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Les auteurs du sénatusconsulte Macédonien avaient pensé que ce qui était le plus dangereux pour les fils de famille, que ce qui pouvait les entraîner à des actes coupables même envers leurs parents, c'était le prêt d'argent; certes, ils pouvaient s'obliger à tout autre titre, acheter des esclaves, des propriétés, se faire bâtir des habitations en obtenant du vendeur ou du constructeur que le prix ne fût exigible qu'après la mort de leur père, et arriver ainsi à désirer cet évènement, ou même en ne mettant aucune condition à l'exigibilité du prix, ce qui devait être encore plus dangereux pour le père. Mais, en fait, ce qui l'était surtout, c'était le prêt d'argent, d'abord parce qu'on l'obtient plus facilement, ensuite parce qu'il est plus avantageux.

On peut, il est vrai, acheter, par exemple, à crédit, mais alors le vendeur prend des renseignements sur la solvabilité de son acheteur, ou bien il exige des garanties; à défaut de renseignements satisfaisants ou de garanties, le vendeur conserve sa marchandise. Il en est

tout au contraire du prêteur d'argent; c'est d'ordinaire un prêteur de métier, le plus souvent unusurier, qui, voulant réaliser de gros bénéfices, doit stipuler de gros intérêts et est, par cela même, obligé de se montrer moins rigoureux sur la solvabilité de l'emprunteur; il suit la maxime: qui ne risque rien n'a rien; si, d'ailleurs, il lui arrive parfois de perdre avec des insolvables, souvent il n'aura qu'à prendre patience et le jour où l'emprunteur, que je suppose filiusfamilias, deviendra paterfamilias, non-seulement le prêteur rentrera dans ses déboursés, mais encore il réalisera un bénéfice considérable.

De plus, le prêt d'argent présente des avantages considérables pour l'emprunteur. Un insolvable pourra trouver quelque peu de crédit, pourra même acheter, sauf à ne pas payer le prix de son achat le jour de l'échéance, mais tous ne lui feront pas également crédit et il y a bien des choses. qu'il lui faudra payer comptant. N'est-il pas plus simple pour lui de se procurer une grosse somme d'argent, qui, une fois obtenue, lui permettra de se procurer ensuite toutes. les satisfactions qu'il désire, sans avoir besoin de réclamer pour chacune d'elles cette chose difficile à obtenir du crédit, d'autant plus difficile à obtenir qu'il s'agit d'une somme moins importante?

Ainsi donc le prêt d'argent étant relativement facile à obtenir et présentant de grands avantages, c'est à lui que devaient avoir recours des individus sans patrimoine, jeunes pour la plupart, avides de plaisirs, débauchés et corrompus, tels que nous pouvons nous représenter les filiifamiliarum, d'après les tableaux de la Société romaine à l'époque impériale que nous ont laissés les historiens; l'important pour ces fils de famille c'était d'avoir des capitaux à leur disposition; l'argent, c'était pour eux,

si je puis m'exprimer ainsi, le nervus vitæ ; de là, leur fréquent recours à l'emprunt. Ce recours à l'emprunt, nous avons vu à quels entraînements il avait conduit ces fils de famille, dont quelques-uns d'emprunteurs insolvables étaient devenus parricides! de là, le sénatusconsulte Macédonien qui, pour supprimer l'effet, supprime la cause, pour empêcher les fils de famille de devenir parricides, les empêche de contracter des prêts d'argent.

SII

Conditions nécessaires pour l'application du sénatusconsulte.

C'est donc le prêt d'argent et le prêt d'argent seul, bien plus, la seule numération d'argent entre les mains du filiusfamilias qu'a voulu empêcher le sénatusconsulte Macédonien, parce que c'était l'acte le plus dangereux pour les fils de famille. Il résulte de là qu'un contrat, pour tomber sous le coup de notre sénatusconsulte, doit réunir les quatre conditions suivantes, savoir: 1° Il faut qu'il s'agisse d'un prêt; 2° Il faut que ce prêt soit un prêt d'argent; 3° Il faut que la numération de l'argent soit faite à un fils de famille; 4° Il faut que le fils de famille joue, dans le contrat, le rôle de débiteur principal et originaire. Mais, je me hâte de le faire remarquer, le sénatusconsulte ne distingue pas entre le prêt à intérêt et le prêt gratuit; (1) le Sénat redoute pour l'honneur des fils de fa

1. Comment un prêt d'argent peut-il produire des intérêts? Il faut distinguer entre le cas où la somme prêtée a été stipulée et celui où il y a eu un simple mutuum: 40 Il y a eu stipulation: ici, pas de difficulté, le créancier n'aura eu qu'à stipuler des intérêts, en même temps qu'il stipulait la somme prêtée ; 20 Il y a eu simple mutuum: si le prêteur a voulu que son argent produisît des intérêts, il a fallu qu'il fit une stipulation spé

mille non seulement les usuriers, mais encore les amis bienveillants; si les premiers sont coupables d'exploiter leurs désordres, les seconds sont coupables de trop de complaisance envers eux! Cependant, supposez un prêt fait sans stipulation d'intérêts par pure affection pour l'emprunteur, le créancier réclamant la somme au fils de famille devenu paterfamilias, devenu riche, et ce dernier. opposant le sénatusconsulte Macédonien! Quel triste triomphe du droit sur l'équité ! quelle tentation pour le préteur de donner la replicatio doli! quelle douloureuse occasion de répéter avec le jurisconsulte: dura lex, sed lex! Quoi qu'il en soit, que le prêt ait été fait avec ou sans stipulation d'intérêts, l'emprunteur pourra se prévaloir du sénatusconsulte, nous dit Ulpien (L. 7 § 9 de SC. Mac.).

Cette remarque faite, examinons chacune des conditions nécessaires à l'application du Macédonien :

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1o Il faut qu'il s'agisse d'un prêt. Le prêt de consommation, cela va sans dire, est le seul contrat qui soit frappé par le sénatusconsulte Macédonien. Un fils de famille peut donc acheter, louer, etc., s'engager par toutes sortes de contrats, sans que son créancier ait à craindre de se voir opposer le sénatusconsulte (L. 3 § 3, de S.C. Mac.). Je suppose, par exemple, qu'un fils de famille,

ciale pour ces intérêts; un simple pacte ne suffirait pas, eût il mème eu lieu in continenti (Paul II, 14, § 1 — L. 17 pr. de Pactis, II, 14) — L. 11 § de reb. credit, XII, 1. Voir Accarias Préc. de Dr. Rom. 4o édit., t. II, no 646. Le prêt d'argent peut cependant produire des intérêts, même en vertu d'un simple pacte, lorsqu'il s'agit d'un nauticum fœnus (Ll. 3 § 1 et 7 de naut. fæn. XXII, 2) ou d'un prêt fait par une cité (L. 30, de usuris, XXII, 1).

Pour le taux de l'intérêt, voir les explications si complètes données par M. Accarias, dans son Précis, 3e édit., t. II, p. 1157, note 4.

après un achat, demande à son vendeur un délai pour s'acquitter du prix, et que ce vendeur lui fasse promettre le prix avec des intérêts dans ce cas, il y a toujours vente et non mutuum. et il ne saurait, par conséquent, être question de notre sénatusconsulte: origo enim potius obligationis quam titulus actionis (le vendeur qui a stipulé,a en effet, une condictio certi, au lieu de l'action venditi) considerandus est (C. 3, ad SC. Mac. IV, 28). De même, un texte d'Ulpien (L. 7 § 2, de SC. Mac.) nous dit que, si un fils de famille a, pendant la relégation ou l'absence de son père, promis une dot pour sa sœur et donné en gage un objet appartenant à son père, le sénatusconsulte ne sera pas applicable, le filiusfamilias sera obligé par sa promesse. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a là qu'une promesse de paiement et non un prêt. Mais, bien entendu, le créancier ne pourra pas retenir le gage qui lui a été donné à moins que le fils ne vienne à hériter de son père, auquel cas le créancier repousserait par l'exception de dol la réclamation que ferait le fils de l'objet donné en gage.

Mais la fraude est à redouter: un capitaliste pourrait dire au fils de famille : « Je vais vous vendre tel esclave et vous m'en promettrez le prix ; pour vous faire de l'argent, vous n'aurez qu'à vendre cet esclave.» Le capitaliste se croira à l'abri du sénatusconsulte et se réjouira d'avoir fait une bonne affaire, car il est fort probable, qu'il aura vendu l'esclave bien au-dessus de sa valeur; le crédit ne doit-il pas se payer, surtout aux usuriers? Eh bien ! son espoir sera déçu, il n'échappera pas au sénatusconsulte et on accordera au filiusfamilias le secours du Macédonien, parce qu'au fond il y aura eu prêt et non pas vente en effet, filiusfamilias rei pretium habuit in mutui vicem, ainsi que nous le dit Ulpien (L. 3 § 3; de S.C. Mac.).

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