de l'isolement est surveillée mais non contrariée par l'Etat, qui voit mieux que qui que ce soit combien d'inconvénients et de dangers présente un semblable régime.

L'Etat, en permettant, comme il le fait, que les hommes d'une même profession se donnent des règlements qu'ils ont délibérés en commun, et en confient l'application à des chambres syndicales, ne mérite, selon nous, que des félicitations, puisque nous voyons qu'à mesure que chaque profession se syndique, elle sort de l'anarchie et rentre dans des conditions d'ordre aussi favorables à ceux qui exercent cette profession qu'au public luimême. Mais il nous est impossible de donner la même approbation à la part, tantôt active.et tantôt passive, qui lui revient dans la création des grands monopoles qui se sont déjà constitués au milieu de nous, et semblent devoir se multiplier et grandir dans des proportions dont on craint de mesurer l'étendue, et dans des conditions qui semblent devoir produire des conséquences dont l'esprit n'entrevoit qu'avec terreur la portée sociale.

Les monopoles dont nous voulons parler sont de deux sortes: les uns sont directement concédés par l'Etat, soit en vertu d'une loi, soit par simple vois administrative; les autres se constituent sans le concours de l'Etat, mais avec son approbation tacite, puisqu'il dé

« PreviousContinue »