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Mais il n'est pas toujours nécessaire que l'intérêt soit actuel, il suffit quelquefois qu'il soit susceptible de se réaliser légalement c'est ains. qu'un habile à succéder peut, durant le délai que la loi lui donne pour délibérer, exercer une action purement conservatoire, et faire tous autres actes qui ne tendraient qu'à la conservation, à la surveillance et à l'administration provisoire des biens de la succession; il lui importe seulement, dans ces circonstances, de protester qu'il n'agit qu'en sa qualité d'habile, afin de ne pas courir les risques de faire présumer de sa part l'acceptation d'hérédité, aux termes des art. 776 et 779 du Code civil. — (V. infrà sur l'art. 174).

D'un autre côté, il est des cas où un intérêt éventuel serait insuffisant pour autoriser l'action; tel est celui de l'art. 187 du Code civil, qui exige expressément un intérêt né et actuel, lorsqu'il s'agit d'attaquer un mariage ou d'en soutenir la nullité. Il en est d'autres aussi où l'intérêt, quel qu'il fût, n'empêcherait pas de déclarer le demandeur non recevable; par exemple, on ne peut attaquer un jugement par tierce opposition quand on y a été représenté par le condamné.

procéd., art. 374.)

- (Cod. de 74. L'intérêt naît du droit dans lequel le demandeur se croit justement fondé; mais l'action ou la faculté de poursuivre le droit en justice lui appartient, soit de son chef, soit par transmission; en effet, l'action est un véritable bien qui fait partie de notre fortune, et qui par conséquent est, comme tout autre, transmissible et divisible (1).'

Comme transmissible, l'action fait partie d'une succession et passe aux héritiers; celui qui contracte stipule non-seulement pour lui-même, mais pour les siens. L'héritier d'une action a donc le droit d'en poursuivre le débiteur, et par la même raison il est chargé de répondre aux actions dont son auteur était tenu : c'est le motif pour lequel les titres exécutoires contre le défunt le sont également contre la personne de l'héritier. (Cod. civ., art. 887.)

Comme divisible, l'action peut être intentée et poursuivie par chacun des héritiers pour sa part et portion, de même que chacun d'eux n'est tenu personnellement qu'au prorata de sa portion héréditaire, quoi qu'il le soit hypothécairement pour le tout (Cod. civ., art. 873), attendu que l'hypothèque est essentiellement indivisible et ne peut être

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détruite ni morcelée par la mutation de propriété ou par le partage des biens.

Ici se présentent deux observations importantes: la première consiste à faire remarquer qu'encore bien que l'action hypothécaire puisse être exercée sans division contre un des héritiers, cela ne contrarie point le principe de la divisibilité, puisque cet héritier, condamné hypothécairement au paiement de la totalité d'une créance, exerce contre ses consorts un recours en remboursement de ce qu'il aurait payé au delà de 'sa part virile, comme détenteur de l'objet hypothéqué: chacun des cohéritiers contribue donc en définitive au paiement de la dette, et par conséquent le principe de la divisibilité produit ses effets.

La seconde se rattache au principe posé ci-dessus n° 70, que l'action réelle s'exerce contre tout détenteur, indépendamment de son obligation personnelle ou de celle de son auteur: d'où suit qu'elle ne peut être dirigée contre l'héritier, à moins qu'il ne soit détenteur lui-même. Mais le détenteur poursuivi peut, conformément à l'art. 182 du Code de procédure, exercer son action en garantie formelle, soit contre celui dont il tient sa jouissance, soit contre l'héritier de ce dernier.

A son tour, l'héritier d'une action réelle l'exerce contre le détenteur, et par conséquent, lorsqu'il s'agit d'intenter une action de cette nature, le principe de la transmissibilité des actions produit également ses effets.

Mais l'héritier, quoique représentant universel du défunt, n'a pas toujours et indistinctement action du chef de celui-ci. C'est ce qui arrive toutes les fois qu'il s'agit de droits qui étaient attachés individuellement à la personne de son auteur, tels que ceux de gérer une tutelle, d'agir comme exécuteur testamentaire, de faire révoquer une donation pour ingratitude, de réclamer des profits ou revenus qui ont dû cesser à sa mort, comme un usufruit, une rente viagère ou des biens donnés à un enfant adoptif.- (Cod. civ., art. 419, 1032, 957, 617, 1980 et 352.)

Au surplus, toutes les fois que l'action à exercer a été transmise soit par succession soit autrement, comme par donation, par transport ou cession, etc., le demandeur doit, avant tout, justifier de la transmission qui lui a été faite à titre universel ou singulier; dans le cas contraire, il serait déclaré non recevable par défaut de qualité.

75. En vain le demandeur aurait-il intérêt et qualité, il faut encore pour qu'il puisse valablement intenter action, qu'il y ait capacité d'este en justice (stare in judicio), c'est-à-dire d'y paraître, d'être partie dans un procès, et que celui contre lequel il prétend agir jouisse lui-même de cette faculté.

De l'incapacité de l'une des parties dérive, en effet, soit en faveur de la personne incapable, soit même quelquefois en faveur de l'autre, une

exception qui rendrait la demande non recevable, du moins jusqu'à co que l'incapable fût assisté d'un représentant légal, ou, suivant les circonstances, autorisé, dans les formes prescrites, à poursuivre sa demande ou à présenter sa défense.

Il est donc indispensable que celui qui se propose d'exercer une action soit certain de sa capacité et de celle de sa partie adverse, et, pour acquérir cette certitude, il doit consulter les diverses dispositions que nos lois renferment à ce sujet :

1° Relativement aux communes et aux établissements publics, l'art. 69 du Code de procédure, et les lois et décrets que nous citerons sur l'art. 1032;

2° Au condamné, soit à une peine emportant mort civile, soit à une peine afflictive et infamante temporaire, les dispositions des art. 28, 34,42 et 43 du Code pénal, 465 du Code d'instruction criminelle, 25 et 28 du Code civil;

3o Aux mineurs et aux interdits, celles des art. 464, 465, 469, 309 et 815 du Code civil, et 954 du Code de procédure;

4° Aux mineurs émancipés, celles de l'art. 482 du Code civil;

5° Aux personnes pourvues de conseil judiciaire, celles de l'art. 513 du même Code;

6° Aux faillis, les art. 442, 448, 449, 563, 598 et 600 du Code de

commerce;

7. Enfin à la femme mariée, les art. 215, 218 du Code civil, et 861 et suivants du Code de procédure.

Parmi les incapacités dérivant des dispositions de ces articles, les unes sont absolues, les autres relatives.

Les incapacités absolues sont celles qui tiennent à l'ordre public, sans considération de l'intérêt de la personne, comme l'incapacité du condamné et du failli, ou à l'ordre public, mais d'une manière secondaire, et particulièrement dans l'intérêt de la personne, comme celle des comnunes et des établissements publics.

Les incapacités relatives sont celles qui ne sont prononcées que dans l'intérêt privé de la personne, comme l'incapacité des mineurs, des interdits, de la femme mariée.

Dans le premier cas, la fin de non-recevoir peut être opposée en tout état de cause, même par la partie qui a procédé volontairement contre l'incapable.

Dans le second, elle peut l'être également en tout état de cause, mais seulement par l'incapable ou ceux qui le représentent, et non par la partie qui aurait volontairement procédé contre lui.-(Arg. des art. 225 et 1125 du Code civil.)

76. Le demandeur qui, d'après les observations qui précèdent, a

fait tout ce qui dépendait de lui pour s'assurer qu'aucune fin de nonrecevoir ne lui sera valablement opposée, doit examiner s'il a des moyens de justifier au fond l'objet de sa demande, en prouvant les faits sur lesquels il la fonde, et en démontrant, par les dispositions de la loi, que le droit qu'il réclame lui appartient véritablement.

C'est en effet au demandeur qu'il appartient de prouver, suivant la maxime déjà citée, auctore non probante, etc; maxime formellement consacrée par l'art. 1315 du Code civil.

Les faits se prouvent, soit par titres, soit par témoins, soit par le concours des présomptions que les lois autorisent à prendre pour base de décision. (Cod. civ., tit. 3, chap. 6.)

Mais on doit remarquer qu'aucun titre authentique ou privé ne peut être produit en justice s'il n'est timbré. (Lois des 13 brumaire an 7 sur le timbre; 22 frimaire même année, et 7 pluviôse an 9, sur l'enregistrement.)

On supplée au défaut de ces différents genres de preuves par celles que peut fournir l'instruction judiciaire, et conséquemment après la demande, au moyen du serment déféré ou référé, de l'aveu de la partie, de l'interrogatoire, de l'expertise, etc.

77. Toutes les observations que nous venons de consigner dans cette section, ayant été faites par celui qui se propose d'agir en justice, il n'a plus qu'à s'assurer de la compétence du juge devant lequel il devra se pourvoir. Les lois concernant les attributions des diverses autorités judiciaires ont donc un rapport intime avec l'exercice des actions, et par conséquent les règles générales de la compétence de ces autorités trouvent naturellement leur place dans la section suivante.

SECTION II (1).

Des juges devant lesquels l'action doit étre portée.

78. L'action doit être portée devant les juges auxquels la loi donne compétence pour en connaître.

(1) Dans cette section, nous avons posé | d'abord les principes généraux et élémentaires de la compétence, d'après l'espèce de juridiction qu'exercent les différents tribunaux devant lesquels l'action doit être portée; mais nous avons averti, par une note, que ces préliminaires n'offraient, à vrai dire, que le sommaire des matières qui seraient traitées, avec toute leur étendue et tous les développements dont elles seraient susceptibles, dans notre Traité des

lois de l'organisation et de la compétence. C'est aussi ce que nous avons fait au liv. 2 de ce Traité, intitulé: Des règles de compétence communes à tous les tribunaux (*).

L'acte de juridiction fait par un juge hors de son territoire serait-il nul?

La solution affirmative de cette question s'appliquerait-elle au cas où le juge ferait

(*) Tom. 1, p. 463.467 éd. in-4°, et t. 3, p. de l'édition de M. Victor Foucher.

239.

Ce mot compétence, dérivé du mot competere, appartenir, exprime en général la portion de pouvoir attribuée par la loi à chaque fonctionnaire public en particulier, « quod cuiquc competit »

Appliqué aux fonctions judiciaires, il désigne le pouvoir que la loi confère à tel tribunal, plutôt qu'à tel autre, de prononcer sur une contestation judiciaire.

Ce pouvoir est réglé, soit à raison de la nature de l'action, soit à raison du territoire dans l'étendue duquel un tribunal exerce sa juridiction, c'est-à-dire son droit de juger pris d'une manière absolue.

Il l'est à raison de la nature de l'action, quand la loi a exprimé généralement, comme l'art. 4 du tit. 4 de celle du 24 août 1790, et l'art. 59 du Code de procédure, que tels tribunaux connaîtront de telle action.

Il l'est à raison du territoire, quand elle déclare, comme le même art. 59, que parmi les tribunaux compétents pour une action, le demandeur devra s'adresser, soit à celui du domicile du défendeur, soit à celui de la situation de l'objet litigieux.

Ainsi deux choses sont à considérer pour savoir si un tribunal est compétent ou incompétent:

1. L'affaire que l'on entend lui soumettre est-elle du nombre de celles dont la loi lui attribue la connaissance?

2 En cas d'affirmative, est-ce devant le tribunal du domicile du défendeur ou devant celui de la situation de la chose que l'on doit porter l'action?

Dans le premier cas, on dit que le tribunal est compétent à raison de la matière, ratione materiæ; dans le second, qu'il l'est à raison de la personne, ratione persona, ou de la situation de la chose.

De ce que le tribunal devant lequel on porterait une action serait incompétent sous l'un de ses rapports, il en résulterait, en faveur du défendeur, une exception déclinatoire dont l'effet serait de faire prononcer le renvoi de l'affaire devant le tribunal compétent, et de mettre à la charge du demandeur tous les frais qui auraient été faits jusqu'alors.

79. Les autorités investies du droit de prononcer sur les contestations

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