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telle est mon intention, en témoignage de notre chère et bonne amitié.

« Art. 7. Je prie madite héritière universelle de disposer en faveur de Nicolas Delrue, mon beau-frère, résidant à Mons, de la moitié de tous les immeubles ici par moi disposés; et en cas que ledit Nicolas Delrue viendrait à mourir avant madite héritière universelle, je la prie également d'en disposer en faveur de ses enfans, pour en jouir cependant après sa mort seulement. »

Le testateur étant décédé, Nicolas et Thimothée Biourge, ses frères, ont demandé que l'institution fût déclarée nulle quant à la moitié des immeubles, comme étant grevée de substitution au profit de Nicolas Delrue. Ils se fondaient, à cet égard, sur l'art. 896 du Code civil,

Le tribunal de Charleroi et la Cour d'appel de Bruxelles ont unanimement décidé que l'institution était valable pour le tout, attendu que, par l'art. 3 de son testament, JeanBaptiste Biourge a institué son épouse héritière universelle, avec pouvoir absolu de jouir et disposer de sa succession; que la disposition de l'art. 7 n'est pas conçue en termes impératifs, et ne confère aucun droit à celui en faveur duquel l'héritière instituée est priée de disposer; que, dans la supposition que cette disposition, prise isolément, pût offrir l'idée d'une substitution, elle serait, en l'interprétant sur ce point, en contradiction manifeste avec l'intention exprimée par testateur, dans l'art. 3, de laisser à son héritière la disposition libre et absolue de tous ses biens; qu'il résulte de ce qui précède que la clause, ne contenant point la charge de conserver et de rendre, n'a point restreint le droit illimité de propriété, assuré par l'art. 3 à l'épouse du testateur, et ne renferme par conséquent pas de substitution, aux termes de l'art. 896 du Code civil.

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Les frères Biourge se sont pourvus en cassation, pour fausse application de l'article 896 du Code, et pour violation de plusieurs lois romaines. Dans l'économie de ces lois, disaient les demandeurs, la prière de conserver et de rendre n'était pas moins énergique, pas moins

obligatoire pour l'héritier, que l'injonction la plus p la plus absolue. Dans l'un comme dans l'autre cas, teur décidait toujours qu'il y avait substitution. Et il certain que telle était aussi l'intention du testateur, en son épouse de conserver et de rendre à son beau-frè portion des immeubles légués. Cette conséquence est sous deux rapports: 1° parce que le testateur, régi l'enfance par les lois romaines, est censé les avoir pris règle de sa conduite; en second lieu, parce qu'il n' permis de supposer qu'il ait entendu faire une disposit seuse et sans objet, lorsque d'ailleurs on peut l'inter dans un autre sens. En effet, si la clause conçue en de prière n'est point obligatoire, il faut en, conclure testateur n'a rien voulu. Or une pareille hypothès point admissible; et lorsqu'il signale le frère de sa comme le second objet de son affection, il est évident nécessairement entendu que la disposition exprimée e 7 de son testament fût obligatoire; que dès lors il ́a substituer, en faveur de Nicolas Delrue ou de ses enfa propriété de la moitié des biens compris dans l'instit Et comme l'art. 896 du Code civil ne distingue pas si l stitution est conçue en termes rogatoires ou impératifs annulle l'une et l'autre indistinctement,'il s'ensuit, c conséquence, que, dans l'espèce, le vice de la substi se communique à l'institution, et l'annulle pour tout concerne les biens substitués.

M. le procureur-général Merlin a porté la parole cette cause. Sans doute, a dit ce magistrat, si la questi savoir si la prière de conserver et de rendre à un tiers ou partie de l'hérédité constitue ou non une véritable stitution devait être décidée d'après les lois romaines firmative ne paraîtrait point douteuse: car toutes ét saient que, dans ce cas, on ne pouvait méconnaître da testateur la volonté de créer un fideicommis. Mais ce ont perdu toute leur autorité législative en France, dep promulgation du Code civil. Et pour décider si, dans

disposition postérieure à ce Code, la prière de conserver et de rendre emporte encore fideicommis, il est certain que les tribunaux français n'ont plus à considérer le droit romain comme loi, et qu'ils peuvent seulement le consulter comme raison écrite. Assurément, dans cette matière, ils feront bien de le prendre encore pour régulateur de leurs jugemens: car, on ne peut se le dissimuler, la substitution fideicommissaire nous étant venue des lois romaines, c'est d'après ces lois que sont naturellement portés à la définir ceux qui, parmi nous, ignorent notre nouvelle législation, ou qui, rebelles à son autorité, croient encore pouvoir substituer fidéicommissairement; c'est par conséquent dans les lois romaines qu'ils sont, dans le doute, présumés en avoir pris les formules, et par conséquent encore rien de plus naturel que de les regarder comme ayant substitué fidéicommissairement, toutes les fois qu'ils ont employé l'une des formules par lesquelles les lois romaines distinguaient le fideicommis.

Mais si, sans s'arrêter à ces considérations, un tribunal souverain juge que prier n'est pas charger, et qu'il n'y a pas substitution là où le testateur n'a employé que la prière, pourra-t-on dire qu'il a mal jugé? Et quand il aurait mal jugé, pourra-t-on prétendre que l'arrêt est sujet à la casşation, si d'ailleurs aucune loi positive n'a été violée ? Non, sans doute : car, par cela seul qu'il est souverain, il a le droit de préférer sa propre raison à la raison écrite que lui offrent les lois romaines; et il n'est pas d'autorité qui soit investie du droit de juger si, par cette préférence, une Cour d'appel a fait ou non un juste exercice de son pouvoir. Que ne pourrait-on pas dire, au surplus, pour justifier un pareil jugement?

Pourquoi les lois romaines donnaient-elles, en matière de fideicommis, un sens impératif aux mots je prie, je désire? C'est parce qu'un testateur qui rédige ses dernières dispositions est censé n'y rien écrire d'inutile, parce que ses expressions doivent toujours être ramenées au sens le plus favorable, et parce qu'enfin, sous une législation qui autorise les substitu

tions fideicommissaires, on doit bien plutôt supp testateur qui prie l'intention de faire une substitut genre que celle de faire une disposition purement Mais ces raisons peuvent-elles avoir, parmi nous, influence qu'elles avaient dans le droit romain? Ne les pas au contraire neutralisées parmi nous par principe que nous fournit le droit romain lui-mêm ties in actionibus aut in exceptionibus ambigua o commodissimum est id accipi quo res de qua agiti valeat quam pereat. (L. 12, ff., de rebus dubiis.) séquence de ce principe, appliquée à la clause dont dans l'espèce, sera donc nécessairement que, par c que cette clause est ambiguë, l'interprétation qui te lider l'acte dont elle fait partie doit être préférée à c le ferait annuler; et qu'il vaut mieux supposer que 1 teur a voulu exprimer seulement sa pensée et son vo tôt que de faire une substitution, puisque la substitut cierait l'institution.

Si donc, poursuivait M. le procureur-général, il e mis de douter que la Cour d'appel ait mal jugé, à co plus forte raison doit-on reconnaître qu'elle n'a violé a loi, et que, par voie de conséquence, la demande en tion doit être rejetée?

Du 5 janvier 1809, ARRÊT de la Cour de cassation, s des requêtes, au rapport de M. Aumont, par lequel :

« LA COUR, -Attendu qu'en examinant le testame Jean-Baptiste Biourge, du 12 vendémiaire an 14, et e clarant qu'il ne contenait aucune expression caractéris d'une substitution, la Cour d'appel s'est renfermée dans terprétation de l'acte, et n'a violé aucune loi; JETTE, etc. >>

Observations. Cet arrêt décide seulement que la Cour pel, en jugeant qu'il résultait de la combinaison des a et 7 du testament attaqué que son auteur ne pouvait présumé avoir voulu faire une substitution, n'avait sta

que sur un point de fait dont l'appréciation était hors du domaine de la Cour de cassation; mais il ne faut pas en con clure que, pour qu'il y ait substitution, il faut, dans tous les cas, que le testateur s'exprime en termes impératifs, comme je veux, je charge: car, tout en se servant du mot prier, il pourrait résulter d'ailleurs des termes de l'acte, du rapprochement et de la combinaison des dispositions y contenues, qu'il y eût véritablement une substitution nulle aussi-bien que l'institution, aux termes de l'art. 896 du Code civil; en sorte que l'arrêt qui le déciderait ainsi ne serait pas moins à l'abri de la cassation que celui qui, dans l'hypothèse actuelle, a décidé qu'il n'y avait pas substitution.

Toutefois la Cour d'appel de Paris a jugé, par arrêt du 26 janvier 1808, intervenu entre Lamiraux et les époux Platelet, que la disposition par laquelle le testateur désire que ce qui restera des biens compris dans un legs universel en toute propriété, au décès du légataire, retourne à un tiers, ne contient ni substitution ni legs au profit de ce tiers, et qu'une pareille clause doit être censée non écrite.

COUR D'APPEL D'AIX.

En matière de saisie immobilière, le procès verbal constatant l'apposition des deuxième et troisième placards doit-il, à peine de nullité, étre notifié au débiteur saisi? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 687, 695, 705.

GILLI, C.....

Le 14 décembre 1807, saisie immobilière d'une propriété rurale appartenante au sieur Gilli. Le 26 avril suivant, l'adjudication provisoire est prononcée. Le 13 mai, apposition du troisième placard; mais le procès verbal qui la constate n'est point notifié au débiteur saisi. Par requête du 18 du même mois, Gilli propose devant le tribunal de Digne divers moyens de nullité contre la saisie immobilière; mais il se fonde principalement sur le défaut de notification du procès verbal constatant l'apposition du troisième placard.

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