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ANNEXE IV.

Publié en 1859.

ACTES OFFICIELS, ACTES DIPLOMATIQUES, ET JUGEMENTS DE PRISES INTERVENUS DEPUIS LA PUBLICATION DU TRAITÉ DES PRISES.

Déclaration du Congrès de Paris sur le droit international maritime du 16 avril 1856.

(Rendue exécutoire en France par décret impérial du 28 avril 1856.)

Les plénipotentiaires qui ont signé le traité de Paris du 30 mars 1856, réunis en conférence,

• Considérant :

«Que le droit maritime, en temps de guerre, a été pendant longtemps l'objet de contestations regrettables;

Que l'incertitude du droit et des devoirs en pareille matière donne lieu, entre les neutres et les belligérants, à des divergences d'opinion qui peuvent faire naître des difficultés sérieuses et mème des conflits;

Qu'il y a avantage, par conséquent, à établir une doctrine uniforme sur un point aussi important;

« Que les plénipotentiaires, assemblés au Congrès de Paris, ne sauraient mieux répondre aux intentions dont leurs gouvernements sont animés, qu'en cherchant à introduire dans les rapports internationaux des principes fixes à cet égard;

« Dûment autorisés, les susdits plénipotentiaires sont convenus de se concerter sur les moyens d'atteindre ce but, et, étant tombés d'accord, ont arrêté la déclaration solennelle ci-après

< 1o La course est et demeure abolie;

2o Le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie, à l'exception de la contrebande de guerre ;

3° La marchandise neutre, à l'exception de la contrebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon ennemi;

4° Les blocus, pour être obligatoires, doivent être effectifs, c'est-àdire maintenus par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi,

« Les gouvernements des plénipotentiaires soussignés s'engagent à porter celte déclaration à la connaissance des Etats qui n'ont pas été appelés à participer au Congrès de Paris et à les inviter à y accéder.

« Convaincus que les maximes qu'ils viennent de proclamer ne sauraient être accueillies qu'avec gratitude par le monde entier, les plénipotentiaires soussignés ne doutent pas que les efforts de leurs gouvernements pour en généraliser l'adoption ne soient couronnés d'un plein succès.

T. II.

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La présente déclaration n'est et ne sera obligatoire qu'entre les puissances qui y ont ou qui y auront accédé.

Fait à Paris, le 16 avril 1856. »

Dans un rapport adressé à l'Empereur, le 12 juin 1858, le ministre des affaires étrangères a annoncé que toutes les puissances européennes et américaines avaient adhéré à la déclaration du 16 avril 1856, sauf trois exceptions, L'Espagne et le Mexique n'ont pas accédé au premier point relatif à l'abolition de la course, mais ils ont adhéré aux trois autres. Les Etats-Unis de l'Amérique du Nord ont subordonné leur adhésion à un point qui n'a pas été admis : ils demandaient que la propriété privée des sujets des Etats belligérants fût exempte de saisie sur mer. Le Brésil, tout en adhérant sans restriction à la déclaration du Congrès de Paris, a déclaré appuyer la proposition des Etats-Unis.

Les adhésions de toutes les puissances ont été réunies dans une publication officielle, faite à Paris en août 1858. Mais on n'y trouve pas la réponse des Etats-Unis, puisqu'ils faisaient des conditions telles, qu'elle équivalait à un refus. -Cette réponse étant un important document de droit international, nous croyons devoir la donner ici;

«La politique de la loi qui permet d'avoir recours aux corsaires a été discutée pour des motifs que le gouvernement des Etats-Unis ne peut accepter. Sans entrer dans aucune discussion sur ce point, le soussigné combattra les objections principales élevées contre cette politique à Paide d'une autorité qui mérite le plus grand respect, surtout en France. Dans un commentaire sur l'ordonnance de 1681, rendue par le gouvernement français, Valin dit :

« Si légitime que soit ce mode de faire la guerre, il est néanmoins « désapprouvé par quelques prétendus philosophes. Selon eux, ce n'est « pas de cette façon qu'il faut servir l'Etat et le souverain, et les profits « que les particuliers peuvent tirer de la pratique de ce système sont « illicites ou tout au moins déshonorants. Mais c'est là le langage de mau« vais citoyens qui, sous le masque pompeux d'une fausse sagesse et « d'une conscience qui s'exagère astucieusement ses scrupules, cher«chent à égarer l'opinion en cachant le secret motif qui les rend si indifférents à l'intérêt de l'Etat. Ils sont aussi dignes de blame que sont dignes d'éloges ceux qui exposent généreusement leurs biens et leur vie aux dangers de la course. »

« Dans un ouvrage de grande réputation, publié à Paris presque en même temps que s'y tenait le Congrès, ou déclare que a la délivrance de lettres de marque est un acte habituel aux puissances belligérantes. Les bâtiments armés en course sont bonâ fide des bâtiments de guerre « manœuvrés par des volontaires auxquels, en manière de récompense,

le souverain abandonne les prises qu'ils font de la même façon qu'il assigne quelquefois aux troupes de terre une portion des contribu→ tions de guerre levées sur l'ennemi vaincu. » (Pistoye et Duverdy, Des Prises maritimes.)

« Nous ne contesterons pas que, parfois, des ennuis et même des mauvais traitements ne soient résultés, pour le commerce des neutres, de la pratique de la course. Ce cas était plus fréquent autrefois que de nos jours; mais, quand il est question de changer une loi, il faut considérer à la fois les maux qu'elle engendre comme les bienfaits et les avantages qu'elle produit. Si l'on peut obtenir, d'une autre façon, ces avantages et ces bienfaits, sans nuire à d'autres droits, ces abus occasionnels peuvent alors justifier le changement, si ancienne et si fermement établie que soit la loi.

Les raisons qui ont engagé le Congrès de Paris à déclarer la course abolje ne sont pas exposées; mais il est présumable que ce sont celles qu'on fait valoir habituellement contre l'exercice de ce droit des belligérants. L'extension du christianisme et les progrès de la civilisation ont considérablement miligé la sévérité de l'ancien système de faire la guerre. Aujourd'hui, la guerre est l'affaire du gouvernement. « C'est l'autorité publique qui déclare et fait la guerre; les individus n'ont « pas le droit d'y prendre part, à moins qu'ils n'y soient autorisés par « leurs gouvernements. » C'est un principe qui domine de nos jours, au moins en ce qui touche les opérations sur terre, que les personnes et les biens des non-combattants doivent être respectés. Le pillage ou la saisie sans compensation de la propriété individuelle par une armée, même en possession d'un territoire ennemi, est contre les usages des temps modernes. Aujourd'hui, une telle manière de procéder serait condamnée par l'opinion, à moins d'être justifiée par des circonstances particulieres. Toutes les considérations qui militent en faveur de ce sentiment, en ce qui concerne la conduite de la guerre sur terre, militent également en faveur de l'application du même principe aux personnes comme aux biens des sujets des puissances belligérantes trouvés sur l'Océan.

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« On peut présumer que le vif désir d'améliorer les cruels usages de la guerre, en exemptant la propriété particulière sur l'Océan de la saisie ennemie, comme l'usage veut qu'elle en soit exempte sur terre, a été la principale considération qui a conduit le Congrès de Paris à déclarer la course abolie. Le soussigné est chargé par le président de dire qu'il donne avec empressement son assentiment au principe qui tend à exempter la propriété particulière sur l'Océan comme sur terre. Du reste, le soussigné ne peut mieux formuler les idées du président sur ce point qu'en citant le passage suivant de son message au Congrès, le 4 décembre 1834 :

D

« La proposition de nous engager à renoncer à l'emploi des corsaires, « dans le cas où ce pays serait entraîné dans une guerre avec une grande puissance navale, ne mérite pas plus de considération qu'une « proposition tendant à nous obliger à ne pas accepter les services des « volontaires pour les opérations militaires sur terre. Lorsque l'honneur • et les intérêts de notre pays exigent qu'il prenne une attitude hostile, il compte sur le patriotisme de ceux de ses enfants qui ne sont pas « voués par état à la profession militaire, pour augmenter l'armée et la << marine, de manière à être à la hauteur des circonstances qui réclament « leur concours patriotique. La proposition d'abandonner le droit d'em

< plover les corsaires est fondée sur ce principe, que la propriété par⚫ticulière des non-combattants inoffensifs, quoique ennemis, doit être <exemple des ravages de la guerre; mais, même en faisant cet abandon

qu'on nous propose, on serait encore loin de compte pour appliquer <ce principe qui veut que la propriété particulière ne soit pas saisie ou molestée par des vaisseaux de guerre. Si les principales puissances ⚫ de l'Europe s'accordent à proposer, comme principe de droit interna<tional, d'exempter la propriété particulière, sur l'Océan, de toute < saisie par les croiseurs armés par un Etat de même que par les corsaires, les Etats-Unis sont tout prêts à se rencontrer avec eux sur ce < large terrain. »

Les raisons en faveur de la doctrine que la propriété particulière doit être exempte de toute saisie dans les opérations militaires ont été considérées, au temps éclairé où nous vivons, comme assez fortes pour en assurer l'adoption partielle par toutes les nations civilisées, mais il serait difficile de trouver quelque raison substantielle justifiant la distinction, aujourd'hui reconnue dans son application, à la propriété des particuliers sur terre et non à celle qu'on trouve sur l'Océan.

Si la déclaration adoptée à Paris a pour but d'abolir cette distinction et de donner aux propriétés des sujets belligérants la même sécurité contre les ravages sur l'Océan que celle qui est accordée aujourd'hui à leurs propriétés sur terre, le Congrès de Paris est resté bien loin du résultat qu'il s'était proposé, en ne plaçant pas les effets individuels des belligérants à l'abri des vaisseaux de guerre, aussi bien que des vaisseaux armés en course. Si ces biens doivent rester exposés à être capturés par des vaisseaux appartenant à la marine de la partie adverse, il est extrêmement difficile de comprendre comment ils ne seraient pas également exposés à être capturés par des vaisseaux armés en course, qui ne sont, à les bien considérer, qu'une autre branche de la force publique de la nation qui leur a délivré des lettres de marque.

Si l'on abandonnait le principe de capturer des biens particuliers sur l'Océan, et de les condamner comme bonne prise de guerre, ces. biens seraient, comme en bonne justice ils doivent l'ètre, aussi bien garantis contre toute agression de la part des vaisseaux de guerre que de celle des vaisseaux armés en course. Mais si ce principe est maintenu, il serait plus qu'inutile de chercher à borner l'exercice du droit de capture à telle ou telle spécialité particulière de la force publique des nations belligérantes. Il n'y a pas de principe de saine logique qui puisse soutenir une distinction pareille, il n'y a pas de capacité qui puisse tracer la ligne de démarcation qu'on se proposerait d'établir, pas de tribunal compétent auquel on pût déférer une question litigieuse à ce sujet. Le prétexte que cette distinction aurait pour base, que les vaisseaux, n'appartenant pas constamment à une marine régulière, sont plus sujets à méconnaître les droits des nations que ceux qui font partie d'une telle marine, ce prétexte n'a guère de valeur devant l'expérience; si l'on prétend que la participation dans les prises a pour but de stimuler la cupidité, cette objection particulière tombe devant le fait qu'on s'adresse à la mème passion, par la distribution de l'argent des prises entre les officiers et les équipages des vaisseaux d'une marine régulière. Toute nation qui autorise des vaisseaux armés en course est responsable de leur conduite comme de celle de sa marine, et prendra, par simple prévoyance, toutes les mesures convenables pour combattre les abus.

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