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L'Affemblée du Clergé fe tenoit pour lors à Paris. La Bulle y fut portée. M. le Cardinal de Noailles qui en étoit Préfident, nomma des Commiffaires pour penetrer le fens de la Bulle, & pour en faire leur raport à l'Affemblée. La Bulle y fut acceptée avec refpect. Août Elle fut enfuite envoyée à la Faculté de Théo1705. logie, qui la reçut en la maniere accoûtu1. Sept. mée. Peu de jours après Sa Majefté fit expé4. Sept. dier des Lettres Patentes qui furent enregif

trées au Parlement. Enfin le Roi adressa la
Bulle à tous les Evêques du Royaume, & elle
fut publiée dans tous les Diocèfes, à la re-
ferve de celui de Saint Pons, dont l'Evêque
fe déclara pour la fuffifance du filence refpec-
tueux. Son Mandement fut condamné à Rome
le de Juillet 1709.
17.

M. de Colbert, Archevêqne de Toulouse, s'étoit trouvé à la tête des Commiffaires, & dans le raport qu'ils avoient fait à l'Affemblée le 21. & le 22. d'Août, entr'autres maximes ils avoient établi celle-ci : Que les Conftitutions des Papes obligent toute l'Eglife, lorfqu'elles font acceptées du Corps des Pafteurs; & que cette acceptation de la part des Evêques fe fait toujours par voye de Jugement. Le même jour 22. d'Août l'Affemblée avoit aprouvé unanimement ces maximes, & arrêté un modéle de Mandement, où il étoit dit: Que les Conftitutions des Souverains Pontifes doiventi, après l'acceptation folemnelle que le Corps des Pafteurs en a fait, être regardées comme le Jugement & la Loi de l'Eglife.

Ces maximes pouvoient être interprêtées d'une maniere peu favorable à l'autorité du Pape. En établiffant que toutes les Bulles obligent toute l'Eglife lorfqu'elles font acceptées du Corps des Pasteurs ; cela pouvoit s'entendre d'autant plus aifément d'une Acceptation

folemnelle, que cette expreffion avoit été inferée dans le Mandement qui étoit devenu commun à tous les Prelats de l'Affemblée; & en difant que, lorfque les Evêques acceptent une Bulle, cette Acceptation de leur part fe fait toujours par voye de Jugement. Cette propofition générale pouvoit donner lieu de croire que les Prelats de l'Assemblée avoient prétendu juger la Bulle-même en l'acceptant. Or néanmoins il eft fûr que pour donner dans toute l'Eglife force de Loi à une Bulle, l'acceptation tacite du Corps des Pafteurs eft fuffifante; & par conféquent il eût été faux d'avancer que l'Acceptation expreffe & folemnelle des Evêques eft néceffaire. Il n'est pas moins certain non plus que les Prelats de l'Affemblée n'avoient aucun droit de juger le Jugement du Pape qui étoit leur Supérieut. Auffi ces mêmes Prelats n'eurent-ils aucune peine à revenir fur leur démarche, quand ils aprirent qu'elle faifoit quelque peine au Pape.

Mais fi d'une part le Saint Pere parut craindre que dans les maximes qu'ils avoient établies, les Evêques de l'Affemblée ne portalfent quelque préjudice à l'autorité du S. Siége; de l'autte ces mêmes Prelats apréhenderent à leur tour que dans les Brefs adreffés au Roi & à eux-mêmes fur ce fujet le 31. Août 1706. le Pape ne cherchât auffi à refferrer les bornes de leur autorité. Sa Sainteté y difoit, en parlant des Evêques : * Qu'ils aprenent obéir, à executer, & qu'ils ne préfumemt pas de juger. De ces paroles du Pape on auroit pu inferer, que les Evêques ne font que de fimples exécuteurs des Decrets de Rome. Cepen

à

* Parere difcant, exequi, & judicare non prafumant.

dant quoiqu'une Affemblée, même Nationa le, d'Evêques ne puiffe pas juger les Bulles du Pape, tout Evêque ne laiffe pas d'être véritablement Juge des points de Doctrine fur lefquels le Pape même a prononcé dans fa Bulle; & quand un Evêque accepte une Conftitution Dogmatique du S. Siége, ce même Evêque prononce un même Jugement avec le Pape fur les matieres qui font contenues dans fa Conftitution. Sur ces principes, dont le Clergé de France ne s'eft jamais départi, les Prelats de l'Affemblée dirent que très-volontiers ils s'expliqueroient fur ce qu'ils avoient dit touchant l'Acceptation des Bulles Dogmatiques. Ils affûrerent tous unanimement que leur intention n'avoit été, ni de donner à entendre que cette Acceptation doive néceffairement être folemnelle, ni de juger la Bulle du Pape en l'acceptant. Mais auffi par raport au droit qu'ont les Evêques, en recevant les Décrets du Saint Siége, de juger des matieres qui y font contenues, ils déclarerent que ce droit eft incontestable, qu'il eft inalienable, & qu'ils ne fouffriroient jamais qu'on y donnât aucune atteinte.

Le Pape affùra que par les expreffions de fon Bref, il n'avoit nullement eu en vûë de bleffer le droit des Evêques, & il fe montra très-fatisfait de leurs difpofitions. Par-là on fut bientôt d'accord fur les éclairciffemens que Sa Sainteté défiroit. Il n'étoit plus queftion que de les dreffer. Le Saint Pere souhaita que ces éclairciffemens fuflent contenus dans une Letre & que puifque M. le Card, de Noailles avoit préfidé à l'Affemblée, il fignât la Lettre dont on feroit convenu, & qu'il la lui envoyât au nom de tous les Prelats qui y avoient ́affifté. Sa Sainteté s'ooffrit même à en faire minuter le módéle fous fes yeux,

avec

avec promeffe de n'y inferer d'autres éclairciffemens, que ceux qui avoient paru raifonnables aux Evêques-mêmes. Ils y confentirent tous avec plaifir. M. le Cardinal Fabroni fut chargé du foin d'en dreffer le modéle, & dès que la minute en fut faite, elle fut envoyée au Roi, & communiquée aux Evêques qui avoient compofé l'Affemblée. Les Prelats l'agréerent. On convint que M. le Cardinal de Noailles la copieroit mot pour mot; qu'il la figneroit en leur nom comme Préfident de leur Affemblée, & qu'il l'envoyeroit au Pape. M. le Cardinal de Noailles le leur promit, & le Roi demeura tranquille fur fa promeffe. Nous verrons dans peu de momens combien M. le Cardinal de Noailles parut dans la fuite éloigné de vouloir tenir la parole.

La Bulle Vineam Domini Sabaoth venoit de porter un coup trop fenfible aux Quênelliftes pour efperer aucun ménagement de leur part, Ils prirent d'abord le parti de dire * qu'elle eft obfcure, & qu'ils n'y trouvoient rien qui décidât la question contestée. Mais ils avouerent bientôt après qu'elle eft fi claire & fi précife, qu'elle ne laiffoit aucune reffource à leur Parti. Le P. Gerberon ne s'en explique pas autrement dans le Procès-Verbal de fa retractation. Mais plus la Conftitution leur parut décifive, plus ils l'attaquerent avec fureur. Ils publierent que c'etoit § un Ouvrage de ténebres, digne que l'Antechrift y mit le comble en Padoptant, & ils la dénoncerent folemnellement à toute l'Eglife par un Ecrit dont le ftile faifoit horreur.

*Lettre d'un Curé du Diocèfe de Paris à un Docteur de Sorbonne.

§ Dénonciation folemnelle de la Bulle de Clement XI.

Tome L

F.

Le P. Quênel fe fignala entre tous les autres. Pour fe relever cependant de la difgrace qu'il avoit effuyée à Malines, il écrivit au Roi. Dans fa Lettre il défioit les Accufateurs de trouver dans fes Papiers rien qui fût opofé à fes devoirs. Il fuplioit ce Religieux Monarque de fe faire rendre compte de ce qu'il avoit écrit des devoirs effentiels des Sujets envers leurs Souverains dans fes Reflexions fur le Nouveau Teftament. Au refte il proteftoit que dans cet Ouvrage il avoit parlé de l'abondance du coeur, & avec une attention particuliere à ce qu'il devoit à fon Roi.

On fut furpris qu'il eût ofé citer fes Reflexions fur le Nouveau Testament comme une preuve de fon respect pour les Têtes couronnées. Pour peu qu'on fût informé de l'aplication de Louis le Grand à extirper de fon Royaume les restes du Jansenisme, il n'étoit perfonne qui ne trouvât cet incomparable Monarque reprefenté prefqu'à chaque page des Reflexions comme le Perfécuteur de la vérité.

C'est ce qui engagea de célébres Ecrivains à demontrer * au Public que les Sieurs Cyrans, les Arnauds, les Quênels-mèmes, les Ragots, les Gilberts & tant d'autres Défenfeurs de Janfenius, y étoient vifiblement peints comme les Elies & les Jean-Baptistes de leur tems, & que les Pilates, les Herodes, les Scribes, les Pharifiens & les Princes des Prêtres y paroiffoient comme reffufcités dans les perfonnes les plus refpectables de l'Eglife & de l'Etat.

La témérité du défi que le P. Quênel avoit donné de lui rien reprocher contre le respect

* Quênel féditieux hérétique, imprimé en $705.

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