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fixer un terme de rigueur au-delà duquel le paiement ne pût être reculé.

M. le baron MALOUET pense que la loi proposée offre aux particuliers de grands avantages, en prescrivant les formes à suivre pour constater les causes d'utilité publique; mais qu'on peut prévoir dans la loi les cas où le paiement ne pourrait être fait comptant: ainsi on conserverait le principe du Code Civil, et cependant on laisserait aux tribunaux à peser les circonstances qui exigent que le paiement soit différé ; l'exactitude que mettra l'administration à payer aux termes convenus, rendra fort rares les contestations pour empêcher le paiement préalable, et l'on paiera toujours les intérêts.

Le CONSEIL décide que lorsque le paiement ne pourra être fait préalablement à l'indemnité, par quelques circonstances que ce soit, le tribunal ordonnera le paiement du cinquième, et dans le cas d'urgence, arbitrera la somme qui représentera cette quotité; les intérêts seront payés par six mois, et d'avance, à compter du jour de la dépossession. Le paiement total ne pourra être dif féré au-delà de trois ans.

Les articles 19, 20 et 21 sont renvoyés à une nouvelle rédaction.

L'article 22 est supprimé.

3.

4.

IX.

Fait

EXPOSÉ DE MOTIFS

par M. le comte BERLIER, conseiller d'Etat et orateur du gouvernement, dans la séance du Corps Législatif du 1er mars 1810.

SOMMAIRE ANALYTIQUE.

1. Le projet, qui n'est que le développement nécessaire de l'art. 545 du Code Civil, repose sur ces deux principes

que

l'État peut, dans son intérêt, exiger le sacrifice d'une propriété particulière, mais qu'il ne le peut qu'autant que la cause d'utilité publique est légalement constatée, et qu'en indemnisant le propriétaire.

2. Pour qu'on n'abuse pas, contre la propriété, de la cause d'utilité publique, il fallait réserver exclusivement au souverain le pouvoir d'ordonner les travaux qui nécessitaient l'expropriation.

3. Il fallait ensuite, ou que le décret obligeât l'héritage auquel cette nécessité s'applique, ou, s'il s'agit d'une ligne de travaux qui enveloppe un grand nombre de propriétés, que l'administration et la justice concourussent à la leur appliquer. Quelles sont les attributions respectives de l'nne et de l'autre.

4. Formes destinées à appeler les réclamations des propriétaires, et mode d'y statuer.— Dépôt du plan. —Commission locale.

5. Conclusion de gré à gré quand les propriétaires ne contestent ni la nécessité de la cession, ni la suffisance de l'indemnité qui leur est offerte.

6. Intervention des tribunaux dans le cas contraire.-L'expropriation ne peut avoir lieu que par leur autorité, et l'indemnité n'être définitivement réglée que par eux. Points sur lesquels ils auront à prononcer. D'après quels documens ils régleront l'indemnité.

-

7. Paiement de l'indemnité. Terme fixe du paiement quand il est retardé.—Intérêts payés d'avance. - Garantie du paiement au terme, et cautionnement de l'administration du domaine. Procédure en ce cas.

8. Soin avec lequel le projet a été rédigé. Pourquoi il garde le silence sur les cas accidentels où l'urgence ne permet pas de suivre les formes qu'il établit.

9. But du projet. Il remplit une lacune dans la législation, et pose des règles dont l'absence compromettait la propriété.

1.

2.

TEXTE DE L'EXPOSÉ DE motifs.

MESSIEURS, en soumettant à vos délibérations un projet de loi sur les Expropriations pour cause d'utilité publique il était difficile de lui donner de meilleures bases que celles qui ont été tracées par l'un des écrivains dont la France s'honore le plus.

"

« Si le magistrat politique (dit Montesquieu ) (1) veut « faire quelque édifice public, quelque nouveau chemin, «< il faut qu'il indemnise le public est, à cet égard, << comme un particulier qui traite avec un particulier; « c'est bien assez qu'il puisse contraindre un citoyen de « lui vendre son héritage, et qu'il lui ôte ce grand privilége qu'il tient de la loi, de ne pouvoir être forcé « d'aliéner son bien. »

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Ce texte indique deux points véritablement fondamentaux en cette matière : l'un dans l'intérêt de l'État, qui peut se faire céder une propriété particulière ou communale, quand l'utilité publique réclame cette cession; l'autre dans l'intérêt des citoyens, qui ne sauraient être privés de leur propriété sans qu'on les indemnise, ni contraints d'accéder à leur dépossession, sans que la cause en ait été consacrée par des formes légales.

Les règles qui vont être posées d'après ces principes ne sont, à proprement parler, que le développement de l'art. 545 du Code Civil.

On a voulu que nul citoyen ne fût lésé par ces nombreux travaux qui s'exécutent sur tous les points de la France. Des vues aussi paternelles vous trouveront sans doute disposés à les seconder.

Dans cette matière, l'un des premiers soins du législateur doit être d'empêcher qu'on n'abuse de la cause même

(1) Esprit des Lois, Livre XXVI, chapitre XV.

(Note de l'orateur.)

3.

en faveur de laquelle l'expropriation peut devenir légitime; cette cause est l'utilité publique; mais à qui appartiendra-t-il de la proclamer?

Plus les formes seront solennelles, plus les propriétés particulières seront à l'abri des caprices que l'on pourrait décorer du nom respectable et imposant d'utilité publique.

Nulle autorité autre que celle du souverain lui-même ne pourra donc mettre le sceau aux mesures primordiales, qui seules peuvent donner naissance au droit extraordinaire de se faire céder un terrain quelconque : ainsi, nuls travaux publics entraînant une cession de cette nature ne pourront être ordonnés que par un décret. Mais la loi devait porter plus loin sa sollicitude ; quand un décret aura ordonné les travaux publics, et prescrit, par exemple, l'ouverture d'une grande route ou d'un canal, sans désignation précise des lieux où passeront les travaux, ni des héritages qui y seront appliqués, comment sera-t-il pourvu aux droits de l'administration publique et aux intérêts de la propriété particulière?

Dans cette espèce, que la nature des choses rendra très fréquente, il convenait de tracer des règles dont les magistrats ne pussent s'écarter.

Le projet de loi les a posées en faisant respectivement concourir à leur exécution et l'autorité administrative et l'autorité judiciaire.

Cette salutaire alliance a d'ailleurs été combinée de manière à ne produire aucune confusion.

S'agit-il de désigner les départemens, les arrondissemens, les communes sur lesquels seront dirigés les travaux (lorsque cette désignation n'a pas été faite par le décret même)? L'on conçoit qu'un tel soin regarde exclusivement l'administration; qui seule possède les élémens propres à une telle opération.

4.

Il est également sensible qu'à l'administration seule peut appartenir le droit de déterminer les propriétés particulières auxquelles devra s'appliquer la cession pour cause d'utilité publique; mais c'est ici que doit commencer pour les propriétaires l'exercice de tous les droits propres à les garantir, soit du despotisme des gens de l'art, soit des décisions irréfléchies ou injustes de l'autorité même.

Sans doute ces droits ne s'étendent pas jusqu'à la critique du décret qui aura ordonné la construction d'une digue, l'ouverture d'une route ou d'autres ouvrages de cette nature; ces questions de haute administration ne peuvent devenir le sujet d'un débat entre un simple particulier et l'autorité publique qui s'est éclairée avant de prononcer, et dont l'acte solennel n'appelle plus que l'obéissance.

Mais si, dans l'exécution même du décret, il se présente des propriétaires qui soutiennent que cette exécution n'entraîne point la cession de leurs fonds; qu'il serait plus expédient et moins coûteux de passer ailleurs que sur leurs héritages; que la direction projetée par ménagemens ou complaisances pour les uns, dégénérerait en vexations pour les autres; toutes ces questions de fait peuvent devenir l'objet d'une discussion légitime; et loin qu'il convienne d'écarter de tels éclaircissemens, on doit les appeler: c'est en éclairant l'administration publique qu'on empêche les froissemens particuliers.

Dans ces vues, le projet qui vous est soumis établit des règles propres à atteindre ce but.

Lorsque des travaux publics auront été ordonnés, et avant d'en entreprendre l'exécution, il devra être dressé un plan terrier des fonds dont ils entraînent la cession.

Ce plan sera déposé entre les mains du maire de la commune; il y restera assez long-temps pour que les

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