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tuit, et que le ministère public sera toujours entendu avant les jugemens.

Enfin, la dernière rapporte les dispositions de la loi du 10 septembre 1807, et de toutes autres lois qui se trouveraient contraires à celle qui est présentée à votre délibération. Éparses et peu nombreuses, elles n'offraient point, comme celle-ci, un ensemble complet, une chaîne de règles claires dont voici les principaux anneaux : Action et poursuites de l'autorité administrative; Plans et communication d'iceux;

Institution importante et nouvelle d'une commission impartiale et éclairée ;

Introductions et décisions d'une tierce autorité;
Bases nombreuses d'évaluation juste de l'indemnité;
Certitude et garantie du paiement.

Toutes les formalités à remplir, depuis l'arrêté du préfet, qui désigne les propriétés particulières dont la direction des travaux exige l'abandon, jusqu'au moment des conventions de vente ou refus de traiter, motivé sur l'inobservation des formes prescrites ou sur la discordance, quant à l'indemnité, sont entièrement du ressort administratif.

L'intervention des tribunaux n'a lieu qu'à cette époque, par l'impulsion du préfet : dès lors, l'administration n'est plus un régulateur, mais une partie ; dès qu'il s'élève une contestation entre celle qui achète et celle qui est forcée de vendre pour l'utilité publique, nulle d'entre elles ne peut être juge de l'autre : la raison veut qu'une autorité étrangère à leurs intérêts respectifs soit chargée de pro

noncer.

Quant à la procédure devant les tribunaxx, elle est simple et sommaire, ne consomme que le temps indispensable pour les vérifications et les documens qui doivent déterminer la décision définitive.

Les délais inutiles, les incidens ne peuvent avoir lieu; la célérité s'obtient sans blesser les droits de la justice; des jugemens provisoires peuvent être rendus, suivant la nature des circonstances, en faveur de l'une ou de l'autre des parties: elles ont toute la latitude suffisante pour faire valoir leurs observations et moyens; le propriétaire ne peut point se plaindre de ne pas avoir été suffisamment entendu.

Des bases, toutes dans l'intérêt de ce dernier, sont assignées au tribunal, pour la fixation des indemnités ; le paiement est assuré, il a une garantie dans la caisse de l'administration des domaines.

Si des circonstances majeures ne permettent pas de le payer en entier sur-le-champ, il reçoit les intérêts, et le terme de l'acquittement est déterminé.

La conclusion à tirer de ces observations, auxquelles on pourrrait en ajouter plusieurs autres, est toute en faveur de la loi. Mais en la considérant dans son ensemble et dans ses résultats, il demeure certain que, par les formes qui y sont établies, par la latitude qu'elle donne au développement des réclamations, par l'intervention des tribunaux, la publicité des jugemens, le mode de fixation des indemnités, elle est véritablement protectrice des propriétaires; qu'en la comparant à ce qui se pratique actuellement, sa supériorité est incontestable; qu'enfin, elle est tout à la fois un hommage rendu au principe du respect pour la propriété, et à celui de l'intérêt que commande l'utilité publique.

Il est une dernière considération que l'on ne doit pas perdre de vue, pour apprécier l'esprit qui a dirigé le gouvernement dans le projet. Une nouvelle loi ne lui était pas nécessaire pour exécuter des travaux publics ou des améliorations et pour acquérir les propriétés placées sur la ligne de ces travaux : il pouvait suivre la marche

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adoptée jusqu'ici; et si elle a des inconvéniens, ils ne sont pas directs pour lui ni pour l'administration; ils le sont pour le propriétaire. Mais comme le bien général est son premier système, il a voulu rendre leur situation meilleure; il a pesé leurs intérêts; il s'est imposé des règles plus étroites, et il a pensé que, si la puissance est un grand levier, l'exacte justice en augmente la force.

Comment une loi inspirée par une si noble pensée, ne serait-elle pas un nouveau titre à la reconnaissance publique! Seconder des intentions dont le motif est si respectable, c'est poser, Messieurs, la première pierre des grands travaux qui doivent encore vivifier et honorer la France.... Deux lustres sont à peine écoulés, et déjà cette France est sur le point de jouir de plusieurs canaux importans; les communications sont multipliées; l'art à vaincu la nature dans les Alpes; des digues, des chaussées, des quais contiennent les fleuves ; des desséchemens s'opèrent, les villes s'embellissent, des monumens utiles et glorieux les décorent.

La commission vous propose, Messieurs, de convertir le projet en loi.

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LOIS ACCESSoires et actES DU POUVOIR exécutif et régléMENTAIRE QUI SE RAPPORTENT A LA LOI DU 8 MARS 1810 SUR les Expropriations pour cause d'utilité publique.

Dès 1807, on avait agité la question de savoir si l'expropriation pour cause d'utilité publique ne pouvait être opérée que par la loi.

Cette question fut décidée par l'avis suivant.

XI.

AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT du 1er août 1807, approuvé le 18, sur l'exécution de l'article 545 du Code Civil.

Le Conseil d'État, après avoir entendu la section de législation sur le renvoi qui lui a été fait par le chef du gouvernement, de l'examen de la question de savoir si le concours de l'autorité législative est nécessaire lorsqu'il s'agit de l'exécution de l'art. 545 du Code Civil, portant: « Que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si « ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant "une juste et préalable indemnité, »

"

Est d'avis que, dans ce cas, le concours de l'autorité législative n'est pas nécessaire, et que la nature même des choses s'oppose à ce qu'elle puisse intervenir avec la sûreté et la dignité qui lui conviennent.

La loi n'est autre chose qu'une règle commune aux

citoyens : elle établit les principes généraux sur lesquels reposent leurs droits politiques et civils. Le point de savoir si la règle a été violée dans l'application au droit d'un particulier, est une simple question de fait; il s'agit alors d'exécuter la règle, et non d'en créer une nouvelle. La société a intérêt à ce que le principe ne soit changé que par la même autorité qui l'a établi : l'intérêt social n'est point blessé par l'erreur ni même par l'injustice dans la décision du fait particulier; c'est un préjudice individuel. Les lois les plus sages et les plus claires n'empêcheront jamais qu'il n'y ait des erreurs ou des injustices dans leur application. On a toujours regardé comme une garantie politique que la même autorité qui fait la loi ne soit pas chargée de l'exécuter.

Il est d'ailleurs impossible que la loi intervienne alors avec sûreté et avec dignité :

Avec sûreté, parce que la question de fait dépend, le plus souvent, de connaissances locales, et que le Corps Législatif n'est point organisé pour éclaircir et pour juger des questions de fait;

La dignité de ce corps en est blessée, parce qu'on transforme les législateurs en simples juges; et le plus souvent encore l'objet du jugement est-il du plus médiocre intérêt.

Si on remonte aux diverses constitutions qui ont régi la France, aucune d'elles n'a exigé l'intervention de la loi. Si on s'en rapporte à l'usage, jamais on n'a soumis au Corps Législatif les expropriations ayant pour cause la voirie et les alignemens; et on trouve à peine quelques exemples pour des expropriations déterminées par d'autres causes d'utilité publique.

Le droit de propriété doit être regardé comme pleinement garanti par le principe général que la loi a établi, que la loi seule pourrait changer, et par la régularité des

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