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dans le Code civil, et ne peut prononcer une nullité que la loi n'a pas prévue ».

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Les sieur et dame Capdeville se sont pourvus en cassation, pour fausse application de l'art. 976 du Code civil. Ils se sont d'abord attachés à démontrer qu'avant l'ordonnance de 1735, c'est-à-dire à une époque où toutes les lois se taisaient sur la nécessité de dater l'acte de disposition, la date était néanmoins impérieusement exigée comme une formalité essentielle et de rigueur. Ils ont cité Ricard, qui cite luimême, à l'appui de son opinion, plusieurs textes des lois romaines et l'autorité de beaucoup d'auteurs, tels que Balde sur la Novelle 47 de Justinien, Bartole, Guy-Pape, et autres. Ainsi, disaient-ils, l'ordonnance de 1735 n'a point introduit un droit nouvean. En exigeant, à peine de nullité, que l'acte de disposition soit daté aussi-bien que l'acte de suscription, elle n'a fait que reconnaître un principe généralement adopté et qui sort de la nature même des choses: car, si le testament n'est pas daté, comment pourra-t-on reconnaître si le testateur avait la capacité requise pour tester? Il est bien vrai que l'art. 976 du Code civil ne reproduit pas textuellement l'art. 38 de l'ordonnance de 1735, et qu'il ne dit pas en termes formels que l'acte de disposition sera daté; mais il n'exige pas non plus la date pour l'acte de suscription, et cependant a-t-on jamais argumenté de cet article pour prétendre qu'un acte de suscription non daté fût efficace? Nulle part la date du testament public n'est prescrite, et cependant a-t-on jamais osé soutenir qu'il fût valable sans cette formalité?.... Le silence du Code civil sur ce point nous replace dans la même catégorie qu'avant l'ordonnance, et l'on doit en conclure que, si le législateur n'a rien dit à cet égard, c'est qu'il a regardé la nécessité d'énoncer la date comme une vérité trop reconnue pour qu'il fallût encore la déclarer. Mais il y a plus : la nécessité de la date est commandée au moins implicitement par une foule d'articles du Code, articles qui, dans le système contraire, deviendraient inexécutables. Ainsi, sui

vant l'art. 901, il faut que le testateur soit sain d'esprit à l'époque où il fait son testament. Or comment acquérir cette preuve si son testament n'a point de date? Le mineur, d'après l'art. 908, ne peut tester avant seize ans. Le mineur même devenu majeur ne peut disposer en faveur de son tuteur qui n'a pas rendu compte. (Art, 907.) Celui qui est mort civilement ne peut ni donner ni recevoir par testa-. ment. (Art. 25.) Les médecins et les ministres du culte ne' peuvent profiter des dispositions faites en leur faveur par le malade auquel ils auraient donné des soins pendant la maladie dont il est décédé. Or, si le testament n'est pas daté, comment connaître à quelle époque il a été fait? Comment savoir si le testateur était mineur, si le tuteur lui avait rendu compte, s'il était mort civilement, si les dispositions qu'il a faites en faveur de son médecin ou de son confesseur ont été faites pendant la dernière maladie? Enfin, il est de l'essence du testament d'être révocable à volonté, et souvent il arrive que le second révoque le premier. Eh bien! s'ils ne sont pas datés, à quels signes pourra-t-on distinguer l'antériorité de la postériorité (1)? Il est donc incontestable que, sous l'empire même du Code civil, la date pour le tes-. tament mystique, comme pour tous les autres testamens, est une formalité essentielle et indépendante de l'acte de suscription.

Les demandeurs fortifiaient au surplus leur système de la discussion au conseil d'Etat, et de l'opinion émise par M. Bigot-Préameneu au Corps législati f.

Le 14 mai 1809, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Aumont rapporteur, M. Girardin avocat, par lequel :

idée

que

(1) Toutes ces hypothèses assez captieuses, et qui tiennent à la fausse l'acte de disposition est un testament, disparaissent et s'évanouissent devant cette simple réflexion, qu'un tel acte n'est qu'un simple projet dont l'accomplissement dépend de l'acte de suscription qui im-, prime et communique sa date à l'acte intérieur.

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Daniels, substitut de M. le procureur-général; - Attendu que l'art. 976 du Code civil veut que le testateur qui fait un testament mystique ou secret signe ses dispositions, soit qu'il les ait écrites lui-même, soit qu'il les ait fait écrire par un autre; que ni cet article ni aucun autre ne lui ont commandé de les dater, et que le silence du Code à cet égard s'explique par l'obligation qu'il impose de mettre à ces sortes de testamens une suscription, dont l'acte, rédigé par un notaire, doit nécessairement avoir une date comme tous les actes de ces fonctionnaires;-Que si, dans l'espèce, l'écrit contenant les dispositions testamentaires de Jean Triboulon ne présente que la date du lieu, du jour et du mois, sans désignation de “l'année, l'acte de suscription, signé d'un notaire et du nombre requis de témoins, est daté du 28 ventôse an 12; qu'ainsi le testament dont il s'agit n'offre rien de contraire à ce que prescrit le Code civil, et que la Cour d'appel de Nismes n'aurait pu l'annuler sans ajouter aux dispositions du Code; REJETTE, etc. >>

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COUR DE CASSATION.

Une inscription hypothécaire au profit d'une succession, pour une créance encore indivise entre les héritiers, estelle efficace, quoiqu'elle ait été prise seulement sous la désignation collective de succession d'un tel, sans designation individuelle de ses héritiers? (Rés. aff.) Et plus particulièrement, l'inscription prise tant au profit d'une douairière, pour l'usufruit, qu'au profit de la succession du défunt, pour le fonds et la nue propriété de la créance représentative du douaire, est-elle un titre commun, dont l'utilité profite aux héritiers, quoique non designe's individuellement dans l'inscription ? (Rés. aff.) LA DAME TESTU DE BALINCOURT, C. LES HÉRITIERS DE CLERMONT D'AMBOISE.

Les principes qui ont dicté la solution de ces ques

tions dans l'espèce suivante, soumise au régime de la loi dů 11 brumaire de l'an 7, conservent leur vigueur sous l'empiré du Code civil; et la jurisprudence de la Cour de cassation, à cet égard, n'a point varié, ainsi qu'on aura lieu de s'en convaincre par la lecture des arrêts qui seront rapportés dans les volumes subséquens.

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M. de Clermont d'Amboise, par son contrat de mariage du 7 septembre 1749, avait constitué à la demoiselle Rohan-Chabot son épouse un douaire de 10,000 liv. de rente viagère, dont le capital était stipulé propre aux enfans à naître de leur union. En 1758, M. de Clermont d'Amboise vendit la terre de Rupt, spécialement affectée pour garantie du douaire, au sieur Grimod d'Orsay, qui garda dans ses mains 200,000 liv. pour sûreté de cette affectation, à laquelle il hypothéqua d'ailleurs l'universalité de ses autres biens. Après la mort de M. d'Orsay, et par suite de l'émigration de son fils, la terre de Rupt fut vendue administrativement comme domaine national. L'hypothèque du douaire fut dès lors restreinte sur la ferme de la Plesse, provenante de la succession d'Orsay, et sur laquelle Mme de Clermont d'Amboise, lors veuve, avait pris une inscription le 15 germinal an 9. Cette inscription avait été requise au profit de Marie-Charlotte Rohan-Chabot, veuve en premières noces de Jean-Louis de Clermont d'Amboise, et en secondes de Charles-Jules Beauveau, et encore au profit de la succession dudit Jean-Louis de Clermont d'Amboise, à fin de sûreté et paiement de 277,043 liv. pour arrérages et capital du douaire * de 10,000 liv., aux termes de son contrat de mariage, etc. La ferme de la Plesse fut vendue au sieur Gabiou, notaire.

L'ordre du prix à payer par l'acquéreur ayant été ouvert, la dame veuve Testu de Balincourt, créancière également inscrite sur ce domaine, prétendit que les héritiers d'Amboise ne pouvaient être utilement 'colloqués, parce que l'inscription, en ce qui les concernait, était irrégulière, et n'indiquait pas les noms, profession et domicile de chaque héritier.

Du 19 août 1806, jugement du tribunal civil de Ver

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sailles, qui, se fondant sur les art. 17 et 40 de la loi du rr brumaire an 7, valide l'inscription en ce qui touche la dame de Clermont d'Amboise, et la rejette pour ce qui regarde les héritiers. - Appel; et, le 6 juin 1807, arrêt infirmatif de la Cour d'appel de Paris, qui, attendu que l'inscription dont il s'agit a été prise tant au profit de la douairière, pour l'usufruit, qu'au profit de la succession de Jean-Baptiste-Louis Clermont d'Amboise, pour le fonds et la nue propriété de la créance; attendu que le titre de la créance est un et commun entre les parties, met le jugement au néant; ordonne que les héritiers d'Amboise seront colloqués pour le capital de 200,000 liv. à la date du 22 août 1758, etc.

Pourvoi en cassation pour violation des articles 17 et 40de la loi du 11 brumaire an 7.

On disait, pour la dame Testu de Balincourt, demanderesse: Les articles précités exigent impérieusement que l'inscription énonce les nom, prénoms, profession et domicile du créancier. Si, dans le système de la Cour d'appel, une désignation collective d'héritiers ou de succession suffit, il faut en conclure que la formalité prescrite est purement facultative, qu'on peut la négliger impunément. Or cette conséquence est en contradiction avec toute l'économie de la loi, inconciliable avec le système hypothécaire, dont le but principal est la publicité, dont l'objetessentiel est de faire connaître à tous les tiers intéressés les créanciers individuellement. Il est ridicule de prétendre qu'une succession puisse requérir incription. Car qu'est-ce qu'une succession? C'est un être de raison; c'est le composé de l'actif et du passif du défunt; c'est enfin, relativement à l'inscription, un mot vide de sens. D'ailleurs, en supposant qu'une succession pût, ou par l'un des héritiers, ou par un fondé de pouvoir, requérir inscription, du moius cela ne pouvait pas avoir lieu dans l'espèce, M. de Clermont d'Amboise étant mort en 1761. Car depuis ce temps combien de successions ne se sont-elles pas ouvertes dans sa descendance? D'après la maxime Le mort saisit le vif, chaque propriétaire n'a-t-il pas effacé celui qui le pré

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