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LIVRE XVII.

SOMMAIRE.

Situation de Louis XVIII vis-à-vis des alliés.

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Démarches

de Blücher de faire sauter le pont d'Iéna. de Louis XVIII auprès du roi de Prusse et de l'empereur de Russie. Conduite généreuse de l'empereur d'Autriche. Contestation au sujet du Musée. Licenciement de l'armée de la Loire. -Abolition définitive, en France, de la traite des noirs. Convention entre les cours alliees au sujet de Bonaparte. Son envoi à Sainte-Hélène. Ses prétentions. Sa politique. Son caractère. -Jugement sur sa personne.

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La position de Louis XVIII vis-à-vis des puis

sances alliées, était fort embarrassante: s'il leur devait de la reconnaissance, il devait aussi son appui à son peuple. Concilier ces deux sentimens, n'était pas toujours facile. Maîtres du territoire français une seconde fois conquis, les alliés pouvaient tourner contre la puissance de Louis XVIII, l'épée qui venait de servir à la relever. Ils pou

vaient encore par des représailles qui aux yeux des militaires, ont de la grandeur, chercher à venger leur pays des affronts de Bonaparte si insolent dans la victoire. Les Prussiens surtout, dans l'ivresse de leur dernier triomphe, paraissaient vouloir se signaler par des actes de vengeance. Le maréchal Blucher venait de donner l'ordre de faire sauter le pont d'Iéna, nom de douloureux souvenir pour l'honneur des armes prussiennes; déja les mines d'explosion se préparaient. A cette nouvelle, Louis XVIII fait inviter le maréchal à le venir trouver pour lui annoncer qu'il changeait le nom de pont d'Iéna en celui de pont de l'École militaire. Mais le vieux guerrier qui ne voit dans ce changement que de l'adresse, refuse de céder. Louis XVIII écrit alors au roi de Prusse, pour lui faire connaître la satisfaction qu'il accorde à l'honneur prussien, en lui observant que la destruction du pont de l'École militaire serait un acte inconvenant qui pourrait indisposer ses sujets, susceptibles de croire qu'il l'aurait approuvé, et que sa couronne en serait déconsidérée. Louis sollicitait Frédéric - Guillaume d'interposer son autorité pour suspendre les ordres donnés, le priant, s'il refusait d'accueillir sa demande, de vouloir bien lui faire savoir l'heure où l'on ferait sauter le pont, afin

qu'il put se placer au milieu. Le roi de Prusse tardant à répondre, Louis XVIII qui ne se souciait point d'être pris au mot, s'adresse à l'empereur Alexandre dont il réclamait l'intervention. L'autocrate ayant invité avec fermeté le maréchal Blucher à renoncer à son dessein, celui-ci ne s'en désiste qu'avec un vif regret, parce qu'il avait l'approbation secrète de son maître. Blucher se proposait aussi de faire désarmer la garde nationale parisienne; et ce fut encore l'empereur Alexandre dont Louis XVIII invoqua les bons offices, qui empêcha une mesure dont l'amour-propre des Parisiens eût été fort blessé.

Bonaparte s'était attaché par orgueil, à rappeler en cent endroits, ses triomphes sur les ennemis. Les rues, les ponts portaient des noms qui étaient autant d'injures pour les alliés. L'empereur d'Autriche eût pu se trouver offensé autant par la construction du pont d'Austerlitz, que par l'érection de la colonne fondue avec des canons pris sur les Autrichiens, et qui retraçait en bronze immortel, les événemens de la campagne de 1805. On pressait François I de faire renverser le pont, la colonne, ainsi que l'arc de triomphe du Carrousel; mais ce prince modéré s'y refuse; et l'on se contente de descendre la statue de Bonaparte du haut de la co

lonne, ainsi que le char de la victoire qui surmontait l'arc de triomphe. On se demandera ce qu'eût fait en pareil cas le superbe dominateur.

Les principes avoués par le droit des gens moderne et par la civilisation, sont que dans la guerre, on ne doit enlever que les instrumens utiles à l'ennemi pour l'attaque ou la défense (1); mais que tout ce qui appartient aux arts libéraux, aux sciences et au culte, est insaisissable. Les objets de ce genre furent habituellement respectés par les princes et les généraux victorieux se conduisant avec noblesse : ils ne songeaient pas à emporter les statues, les bas-reliefs et les tableaux des pays conquis. Louis XIV ne dépouilla ni l'Italie, ni la Hollande, ni l'Allemagne. Frédéric II, lorsqu'il entra dans Dresde, refusa de déplacer un seul tableau de la galerie électorale; et le maréchal de Saxe, dans la conquête des PaysBas, ne fit point la recherche des Rubens, des Rembrandt, des Van-Dyck. Mais, dans les

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guerres

(1) « Depuis long-tems, on a reçu comme loi de la guerre

« sur le continent, de conserver aux sujets ennemis, la propriété de leurs biens- fonds, mais aussi d'épargner tant les <«< biens privés du monarque que les biens meubles des sujets, et particulièrement les monumens de l'art et de l'industrie, en se contentant de faire butin sur l'ennemi armé. » Voyez MARTENS, Précis du droit des gens moderné, s. I, et GROTIUS, de Jure Belli et Pacis, lib. III, c. vi.

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de la révolution française, principalement dans le cours des campagnes de Bonaparte, ce fut un honneur, et bientôt une spéculation, de spolier les sanctuaires, ainsi que les musées, les bibliothèques et les médaillers. On enlevait même chez les particuliers, tout ce qui s'y trouvait de précieux et de rare, tant s'était développée la passion des généraux et des commissaires du gouvernement, pour les chefs-d'œuvre. On transféra à Paris, les archives de Turin, de La Haye, et de la chambre de Wetzlar. On y transporta de Rome, les procès-verbaux des conciles et de la canonisation des saints, la collection des brefs et des bulles, les mémoires de la propa gande, les arrêts du saint-office, etc. Pour justifier ces enlèvemens, on citait l'exemple des Romains. On aurait pu citer aussi celui des Huns et des Vandales qui, à leur tour, avaient dépouillé l'avide spoliatrice des nations. Mais les principes de justice et de bienséance publique, ne se jugent pas par la conduite de ceux qui les ont violés. S'il en était ainsi, tous les excès seraient justifiés; car il n'en est pas un qu'on ne puisse rencontrer dans l'histoire des barbares et même de quelques nations policées.

Au moment où les armées alliées entrèrent dans Paris, il avait été conclu, ainsi qu'on l'a vu, une convention entre les maréchaux Blucher et

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