Page images
PDF
EPUB

nombreux, et même l'ingratitude. Quoique nous n'ayons cité que des faits, nous eussions, par respect pour le malheur, effacé le nom de Laharpe, si l'ouvrage n'eût été déjà sous presse à l'époque de la disgrace qu'il vient d'essuyer. Nous savons que l'infortune a ses droits, et nous eussions appliqué à Laharpe ce beau vers de Lafontaine

Et c'est être innocent que d'être malheureux.

HISTOIRE

DU THÉATRE FRANÇAIS

PENDANT LA RÉVOLUTION.

L'HISTOIRE que nous allons tracer commence naturellement à l'ouverture du Théâtre Français, après la quinzaine de Pâques 1789; mais nous croyons devoir jeter un coup d'œil en arrière, et donner une idée succincte des principaux évènemens qui avaient signalé l'année théâtrale précédente.

Dorfeuille, qui avait déjà débuté au Théâtre Français en 1784, y reparut au mois de février 89. Cet acteur eut de chauds partisans, et de plus ardens détracteurs; les uns le trouvaient parfait, les autres trèsmédiocre ; ce qui prouve qu'il avait et des défauts et des qualités. Il joua successivement Cinna, Oreste et Philoctète dans ce dernier rôle, il obtint un triomphe complet. Le public le redemanda après la pièce, et le couvrit d'applaudissemens.

Cette même année, la scène fran

* Ce Dorfeuille a péri à Lyon, victime de la réaction qui suivit le 9 thermidor, Il ne faut pas le confondre avec le Dorfeuille qui vient de publier l'Art du Comédien, ouvrage qu'on peut appeler classique, et qui a obtenu tout le succès qu'il méritait. C'est ce que nous avons de mieux en ce genre.

çaise s'enrichit de deux sujets célèbres; l'un est aujourd'hui un de ses plus beaux ornemens ; l'autre, enlevé par une mort prématurée, promettait de développer encore des talens qui déjà lui avaient assigné une place distinguée parmi les prêtresses de Melpomène : nous parlons de Talma et de mademoiselle Desgarcins. Dans le cours de cet ouvrage, nous aurons plusieurs fois l'occasion de faire connaître plus particulièrement cette intéressante actrice.

Le 20 février, on donna la première représentation des Châteaux en Espagne, comédie en cinq actes, de Colin-d'Harleville. Cette pièce fut très-applaudie, pendant les trois premiers actes; les deux derniers parurent froids et languissans : l'auteur les refit entièrement, et l'ouvrage fut rejoué le 10 mars suivant, tel qu'il existe aujourd'hui. Il obtint le plus brillant succès.

[ocr errors]

Le 27 mars, on joua, pour la première fois, Auguste et Théodore, ou les deux Pages. Le sujet de cette comédie est tiré d'une anecdote imprimée à la fin de la Vie pri vée du grand Frédéric. Engel, auteur allemand, en avait fait un petit drame, dont il parut plusieurs traductions. L'ouvrage allemand fournit le sujet de la pièce française. Elle fut applaudie avec transport ; l'auteur ne se nomma point; mais on sait aujourd'hui que la pièce est de Faure, connu par plusieurs productions dramatiques, et de Dezede, auteur de la musique de Blaise et Babet, etc., etc. Tout sembla contribuer au succès des deux Pages : Dezede avait fait, pour les couplets dont la pièce est parsemée, une musique extrêmement agréable; les rôles étaient remplis par mademoiselle Contat, Dazincourt, Fleury, madame Petit et Emilie Contat

« PreviousContinue »