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tête d'Arné, au milieu des plus vifs applaudissemens.

Tous les premiers sujets regardèrent comme un devoir de paraître dans cet ouvrage, et à la représentation, qui eut lieu le 8 janvier, le public fut agréablement surpris en apercevant mesdames Contat et Raucourt.

Ces deux charmantes actrices, qui avaient eu le bon esprit de faire le sacrifice de leur amour-propre, furent accueillies avec transport, et Saint-Prix lut au public les vers suivans d'un M. Mabille, vers qui ne sont pas de la première force, mais qu'on peut excuser en faveur de l'intention.

Enfin, par un accord heureux,

Nous voyons triompher Thalie et Melpomène:
Contat, Raucourt, en remplissant nos vœux
De leurs taleus encor vont embellir la scène.

Puissent de même, un jour, les Français réunis,

Qu'un intérêt contraire égare,

De la fraternité donner l'exemple rare,
Pour le bonheur de leur pays!

Le 15 janvier, mademoiselle Contat reparut dans le Jaloux sans Amour: elle joua le rôle de la comtesse avec cette grâce infinie, cette perfection qui la distinguent, et fut merveilleusement secondée par ses camarades, et notamment par M. Dazincourt, acteur plein de mérite, qui a établi le rôle du valet de la manière la plus brillante. Mademoiselle Raucourt joua, pour sa rentrée, Clytemnestre dans Iphigénie en Aulide, et ne fut pas accueillie avec

moins d'enthousiasme.

Le 29 janvier, on donna la première représentation de Dorval, où le Fou par Amour, comédie en un acte et en vers. La vogue qu'a obtenue, dans le tems, la pièce de Nina, Tome 11.

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paraît avoir donné l'idée de cet ou vrage, que nous allons analyser rapidement :

Dorval, jeune officier, blessé dans un combat, vient dans un hôpital où, par les soins de la sœur Adélaïde, il est bientôt rétabli. Un sentiment beaucoup plus fort que la reconnaissance s'empare de son ame, et il devient amoureux de la jeune hospitalière mais, par malheur, la mort lui enlève cette amante chérie, et la douleur qu'il en ressent lui fait perdre la raison. Un honnête homme, voisin de l'hôpital, prend chez lui l'infortuné Dorval, et lui fait prodiguer les soins les plus touchans. Ce particulier a une fille qui a connu particulièrement Adélaïde, et qui, depuis long-tems, soupire en secret pour le jeune homme : elle a imaginé de dessiner ses traits de mémoire, pour distraire Dorval du fantôme qui le poursuit, et, dans une scène char

mante, l'infortuné, assis avec sa jeune amie, l'invite à prendre son crayon, et à bien saisir la ressemblance d'Adélaïde qu'il voit, et quil croit visible pour tout le monde.

Le médecin imagine un dernier moyen pour la guérison de son malade: il invite la jeune personne à prendre les habits d'une sœur hospitalière, et à se présenter, au clair de la lune, aux yeux de Dorval, sur qui cette apparition soudaine peut produire une révolution favorable. Son conseil est suivi : mais le malheureux Dorval, frappé de terreur, ne peut que dire, avec l'accent du désespoir: Ciel! j'en vois deux ! Ce mot termine la pièce, et le rideau tombe.

Cet ouvrage, sans intrigue et sans dénouement, obtint néanmoins un succès flatteur, dû aux pensées délicates, aux idées fines, et aux traits saillans dont le dialogue étincèle.

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Il fallait un pinceau gracieux, comme celui de M. de Ségur le jeune pour dessiner agréablement un fonds aussi ingrat: aussi cette petite pièce fait-elle infiniment d'honneur à son. esprit. Après quelques représentations, elle fut suivie d'un autre ouvrage, dont le genre était tout à fait opposé. Cette farce, que nous n'honorerons pas du nom de comédie, avait dunom pour titre : le Mari Directeur, et fut représentée le 25 février 1791. C'est alors qu'on a commencé à salir la scène française par des parades ignobles, dont on ne trouvera que trop d'exemples dans la suite de cette histoire.

Des moines défroqués viennent rendre visite à des religieuses Bernardines, et leur tiennent des propos galans, fort déplacés dans la bouche des disciples de Saint-François. Un commissaire national arrive, et annonce aux dames du couvent qu'elles

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