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1789 établissant la liberté du prêt intérêt; en effet, ce décret ne se préoccupe que du taux de l'intérêt, mais il laisse absolument intacte la question de savoir si l'on peut prêter à telle ou telle personne; or, le Macédonien ne se préoccupait pas du taux, mais bien du prêt lui-même et il interdisait de consentir aucun prêt aux fils de famille, que ce prêt ait lieu avec ou sans intérêt. Je doute, cependant, que le sénatusconsulte Macédonien ait dû jamais être invoqué pendant la période révolutionnaire, où il devait paraître certainement comme une entrave à la liberté et une institution aristocratique.

Quoi qu'il en soit, le sénatusconsulte est virtuellement abrogé par l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804): « A compter du jour, dit cet article, où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements, cessent d'avoir force de loi générale ou particuliére dans les matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent Code. » Or, le Macédonien créait une incapacité pour les fils de famille majeurs, car, mineurs, ils étaient incapables par suite de leur état même de minorité, et l'article 488 du Code Civil nous dit: « La majorité est fixée à vingt-un ans accomplis; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile, sauf la restriction portée au titre du mariage »; de plus, dans le titre où le Code Civil traite du prêt, il n'est fait aucune allusion expresse ou tacite à notre sénatusconsulte. Il est vrai que personne maintenant ne songerait à l'invoquer, je le reconnais; ce que je tenais seulement à établir, c'est qu'il n'était pas tombé en désuétude, mais qu'il avait été formellement abrogé.

§ III

Conclusion.

Le sénatusconsulte Macédonien, essentiellement basé sur la constitution de la famille à Rome, avait bien survécu à la chute de l'empire romain, mais ne devait pas survivre à celle du droit romain lui-même il faut remarquer cependant que, dans le cours des siècles, le but réel du sénatusconsulte protéger la vie des pères de famille, avait disparu, aux yeux des jurisconsultes, pour faire place à un but plus honorable pour l'humanité : protéger les fils de famille contre leurs propres entraînements.

Le sénatusconsulte Macédonien, tel que nous venons de l'étudier, ne saurait plus évidemment être appliqué à une époque, comme la nôtre, où la famille a une organisation toute différente de celle qu'elle avait à Rome. Et cependant, ne pourrait-on pas se demander si ce Macédonien, qui s'était déjà transformé dans notre ancien droit, ne devrait pas subir une nouvelle transformation et être rétabli de façon à s'appliquer à nos lois et à nos mœurs? Délimitons exactement, si je puis m'exprimer ainsi, le terrain que nous avons à examiner.

Il faut, tout d'abord, laisser de côté les mineurs, suffisamment protégés par l'incapacité dont les frappe l'article 1124 de notre Code Civil. Entre les majeurs, il faut ensuite faire une distinction: il est bien évident, en effet, qu'à partir d'un certain âge, ils ont acquis une expérience et une maturité d'esprit qui doivent les mettre en garde contre leurs propres entrainements; je pense qu'à partir de trente ans un homme doit être assez raisonnable pour gérer sagement son patrimoine, sinon, il faudrait déses

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pérer de lui et le mettre en tutelle perpétuelle! Restent donc les jeunes gens de vingt et un à trente ans, âge où l'on goûte les premières douceurs de la liberté, où l'on est, par conséquent, souvent porté à en abuser si l'on a de l'argent, on le dépense facilement, ce qui assurément est mauvais, mais ce qu'on ne saurait empêcher; si l'on n'en a pas, on contracte des emprunts, on spécule sur sa fortune future, ce qui est beaucoup plus mauvais et compromet souvent l'avenir d'une façon irrémédiable; là est le danger pour cette classe de jeunes gens. Ne devraiton pas les protéger contre ce danger?

Quels secours la loi leur offre-t-elle, en effet? L'article 1109 du Code Civil leur permet de faire annuler leurs obligations, s'ils peuvent prouver qu'ils ont été victimes d'un dol, preuve souvent bien délicate et bien difficile à faire. La loi du 3 septembre 1807 leur permet de faire réduire au taux légal l'intérêt souvent excessif qu'ils se sont engagés à payer à leur prêteur; mais tout usurier, ayant un peu d'habileté professionnelle, saura échapper aux rigueurs de la loi de 1807, soit, par exemple, en prêtant 700 francs et en faisant signer une obligation de 1,000 francs, soit en simulant une vente de marchandises, etc. Ajoutons à cela que le jeune homme a pu aussi rencontrer un honnête homme qui, par bienveillance, par faiblesse, ait consenti à lui prêter de l'argent, soit sans exiger d'intérêts, soit en n'exigeant des intérêts que suivant le taux légal: il y a ici un danger contre lequel la loi n'offre au

cun secours.

Eh bien, dira-t-on, pourquoi le législateur ne déclarerait-il pas nul tout prêt d'argent consenti à un individu majeur, mais âgé de moins de trente ans, sauf, bien entendu, les exceptions nécessaires, dans le détail desquels

je n'ai pas à entrer ici? Ce serait le sénatusconsulte Macédonien approprié à notre société moderne. Je n'hésite pas à déclarer qu'une pareille loi non-seulement serait inutile, mais qu'elle serait même mauvaise. Elle serait inutile, car, avec les transactions bien plus nombreuses dans le monde moderne que dans le monde romain, les prêteurs, aidés des jeunes gens, trouveraient mille moyens pour la tourner; elle serait mauvaise, car elle blesserait l'équité dans bien des cas un prêteur de bonne foi, qui n'aurait pas eu l'habileté de tourner la loi, verrait un jeune homme se rire de ses réclamations, après avoir dissipé son argent; et puis, cette faculté, donnée aux jeunes gens, de ne pas payer leurs dettes dans certains cas, ne les porterait-elle pas souvent à ne pas les payer dans d'autres?

Non, le remède n'est pas dans une loi qui permette aux jeunes gens de renier leurs dettes, il faut aller le chercher plus loin il consiste à donner aux jeunes gens des principes de travail, d'ordre, d'économie, de respect de soi-même; le meilleur moyen de faire disparaître les prêteurs, les usuriers, c'est de faire disparaître les emprunteurs !

LA LIBERTÉ DE CULTE

INTRODUCTION

§ I.

Définition de la liberté de culte; elle ne doit pas être confondue avec la liberté de conscience.

On entend par culte le fait par l'homme de manifester ses croyances religieuses par des prières on par des cėrėmonies la liberté de culte c'est donc le droit pour tout citoyen d'un État de manifester ses croyances, en matière de religion, de quelque manière que ce soit, en se livrant à des prières, en accomplissant certaines cérémonies, dans un lieu privé ou dans un lieu public, seul ou avec le concours de plusieurs personnes. Selon moi, il faut dire,en droit constitutionnel: liberté de culte et non pas liberté descultes; en effet, la définition qui vient d'être donnée du culte, nous démontre que celui-ci peut revêtir différentes formes, suivant que les individus manifesteront leurs croyances de telle ou telle façon, suivant qu'ils professeront telle ou telle religion. Dans le langage ordinaire, on étend le sens du mot culte et du fait de manifester ses convictions religieuses on le transporte aux différentes façons dont ces convictions sont manifestées, c'est-à-dire, en fin de compte, aux diverses religions suivies par les citoyens d'un État. Dès lors, au lieu de considérer le droit pour ces citoyens de manifester leurs croyances, en général, on considère le droit pour eux de manifester telle ou telle croyance, on

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