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gnature de trois témoins, il était constaté qu'elle avait reçu quelque chose pour intervenir. Mais remarquons bien que les deux décisions de Justinien ne s'appliquent pas à l'intercessio que fait la femme en faveur de son mari (Nov. CXXXIV, cap. 8).

Une femme in potestate a fait une intercessio; le père peut-il ratifier cette intercessio comme nous venons de le voir pour le sénatusconsulte Macédonien? Je ne le pense pas, l'exception du Velléien étant réputée créée dans l'intérêt de la femme.

$ 4.

Exceptions tenant à la situation particulière du prêteur.

Le sénatusconsulte Macédonien peut ne pas être applicable par suite de la situation particulière du prêteur. Celui-ci est, par exemple, un pupille ayant agi sans l'auctoritas tutoris, ou un mineur de vingt-cinq ans; nous avons vu qu'en pareil cas (L. 3 § 2, de SC. Mac.) on venait à leur secours bien plus facilement que s'il s'agissait d'un individu majeur qui invoquerait tout simplement son er

reur.

Quant au pupille, en effet, il n'a pu perdre la propriété de l'argent qu'il a remis au filiusfamilias sans l'auctoritas de son tuteur (Inst. Just. § 2, quib. alien. licet, II, 8); il pourra donc soit seul, s'il est majeur, soit avec l'auctoritas de son tuteur, s'il est encore mineur, intenter contre son emprunteur une action en revendication, dans le cas où les deniers existeraient encore en nature. S'ils ont été consommés de bonne foi, il pourra les condicere, s'ils l'ont été de mauvaise foi, il agira ad exhibendum. Il en serait de même,ajoute Ulpien, d'après Julien (L.3 § 2,de SC.Mac.) pour

le fils de famille qui, placé à la tête d'un pécule (ni castrense, ni quasi-castrense, bien entendu) aurait prêté à un autre fils de famille; le père du premier pourra revendiquer les deniers qui ne seront pas devenus la propriété du second. Pourquoi ? Parce que le père, en concédant ce pécule au fils, n'a pas eu l'intention de lui donner le pouvoir de le dissiper.

Le mineur de 25 ans pourra (ead. leg.) cognita causa, c'est-à-dire après examen des faits, obtenir du préteur une restitutio in integrum.Quel sera l'effet de cette restitutio? Ce sera d'empêcher le fils de famille d'opposer au mineur l'exception du sénatusconsulte, mais, remarquonsle bien, le prêt aura juridiquement existé, à la différence de ce qui a lieu dans les deux précédentes hypothèses.

Supposons que le prêteur soit un esclave: s'il a un pécule et que les deniers soient tirés de ce pécule, le contrat est valable, le fils de famille pourra donc lui opposer le Macédonien mais notons que, pour que le prêt soit valable, il faut que l'esclave ait la libera administratio du pécule (L. 41 § 1, de Rei vindic., VI, 1); cette libera administratio lui donne, en effet, pleine capacité pour aliéner les valeurs composant le pécule. Si l'esclave n'a pas de pécule, ou s'il n'a pas la libera administratio de son pécule, le contrat est nul et il faudra alors appliquer les mêmes règles qu'à propos du pupille qui prête sans l'auctoritas tutoris.

Quel sera l'effet du sénatusconsulte Velléien dans des hypothèses semblables à celles que nous venons de voir ? Par exemple, une femme s'est obligée par intercessio envers un mineur, pourra-t-elle opposer l'exceptio Velleiani? Gaïus (L. 12, de Minor., IV, 4) répond affirmativement à cette question, en faisant toutefois cette réserve que la

femme ne pourra invoquer le secours du sénatusconsulte, si le débiteur principal est insolvable. Je pense qu'on peut généraliser cette décision et dire que, toutes les fois que la femme se sera obligée par intercessio vis-à-vis d'un incapable, on ne devra lui permettre d'opposer l'exceptio Velleiani que si le débiteur principal est reconnu solvable.

CHAPITRE V

LE SÉNATUSCONSULTE MACÉDONIEN DANS L'ANCIEN DROIT

FRANÇAIS.

CONCLUSION

§ Ior

Pourquoi le sénatusconsulte Macédonien devait très-facilement passer dans notre ancien droit.

Le sénatusconsulte Macédonien avait de grandes chances pour passer dans notre ancien droit: il frappait les prêteurs d'argent ; il y passa. L'Eglise, en effet, ne voyait dans le prêt d'argent qu'un acte de charité, qu'une bonne œuvre, et elle concluait de là qu'il était immoral de tirer un profit du bienfait que l'on rendait. Le point de vue où elle se plaçait n'était vrai qu'à l'égard du prêt gratuit, mais il était faux, absolument faux à l'égard du prêt à intérêt que cherche donc le prêteur à intérêt, si ce n'est à tirer profit de son capital? Est-ce que l'argent n'est pas une marchandise dont il doit être permis de trafiquer comme de tout autre marchandise? Tant que l'intérêt reste dans des limites honnêtes, tant qu'il n'y a pas usure, c'està-dire spoliation de l'emprunteur, il est légitime et ne sau

rait être interdit : « C'est bien une action très-bonne, dit Montesquieu (1), de prêter à un autre son argent sans intérêt; mais on sent que ce ne peut être qu'un conseil de religion, et non une loi civile ». Cependant, sous l'ancien régime, si le prêt à intérêt était prohibé, c'était en vertu des prescriptions de la loi religieuse. Pothier (2) a consacré plusieurs pages à exposer la prohibition du prêt à intérêt faite par l'Ecriture Sainte et les Conciles et à justifier l'application de cette prohibition au droit Français; disons, pour excuser Pothier d'une pareille hérésie contre les principes les plus élémentaires de l'Economie Politique, que cette science naissait à peine, au moment où l'illustre jurisconsulte écrivait ses ouvrages. Etait-il, vraiment,raisonnable de vouloir appliquer à des peuples, chez lesquels le commerce et l'industrie avaient pris un grand développement, des lois qui avaient été faites pour un petit peuple sans commerce, sans industrie? « J'en suis fâché pour votre âme hollandaise, fait dire ironiquement Voltaire à l'abbé des Issarts (3), Dieu défendit aux Juifs de prêter à intérêt; et vous sentez bien qu'un citoyen d'Amsterdam doit obéir ponctuellement aux lois du commerce données dans un désert à des fugitifs errants qui n'avaient

aucun commerce. »>

Les faits eux-mêmes, d'ailleurs, ont démontré que l'Eglise se trompait, que le prêt à intérêt était une institution nécessaire, que la loi était impuissante à l'empêcher; ne pouvant directement prêter l'argent à intérêt, on employa, sous l'ancien régime, divers moyens pour tourner la

1. Esprit des lois, livre XXII, ch. 19.

2. Du contrat de prêt de consomption, 2o partie, (traité de l'usure) section 1re, articles 2 et 3.

3. Dictionnaire philosophique, Vo Intérêt.

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