Page images
PDF
EPUB

L'UN DES AUTEURS DE L'AMENDEMENT déclare qu'il reconnait la nécessité de prendre des mesures pour que le Gouvernement domine la question des caisses d'épargne au lieu d'être dominé par elle. Mais si l'on veut arriver à trouver des remèdes efficaces, il faut, avant toute chose, déterminer la nature de l'institution dont il s'agit. Selon l'orateur, les caisses d'épargne sont de véritables banques de dépôt destinées à payer et à recevoir, et toujours ouvertes pour ce double but; elles sont à l'usage des classes inférieures ce que les banques particulières ou les banques publiques sont au commerce ou à l'industrie; rendant productives les épargnes des classes inférieures, elles ont successivement accumulé un capital de 300 millions; les résultats de cette opération ont été d'abord d'abaisser l'intérêt de la dette flottante en tenant à la disposition de l'Etat des fonds dont la concurrence a forcé les prêteurs du Trésor à réduire leurs conditions; secondement elles ont amené la disparition de la dette de l'Etat envers la Banque de France. Depuis 1833 jusqu'à 1837, on voit cette dette décroître, et depuis 1837 jusqu'à ce jour, au contraire, le Trésor possède à la Banque un dépôt dont le chiffre va toujours s'élevant. Cette marche est en corrélation régulière avec l'accroissement constant du chiffre des caisses d'épargne; elles n'ont pas produit un effet moins heureux en ce qui concerne la dette fondée. En 1840, par exemple, elies ont dispensé l'Etat de négocier les emprunts qui étaient nécessaires; grâce à leur concours, le Trésor a pu attendre des circonstances favorables, et il a placé ces emprunts à un taux élevé. Cet ensemble de faits démontre que si la caisse d'épargne est un grand bienfait pour les classes inférieures, elle offre aussi de grands avantages à l'administration des finances. Il est vrai qu'elles présentent aussi certains dangers et certains inconvénients, et ces inconvénients sont inhérents à la nature même de l'institution: ils proviennent de ce que ce n'est qu'une banque vivant de crédit et n'ayant jamais à la fois en caisse la totalité de ce qu'elle peut devoir payer à un jour donné. Mais ces crises que l'on redoute se sont toujours montrées plus faibles à mesure qu'on s'est éloigné des premiers temps de l'institution et à mesure que les déposants se sont

éclairés par l'expérience; c'est ce que démontre évidemment l'examen des faits qui se sont passés en 1837 et en 1840, et l'on peut dire aujourd'hui, aussi longtemps que la paix durera, le mal ne saurait avoir ni une durée, ni une étendue inquiétantes; mais, en cas de guerre, il n'en serait probablement pas de même, et c'est une éventualité qu'il faut prévoir. L'orateur conçoit donc que l'on cherche à restreindre l'étendue de cette dette en éloignant de l'institution les capitaux qui n'ont pas été destinés à en profiter. Le projet de loi propose deux moyens, mais tous les deux sont contraires à la nature de l'institution, car ils consistent à gêner les versements et les remboursements. Il est douteux que ces moyens réussissent à éloigner les capitaux parasites; les petits déposants sont les seuls qui aient besoin d'avoir sans cesse la possibilité de disposer de leur capital; il faut qu'ils puissent, à chaque instant, le retirer pour les besoins de leur famille et de leur travail : il n'en est pas de même pour les capitalistes proprement dits, ceux-ci, vivant de leurs revenus, leur prennent leur argent en vue de quelque spéculation, et ils peuvent parfaitement s'accommoder aux délais qu'impose le projet de loi. On peut être assuré que si la disposition est adoptée, il s'établira à côté des caisses d'épargne des banques usuraires où l'on prêtera sur dépôt de livrets, et il n'est pas difficile de prévoir que, dans de telles circonstances, l'ouvrier sera livré à toutes les manœuvres de l'agiotage.

Le meilleur moyen d'atténuer les crises quand elles se présentent, c'est de continuer les remboursements au lieu de les suspendre. Un débiteur qui demande des termes pour payer, éloigne la confiance, provoque les demandes en restitution, et c'est là ce que fait le projet de loi. Le meilleur moyen pour les crises que l'on peut qualifier de paniques, c'est de ne rien changer aux conditions existantes et de maintenir l'exigibilité telle qu'elle a existé jusqu'à ce jour. Quant aux crises véritables que pourrait amener la guerre, par exemple, quelle facilité un délai de deux mois donnera-t-il aux caisses d'épargne pour payer 400 ou 600 millions? L'établissement de ce terme n'aurait pas d'autre effet que de concentrer les paiements sur un seul jour au lieu de les échelonner au fur et à mesure de l'arrivée des ▼. Procès-Verbaux,

3

[ocr errors]

demandes. En pareil cas, le meilleur moyen d'obtenir les capitaux serait d'élever l'intérêt.

Dans l'état actuel de l'administration des finances, les receveurs généraux tenus d'être toujours en avance, sont habituellement créanciers du Trésor pour une somme de 60 millions. Si l'hypothèse que prévoit le projet de foi sé realisait, et qu'on adoptat le délai de deux mois, les receveurs généraux, obligés de faire face aux demandes sur tous les points du territoire, deviendraient ses débiteurs au lieu d'être ses créanciers.

L'amendement fournit les moyens de dominer la situation que l'on cherche inutilement ailleurs. Il opère d'abord par réduction d'intérêts, et c'est, il faut le dire, le moyen de faire entrer les déposants de la caisse d'épargné dans la rente autant que la chose est possible; car il ne faut pas se dissimuler qu'ils n'y entreront jamais largement : la première condition pour eux, en effet, est de pouvoir 'disposer toujours librement de leur capital, et rien ne leur garantit que, quand ils voudront vendre la rente, ils pourront le faire au taux auquel ils l'auront achetée. Quant au droit, il est incontestable; il a toujours été entendu que le taux de l'intérêt alloué aux caisses d'épargne était essentiellement variable.

2o L'amendement limite le capital en réduisant le maximum des dépôts de 3,000 à 2,000 francs, et, selon toute probabilité, cette réduction fera sortir des caisses d'épar gne environ 120 millions.

La Commission reconnait que la baisse de l'intérêt dans les affaires générales appelle les capitaux parasités dan's les caisses d'épargne la conséquence naturelle est qu'il faut baisser proportionnellement 1 intérêt des caisses d'é pargne. M. le Ministre des finances craint que cette 'dimi nution n'agisse avec trop d'efficacité : l'orateur répondra que c'est pour le Gouvernement un droit et un devoir d'en agir ainsi. L'intérêt n'est que l'accessoire pour les déposants dans les caisses d'épargné; ce qu'il leur faut, avant tout, c'est la disponibilité perpétuelle du capital. L'Etat doit aux classes inférieures une caisse de dépôts pareille à celle qui existe pour le commerce et l'industrie; c'est là une dette du Gouvernement; mais, quant à l'intérêt, il ne

le doit qu'en conséquence de l'usage qu'il fait de ses fonds et en raison du délai sous lequel le remboursement est exigible or, les bons du Trésor à six mois et à un an se placent à 2 pour 100: il est évident qu'on ne devrait pas un intérêt plus élevé à des sommes remboursables à huit jours de la demande. L'institution des caisses d'épargné est un acte de bienfaisance pure qu'il ne doit accomplir qu'à des conditions qui ne le mettent point en danger lui. même. La réduction de l'intérêt n'éloignera pas les déposants: on peut s'en assurer par l'observation de ce qui se passe au Mont-de-Piété de Paris, dont les fonds consis. tent en sommes prêtées par de petits capitalistes pris dans les mêmes classes: des réductions successives de l'intérêt, fixé aujourd'hui à 2 et demi pour 100, n'ont point éloigné les prêteurs.

La baisse de l'intérêt est donc la seule solution vraie de la question; c'est un moyen simple et conforme à la nature de l'institution. L'orateur prie la Chambre d'adopter l'amendement.

༔༞་་ J

UN MEMBRE n'admet pas l'assimilation des caisses d'é pargne avec les banques celles-ci reçoivent des capitaux et les prêtent elles présentent autant de facilité pour recouvrer que pour rendre, et elles échelonnent leurs remboursements sur leurs rentrées : le Gouvernement, au contraire, qui est le débiteur des fonds des caisses d'épar gne, verrait diminuer ses ressources au moment où les remboursements seraient demandés. Dans un moment de crise, la rente baisserait inévitablement, et si elle descendait à 75 par exemple, les déposants des Caisses d'épar→ gne n'auraient pas de peine à voir qu'il vaut mieux posséder de la renté à ce taux que de laisser son argent à la caisse à 3 et demi pour 100. En effet, dans les deux cas, le débit en est le même, mais le taux de l'intérêt est tout à l'avantage de la rente.

L'orateur s'attache ensuite à démontrer que l'objet des caisses d'épargne étant à la fois de tenir les petites som mes à la disposition des déposants, et d'aider à former dé plus forts capitaux par l'accumulation, on pourvoit à tout

en ordonnant le remboursement immédiat des petites summes, et en imposant un délai plus long pour les grosses sommes. C'est le mode indiqué par le projet de loi, et l'orateur engage la Chambre à l'adopter.

UN DEUXIÈME MEMBRE craint que les observations présentées par les auteurs de l'amendement ne compromettent l'existence des caisses d'épargne; il y a en ce moment en France et à l'étranger une tendance déréglée à se jeter dans des entreprises et des spéculations qui ne sont pas toujours bien réfléchies, et c'est dans ces circonstances que deux projets de loi sont présentés à la Chambre; l'un sur la conversion des rentes qui est de nature à inquiéter les grands capitaux : l'autre sur les caisses d'épargne, qui change les conditions de placement des petits; ainsi pourchassés et dans la rente et dans les caisses d'épargne, fes capitaux de tout ordre viendront se jeter dans des spéculations désordonnées : il y a là un grave sujet de réflexions pour la Chambre. On propose, pour tranquilliser les déposants, de réduire l'intérêt le choix du moyen n'est pas heureux les déposants des caisses d'épargne ont besoin d'un placement sûr, mais aussi productif : si vous leur enlevez cette seconde condition, ils se retireront. On dit que les capitaux affluent chez les banquiers, même depuis qu'ils ont réduit l'intérêt cela ne prouve pas l'abondance des capitaux, mais bien l'inquiétude qu'ont fait naître les projets de loi sur la rente et sur les caisses d'épargne. Avant tout, il faut retenir et rassurer les porteurs de livrets, et l'on ne peut le faire qu'en leur offrant tous les avantages qui sont compatibles avec le but que doit se proposer le projet de loi, qui est de garantir le Trésor contre des demandes de remboursement trop brusques. L'amendement est en dehors de cette condition, et l'o· rateur pense qu'il convient de le rejeter.

UN TROISIÈME MEMBRE répond que cette critique altaquerait la loi elle-même et non pas seulement l'amendement; c'est le projet de loi qui a saisi la Chambre de la question. Une fois posée, il s'agit de chercher le remède le meilleur, et les auteurs de l'amendement ont présenté

« PreviousContinue »