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fameux rapport du 10 mars 18121, et les décrets de Berlin et de Milan, et toutes les extravagances dont ils avoient été suivis. Après avoir peint les désastres où l'exécution rigoureuse de ces mesures avoit plongé, selon lui, la Grande-Bretagne, le ministre déclare à son maître que, pour réduire l'ennemi de la liberté des mers, il faut que toutes les forces disponibles de la France puissent être portées partout où le pavillon anglois et les pavillons dénationalisés ou convoyés par les bâtimens de guerre de l'Angleterre viendroient aborder. Il propose en conséquence la création d'une armée spéciale exclusivement chargée de la garde des côtes, des ports et des forteresses, afin que armées existantes puissent être employées à exécuter les projets de leur chef, ou, comme dit le ministre, afin que ces braves puissent être rendus à leur belle destinée de combattre et à vaincre sous ses yeux, et que les dépôts même puissent être rendus mobiles.

les

A la suite de ce rapport, le ministre de la guerre proposa une loi par laquelle tous les hommes en état de porter les armes fussent mis à la disposition de Buonaparte, sous le titre de garde nationale en trois bans. On pense bien que l'invention du ministre des affaires étrangères fut trouvée sublime par le sénat : dès-lors,

Voy. mon Recueil de Pièces officielles, Vol. IV, p. 370.

personne ne douta plus que le célèbre traité d'Utrecht n'eût réglé à jamais le droit maritime des nations; et ce fait, nouvellement découvert, fut répété dans cent discours et adresses. Le sénat applaudit à l'institution des trois bans, et la sanctionna par un sénatus-consulte du 13 mars 1812.

Le cabinet de Londres répondit à ce rapport par une déclaration du 21 avril 1812 1. Il y réfute l'assertion d'après laquelle les principes qui établissent la liberté du commerce maritime, auroient été d'un commun accord consacrés par le traité d'Utrecht; «< comme si, dit la déclaration, un traité qui a été conclu entre deux nations particulières, d'après des considérations spéciales et réciproques, qui ne lioit que les parties contractantes, et dont les principes, dans le dernier traité de paix entre les mêmes puissances, n'ont point été renouvelés, devoit être regardé comme un acte de déclaration du droit des gens. » Le gouvernement britannique annonce ensuite que si, dans un temps quelconque, à l'avenir, les décrets de Berlin et de Milan sont révoqués d'une manière expresse et sans restriction, par quelque acte authentique du gouvernement françois, promulgué publiquement, dès-lors les ordres du conseil des 7 janvier 1807 et 26 août 1809 seront absolument révoqués.

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1 Voy. Recueil de Pièces officielles, Vol. IX, p. 379.

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ciations entre

Grande-Bretagne.

Dernières néo- Lorsque le cabinet de Londres publia cette Buonaparte et la déclaration, il n'avoit probablement pas reçu une lettre que M. Maret avoit adressée, le 17 avril 1812, à lord Castlereagh, et dans laquelle, après avoir rappelé les ouvertures de paix que Buonaparte avoit faites d'abord seul en 1805, ensuite de concert avec la Russie, en 1808, et enfin indirectement par la Hollande, en 1810', il proposa, relativement à la péninsule au-delà des Pyrénées et du royaume des Deux-Siciles, l'arrangement suivant.

« L'intégrité de l'Espagne seroit garantie; la France renonceroit à toute extension du côté des Pyrénées; la dynastie actuelle seroit déclarée indépendante, et l'Espagne régie par une constitution, nationale des cortès; l'indépendance et l'intégrité du Portugal seroient également garanties, et la maison de Bragance régneroit; le royaume de Naples resteroit au roi de Naples; le royaume de Sicile seroit garanti à la maison actuelle de Sicile. Par suite de ces stipulations, l'Espagne, le Portugal et la Sicile seroient évacués par les troupes françoises et angloises de terre et de mer. Quant aux autres objets de discussion, ils pourroient être négociés sur cette base, que chaque puissance gardera ce que l'autre ne peut pas l'autre ne peut pas lui ôter par

la guerre.»

On se demande quel peut avoir été l'objet de Buonaparte en faisant une pareille proposi

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tion? Pouvoit-il raisonnablement se flatter que les Anglois consentiroient à évacuer le Portugal et la Sicile, en laissant son frère et son beau-frère maîtres de l'Espagne et de Naples, et lui-même en possession de la Hollande et des ports de la mer du Nord? On ne conçoit pas mieux ce qui peut l'avoir engagé à donner de la publicité à la lettre de son ministre et à la réponse qui lui fut faite par lord Castlereagh. Cette réponse, du 23 avril, écrite avec simplicité et modération, dut faire sur tout lecteur sensé une impression différente de celle que Buonaparte en attendoit. « La lettre de V. E., du 17 de ce mois, dit le ministre anglois, a été reçue et mise sous les yeux du prince- régent. S. A. R. a senti qu'elle devoit à son honneur, avant de m'autoriser à entrer en explication sur l'ouverture que V. E. a transmise, de fixer le sens précis attaché par le gouvernement de France au passage suivant› de la lettre de V. E.: «La dynastie actuelle ́se«roit déclarée indépendante, et l'Espagne régie par une constitution nationale des cor« tès. » Si, comme S. A. R. le craint, le sens de cette proposition est que l'autorité royale d'Espagne et son gouvernement, établis par les cortès, seront reconnus comme résidans dans le frère du chef du gouvernement françois et les cortès formés sous son autorité, et non dans le souverain légitime, Ferdinand VII et ses héritiers et l'assemblée extraordinaire des

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Négociation entre la Russie et Buonaparte.

cortès, maintenant investis du pouvoir du gouvernement dans ce royaume, en son nom et sous son autorité, il m'est ordonné de déclarer franchement et explicitement à V. E., que des engagemens de bonne foi ne permettent pas à S. A. R. de recevoir une proposition de paix fondée sur une telle base. »

Cette correspondance n'eut pas d'autres suites; mais elle nous conduit naturellement à parler enfin des négociations entre la Russie et Buonaparte, qui précédèrent la guerre de 1812. En effet, ce fut en rendant publique cette correspondance, que le gouvernement françois souleva le voile qui couvroit ses rapports avec le cabinet de Pétersbourg, en faisant imprimer, non toute la correspondance diplomatique à laquelle elle donna lieu, mais seulement celles de ces lettres qui furent écrites depuis le 25 avril 1812, jour auquel M. Maret communiqua au chancelier de Russie, comte de Romanzoff, la lettre adressée à lord Castlereagh.

Nous voyons, par cette lettre, que Buonaparte faisoit trois reproches à son allié.

1o. L'ukase du 30 décembre 18101, qui, ouvrant les ports de la Russie à tout bâtiment anglois chargé de marchandises coloniales, propriétés angloises, pourvu qu'il prît le masque d'un pavillon étranger, avoit annullé le

' Voy. p. 88.

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