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Impôt sur le revenu.

Art. 588.

Avances par une Compagnie à une

ville. Promesse de prêt. Réalisation.

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Revenu imposable.

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-

Exigibilité

Recours en ga

Lorsqu'il est intervenu entre une ville et une compagnie un traité sui_ vant lequel celle-ci doit payer à la ville le montant de la dépense à faire pour la construction d'un réseau d'égouts, à la charge, par la ville, de payer à la compagnie, pour tout remboursement, un intérêt annuel pendant 50 ans et de lui laisser le droit exclusif de recevoir et de conduire les eaux dans les égouts, aux prix et aux conditions du larif, une telle convention s'analyse en une promesse de prêt par la compagnie à la ville, et du jour où cette promesse s'est réalisée, il y a eu un véritable prêt passible de la taxe sur le revenu.

Mais on ne saurait considérer comme un élément du revenu imposable le montant du droit d'abonnement dont la ville a fait abandon à la compagnie.

La compagnie appelée en garantie au cours d'une instance pendante entre l'Administration et une ville au sujet de l'exigibilité de la taxe de 3 0/0 réclamée à celle-ci qui conteste, au fond, dans ses conclusions le bien fondé de la demande principale et prend ainsi fait et cause pour la ville, se constitue, par cela même, débitrice directe et personnelle de la taxe; par conséquent, cette action récursoire doit être instruite et jugée conformément aux règles de procédure de l'art. 65 L. 22 frimaire an VII.

Faits.

Rennes, 20 février 1889.
Cass. civ., 15 novembre 1893.

Le 26 janvier 1881, il est intervenu entre la ville de Rennes et la Compagnie générale des eaux un traité qui contient, notamment, les dispositions suivantes :

1 La ville de Rennes fera construire le réseau complet d'égouts nécessaires à l'assainissement de la ville de Rennes, suivant les plans et devis dressés par M. l'ingénieur Soulié, d'accord avec la Compagnie:

2o Le montant des dépenses,évaluées approximativement de 16 à 1.700.000 de francs, sera payé par la Compagnie au fur et à mesure de l'avancement des travaux et sur les situations arrêtées par M. l'ingénieur et approuvées par l'autorité municipale;

3 La ville de Rennes payera à la Compagnie, pour tout remboursement, un intérêt annuel de 4 0/0 du montant des dépenses dont il est question à l'article précédent, pendant une période de cinquante années, qui commencera le jour où les travaux prévus du projet de la conduite d'eau seront terminés; cette redevance annuelle sera payée par trimestre ;

4o Pendant la durée des travaux, la ville payera à la Compagnie, à titre de décompte, l'intérêt de 4 p. 0/0 l'an des sommes qu'elle déboursera; cet

intérêt courra du jour où la situation arrêtée par l'ingénieur aura été, à bref délai, approuvée par l'administration municipale;

5o La Compagnie prendra à sa charge, pendant la durée de la concession, l'entretien et le curage des égouts. Elle arrosera les rues, boulevards et places de la ville et fera le service municipal de fontainerie; le tout à ses frais et conformément aux clauses d'un règlement spécial. Les frais de prise d'eau sur les conduites pour le lavage des égouts seront compris dans io capital dont il est question à l'article 2, à fournir pour les égouts;

6. De son côté, la ville, pour permettre à la Compagnie d'amortir le capital engagé par elle et de couvrir les frais qu'entraîneront les divers services municipaux qui constituent l'assainissement de la ville et dont elle prend la charge, s'engage à lui laisser le droit exclusif de recevoir et de conduire dans les égouts les eaux vannes et ménagères des maisons et des établissements publics de la ville, aux prix et aux conditions du tarif à fixer d'un commun accord entre la ville et la compagnie ;

7° Tous les travaux d'extension, c'est-à-dire ceux qui ne seraient pas compris dans le réseau fixé par le plan ci-annexé, seront exécutés aux frais de la ville; la Compagnie n'aura à sa charge que l'entretien et le nettoiement des nouveaux égouts, mais elle aura seule le droit de percevoir l'abonnement pour la chute à l'égout;

8° Pendant la durée de la concession, la Compagnie prendra en charge les produits de l'égout et s'engage à garantir la ville contre toute réclămation.

Lors de l'enregistrement de ce contrat, le 24 février 1881, il avait paru que les conventions arrêtées entre la ville de Rennes et la Compagnie générale des eaux constituaient, dans leur ensemble, un marché donnant ouverture au droit de 1 010 sur la totalité des redevances annuelles stipulées au profit de la Compagnie. Mais conformément à la demande formée à cet égard par la ville de Rennes, l'Administration a ultérieurement reconnu que cette appréciation était erronée. Elle a pensé que la clause du traité par laquelle la Compagnie s'obligeait à payer tous les frais de construction des égouts ne présentait pas les caractères juridiques d'un marché; qu'elle ne constituait en réalité qu'une promesse de prêt faite par la société à la ville, d'où la conséquence que la convention devait profiter de l'immunité d'impôt accordée par l'article 80 de la loi du 15 mai 1818 aux actes administratifs ne contenant ni transmission, ni marché. Elle a, par ces motifs, autorisé le remboursement du droit de marché auquel la disposition avait été indûment assujettie. La somme restituée de ce chef à la ville de Rennes s'est élevée à 70,621 fr. 25.

Mais par cela même que la clause du traité, d'après laquelle la Compagnie générale des eaux avait promis son concours financier à la ville de Rennes, devait être considérée comme une promesse de prêt, il s'ensuivait que les avances faites à la ville en vertu de cette stipulation tombaient sous l'application de la loi du 29 juin 1872, dont l'article 1er soumet à la taxe de 3 010 les arrérages et intérêts annuels des emprunts et obligations des communes » et autres collectivités énumérées par cette loi.

Cependant la ville de Rennes n'avait encore, au commencement de l'année 1888, effectué aucun payement sur les termes échus de

la taxe, bien qu'à cette époque elle eût reçu, par suite de l'achèvement de son réseau d'égouts, la totalité des avances que la Compagnie générale des eaux s'était engagée à lui fournir à cet effet. L'Administration dut se préoccuper de faire régulariser cette situation. Elle invita la ville à acquitter les échéances arriérées de la taxe et à produire, à l'appui du versement, les indications et évaluations nécessaires pour la détermination du revenu imposable.

Toutes les démarches tentées en vue d'une solution amiable de l'affaire étant restées infructueuses, l'Administration fit signifier à la ville de Rennes, le 24 février 1888, une contrainte en payement de la somme de 14.430 francs, à laquelle le montant de la taxe échue fut provisoirement arbitré, d'après l'importance des versements effectués pendant et depuis l'exécution des travaux, sauf à augmenter ou à diminuer, suivant la déclaration estimative à souscrire par la ville, en conformité de l'article 16 de la loi du 22 frimaire an VII.

La ville de Rennes, préalablement autorisée à ester en justice par un arrêt du conseil de préfecture du 4 mai 1888, forma opposition à la contrainte par exploit du 9 juin suivant, portant assignation devant le tribunal civil de Rennes. Aux termes d'un second exploit du 12 du même mois, elle notifia la contrainte et l'opposition à la Compagnie générale des eaux et, en même temps, elle assigna cette Compagnie devant le même tribunal, à l'effet de la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit du Trésor.

Sur cet appel en garantie, la Compagnie générale des eaux fit signifier, le 1er août 1888, tant à l'Administration qu'à la ville de Rennes, un mémoire en intervention, dans lequel elle constatait tout à la fois l'exigibilité de l'impôt et le bien-fondé du recours dirigé contre elle par la ville.

En ce qui concerne la taxe de 3 010, la Compagnie soutint que le traité du 26 janvier 1881 ne saurait, en raison de son caractère synallagmatique, être assimilé à un emprunt, puisque le prêt est, d'après une doctrine constante, un contrat essentiellement unilatéral. Elle ajouta subsidiairement, qu'en supposant la demande fondée en principe, il serait contraire à la loi du 29 juin 1872 de com. prendre parmi les éléments du revenu imposable le droit de chute concédé par la ville à la Compagnie.

Enfin, relativement à l'action récursoire de la ville, elle fit remarquer que la demande en garantie formée par le débiteur d'un droit d'enregistrement ne peut, en principe, se rattacher à l'existence à laquelle donne lieu l'exigibilité de ce droit; et, par ce motif, elle conclut formellement à ce que la ville fût déboutée de son recours. C'est en cet état que, par un jugement du 20 février 1889, le tribunal de Rennes, adoptant les conclusions de l'Administration, a or

donné l'exécution de la contrainte et prononcé la disjonction de la demande en garantie formée par la ville contre la Compagnie. Ce jugement est ainsi conçu:

Le tribunal,

Ouï à de précédentes audiences M. Servole, juge commis, en son rapport, M. le substitut Le Carpentier en ses conclusions, et après en avoir délibéré ; Attendu qu'il est intervenu à la date du 26 janvier 1881, entre la ville de Rennes et la Compagnie générale des eaux, un traité qui contient entre autres les dispositions suivantes :- (Voir l'exposé des faits.)

Attendu qu'il résulte des dispositions de la loi du 29 juin 1872 que la taxe annuelle de 3 010 frappe sans exception ni distinction les arrérages et intérêts de tous les emprunts et obligations contractés par les départements, communes et établissements publics; que la disposition principale de cette loi est générale et que la portée n'en saurait être restreinte par voie d'interprétation; qu'elle atteint toute opération par laquelle une commune, un département se procure par un moyen quelconque, souscription publique, émissions des titres négociables ou autrement, les fonds dont il a besoin; que, dans l'espèce, les annuités dues par la ville de Rennes à la Compagnie des eaux, et dont le remboursement doit être effectué en cinquante années, représente une dette municipale rentrant dans les prévisions de ladite loi; Attendu que ces principes sont consacrés par une jurisprudence constante et unanime qui en à fait l'application dans de nombreux arrêts; Attendu dès lors qu'il est sans intérêt d'examiner quels peuvent être à tout autre point de vue les caractères du traité du 26 janvier 1881, de l'envisager dans son ensemble pour n'y voir qu'un marché ou un louage d'industrie, un contrat synallagmatique et non un prêt proprement dit ou un emprunt non revêtu des formalités administratives;

Qu'il faut reconnaître, avec l'Administration de l'Enregistrement, qu'il contient à la fois un marché et un prêt, dans le sens de la loi du 29 juin 1872; Attendu que, pour procéder à l'établissement et à la liquidation de la taxe encourue, il convient de distinguer entre la période qui a précédé l'achèvement de la conduite d'eau et celle qui l'a suivie;

Que, pendant la première, la ville s'est engagée à payer à la Compagnie l'intérêt à 4 010 des sommes que celle-ci a déboursées pour les frais de construction des égouts; qu'il suffit donc, pour asseoir la taxe, de connaître le chiffre auquel se sont élevés ces intérêts pendant chacune des années de la période préparatoire;

Que pour la seconde, il faut remarquer qu'il est stipulé que pendant les cinquante années de la concession, la ville payera annuellement à la Compagnie 4 010 du montant des sommes avancées par celle-ci, et qu'elle lui abandonnera en outre le droit de chute à l'égout calculé d'après le tarif fixé ; d'où il résulte que la redevance de 4010 et le produit du droit de chute concourent l'un et l'autre, simultanément et au même titre, tant au paye'ment des intérêts qu'au remboursement du capital engagé;

Que s'il en était autrement, c'est-à-dire si la redevance représentait seule. ment les intérêts, elle décroitrait nécessairement au fur et à mesure de l'amortissement du capital, ce qui ne ressort aucunement des termes du contrat ; qu'elle constitue donc bien, dans son ensemble, une véritable annuité soumise à la taxe ;

Attendu que la taxe n'étant due que sur les intérêts, il y a lieu de déterminer, en tenant compte de l'amortissement, à quelle somme ces intêrêts sont susceptibles de s'élever pour chacune des cinquante années de la concession; Attendu que la ville de Rennes n'ayant point déféré à l'invitation que, conformément à l'article 16 de la loi du 22 frimaire an VII, l'Administration lui a fait d'avoir à souscrire au bureau de l'enregistrement une déclaration estimative des intérêts payés à la Compagnie pendant les deux périodes sus 'indiquées, ladite Administration a évalué d'office, et d'après l'importance -des versements faits, ces intérêts à 481.000 fr., sauf à augmenter ou diminuer suivant la déclaration estimative qui pourra être fournie ultérieurement;

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