Page images
PDF
EPUB

en Italie, une lettre pour l'archiduchesse MarieLouise. Cette princesse, qui était alors à Schoenbrunn, l'envoie à son père, sans même vouloir l'ouvrir. Cette lettre contenait le rappel à Paris, de l'ex-impératrice, et du jeune Napoléon. Mais Marie-Louise, désabusée de sa grandeur passée, avait déja déclaré qu'elle ne retournerait jamais en France, quand même l'usurpateur resterait sur le trône. C'est alors qu'on forma à Paris le dessein d'enlever le jeune Napoléon. Ce projet fut dénoncé par Marie-Louise elle-même; et la gouvernante de l'enfant, madame de Montesquiou, accusée de complicité, fut destituée, et mise à Vienne en surveillance. Afin de déjouer toutes les intrigues de tout genre, le fils de Bonaparte fut transféré au palais impérial à Vienne. On sut à Paris tirer parti de cette translation, en répandant le bruit que c'était pour honorer le père et l'enfant; et le peuple, toujours facile à tromper, le crut.

Bonaparte tenta de faire arriver à Vienne différens émissaires. Des individus, que l'histoire dédaigne de nommer, pénétrèrent jusque dans cette capitale, à la faveur de vils travestissemens. Ils avaient la mission de séduire la légation française, qui ne reçut les propositions insidieuses faites par ces émissaires, que pour en

donner communication au cabinet autrichien. Bonaparte furieux du peu de succès de sa tentative, mit hors de la loi les plénipotentiaires français. On arrête à Lintz un Belge, le baron de Strassart, préfet sous le gouvernement impérial, et qui était porteur d'une lettre pour l'empereur François I. Bonaparte y manifestait le désir de la paix, et l'intention d'observer les stipulations du traité de Paris du 30 mai. François I, pour toute réponse, remet la lettre au prince de Metternich pour en faire l'ouverture dans la séance du 3 mai du comité des huit.

L'intrigue s'agita aussi auprès de l'ex-vice-roi d'Italie, Eugène Beauharnais. Il était venu à Vienne, où il avait eu d'abord beaucoup de peine à être distingué de la foule des personnages arrivés dans cette capitale. Sa qualité de beau-fils de Bonaparte, et même celle de gendre du roi de Bavière, n'eussent pas suffi pour le tirer de l'obscurité où on paraissait vouloir le laisser, si l'empereur Alexandre ne l'en eût fait sortir par égard pour ses qualités personnelles. Mais, lorsque le débarquement de Bonaparte fut connu, Beauharnais n'ayant pas paru le désapprouver; et des liaisons mystérieuses avec des inconnus qu'on lui avait adressés probablement de Paris, ayant achevé de le rendre suspect, il reçut l'ordre

de se retirer à Munich, où il était soigneusement observé (1).

Les tentatives de Bonaparte auprès de l'Angleterre, n'avaient pas mieux réussi qu'auprès de l'Autriche. Le sieur Otto, digne de consacrer ses talens à une plus noble cause, avait été choisi pour offrir au prince-régent son alliance; mais cet envoyé n'avait pu obtenir la permission de venir à Londres, et il était resté à Boulogne. Ainsi l'usurpateur était partout repoussé, si ce n'est en France, pays qui aurait dû le plus, au seul souvenir des maux passés, détester sa présence.

Malgré les doutes que l'usurpateur affectait de répandre sur l'authenticité de la déclaration du 13 mars, il sentit enfin que sa publicité exi

(1) Eugène Beauharnais faillit se compromettre dans cette ville, en remettant confidentiellement une lettre énigmatique à un courrier français, nommé Bourdet, qui était allé le trouver, en l'assurant de son dévouement à la cause de Bonaparte. Ce dévouement imprudemment manifesté, ayant fait arrêter ce courrier à Carlsruhe, sur la demande du ministre autrichien près du grand-duc, la lettre d'Eugène fut trouvée dans une bouteille cachée dans la voiture de ce courrier, qui était à double fond, et pleine de contrebande, ainsi que le portefeuille même des dépèches qui avait été forcé. Le courrier, en arrivant à Heilbron, où il fut ramené, fut mis à la suite du quartier-général autrichien; et, à son passage dans chaque ville jusqu'à Paris, il était déposé dans la prison publique.

geait qu'elle fût discutée et réfutée. Le ministre de la police, Fouché, la dénonça le 29 mars au conseil-d'état. Il représentait cette pièce comme uniquement émanée de la légation française au Congrès, laquelle aurait, suivant lui, falsifié la signature des plénipotentiaires du comité des HUIT, sous leurs propres yeux. On sent qu'il n'y avait que la pratique trop réelle de crimes de ce genre, qui fût capable d'inspirer à l'usurpateur et à son ministre une pareille supposition. Le conseil-d'état de Bonaparte ayant pris connaissance de la déclaration du 13 mars, fit rédiger par le conseiller Defermont un rapport dont le préambule, après avoir signalé la déclaration du Congrès comme un acte inouï dans les fastes de la politique, attribuait cette foudroyante déclaration aux seuls plénipotentiaires français. « Ceux d'Autriche, de Russie, de Prusse et d'Angleterre, disait Defermont, n'auraient pu signer un acte que les souverains et les peuples auxquels ils appartiennent, s'empresseraient de désavouer. Et d'abord, les plénipotentiaires, coopérateurs pour la plupart du traité de Paris, qui savent que Napoléon y a été reconnu comme conservant le titre d'empereur et comme souverain de l'île d'Elbe, l'auraient désigné par ces titres, et ne se seraient écartés ni au fond, ni dans la forme, du respectueux égard qu'ils imposent. Ils au

raient senti que, d'après les lois des nations, le prince le moins fort par l'étendue ou la population de ses états, jouit, quant à son caractère politique et civil, des droits appartenant à tout prince souverain, à l'égal du monarque le plus puissant; et Napoléon, reconnu sous le titre d'empereur, et en qualité de prince souverain par toutes les puissances, n'était pas plus qu'aucune d'elles, justiciable du Congrès de Vienne. L'oubli de ces principes, impossible à supposer dans des plénipotentiaires qui pèsent les droits des nations avec réflexion, sagesse et maturité, n'a rien d'étonnant quand il est manifesté par quelques ministres français, à qui leur conscience reproche plus d'une trahison; chez qui la crainte a produit l'emportement, et dont les remords égarent la raison.

<< Ceux-là seuls ont pu risquer la fabrication et la publication d'une pièce, telle que la prétendue déclaration du 13 mars, dans l'espoir d'arrêter la marche de Napoléon, et d'abuser le peuple français sur les vrais sentimens des puissances étrangères; mais il ne leur est pas donné de juger comme elles le mérite d'une nation qu'ils ont méconnue, trahie et livrée aux armes de l'étranger. Cette nation brave et généreuse se révolte contre tout ce qui porte le caractère de lâcheté et de l'oppression. Ses affections s'exal

« PreviousContinue »