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à combattre celle des Russes, soit sur la mer Baltique, soit sur la mer Noire. La pitié pour les Turcs est le prétexte de l'Angleterre. Son motif réel est de s'emparer de tout le commerce du levant. Cette guerre seroit donc aussi funeste à la France qu'à la Russie. Cathe-. rine seconde favorise notre commerce. Nous devons desirer ses victoires. Et quant à M. Pitt, il devroit bien se détromper de la chimère ambitieuse de bouleverser le monde : tant de mouvemens et de manœuvres finiront par sa propre chûte.

MADRID. La reine d'Espagne est accouchée d'une fille. On a voulu intéresser tout le paradis à son baptême, et on lui a donné près de cinquante noms afin de lui ménager cinquante protecteurs ou protectrices dans le ciel. Si les saints où les saintes écoutoient la cour d'Espagne et celle de Portugal, ils ne seroient occupés que de ces deux familles ; et ils n'auroient pas un moment, ni une grace en réserve pour le reste de la terre. Car, si l'on compte les noms de baptême, donnés à ces deux familles royales, il se trouve qu'elles se sont partagé entre elles tout le calendrier.

GOA. Cette ville portugaise dans les Indes a conservé fidellement son ignorance et son inquisition. Un voyageur anglois, retenu à Goa par la maladie, s'amusoit dans sa convalescence à exécuter les opérations savantes de l'électricité. Un violent orage, mêlé d'ouragans et de tonnerres, menaçoit la ville. Tous les moines étoient à la porte des églises, exorcisant la empête. L'Anglois qui avoit disposé sur la terrasse de sa maison une barre électrique, s'y promenoit avec des Portugais et leur montroit les étincelles qui en sortoient. Ils allèrent dénoncer sur le champ la barre électrique au grand inquisiteur qui la fit enlever, poxter au saint office, et brûler ensuite en public. Lorsque le fer commença à rougir dans les flammes, le grand inquisiteur s'écria: voilà ce que deviendront tous les sorciers qui se font appeler des savans et des philosophes.

STRASBOURG. Les bons Alsaciens se montrent quelquefois aussi crédules et aussi intolérans que les l'ortugais de Goa. Du moins, il est parmi eux des gens

simples à qui l'on persuade les choses les plus étranges. Dans plusieurs villages du département du Bas-Rhin, on a répandu le bruit que l'assemblée nationale vouloit forcer le pape à se marier et à se faire luthérien ; que le souverain pontife alloit venir lui-même se mettre à la tête de l'armée des princes mécontens; que l'empereur marcheroit à sa suite; et que le roi de Prusse étoit prêt à embrasser la religion catholique et à venger le clergé de France.

NEUF-BRISAC. Comme l'on ne cesse d'annoncer l'arrivée d'une armée allemande, quoiqu'elle soit bien loin encore de paroître, on met cependant toutes nos places fortes et toutes nos frontières en état de défense. Si l'ennemi se montre, il trouvera une artillerie formidable et une nation invincible, disposées à le recevoir. Le seul étendard de la liberté, déployé aux regards des Allemands, fera des miracles et des conquêtes. Il vaudra bien le drapeau de mahomet, le labarum de Constantin, l'oriflamme gaulois, et ce fabuleux étendart que les Anglois ont reçu jadis de la main de trois magiciennes danoises, et qui se nommoit le Réafen ou le Corbeau.

Uzès. Les drapeaux ensorcelés du camp de Jalês ont disparu devant l'étendard tout-puissant de la liberté. D'abord, le directoire du département de l'Ardèche a désabusé les esprits des impostures employées pour les surprendre car on avoit fait croire aux montagnards que les protestans massacroient les catholiques. Ensuite, le directoire du département du Gard a fait les meilleures dispositions et les préparatifs les plus prompts, requérant toutes les forces militaires, soit de ligne, soit nationales. Enfin M. d'Albignac, commandant pour le roi dans le département, a réuni la prudence à l'activité, et divisant son armée en trois colonnes, s'est emparé, presque sans coup férir, de tous les postes occupés par les rebelles. En un seul jour tout le département s'est vu délivré de cette horde séditieuse et barbare de charlatans armés qui commettoient des forfaits et annonçoient des triomphes. Ils avoient eu l'impiété de faire servir la croix à la révolte; et ils portoient ce signe profané sur leurs chapeaux ou

sur leurs habits. Quatre des chefs conspirateurs ont été pris et conduits à Nîmes. L'assemblée nationale a décrété des remercîmens pour l'armée victorieuse, pour le général, et pour le district d'Uzès qui n'a pas épargné ses peines pour épargner le sang.

CARCASSONNE. La société des amis de la constitution de cette ville, y tient des séances publiques, auxquelles le peuple est invité et où la jeunesse est interrogée sur la constitution. Deux habits complets de garde nationale sont décernés pour prix aux deux élèves les mieux instruits. M. Dupré, député à l'assemblée nationale, vient de distribuer, à ses frais, les deux premiers prix gagnés à ce noble concours. Cette société ne se borne pas aux bienfaits de l'instruction: elle porte encore son zèle charitable sur les prisonniers, et se charge d'habiller ceux qui seroient mal couverts. De plus, elle contribue à maintenir les atteliers ouverts pour l'indigence, soit en versant des fonds dans leur caisse, soit en s'associant aux quêtes instituées pour leur entretien. Ainsi le progrès des vertus accompagne celui des lumières; ainsi la bonté des loix augmente et propage celle des mœurs.

LÉRIBOSC, près de Montauban. Un des meilleurs discours, prononcés à la prestation du serment civique c'est celui de M. Roques, curé de Léribosc. Non content d'avoir édifié sa paroisse, il a cherché à convaincre et à convertir plusieurs pasteurs que les évêques avoient débauchés et entraînés dans leur rebellion. Apôtre de sa paroisse, il s'est fait missionnaire des paroisses voisines.

DOURSBELISLLE. Nous regrettons que le peu d'espace de nos feuilles ne nous permette pas d'insérer un autre discours, non moins éloquent, non moins érudit, non moins évangélique, prononcé par M. Bélin, curé de Doursbelislle. C'est, en dix pages, un traité complet sur la légitimité du serment et sur l'excellence de la constitution civile du clergé. Toutes les objections y sont réfutées avec une douceur irrésistible et avec une simplicité profonde. C'est le théologien de la raison, et le prédicateur de la concorde.

TOULOUSE. Le corps électoral de cette ville a nommé pour évêque M. le cardinal de Loméniet Ce n'est pas

pour honorer son chapeau de cardinal. C'est encore moins pour récompenser les travaux de son ministère passé. Mais c'est pour répondre aux bienfaits que ce prélat avoit répandus à pleines mains dans son diocèse lorsqu'il n'étoit évêque de Toulouse que par la feuille. C'est pour légitimer sa nomination. C'est pour couronner enfin le mandement qu'il vient de publier. Ce mandement est une paraphrase touchante et sublime du magnifique éloge que les apôtres ont fait de la charité. Le mandement de la charité et l'édit pour la tolérance sont deux Ouvrages de M. le cardinal de Loménie, qui montrent des talens plus brillans que la pourpre romaine, et qui couvrent ses fautes mieux que le chapeau de cardinal.

VIRE, département du Calvados. Plus de quarante procès, la plupart pendans depuis trois ou quatre ans dans les tribunaux, où les parties s'étoient ruinées en dépens, ont été arrangés depuis deux mois que notre bureau de paix est en activité.

Mardi dernier 22, après une conciliation de deux malheureux qui plaidoient depuis deux ans et avoient déja dépensé plus de huit cents livres pour un objet de trente-cinq francs, et sur un simple incident qui ne touchoit point au fond, les parties se sont saisi de l'énorme liasse qui composoit leur procédure, l'o it jetée au feu, et s'en sont chauffés en dansant, s'embrassant et ne tarissant point en remercîmens envers les membres du bureau.

GACÉ, département de l'Orne. M. Duplessis, juge de paix de ce canton, mérite une mention solemnelle pour le succès de ses pacifiques travaux. Depuis le 8 de janvier jusqu'au 19 février, il a rendu, avec ses dignes assesseurs, cent quatre-vingt-trois sentences, et terminé une foule de petites discordes litigieuses par la voie simple de la conciliation. Nul appel de ces sentences, nul retour de ces discordes. Un seul magistrat, bien choisi, peut donc faire plus de bien qu'un parlement entier. La chicane normande va mourir de faim: l'inssitution des juges de paix ne pouvoit faire un plus grand miracle.

SAINT-GERMAIN EN LAYE. Voici un autre phénomène :

un laboureur des environs est venu, de lui-même, apporter au receveur des impôts la part qu'il devoit. Le receveur lui dit: comment, vous qu'il falloit 'toujours attendre, vous arrivez le premier! Vous mur. muriez jadis pour une obole, et aujourd'hui vous payez tout avec joie ! C'est, répondit, le laboureur, que je DONNE aujourd'hui, et que vous PRENIEZ autrefois. Le même laboureur tenoit tête un jour à un cidevant parlementaire, qui en perdant son état avoit conservé sa morgue: tu ne me parlois pas si haut, lui dit l'ex-magistrat, lorsque je portois les cheveux longs: ce n'est pas la longueur de vos cheveux qui m'en imposoit, répondit le paysan, mais celle de votre robe qui envaliissoit tout: et puis vous aviez alors derrière vous le bourreau qui m'écoutoit.

PARIS. L'évêque de Vannes, accusé d'avoir, par des écrits séditieux, soulevé les paysans de son diocèse, et contribué à la journée meurtrière où plusieurs de ces hommes trop crédules ont péri, a été amené par un détachement de la garde nationale à Paris pour y répondre de sa conduite.

M. Périer, commandant de la garde nationale de l'Orient, ayant acheté deux portions de biens nationaux, s'est rendu chez un notaire, et a fait donation de ces biens aux veuves et enfans des malheureux que le fanatisme aveugle a conduits au trépas dans la révolte du Morbihan. L'assemblée nationale, instruite de ce procédé généreux de M. Périer, a voté pour lui une lettre honorable de remercîment. Singulier contraste! Des évêques font massacrer leur troupeau, et un soldat dote les familles en deuil !

M. Duportail, ministre de la guerre, vient d'adresser à l'armée françoise une lettre qui est en même-temps la meilleure exhortation et la meilleure ordonnance pour l'officier et le soldat. Une armée qui seroit pénétrée des principes si bien exposés dans cette lettre, seroit la première armée de l'Univers pour le courage et pour la discipline.

L'assemblée nationale a décrété que la nomination et la révocation du ministre des finances appartiendront au pouvoir exécutif. Elle a divisé cette administration

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