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<tion, ayant eu le malheur d'être << souvent calomniée, de m'opposer << à ses demandes. Je publierai cette << lettre, messieurs, afin que mon << nom ne serve pas de prétexte pour << se refuser aux vœux du public, <<< dont l'estime et les suffrages seront

toujours la plus précieuse récom<< pense de mes travaux. Je suis, etc. La mort de Jean Calas, assassiné par le parlement de Toulouse, a retenti dans toutes les parties du monde, et les amis de la nouvelle révolution, qui voulaient saper les parlemens et le clergé, arrachèrent le voile sanglant qui couvrait cette horrible catastrophe, pour inspirer au peuple la haine profonde du fanatisme et des anciennes institutions. De pareils traits, des exemples aussi affreux frappent le vulgaire plus fortement que de grandes phrases ou de subtils raisonnemens aussi cette tactique n'a point échappé aux

meneurs cachés derrière le rideau de la révolution, et le meurtre de Calas, de Labarre, les massacres des Cévennes et de la Saint-Barthélemy ont fait plus d'ennemis à l'ancien régime que tous les discours des plus célèbres orateurs de l'assemblée constituante.

Le succès de Charles IX encouragea plusieurs auteurs à s'emparer de ce trait de notre histoire moderne, et deux ouvrages, auxquels il donna lieu, furent représentées en même tems: l'un en quatre actes, en prose, par M. Lemierre d'Argie, fut joué, pour la première fois, le 17 décembre 1790, sur le théâtre des Variétés ; et l'autre, en cinq actes et en vers, par Laya, le lendemain 18 décenibre, sur le Théâtre de la Nation.

Le premier étant étranger à l'histoire du Théâtre Français, nous ne parlerons que du second, qui lui est

infiniment supérieur et par le style et par le plan.

La famille Calas vient de prendre un repas frugal. Levaisse, amant de la fille de la maison, lit des vers de Voltaire, et Calas, après s'être expliqué sur le fanatisme et la tolérance, parle de la pension qu'il fait à son fils Louis, devenu catholique, et des chagrins' que lui cause Antoine, dont l'ame sombre et rêveuse le plonge dans les plus vives inquiétudes. 11 se fait tard, et Levaisse parle de se retirer, lorsqu'on entend pousser des cris affreux. Calas se précipite du côté d'où ils partent : Levaisse, effrayé, revient, découvre une partie de l'accident à madame Calas, ordonne à la servante de ne point la laisser pénétrer dans le magasin, et sort pour aller avec le père infortuné avertir la justice du malheur qui vient de lui arriver.

Bientôt le peuple s'assemble, la

justice accourt, et le capitoul David, homme dur et intraitable, qui a d'ailleurs à exercer une vengeance particulière contre Calas, le fait conduire en prison comme prévenu du meurtre de son propre fils.

Pour étayer de preuves cette atroce accusation, il donne à la vieille servante une bourse d'or, qu'elle rejète en se précipitant dans les bras de son maître, et en accusant David d'avoir voulu la gagner.

Lasalle, magistrat vertueux et sensible, fait de vains efforts pour sauver la famille Calas : le fanatisme du parlement triomphe de son éloquence, et le malheureux père, condamné à mort, est reconduit dans la prison. Après avoir fait à sa famille les adieux les plus touchans, Calas s'endort d'un sommeil paisible. La cloche funèbre sonne, il bénit ses enfans; le geolier lui garotte les mains, le confesseur s'en em

pare il est traîné au supplice, et madame Calas tombe dans un profond évanouissement.

Ce sujet, vraiment pathétique, n'a jamais produit beaucoup d'effet au théâtre, et il n'est pas difficile d'en deviner la cause. D'abord tous les auteurs qui l'ont traité se sont écartés de la règle de l'unité de lieu, et ont commis des invraisemblances qui sont impardonnables dans un ouvrage historique.

Ce genre n'étant point, d'ailleurs, assez noble pour la tragédie, et la catastrophe étant trop horrible pour le drame, il en est résulté une espèce d'ouvrages bâtards qui n'ont pu se soutenir au théâtre, et auxquels la haine du fanatisme et les circonstances révolutionnaires ont seules donné la vogue momentanée qu'ils ont obtenue.

Le drame de M. Laya n'était cependant pas dénué de mérite: on y

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