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lui, M. le Cardinal de Richelieu le fit enfermer à Vincennes, & il aporta pour raison que, fi par une même précaution Luther & Calvin avoient d'abord été mis en lieu de fûreté, la France & l'Allemagne auroient été à couvert d'un déluge de maux.

Tout auroit fini là, fi les dernieres volontés de Janfenius avoient été fuivies; mais fes Exécuteurs Teftamentaires n'y eurent aucun égard. Ils fuprimerent la Lettre qu'il avoit peu de jours avant fa mort écrite à Urbain VIII. Il est mème à préfumer qu'on n'en auroit jamais eu aucune connoiffance, fi après la réduction d'Ipres, elle n'étoit tombée entre les mains du grand Prince Loüis de Condé, qui la rendit publique. Ils firent auffi imprimer fon Livre à Louvain, fans avoir eû pour le S. Siége la déférence que l'Auteur avoit exigée. L'année d'après il s'en fit une Edition à 1641. Paris, une autre a Rouen, & par-là on donna lieu à tous les troubles que j'aurai ici déformais à décrire.

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1640,

L'Auguftin, ou Livre de Janfenius fut d'abord condamné à Rome par un Decret du S. 1641. Office, & enfuite par une Bulle d'Urbain VIII. 1642 L'Univerfité de Louvain en parut confternée & s'éleva contre la Cenfure. Le Pape y avoit renouvellé la condamnation que deux de fes Prédéceffeurs Pie V. & Gregoire XIII. avoient faite des erreurs de Baius, C'étoit d'un mê-me coup foudroyer deux Auteurs qui s'étoient formés dant l'Univerfité de Louvain.. Baïus en avoit été le Doïen. Janfenius y avoit été Profeffeur de l'Ecriture Sainte. Les Docteurs crurent qu'une pareille flétriffure retomboit fur tout le Corps, & quoique Baïus eût retracté ses errerus, quoique Janfenius eût foûmis les fiennes au Jugement du S. Siége, malgré de tels exemples de foûmiffion Fun

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& l'autre trouverent encore parmi les Docteurs des Partifans après leur mort.

Ls réfiftance de l'Univerfité de Louvain dura huit ou neuf ans. Elle envoya des Députés à Rome pour reclamer contre la Bulle d'Urbain VIII. & à Madrid pour en empêcher la publication dans toute la Flandre Espagnole. Mais l'Archiduc Leopold qui en étoit Gouverneur, aïant réfolu de ne donner aucun Benefice aux Refractaires, fi préalablement ils n'avoient figné une Formule de Foi qui exprimoit leur foûmiffion, & le Roi d'Espagne ayant ordonné de nouveau qu'on publiât la Bulle dans tout le Brabant, avec défense de la combattre à peine d'une amende de cinq-cent florins pour la premiere fois, & d'un exil de fix ans pour la feconde: tout fut tranquille dans toute l'étendue des Païs - Bas Catholiques. Il femble même que Dieu n'eût d'abord. permis cette premiere émotion de la part des Docteurs de Louvain, que pour faire briller enfuite avec plus d'éclat la fincérité de leur foûmiffion. Ils fe font fignalez depuis contre le Janfenifme par une infinité de Décrets qui marquent également la profondeur de leur fcience, l'empreffement de leur zéle & la pureté de leur Foi. Pour ce qui eft de l'Univerfité de Douay, quelques efforts qu'on eût fait pour ébranler fa conftance, par la fageffe & la fermeté de fes réponses, elle s'attira toûjours les éloges du Pape & les aplaudiffemens. de l'Eglife.

Il n'en fut pas de meme en France où les troubles excités à cette occafion, durent encore, & ne paroiffent pas prêts à finir. A la vérité M. l'Abbé de Saint Cyran ne fe trouva. jamais en état de remuer dans le Roïaume en faveur du Livre de Janfenius contre la Bulle d'Urbain VIII. Il étoit en prifon lorsque l'un

& l'autre parurent, & quand il en fortit après 16. la mort de M. le Cardinal de Richelieu avec Fév. promeffe de fa part qu'on n'entendroit plus 1643. parler de lui, on l'éclaira de si près qu'il n'ofa plus rifquer fa liberté. D'ailleurs if mourut 11.Of. très-peu de tems après fon élargiffement. Mais 1643. long-tems auparavant il s'étoit fait des Profélites qui fe montrerent toûjours animés de fon efprit.

Celui de tous qui parut le plus propre à le remplacer étoit un jeune Docteur de Sorbonne, nommé M. Arnaud d'Andili. Il avoit de la naiffance, du feu, de l'efprit, de la capacité, & par les liaifons intimes qu'il avoit eues avec M. l'Abbé de S. Cyran, il êtoit. plus en état que tout autre de faire revivre fes fentimens. If le fit avec toute la chaleur qu'on pouvoit attendre d'un génie ardent que nulle confidération ne pouvoit arrêter. Urbain VIII. venoit d'envoyer fa Bulle à la Fa- 2. Jan culté de Théologie de Paris, & enconféquen- 1644ce la Faculté avoit défendu aux Docteurs & aux Bacheliers de foûtenir les erreurs qui y font condamnées. Il n'en fallut pas davantage à M. Arnaud pour entreprendre la défenfe du. Livre de Janfenius, & if en publia l'Apologie. 1644. M. Habert, depuis Evêque de Vabres, la refuta. M. Arnaud y répondit par une feconde Apologie, où il tachoit de juftifier la premiere. Les Ecrits commençant à fe multiplier, M. l'Archevêque de Bezançon défendit de lire 1647. ceux de M. d'Arnaud & ceux de M. l'Abbé de. Saint Cyran qu'on avoit publié après fa mort.. Le Parlement de Bourgogne fit pareillement 1648 défense d'en aporter, ou d'en garder aucun 'exemplaire dans l'éténduë de fon reffort. Enfin les efprits étant venus à s'échauffer, & quelques jeunes Bacheliers ne fe déclarant prefque plus que pour la nouveauté, le Sin

1649, dic de la Faculté de Théologie de Paris dé fera à l'Affemblée fix propofitions qu'il dit être la caufe de tous les troubles. Il les avoit extraites du Livre de Janfenius, & il requit que l'Affemblée les fît examiner.

La Faculté nomma neuf Docteurs pour examiner les propofitions dénoncées, & lui en faire leur raport. Leur avis fut qu'elles méritoient les plus rigoureufes cenfures. On fit imprimer les qualifications dont on les avoit notées. M. de Saint Amour, le feul qui fe fût opofé à la Déliberation de l'Affemblée, foûleva foixante Docteurs avec lefquels il appella au Parlement de Paris de l'avis doctrinal des neuf Docteurs Commiffaires, la Chambre des Vacations renvoya la difcuffion de cette affaire jufqu'à la rentrée du Parlement, & néanmoins par le même arrêt elle défendit qu'on agitât les questions conteftées jusqu'à ce que le Parlement en eût ordonné autrement. Les neuf Docteurs Commiffaires, qui ne reconnoiffoient point l'autorité du Parlement en. matiere de doctrine, & qui à cet égard ne vouloient avoir rien à démêler par-devant des Juges Séculiers, se renfermerent à dire que c'étoit fans leur participation qu'on avoit fait imprimer leur fentiment; mais en même tems ils prirent de juftes mefures pour porter cette affaire au Tribunal des Evêques, feul competant d'en juger avant ou après le S. Siége., felon qu'ils le trouveroient plus convenable.

Quatre-vint-cinq Prélats du Roïaume prirent en main la caufe des Docteurs Commiffaires qui devenoit celle de l'Eglife. Ils fe bornerent aux cinq premieres propofitions que le Sindic de la Faculté de Théologie avoit dénoncées; parce que c'étoit principalement à la défenfe de celles-là que les Difciples de

Janfenius s'étoient attachés. Ils les envoïerent au Pape, & fignerent tous une même Lettre 12. Av où ils le fuplioient d'aprendre à toute l'Eglife 1651. ce qu'on devoit penfer des propofitions qu'ils lui déferoient.

Innocent X. rempliffoit pour lors la Chaire

de Saint Pierre. Il établit une Congregation 20. Av. pour connoître de l'affaire qu'on venoit de 1651. porter à fon Tribunal. Onze Evêq. de France, ayant à leur tête M. de Gondrin Arch. de Sens, fe laifferent furprendre aux artifices des. Défenfeurs du Livre de Janfenius. Ils écrivirent au Pape qu'il falloit ou laiffer la décifion de cette affaire aux Evêques du Royaume. pour la juger en premiere inftance, ou en renvoyer le jugement à un tems plus commode. Dans les mauvaifes caufes on ne peut avoir que de mauvaises raifons à alleguer. Les quatre-vingt-cinq Evêques, aufquels trois autres s'étoient joints, avoient déclaré dans leur Lettre que la Coûtume de l'Eglife eft de déferer les caufes majeures au Saint Siége, & ils avoient aporté pour motif du Jugement Apoftolique qu'ils follicitoient, les maux infinis que faifoit depuis dix ans dans le Roïaume la doctrine des propofitions qu'ils lui envoyoient. Par-là ils avoient détruit par avance les prétextes que les onze Prelats avoient allegués.

Le Pape écouta leurs reprefentations & les inftances de l'Ambaffadeur de France, qui au nom du Roi ne ceffoit de demander une dêcifion. En conféquence Innocent X. porta une Bulle où il déclaroit touchant les cinq propo fitions qu'on lui avoit deferées.

¶ Leur Lettre fut présentée au Pape le 10. Juillet 1651. par M. de Saint Amour.

Premierement, qu'il eft temeraire, impie,

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