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requêtes, en date du 20 juillet 1809, rapporté supra, p. 565,, qui décide au contraire que les legs devenus caducs doivent accroître au profit de l'héritier institué, et non de l'héritier légitime. Le même principe est consacré par un arrêt de la Cour d'Aix, du 5 juin 1809. Mais les circonstances particulières qui ont influé sur la décision de cette Cour nous dispensent de la rapporter ici, en ce qu'elle ne peut faire auto

rité.

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Le sieur Joris légua par testament à son épouse la totalité de son mobilier, l'usufruit de ses immeubles, et sa moitié dans une maison formant un acquêt de communauté. Il fit à deux de ses neveux et à une de ses nièces des legs qui étaient nuls, comme grevés de substitution. Enfin il insti tuait la dame Vanderbreckem, sa petite-nièce, son héritière universelle dans le restant de ses biens, actions et crédis. — La nullité des legs ne fut point contestée; mais la difficulté consistait à savoir qui devait en profiter, de cette dernière ou des héritiers naturels. Ceux-ci se fondaient sur les raisons que nous avons analysées en tête de cet article, pour soutenir que les objets légués devaient leur appartenir. La dame Vanderbreckem, au contraire, prétendait qu'ils devaient être compris dans son legs universel du restant de la succession, dans laquelle ils étaient tombés par l'événement de leur caducité. Mais sa prétention fut écartée par un jugement du tribunal de première instance, dont elle fit appel avec aussi peu de succès.

Le 29 juillet 1809, ARRÊT de la Cour d'appel de Bruxelles, troisième chambre, MM. Kockaert et Vånvolxem avocats, pår lequel":

« LA COUR, Attendu que, conformément à l'article 1002 du Code civil, les dispositions testamentaires, soit qu'elles aient été faites sous la dénomination d'institution d'héritier, soit qu'elles aient été faites sous la dénomination de legs, produisent leurs effets d'après les règles établies dans le même Code pour les legs universels; les legs à titre universel,

“et ceux à titre particulier, seules espèces de dispositions testamentaires que le Code reconnaisse ;- Qu'ainsi, quoique feu Joris ait, par son testament, institué l'épouse de l'appelant (la dame Vanderbreckem) son héritière unique et universelle dans les biens qu'elle était appelée à recueillir, les termes de cette disposition ne peuvent avoir l'effet d'en faire par euxmêmes un legs universel, si toutefois elle n'est pas conforme aux règles prescrites par le Code pour les legs de cette nature; - Attendu que, d'après l'art. 1003 du même Code, le legs universel est celui par lequel le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès; - Que, loin que la disposition faite en faveur de l'épouse de l'appelant soit susceptible de cette définition du legs universel, on voit, par le testament dont s'agit, que le testateur appelle d'abord son épouse à l'universalité de son mobilier et à l'usufruit de l'universalité de ses immeubles; qu'il fait ensuite divers legs à titre particulier, tant à sadite ́épouse qu'à ses neveux et nièces, et que ce n'est qu'à la suite de ces dispositions qu'il appelle l'épouse de l'appelant dans le reste de ses biens, rentes, actions et prétentions; - Que peu importe qu'en disposant en faveur de son épouse de la totalité des meubles et de l'usufruit des immeubles, il pouvait paraître ne lui donner que ce qu'elle avait droit de prétendre en vertu de la coutume sous laquelle les époux s'étaient mariés; et qu'ainsi il ne l'aurait en effet gratifié que d'un legs à titre particulier; de sorte que l'épouse de l'appelant aurait été réellement instituée dans l'universalité de ses biens, puisque, abstraction faite des circonstances dans lesquelles le testament de Joris avait été fait, un pareil legs est valable en droit, et peut sortir ses effets; - Que, le testateur ayant ainsi laissé à son épouse une quote part de l'universalité de ses biens, tandis qu'il n'a appelé l'épouse de l'appelant qu'au reste de sesdits biens, déduction même faite des legs particuliers, on ne peut voir dans cette dernière disposition un legs universel ; Qu'il sutt de tout ce qui précède que l'épouse de l'appelant n'ayant pas été mise par le testateur

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aux lieu et place des héritiers appelés par la loi, elle ne peut réclamer ici les avantages que la loi accorde aux seuls héritiers ab intestat, ou au légataire universel qui les remplace, et que, partant, ce n'est point à elle que doit profiter la nullité des legs faits par feu Joris à ses neveux et nièces, prononcée par l'article 896 du Code civil, mais aux héritiers ab intestat dudit Joris ; MET l'appellation au néant, avec amende et dépens. »

COUR DE CASSATION.

Des époux qui, par leur contrat de mariage, se sont interdit la faculté de s'avantager pendant le mariage, ontils pu, malgré cette clause, se donner par testament? (Rés. aff.)

LES HÉRITIERS THIERCELIN, C. LE SIEUR MICHAUX.

Si la renonciation réciproque de la part des époux au' droit de s'avantager constant le mariage avait été stipulée en faveur des enfans à naître du mariage, ou d'un parent qui serait intervenu au contrat et aurait donné aux époux sous cette condition, il semble que dans ce cas la clause devrait recevoir son exécution, et que la prohibition de s'avantager, ayant alors une cause licite, serait valable sous tous les rapports.

que

Si, au contraire, la prohibition de se donner après le mariage ne concerne que les époux, il est bien certain cette clause, d'ailleurs insolite, ne les lie pas d'une manière irrévocable; que, s'ils ont pu la consentir, ils ont par la même raison le droit d'y renoncer. Cette disposition n'intéressant que les époux, les tiers ne peuvent s'en prévaloir, ni prétendre frapper d'une incapacité absolue de disposer que la loi ne déclare point incapables. Un pareil système serait en opposition avec le droit public, le droit civil, la raison et l'équité. Il n'est pas possible de supposer que deux époux, n'ayant pas d'enfans, aient voulu s'interdire

ceux

d'une manière irrévocable la faculté de se donner réciproquement ce qu'ils pourraient donner même à un étranger, qu'ils aient entendu enchaîner ainsi leur stérile tendresse et se condamner gratuitement à une indigence peut-être cer taine, pour l'avantage de quelques collatéraux souvent inconnus et presque toujours peu favorables. Dans une telle hypothèse, la prohibition de s'avantager ne peut être considérée que comme une convention sans cause et sans objet, qui, par conséquent, ne saurait lier les parties contractantes, suivant cette maxime du droit romain: Quoties pactum à jure communi remotum est, hoc servari non oportet. En l'an 9, le sieur Michaux épouse la demoiselle Thiercelin.

Par leur contrat de mariage les futurs époux se font, en cas de mort sans enfans, donation réciproque, au profit du survivant, de l'usufruit du mobilier du prédécédé. A la suite de cette disposition se trouve une clause remarquable, ainsi conçue:

«Les futurs époux renoncent réciproquement à se faire d'autres donations, en exécution de la loi du 4 germinal an 8, au bénéfice de laquelle ils renoncent absolument, et consentent dès à present à la nullité de celle qui pourrait être faite, de telle nature qu'elle soit, au mépris de la présente convention. » Il n'y eut point d'enfant de ce mariage. Le 29 brumaire an 12, la dame Michaux fit un testament olographe, par lequel elle légua à son mari la moitié en propriété de tous les biens meubles et immeubles qui fui appartiendraient au jour de son décès, et l'autre moitié en usufruit, en déclarant qu'elle n'avait pas entendu.renoncer, par son contrat de mariage, à la faculté que la loi laissait aux époux de s'avantager entre eux. La testatrice décéda le 6 octobre 1806. Le sieur Michaux demanda aux héritiers collatéraux de sa femme la délivrance du legs qu'elle lui avait fait. Ceux-ci soutinrent que ce legs était nul, et se trouvait en contradiction manifeste avec la clause prohibitive exprimée au contrat de mariage. Mais le tribunal civil de Cha

teau-Thierry ne s'arrêta point à cette exception, et déclara le legs valable, attendu qu'en droit il n'y a d'incapacité de disposer et de recevoir, à titre gratuit ou autrement, que celles prononcées par la loi; que la loi ne défend pas aux époux de s'avantager; qu'au contraire elle le leur permet expressément; qu'ils ne peuvent être privés de cette faculté par aucune stipulation particulière; et que par conséquent, nonobstant celle exprimée au contrat de mariage de Michaux et de sa femme, celle-ci a pu valablement disposer en faveur de son mari.

Sur l'appel, la Cour d'Amiens, par arrêt du 1er juillet 1807, dit qu'il avait été bien jugé.

Les héritiers de la femme Thiercelin, demandeurs en cassation, ont prétendu que l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens présentait une violation manifeste de la loi du contrat, et une fausse application des dispositions du Code civil. Les contrats, disaient-ils, et particulièrement les contrats de inariage, sont susceptibles de toute espèce de clauses, de toutes sortes de conventions; chacun des époux peut renoncer à son droit, aux avantages dont il jouit ou qui l'attendent, pourvu que ce soit sans blesser l'équité, les lois et les bonnes mœurs.—Omnes licentiam habent his quæ pro se introducia sunt renuntiare. L. 29, Cod., de pact:-Le Code civil consa cre le même principe dans l'art. 1387.

La seule question est donc de savoir si la clause du contrat de mariage des sieur et dame Michaux peut être placée dans un des cas d'exception. Est-elle contraire aux fois, cette clause? Non, car la loi du 4 germinal an 8, qui laissait aux époux une certaine latitude pour disposer, était purement facultative. Les époux, qui connaissaient cette loi, ont bien pu, saus y contrévenir, renoncer au droit qu'elle leur accordait de s'avantager réciproquement. La renonciation à la faculté de se donner blesse-t-elle les bonnes mœurs? Pas, davantage. On ne peut pas dire que ce soit blesser les bonnes mœurs, déroger aux lois qui intéressent l'ordre public, ni enfreindre aucune prohibition légale, que de fixer par son contrat de

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