714. d'en nommer quelqu'un. M. le Cardinal de Noailles lui repliqua qu'ils étoient assez connus, fans qu'il fût befoin d'en défigner aucun; Qu'au refte la fanté de M. Leger ne tarderoit pas d'être rétablie; & qu'ils auroient fûrement de nouveaux changemens à propofer. M. le Cardinal de Noailles ajoûta que, fans qu'il fût extrêmement néceffaire de recourir à perfonne pour fçavoir ce qu'on devoit penfer de l'Inftruction Paftorale, il étoit furpris qu'on eût fitôt oublié les trois défauts qu'il y avoit remarqué lui-même. Le premier étoit, que le ftile n'en étoit pas affez paternel le fecond, qu'on n'avoit pas confulté des Théologiens de toutes les Ecoles pour la dreffer: & le troifiéme, qu'il ne falloit pas entrer dans la queftion de fait.

M. le Cardinal de Rohan lui répondit qu'on le laiffoit le Maître de répandre dans l'Inftruction Pastorale toute l'onction qu'il pouvoit défirer. Il l'affûra enfuite qu'on avoit déja pris le précaution de confulter des Théologiens de toutes les Ecoles, & il offrit à les confulter de nouveau en fa présence. Par raport à la queftion de fait, il lui reprefenta qu'il étoit impoffible d'expofer les erreurs qui font contenues dans un Livre & dans des Propofitions, fans parler des Propofitions & du Livre.

Dans le fonds ce n'étoit pas-là ce que M. le Cardinal de Noailles improuvoit. Il confentoit bien qu'on parlât du Livre & des Propofi-tions, qu'on les condamnât même en géné ral; mais ce qu'il ne vouloit en aucune façon, c'eft qu'on attribuât au Livre, ou aux Propofitions aucune des erreurs qui y étoient renfermées. Son deffein étoit de féparer du Livre & des Propofitions les erreurs qui venoient d'être profcrites. Par-là il devenoit le Maître de fe retrancher fur l'ancienne queftion

du droit & du fait, d'avouer qu'un Livre, ou 17144 des Textes qui contiendroient des erreurs condamnées, feroient eux-mêmes condamnables, de nier cependant que le Livre & les propofitions de Quênel renfermaffent les erreurs cen furées par la Bulle, & de fe préparer ainfi un faux-fuyant pour tâcher de fauver les Propofitions & le Livre.

Dès le lendemain MM. les Evêques de l'Affemblée eurent une preuve convainquante que M. le Cardinal de Noailles avoit formé ce deffein. Ce fut M. le Cardinal de Rohan qui leur en donna une démonstration manifefte en leur aprenant que, quoique le Docteur Leger fût venu travailler avec lui, & qu'il eût re-. connu qu'on avoit fait à l'Instruction presque tous les changemens qu'il avoit proposés, M. le Cardinal de Noailles n'en étoit pas encore fatisfait.,, Je lui ai envoyé, dit M. le Cardinal de Rohan, une feconde copie de l'Inftruction, où font les derniers changemens que ,, ceux de fon parti ont demandés. Ces cor,,rections font toujours inutiles pour obtenir fa réunion. Nous avons eu beau condefcendre aux avis de ceux qui lui font les » plus attachés; envain en conviennent-ils ,, eux-mêmes. M. le Card. de Noailles compte pour rien tous ces ménagemens. Nos ,, plus grands égards pour lui font fans effet. ,, L'unique réponse, ajoûta-t'il, que j'aye pu tirer de lui, encore l'a-t'il donnée en termes vagues & generaux, fans jamais vouloir s'expliquer d'une maniere précise, c'est ,, qu'il y a dans l'Inftruction Pastorale une ,, Question de fait que nous devions éviter.

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Alors quelques Evêques de l'Affemblée fenfiblement touchés d'une pareille réfiftance, demanderent qu'on prêt des précautions pour fçavoir comment on devoit en user à l'égard

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des Evêques opofans. Cette queftion fut agi-> tée chez M. le Cardinal de Rohan. En préfence de plufieurs Evêques qu'on y avoit appellés M. l'Evêque d'Evreux opina qu'il falloit les contraindre avant leur féparation de fignerles raifons qu'ils avoient alleguées pour ne pas foufcrire la Bulle, & que ces mêmes raifons devoient être inférées dans le Procès-Verbal, afin qu'ils ne puffent pas s'infcrire en faux, au cas qu'on leur demandât un jour raison de leur refus.,, Si l'Affemblée, ajoûtat-il, devoit encore continuer pendant quelques féances, il feroit nécessaire de les en exclure. Par-deffus tout, M. le Cardinal de Noailles ne peut plus y préfider. Que, s'il », s'efforçoit d'en retenir la Préfidence, il fau,, droit le forcer de s'en demettre.,, M. Noüet, Avocat du Clergé, fut apellé pour dire fon avis fur celui de M. l'Evêque d'Evreux. Son fentiment fut d'abord opofé au fentiment du Prelat; mais quand M. Î'Evêque d'Evreux eut deduit en fa préfence les raifons de fon fuffrage, M. Noüet déclara qu'il étoit obligé de fe rendre, & il fut entiérement de fon avis.

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Comme l'Affemblée étoit fur le point de fe diffoudre, & que M. le Cardinal de Noailles avoit déclaré qu'il n'affifteroit plus à fes Décifions que comme témoin, on n'insista pas fur la Préfidence. Ce Cardinal n'en retenoit plus que l'ombre. On arrêta feulement que les raifons de fon refus feroient couchées fur le Procès-Verbal de l'Affemblée, & l'on eut bientôt occafion de les aprendre publiquement de lui-même.

Le premier jour de Fevrier les Evêques affemblés entendirent la lecture de l'Inftruction Paftorale. On n'en vint à le lire, qu'après

* Le Normand.

avoir fait un dernier effort auprès de M. le Car- 1714 dinal de Noailles, pour tâcher de le fléchir. La veille on lui avoit envoyé M. Thomasfin, Vice-Gerent de l'Officialité de Paris, pour l'affûrer que, s'il vouloit de nouveaux délais pour travailler à l'Inftruction, ce tems lui feroit accordé. Ce fut M. le Cardinal de Rohan qui fit cette démarche. Elle fut auffi inutile que toutes les autres. On procéda donc à mettre enfin des bornes au tems d'une Affemblée qui avoit déja duré plus de trois mois. La lecture de l'Inftruction Paftorale ayant rempli toute la féance du matin, on ne put recueillir les voix que l'après-diné.

M. le Cardinal de Noailles ouvrit cette feconde féance du même jour par un discours dont le fonds & la forme inquietterent l'Affemblée. Quant au fonds, il dit que la divifion des Evêques fur la Bulle n'intéressoit point la fubftance de la Foi, & que lui & fes adhérans prenoient le parti de demander des explications au Pape. Il loüa ce temperament comme le plus régulier, le plus canonique, le plus refpectueux pour le Pape, & le plus utile à l'Eglife. Quant à la forme, il parla toujours feul au nom des Evêques qui lui étoient unis. Il impofa même filence à ceux de fes adhérans qui vouloient parler, & il fit taire M. l'Archevêque de Tours * par ces paroles expreffes, que tout étoit dit pour lui & pour les autres du même Parti.

M. l'Evêque de Laon § qui étoit du nombre des neuf Prelats opofans, fut extrêmement furpris d'entendre dire à M. le Cardinal de Noailles que la difpute ne rouloit pas fur le Dogme, & que la différence des avis n'é

* D'Hervan.

§ De Clermont de Chate.

714 toir fondée que fur des points qui n'intéresfoient pas la fubftance de la Foi. Les Prelats unis comme lui à M. le Cardinal de Noailles, ne lui avoient jamais parlé fur ce ton-là. Au contraire quand ils avoient concerté ensemble de ne plus affifter à l'Affemblée, ils étoient convenus, & avoient établi pour principe qu'on ne pouvoit accepter la Bulle, fans incéreffer les Dognes de la Foi.

Quand donc M. l'Evêque de Laon entendit dire à M. le Cardinal de Noailles que la divifion des Evêques n'intéreffoit point le Dogme, il ne crut pas devoir fe féparer de ceux, dont les fentimens fur la Foi étoient déclarés conformes aux fiens. A la vérité les Evêques acceptans ne convenoient pas que les opofans leur fuffent unis dans la Doctrine. Ils étoient même bien éloignés d'en convenir. Mais, fupofé ce principe, tout faux qu'il étoit, la conféquence qu'en tiroit M. l'Evêque de Laon, ne laiffoit pas d'être legitime. Il eût été en effet bien injufte & bien déraisonnable de faire un Schifme pour des points fur lesquels on eût pú fe réunir, fans intéreffer le Dogme. M. l'E vêque de Laon agit conféquemment. Il accepta la Bulle immédiatement après la diffolution de l'Affemblée, qui étoit pour lors au moment de finir; & il porta fon acceptation chez MM. les Agens du Clergé, afin qu'elle fût inférée au pied du Procès-Verbal.

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Les Evêques acceptans n'avoient pu entendre le difcours qu'avoient prononcé les Evêques opofans par la bouche de M. le Cardinal de Noailles, fans en être également furpris & affligés, Il leur parut furprenant qu'on pût rejetter une Bulle Dogmatique, fans intéreffer la fubftance de la Foi. Une pareille

* L'Abé du Gambout, l'Abé de Broglie.

conduite