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pour l'Etat.

Le Calvinisme, que Loüis le Grand extirpa, que Louis le Juite eut tant de peine à contenir, qu'Henry IV. tolera par néceffité, n'eut pas des commencemens plus dangereux. Les efprits fe diviferent, les coeurs fe défunirent, les partis fe formerent, & la difcorde, qui trouva des difpofitions à la rupture, porta le fer & le feu dans toutes nos Provinces.

Tels font encore aujourd'hui, mes trèschers Freres, les malheurs que nous annoncent les conteftations préfentes. Il s'agit d'une feconde erreur, qui depuis plus de quatrevingt ans fe fortifie au dedans du Royaume, & qui contient tout le venin de la premiere. Elle fouffle de tous côtés la même divifion. Elle refpire la même indépendance. Elle caufe déja les mêmes troubles dans l'Eglife, & elle ménace de produire à la premiere occafion les mêmes ravages dans l'Etat.

Louis XIV. de triomphante mémoire entreprit d'étouffer ce nouveau Monftre dès fon berceau. La mort nous le ravit au moment qu'il avoit le bras levé pour lui porter le dernier coup. C'étoit à la pieté du Religieux Monarque qui nous gouverne, que le Ciel refervoir d'achever l'ouvrage que fon Bifayeul alloit finir.

L'Eglife entiere a depuis long-tems aplaudi aux démarches de fon zéle. Le Saint Siége a toûjours été des premiers à l'en féliciter au nom de tout le Monde Chrétien. Son Clergé affemblé par fes ordres lui en a fouvent porté

fes plus humbles remercîmens. Il n'est plus queftion que d'exécuter fes Loix. Mais plus les Adverfaires de la Bulle cherchent à les éluder par des fpécieux prétextes & plus ils s'efforcent de colorer leur réfiftance, plus auffi il importe de découvrir leurs artifices.

C'est donc dans cette vûë que nous vous préfentons ici l'Hiftoire de la Conftitution Unigenitus. Vous pourrez, mes très-chers Freres, y reconnoître aifément les ennemis de la paix. Leur conduite feule dit tout par fa propre évidence. Vous percerez leurs myfteres. Vous dévoilerez leurs liaisons, les refforts de leur cabale, & les pernicieux effets de leurs intrigues.

Vous les entendrez dire qu'ils n'ont pas caufé le trouble qui divife les Fidéles. A peine fort'il un Livre de leurs mains qui n'attribuë à la Constitution tous les maux dont l'Eglife eft affligée. Ils rejettent jufques fur le Saint Siége la haine du fcandale que leurs Appels ont caufé. Ils prétendent que tout ce que la France a de plus recommendable par la fcience & de plus eftimable par la pieté, reclame contre la Bulle. Ils avancent que ceux qui lui font foûmis, ont manifeftement cedé à la violence, ou qu'ils ont librement foufcrit à l'injuftice. Ils affûrent qu'ils fe font conftamment prêtés à toutes les ouvertures de conciliation & de paix qu'on leur a préfentées. Ils foûtiennent qu'ils font les feuls défenfeurs de l'intégrité du Dogme, de la pureté de la Morale, de la vigueur de la Difcipline, de la Doctrine de faint Auguftin & de faint Thomas, des Droits de l'Epifcopat, de la liberté des Ecoles, des Maximes fondamentales de l'Etat

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& de la fûreté de nos Rois. Tels font les moyens de défenfe qu'employe le Parti oppofé à la Bulle pour excufer & pour foûtenir fa réfiftance.

Vous entendrez parler un tout autre langage à ceux qui ont accepté la Conftitution. Ils vous reprefenteront les Oppofans comme coupables de toutes les diffenfions qui nous agitent. Ils diront qu'on a tort d'attribuer à la Bulle des troubles que la feule défobéiffance de quelques hommes féduits a excités. Ils démontreront que le Saint Siége n'a point mérité la haine du fchifme que les Appels ont formé. Ils feront voir que les Appellans fe font érigés un Tribunal fupérieur où l'efprit particulier décide des conditions, des régles & des caracteres d'un jugement dogmatique. Ils fe plaindront que, pour groffir fes forces, le Parti a livré l'encenfoir aux Laïcs, au fimple Peuple, aux femmes-mêmes. Ils lui reprocheront de n'avoir pas rougi de borner l'autorité, la fcience & la vertu à fes feuls adhérans. Ils expoferont que, dans les fréquentes Conferences qu'on a tenues pour ménager un accommodement pacifique, les négociations des Oppofans ont toûjours été frauduleufes; & qu'ils n'ont jamais eu aucun défir de rétablir la paix. Les Acceptans diront encore que, pour fauver le Livre de Quênel, les Appellans n'ont jamais voulu lui attribuer aucune erreur ; qu'ils ont feint de vouloir l'abandonner; maís qu'au fond ils ont toûjours eu pour maxime de jetter des lueurs d'efperance, & de les faire difparoitre. Ils compteront les paroles données & les paroles retirées. Ils vous dévoileront l'artifice des Oppofans à former fans ceffe de nouveaux projets

& à ne les jamais exécuter; à fe jouer de ceux qui ménageoient leur foibleffe; à gagner toûjours du terrain en gagnant toûjours du tems, & à ne combattre les décifions les plus autentiques que pour laiffer le Jansenisnifme en crédit.

Ces reproches mutuels, mes très - chers Freres, ont tenu jufqu'ici certains efprits en fufpens. Peut-être même que bien des gens, peu foûmis dans la foi, ne s'obstinent à demeurer dans un Parti dont ils n'ont jamais pénétré les deffeins, que parce qu'ils ne peuvent éclaircir la vérité des faits. Le Pape Clement XI. de glorieufe mémoire, s'aperçut que cette incertitude où l'on étoit fur les démarches de fes Adverfaires, ne contribuoit pas peu à en augmenter le nombre. Dans cette perfuafion il nous marqua fouvent le défir qu'il avoit que nous rendiffions à la verité la juftice qui lui eft dûë. Nous conve nions fans peine que dans tous les différens expofés que les Appellans ont fait de leur conduite, la vérité des faits fût toûjours prodigieufement alterée & obfcurcie par la partialité. Plus d'une fois ce religieux Pontife reclama notre témoignage. Il en appella aux propofitions dont nous avions été chargés, aux ouvertures que nous avions préfentées, aux refus que nous avions effuyés aux différens Mémoires qui nous étoient paffés par les mains. Vous ferez coupable devant Dieu & devant les hommes, nous difoit-il quelquefois, fi témoin de tant de calomnies qu'on répand, vous négligez de détromper ceux qui s'y font laissez furprendre.

C'étoit aux pieds des Trônes, mes très

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chers Freres, que nous avions puifé les lumieres, dont le Saint Pere vouloit que nous vous fiffions part. Il étoit à préfumer que la vérité mife dans tout fon jour & expofée avec fimplicité, fuffiroit pour diffiper les nuages dont on avoit voulu l'envelopper. Mille raifons néanmoins fufpendirent pour lors la promptitude de notre obéiffance. Nous nous fentions de l'éloignement pour tout ce qui s'apéle détail de procédés. Nous avions de l'averfion à nous engager dans une matiere que la préfence des principaux objets rendoit extrêmement épineufe. Nous craignions d'offenfer, malgré nos précautions, des perfonnes pour qui nous eûmes toûjours du respect. 11 étoit dangereux d'aigrir quelques efprits qu'on croyoit pouvoir ramener, & de traverfer des mefures, dont on efperoit encore quelque fuccès. Toutes ces confidérations réunies firent que nous nous refufàmes aux instances réïterees au souverain Pontite. Nous avoüons céa pendant que quelques-unes de ces confiderations fubfiftent encore; & quoique le tems ait diffipé les plus preffantes, ce n'est pas fans une extrême repugnance que nous entreprenons cet Ouvrage. Mais puifque le Parti des Oppofans a donné au Public une prétendue Hiftoire de la Conftitution, où tout eft généralement falfifié. Puifqu'il y a ajoûté des Anecdotes dont nous vous avons fait fentir tout le venin. Puifqu'il continuë de répandre ces Nouvelles Ecclefiaftiques où tous les faits font conftamment fupofés & peints avec des couleurs que l'Enfer feul peut leur prêter. Enfin puifqu'il ne ceffe de chercher à vous faire illufion par toutes fortes d'endroits, il eft tems d'opofer la verité au torrent de la calomnie, & le bien de la caufe commune ne fçau

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