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Fxtrait du registre du conseil de ville, du 24 septembre 1790.

<< Le conseil municipal ayant en<< tendu les sieurs Belmont et Van<< hove, autorisés par la comédie << française à signer la lettre adressée «à M. le maire le 20 septembre, dans

laquelle ils annoncent ne pouvoir << exécuter l'arrêté du 18 de ce mois, << qui leur enjoint provisoirement de << communiquer et de jouer avec << le sieur Talma, déclare la déli<< bération du 20 septembre, et la

lettre écrite le même jour à M. le << maire, contraires au respect que « la comédie doit à l'autorité lé«gitime.

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«De plus, le conseil, considérant << qu'en vertu des décrets de l'as<< semblée nationale, sanctionnés par le roi, la police et l'administra

tion des théâtres appartiennent à la municipalité; que l'arrêté pris < par le conseil étant fondé sur ce « que les comédiens avaient manqué « au public, et à leurs engagemens « envers lui, en le privant arbitrai<rement d'un acteur qui lui appar<tient, en dépouillant un citoyen de << son état, en se déclarant juges et < parties.

<< Persiste dans son arrêté du 18 de ce mois; et, pour statuer défi‹ nitivement sur le fonds de la con<< testation, le conseil ordonne que, « dans trois jours, pour tout délai, <<< les comédiens français seront tenus << de donner leurs mémoires respec«tifs, pour en être rendu compte au << conseil. >>

La première délibération du conseil de ville avait été, ainsi que nous l'avons dit plus haut, imprimée et placardée dans tous les quartiers de Paris: les partisans de

Tome I.

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Talma en attendaient l'exécution avec impatience, et murmuraient déjà hautement de la lenteur des comédiens à se soumettre aux ordres des autorités constituées.

Tout à coup le bruit se répand qu'ils refusent d'obéir: on ne peut d'abord se le persuader, mais bientôt le doute même n'est plus permis. Le feu, qui, depuis quelques jours, commençait à s'éteindre, se rallume avec une nouvelle violence. Le dimanche, 26 septembre, des flots de spectateurs se portent impétueusement à la comédie française, et un horrible bruit fait trembler la salle jusque dans ses fondemens. quand l'exécution du jugement municipal ? s'écrient les uns. A bas! répondent les autres. On se presse, on s'étouffe, on se frappe à coups redoublés : qu'on se figure des éclairs qui se succèdent, des nuages enflammés qui se heurtent, dont le choc

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vomit la foudre, et bouleverse tous les élémens, et on pourra se faire une idée du spectacle que présentait le parterre de la comédie française. Duport-du-Tertre, le même que le roi nomma ministre de la justice; (*) pria le public de se calmer, et assura que la municipalité, reconnaissante du zèle des bons citoyens, saurait faire exécuter son jugement. Le bruit ne cessa un moment que pour redoubler entre les deux pièces. M. Bailly, qui était arrivé, invita les spectateurs à demeurer tranquilles, et la voix de ce magistrat vertueux suffit pour tout faire rentrer dans l'ordre.

La municipalité de Paris, craiguant que ces querelles nedevinssent plus sérieuses, et voulant éviter l'ef

(*) Il fut assassiné sous le règne de la ter

reur.

fusion du sang, ordonna, le lendemain, la clôture du Théâtre Français, qui ne fut r'ouvert que lorsque les comédiens eurent rapporté leur arrêté, et consenti à recevoir leur camarade Talma, en protestant de leur soumission aux ordres de la municipalité.

Enfin, le 28 septembre, après deux mois d'exil, Talma reparut dans le rôle de Charles IX: cette représentation avait attiré une foule consirable, et ne fut troublée par aucun orage. Talma, demandé après la pièce, parut accompagné de Dugazon, qui reçut une portion des applaudissemens prodigués à son élève. Mme. Vestris reçut la même faveur.

Les comédiens français publièrent, à cette occasion, un mémoire dans lequel ils soutenaient que le conseil de ville était incompétent pour juger cette affaire, et que leurs réglemens s'y opposaient de la manière

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