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lèrent les regrets occasionnés par les démembremens récens; et l'orgueil, l'ignorance, une maligne jalousie et le dépit critiquèrent tout ce qu'avait fait le Congrès de Vienne. Aussi ses décisions n'arrivèrent-elles dans la plupart des salons, que travesties et décriées d'avance, parce qu'en définitive elles avaient pour but principal de consolider l'œuvre de la restauration europénne. Tout ce qui était bien sous ce point de vue, paraissait mal aux yeux des partisans de la république et de l'empire, formant une coalition d'opinions d'origine bien différente, et proclamant que la France était désormais privée d'honneur et de gloire, puisqu'elle n'inspirait plus la terreur.

En comparant maintenant le Congrès de Vienne avec ceux qui ont eu le plus de célébrité dans l'histoire, on se convaincra de sa prééminence. Les Congrès de Munster et d'Osnabruck fixèrent les droits de l'empereur et de l'empire, ceux des catholiques et des protestans, et réglèrent les satisfactions dues à la France, à la Suède et à leurs alliés; toutes choses graves sans doute et qui exigèrent de grands efforts de talent; mais les plénipotentiaires de la paix de Westphalie ne surent pas suspendre le fléau de la guerre qui se prolongea encore sept années au milieu des négociations. De plus, cette paix ne fut

guère qu'une opération locale, ou un acte germanique. Elle ne statua rien sur le nord ni sur le midi de l'Europe, et ne s'occupa pas de l'Angleterre, alors théâtre d'une guerre civile dont le résultat devait être un crime atroce. On pourrait observer encore, que le Congrès de Münster ne pourvut pas assez à l'exécution de ses décisions qui allumèrent dans la suite deux guerres.

Pour assurer le maintien de l'équilibre général, le Congrès d'Utrecht défendit à jamais la réunion des couronnes de France et d'Espagne sur la même tête. Occupé d'élever des barrières autour de la France, il donna à l'Autriche les Pays-Bas et le Milanais, et fortifia le duc de Savoie qu'il éleva à la royauté. Mais cette assemblée travaillant moins pour l'Europe que contre la France, laissa des germes de dissension qui amenèrent depuis une rupture entre l'empereur et l'Espagne, et entre la France et l'Angleterre.

Le Congrès de Vienne, livré à des opérations beaucoup plus compliquées que les Congrès de Munster et d'Utrecht, a réintégré dans leurs possessions, les monarques de Prusse, d'Autriche, de, Sardaigne et de Naples, ainsi que le pape, le grand-duc de Toscane et le duc de Modène. Il a rendu à l'indépendance l'Hanovre, la HesseÉlectorale, Hesse-Hombourg, l'Oldenbourg, les

villes anséatiques, la Hollande, la Belgique. Il a sauvé d'une ruine totale, le royaume de Saxe tombé sous la loi de la conquête, posé les bases d'un pacte fédératif pour l'Allemagne, consacré la nouvelle fédération des cantons, et terminé leurs différens. Il a créé le royaume des Pays-Bas, décrété un acte de navigation fluviale qui sera un nouveau lien entre les nations et une source de prospérité, provoqué des constitutions représentatives en faveur de plusieurs peuples, et fait luire sur le continent africain désolé par un honteux commerce, les premiers rayons de sa délivrance: telles sont les œuvres du Congrès de Vienne qui a prouvé que les monarques étaient capables de se concerter de bonne foi dans un conseil commun, et a ainsi peut-être préparé la réalisation d'une diète européenne regardée jusqu'alors comme chimérique. Il a offert le spectacle d'une restauration du continent plus prompte encore que n'avait été sa décadence, et amené le dénoûment du drame sanglant de la révolution. Ici du moins le dénoûment a été le triomphe de la liberté et de la vertu.

Il faut reconnaître que l'Europe est mieux constituée qu'elle ne le fut à aucune époque antérieure. Nul doute que le centre du conti

nent ne soit affermi par une plus parfaite balance de forces, et que les contre-poids ne soient mieux distribués, si surtout la confédération germanique, comme on doit s'y attendre, se constitue puissance active dans le cas où l'Europe serait menacée par quelque conquérant du Nord. Au sud-ouest, l'équilibre a été fortifié par le développement de la monarchie piémontaise, et plus encore par celui de la monarchie autrichienne devenue le boulevard des princes d'Italie. Au nord-ouest, les royaumes des Pays-Bas et d'Hanovre, par leurs connexions avec la Prusse, offrent à l'édifice européen, deux appuis dont il était privé. Toutes ces créations sont d'autant plus solides, qu'elles ont pour base la légitimité ou la dévolution perpétuelle du trône aux mêmes familles, la garantie des possessions nouvelles, ainsi qu'un système de couservation générale sous l'influence des monarchies prépondérantes. Tout donc proclame le retour à un ordre durable parce qu'il est réfléchi, et le fruit de l'expérience. Nulle puissance ne peut plus attenter à l'Europe par ses prétentions et ses envahissemens or, ces divers bienfaits étant le développement des plans préparés dans le Congrès de Vienne, il faut en conclure que son travail fut raisonnable et bon,

ou du moins qu'il est aussi parfait que les circonstances le permettaient; et que les souverains qui l'ont dirigé, non moins que les ministres qui y ont coopéré, ont bien mérité de l'univers.

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