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ainsi qu'on l'a qualifiée dans des temps d'agitation. Selon lui, le vrai nom des prolétaires est celui de pupilles, de mineurs de la famille sociale; c'est à eux qu'il faut penser avant tout. Or, l'échelle qui élève le prolétaire à toutes les conditions du citoyen, n'est autre chose que la caisse d'épargne il importe donc de préserver de toute atteinte une institution qui garantit à la fois le haut et le bas de la société. L'œuvre de ce siècle doit être l'abolition du prolétariat.

M. le Ministre des FINANCES demande la parole, et dit:

« Je m'associe complètement aux justes éloges que le préopinant vient de donner à l'institution des caisses d'épargne. J'ai déjà eu occasion de manifester à cette tribune tout le bien que j'en pensais. Je ne l'ai pas dit avec la même éloquence que lui, mais je l'ai dit avec la même conviction, et, je crois, avec la même force.

«Mais le préopinant lui-même reconnaît qu'il faut écouter les conseils de la prudence.

« Quant à moi, je crois que, lorsque dans des temps calmes et de prospérité, alors que le danger est éloigné, on vient, déterminé par ces conseils de la prudence, proposer d'examiner avec soin, avec maturité, avec réflexion, quelles sont les mesures qui peuvent être prises pour diminuer certains dangers, sans supprimer les avantages des caisses d'épargne, on n'agit pas contre ces caisses, on agit dans leur intérêt, on les protège contre les dangers qu'elles pourraient courir plus tard.

« Les caisses d'épargne sont ouvertes aux économies des classes laborieuses; c'est là un but noble, utile, et devant l'accomplissement duquel aucun sacrifice n'est trop onéreux. Oui, il faut soustraire ces classes si intéressantes aux tentations qui existent autour d'elles; il faut les détourner de ces distractions funestes qu'elles cherchent lorsque les fatigues de leur travail ont épuisé leurs forces; il faut leur apprendre le prix des économies les moins considérables, lorsque ces économies sont incessantes, et qu'elles viennent s'ajouter les unes aux autres; il faut leur apprendre aussi le moyen de tirer parti de ces économies, de ne pas les

laisser improductives, et d'ajouter au salaire de leur travail l'intérêt des économies qu'elles ont déjà réalisées.

« Cette tâche, Messieurs, la loi actuelle n'y met aucun obstacle.

« Mais, quant à moi, j'ai toujours pensé que le devoir du Gouvernement et de la société était accompli, lorsque les classes dont nous parlons ici avaient été mises à même de recueillir avec sécurité et de faire fructifier sans interruption des économies suffisantes pour constituer un véritable capital; qu'aller au-delà, ce serait agir contre leur propre intérêt; car si vous devez apprendre aux classes laborieuses à faire incessamment des économies, à avoir de la prévoyance pour l'avenir, ne les déshabituez pas du soin de s'occuper de leurs intérêts, de surveiller elles-mêmes leurs affaires; ne les laissez pas s'endormir dans la sécurité que leur procurerait un Gouvernement qui se chargerait de faire leurs affaires à leur place. Par là vous détruiriez toute énergie dans ces classes-là.

« Ainsi, Messieurs, si vous entendez bien leurs intérêts, dites-leur: Oui, les commencements sont pénibles et laborieux ; oui, vous avez des difficultés à surmonter; le Gouvernement qui représente la société est là pour vous aider; mais, lorsque ces premières difficultés sont surmontées, vous êtes des hommes, vous n'êtes pas des enfants; nous ne sommes pas vos tuteurs; nous vous avons fourni les moyens de marcher par vous-mêmes, de faire vous-mêmes et avec facilité vos affaires. Eh bien, maintenant, reprenez la disposition de vos capitaux: notre tâche est remplie, la vôtre

commence.

Voilà, Messieurs, quel est le véritable sens, le véritable but, la véritable utilité des caisses d'épargne; habituer à l'économie, mais ne pas laisser s'endormir l'énergie de nos populations.

a Et j'ajouterai que l'orateur reconnaissait que le Ministre des finances avait bien fait de se préoccuper de la situation.

a Si les choses étaient comme cela, si, lorsqu'un capital était formé, ce capital sortait des caisses d'épargne pour en trer dans les destinations variées, auxquelles, suivant la nature de l'esprit et les antécédents de ceux qui l'ont formé, il peut être appelé, je ne me serais pas du tout préoccupé

de cela. Le danger ne vient pas des placements successifs, il vient des fonds qu'on laisse dormir dans les caisses d'épargne; c'est là qu'est le danger, c'est là ce qu'il faut éviter.

« Et j'ajouterai qu'il a été souvent question dans cette discussion de ces capitaux parasites qui viennent prendre leur part dans des sacrifices que l'Etat ne doit pas faire pour eux, et que le plus grand encouragement que vous puissiez donner à ces capitaux parasites, c'est précisément d'autoriser les caisses d'épargne à conserver le capital formé. Quant à moi, j'avoue que, sur ce point, ma conviction est bien entière; je ne crains pas de déserter ces intérêts des classes dont on vient ici prendre la défense, lorsque je vous demande de leur laisser toutes les facilités possibles pour former les petits capitaux qui doivent les sortir de la classe des prolétaires et en faire des propriétaires soit d'industries, soit de terres, et que je vous demande aussi, quand ils sont arrivés à cette quotité, des dispositions qui, en exonérant le Trésor d'une charge qui n'a plus de but, plus d'objet et plus d'utilité, leur laisse à eux le moyen d'exercer leurs facultés, de tirer parti de ce que la nature leur a donné de force et d'intelligence. Par conséquent, lorsque je viens appuyer la proposition qui vous est faite, ma conscience ne me fait aucun reproche en ce qui concerne les classes pau

vres. >>

L'amendement, tel qu'il a été modifié dans sa première partie, est mis aux voix et adopté.

UN MEMBRE pense qu'il y aurait lieu d'introduire ici une disposition en faveur des remplaçants militaires que la loi a placés dans une situation exceptionnelle il propose la disposition suivante :

« La présente disposition n'est point applicable aux déposants désignés par le premier § de l'art. 2. »

UN AUTRE MEMBRE demande qu'on ajoute mais seulement pendant la durée du service.

M. LE MINISTRE DES FINANCES déclare qu'il adhère à l'amendement avec l'addition proposée.

M. LE RAPPORTEUR reconnait également que c'est la con

séquence de la décision de la Chambre, en ce qui concerne les remplaçants dans les armées de terre et de mer.

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Cette disposition et le § précédemment adopté, formeront l'ensemble de l'art. 3, qui est ainsi conçu :

« Lorsque le dépôt aura atteint le maximum fixé par l'article premier, il cessera de porter intérêt.

« La présente disposition n'est point applicable aux déposants désignés par le premier paragraphe de l'art. 2, mais seulement pendant la durée du service. »

L'ensemble de cet article est mis aux voix et adopté.

On revient à l'amendement dont la seconde partie avait été réservée, et se trouve modifiée ainsi qu'il suit :

« Sur la demande du déposant, le dépôt pourra être employé en rentes, soit en son nom personnel, soit au nom de la caisse d'épargne, mais pour le compte du déposant.

Dans ce dernier cas, le déposant pourra toujours demander le transfert en son nom de la rente achetée pour son compte.

S'il demande le remboursement, la rente sera vendue, et le capital obtenu par la vente au cours lui sera remis.

L'AUTEUR DE L'AMENDEMENT dit qu'il y aurait danger pour l'Etat à conserver au-delà de certaines limites les capitaux qui lui sont confiés; mais en même temps, loin de vouloir compromettre la petite fortune du prolétaire, il désire qu'on lui facilite les moyens de l'augmenter. Il a déjà expliqué les raisons qui éloignaient le peuple de l'acquisition et de la possession des rentes : la principale tient au peu de régularité avec laquelle est constitué l'état civil des familles d'ouvriers, et il a recherché s'il n'y aurait pas moyen de faire que la rente soit disponible dans les mains du peuple, comme l'est aujourd'hui le capital qu'il dépose aux caisses d'épargne. Tel est l'objet de son amendement, et le grand avantage de ce système, c'est que si, par hasard, les circonstances avaient fait baisser le cours des rentes, le déposant ne vendra pas, à moins d'un besoin absolu, et s'associera réellement ainsi aux chances de la fortune publique.

M. LE RAPPORTEUR a la parole; il dit :

Avant de ramener l'attention de la Chambre sur l'amendement, je lui demande la permission de placer sous ses yeux les dispositions de l'art. 7 du projet du Gouvernement. Le projet du Gouvernement accorde dans une certaine mesure les facilités que demande notre collègue. L'art. 7 porte que tout déposant sera autorisé à convertir son dépôt en une inscription au grand-livre de la dette publique, et va même jusqu'à ce point, que les frais de la négociation seront supportés par le service de la trésorerie, et que ce sera sans frais pour le déposant que cette opération aura lieu. Le transfert se fera au nom du déposant luimême. Ainsi, vous le voyez, il y a dans le projet de loi cette précaution que réclame notre collègue, pour faciliter aux déposants l'achat d'une inscription de rente.

Mais que demande notre collègue? il veut que cette acquisition soit faite non pas au nom du déposant, mais au nom de la caisse d'épargne. La caisse serait censée propriétaire, et le jour où le déposant voudrait user du capital et aliéner sa rente, la caisse d'épargne se chargerait d'effectuer le transfert. L'expérience a démontré les inconvénients d'une pareille inesure, car nous avons sous les yeux les ordonnances de 1822 et de 1826, qui avaient déjà, précisément dans les mêmes termes, autorisé les caisses d'épargne, et notamment la caisse d'épargne de Paris, à faire en leur nom des achats de rentes, qui ensuite étaient divisibles entre les déposants, suivant la quotité de leur créance.

« Au bout de quelques années, c'est-à-dire de 1826 à 1829, l'expérience a démontré, sous un double rapport, les inconvénients graves qui résultaient de cette manière de procéder; les administrateurs des caisses d'épargne ont demandé au Ministre des finances un autre mode, car celui-ci ne pouvait plus se pratiquer; alors on a substitué à la demande de la caisse d'épargne de Paris le système qui fait l'objet de l'ordonnance de 1829, qui établissait purement et simplement aux caisses d'épargne un compte courant au Trésor, lequel remboursait les dépôts. A mesure que les déposants faisaient eux-mêmes demande en remboursement, le Trésor avec les caisses effectuaient le remboursement. " Voici les deux considérations qui ont déterminé la

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