Page images
PDF
EPUB

343. Venant aux lois ecclésiastiques, nous trou- | toujours au préjudice des particuliers qui en restent vons dans le corps du droit canon un chapitre tiré privés ? des œuvres de saint Ambroise, où il est expliqué que, C'est ainsi que nous sommes encore rappelés à suivant la discipline militaire, les dépouilles rem- cette maxime de l'Écriture sainte déjà rapportée plus portées sur l'ennemi par l'armée victorieuse doivent haut: Cuneta fecit bona in tempore suo, et mundum être conservées à la disposition du roi vainqueur, tradidit disputationi eorum; c'est-à-dire que l'auteur pour être distribuées, suivant leur mérite, aux com- de toutes choses, ayant créé le monde pour servir au battants par le concours desquels elles ont été faites: genre humain tout entier, sans en régler aucun parDicat aliquis, cùm ipse vicerit, quomodò dicit Abra- tage, ni fixer aucunes limites territoriales aux diverses ham ad regem Sodomorum (Nihil sumam abs te), nations qui pourraient s'établir sur les diverses parcùm præda utiquè in potestate victoris fuerit. Docet ties du globe, et sans établir aucune magistrature militarem disciplinam, ut regi serventur omnia. suprême chargée de sa part de surveiller l'exécution Sanè his qui secum fuissent in adjumentum fortasse de cet immense partage, tout en prévoyant qu'il desociati, partem emolumenti tribuendam asserit, tan-vait y avoir des multitudes incessantes de controverquam merĉedem laboris. Ideòque, quoniam sibi mer- ses sur cet objet, a nécessairement voulu que tous les cedem ab homine non quæsivit, à Deo accepit: sicut débats de cette nature fussent soumis à l'empire de la legimus scriptum, quia posthac factum est verbum force, comme étant un des signes de la majorité des Domini ad Abraham in visu dicens: Noli timere, parties intéressées, et qu'ici le jeu de la force fut Abraham : ego protegam te, merces tua multa erit un titre suffisant pour regarder la conquête comme valdè (Decreti 2 parte, causâ 23, quæst. 5). légitimement acquise, parce qu'il est naturel que, dans l'exercice de tout jeu, celui qui sort victorieux de la lutte ait le droit de prendre et de conserver pour lui les choses qui y avaient été compromises.

344. Si nous arrivons aux lois romaines, que le monde civilisé considère si justement comme la raison écrite, nous les trouverons aussi positives et plus explicites encore sur le point de doctrine qui nous occupe: Quæ ex hostibus capiuntur, dit le jurisconsulte Gaius, jure gentium statim capientium fiunt (1).

Et c'est là ce que répète l'empereur Justinien dans ses Institutes, quand il dit que les choses dont nous dépouillons l'ennemi deviennent aussitôt les nôtres, d'après les règles du droit des gens: Item ea quæ ex hostibus capimus, jure gentium statim nostra fiunt (Inst., lib. II, tit. I, § 17).

347. Néanmoins il ne faut pas croire que la suprême sagesse ait voulu par là présenter aux hommes un attrait qui les portât au métier de la guerre par l'appât du butin qu'ils pourraient y gagner. Entendre ainsi ses desseins, ce serait les prendre à contre-sens car c'est au contraire pour écarter les hommes de ce jeu terrible de la force et de l'adresse, que le Créateur a voulu les en détourner par la perspective soit de leurs dangers personnels, soit des pertes énormes qu'ils auraient à redouter, et sur lesquelles il ne leur resterait que des regrets amers et des ruines douloureuses après la perte des batailles dont le

Nous ne nous étendrons pas davantage sur la disposition des lois romaines sur ce principe doctrinal du droit des gens, parce qu'elles sont connues de tous les légistes; sauf à y revenir encore plus bas en parlant des conditions auxquelles ce principe d'ac-sort est toujours incertain. quisition doit être soumis pour que l'application en soit légitime, et comment cette application doit être faite aux diverses espèces de choses.

348. Jusqu'à présent nous n'avons parlé de l'occupation ou de la saisie des choses par le fait de la guerre, que comme étant en général un mode ou une manière d'acquérir la propriété des biens saisis sur l'ennemi. Nous avons actuellement à examiner quelles sont les conditions requises pour que ce genre d'occupation puisse être une cause juste du droit de propriété attribué au vainqueur; quelles sont les

345. On peut voir encore dans Grotius, de Jure Belli et Pacis, chapitre VI, no 2, les témoignages de doctrine des anciens philosophes sur ce point, où l'on voit que, suivant Aristote, le mode d'acquérir par le moyen de la guerre est fondé sur un pacte tacite et commun entre les diverses nations: Lex velut pac-choses auxquelles ce droit d'acquérir est applicable; tum quoddam commune est, quo bello capta capien

tium sunt.

346. Si, après tout cela, nous examinons ce qui se passe dans les temps de guerre, nous ne trouverons pas d'exemple où une pratique régulière et soutenue ait été étrangère à l'application des règles du droit des gens dont nous venons de parcourir la série. Et, sans remonter à des exemples tirés de l'antiquité, n'a- | vons-nous pas vu dans tous les temps les malheureux habitants des pays où se porte la guerre, souffrir le dépouillement de leurs propriétés mobilières les plus chères et les plus nécessaires? N'avons-nous pas vu, durant toute notre révolution, nos armées faire, dans les diverses régions de l'Europe entière, des invasions ruineuses pour les habitants qui les souffraient? N'avons-nous pas vu réciproquement les armées étrangères faire, à plusieurs époques, les mêmes choses dans l'intérieur de la France? Et ne voyons-nous pas encore aujourd'hui, sur la rive nord de l'Afrique, les bestiaux des Arabes qui sont en guerre avec la France, et quelquefois entre eux, être enlevés, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et

(1) L. V, § 7, ff. de acquirendo rerum dominio, lib. XLI, tit. I. (2) ■ Par la même raison que l'on nomme conquêtes les villes et

à qui les dépouilles de l'ennemi doivent appartenir; si c'est aux soldats de l'armée, ou à l'Etat qui les envoie au combat. C'est là ce que nous allons successivement examiner par autant de questions séparées (2).

349. PREMIÈRE QUESTION. Quelles sont les condi tions requises pour que la propriété des biens saisis à la guerre sur l'ennemi soit légitimement acquise aux saisissants?

Pour satisfaire à la première de toutes les condi❤ tions requises, il faut d'abord qu'il ne s'agisse pas d'une guerre civile, attendu que, suivant les principes soit du droit civil, soit du droit des gens, tous les individus composant une même nation sont, par le contrat social qui les réunit en une seule unité politique, tenus de se protéger mutuellement les uns les autres, et qu'en conséquence il ne peut jamais leur être permis de se dépouiller entre eux.

Il faut, par une autre condition, qu'il s'agisse d'une guerre patente et publique, préalablement déclarée au moins par l'une des puissances contre l'autre autrement ce ne serait qu'un indigne assassinat

les terres prises sur l'ennemi, on nomme butin les choses mobilières qu'on lui enlève.» (CHAVOT, t. II, no 391.)

[blocks in formation]

portent à saisir et enlever les meubles des maisons dans lesquelles ils reçoivent l'hospitalité : ils n'exécuteront par là que des vols exécrables aux yeux de toutes les lois divines et humaines, parce que les enlèvements de butin ainsi traftreusement faits, n'ont rien de commun avec les actes de guerre qui ont lieu au nom et suivant les intentions du prince ou du comné-mandant de l'armée, ou ministerio belli.

Pour déclarer la conquête légitime aux yeux du droit des gens, est-il nécessaire de remonter à la question de savoir si la guerre a été entreprise pour une cause juste?

[ocr errors]

Cette question doit être résolue dans un sens gatif, attendu que tout est ici autant en fait qu'en Mais qu'on suppose, au contraire, que, pour endroit, et qu'il n'y a sur la terre aucun tribunal auquel courager et stimuler ses soldats au combat, le général on puisse recourir pour faire déclarer juste on injuste leur ait promis de livrer au pillage la ville qui est asune cause dans laquelle chaque partie souveraine, siégée. Une fois qu'ils l'auront prise, ils pourront imdans la gestion de ses intérêts, prétend avoir raison. punément. et suivant les règles du droit des gens, se Cæterùm, dit Grotius, jure gentium non tantùm is | livrer à l'enlèvement du butin qu'ils y trouveron!, qui ex justâ causâ bellum gerit, sed et quivis in bello | parce qu'en cela ils ne feront qu'exécuter des actes de solemni, et sine fine modoque, dominus fit eorum guerre autorisés et voulus par leur général comme quæ hosti eripit, eo sensu nimirùm, ut à gentibus moyen de parvenir à la victoire; ils agiront ministeomnibus et ipse, et qui ab eo titulum habent, in pos- | rio belli. sessione rerum talium tuendi sint, quod dominium 352. QUATRIÈME QUESTION. A qui doivent revenir quoad effectus externos licet appellare (Grotius, de les choses prises en guerre sur l'ennemi? Est-ce seuJure Belli et Pacis, lib. III, cap. VI, no 2). lement au profit du prince et pour son trésor public qu'elles doivent être confisquées? ou le produit doit-il en être distribué aux soldats de l'armée ?

On voit par là quelle immense responsabilité devant Dieu le prince qui entreprend la guerre prend sur lui-même, puisque rien d'inhumain et d'injuste ne peut échapper à ce juge suprême (1;!

351. TROISIÈME QUESTION. Les choses qui appartiennent aux sujets du prince avec lequel on est en guerre sont-elles de bonne prise, comme celles qui appartiennent au prince lui même ?

Cette question doit recevoir une solution affirmative, par la raison que tels sont les effets du contrat | Social, que les sujets de l'Etat, et à plus forte raison tous leurs biens, se trouvent engagés dans un péril

commun.

Le droit de s'emparer des choses de l'ennemi n'est pas seulement fondé sur ce qu'il doit payer les frais de la guerre lorsqu'il a perdu son procès par l'autorité de la victoire, mais surtout par la raison qu'il importe aux intérêts du vainqueur d'augmenter ses propres ressources par les choses dont la prise a été faite, et d'affaiblir au contraire celles du vaincu, en retenant ces mêmes choses, pour le détourner de la tentation de recommencer.

Mais pour cela il faut que la prise ait eu lieu ministerio belli, ou par le fait de la guerre qui s'exerce au nom du prince qui l'a eħtreprise, et non par des actes privés qui soient tout à fait etrangers à la volonté de ce prince.

Qu'on suppose, par exemple, que les soldats d'une armée ou d'une partie de l'armée qui a fait invasion sur le territoire de l'ennemi, y soient loges chez les particuliers d'une ville ou d'une campagne; qu'ils se

(1) Sans doute, dit CHAVOT, t. II, no 390, il arrive souvent que la guerre n'a pas d'autre origine que les passions et l'ambition des peuples ou des rois, et que la conquête n'est que la récompense de la cupidité. La raison du plus fort est mise souvent à la place du droit et jouit de ses priviléges; mais c'est là la conséquence de l'état de l'humanité ; le droit manque encore ici de tribunal pour le reconnaître et souvent de force pour le faire respecter. Le droiti ernational des sociétés modernes, quelque imparfait qu'il soit encore aux yeux de la raison, est cependant bien supérieur au droit des gens des sociétés anciennes. et l'avenir ne nous révèle que des progrès; insensiblement le droit et le respect de l'humanité remplacent l'usurpation et la cruauté. Et si les lois de la guerre autorisent encore des actes p'us dignes des temps barbares que de nos temps civilisés, espérons que l'avenir effacera ces taches, et rendons hommage de nos progrès à la religion; à la philosophie et à l'amélio ation de nos mœurs. »

(2) Loi 13, a l legem juliam peculatús, ff. tib. XLVIII, tit. XIII. Sur quoi lon peut voir encore la loi 31, ff. de jure fiscı, lib. XLIX,

[ocr errors][ocr errors]
[ocr errors]

Si nous nous reportons à ce qui a été dit plus haut touchant la conduite pratiquée par les patriarches Abraham et Jacob, il faudra décider que le profit des dépouilles faites sur l'ennemi par l'armée, doit généralement revenir au trésor public du prince au nom duquel la guerre est faite, puisque ces deux patriarches ont disposé en maîtres des dépouilles que leurs armées avaient faites sur les rois vaincus.

Les principes du raisonnement nous conduisent à la même solution: car les soldats ne sont que les mandataires et les agents du prince qui les députe à la guerre; c'est par lui qu'ils sont payés sur le trésor public; c'est en son nom et dans ses intérêts qu'ils com. battent dans une guerre qui est à lui, et qui n'est pas la leur en particulier. C'est donc à lui et pour le trésor public qui alimente l'armée, que doit revenir le butin de l'ennemi.

La loi romaine est bien d'accord avec celte déci

sion.

En effet, chacun sait que le crime de péculat consiste dans la soustraction des effets qui appartiennent au trésor public; or, voici ce que porte la loi romaine au sujet des choses saisies sur l'ennemi avec le quel on est en guerre: Is qui prædam ab hostibus captam subripuit, lege peculatús tenetur, et in quadruplo damnatur (2). Le voleur du butin fait sur l'ennemi est donc considéré comme ayant commis un vol sur le trésor de l'Etat, puisqu'il doit être condamné en cette qualité (3).

tit. XIV; et la loi 36, § 1, cod. de donationib., lib. VIII. tit. LIV. (3) CHAVOT, t. II, no 392-395, entre ici dans plus de détails : Les commentateurs du droit romain ont agité longtemps la question de savoir si le butin était acquis au peuple qui faisait la guerre ou au soldat qui l'avait capturé. En effet, tandis que Cujas (Obs., cap. VII, lib. X,9) veut qu'il soit acquis aux soldats vainqueurs ; d'autres commentateurs, Bartole et Covarruvias, veulent qu'il appartienne au peuple ou au chef qui fait la guerre. La fréquence des cas rapportés par l'histoire, où le soldat romain était admis au partage du butin, a pu faire croire qu'il y avait droit. Cependant il n'en était rien, le butin appartenait au peuple, c'est ce qui résulte du passage suivant, ainsi que de beaucoup d'autres que nous ne devons pas rapporter.

<< Parmi les Romains, dit Denys d'Halicarnasse, la loi veut que tout le butin fait sur l'ennemi par des coups de bravoure, appartienne au public; en sorte que, non-seulement un particulier në peut se les approprier, mais que même le général de l'armée n'a rien à y prétendre. Le trésorier fait vendre le tout, et en rap

353. CINQUIÈME QUESTION.

[ocr errors]

En France, et sans remonter plus haut qu'aux | attendu qu'en cela ils ont au moins le consentement époques où nous vivons, nous voyons que l'empereur tacite de leur commandant. Napoléon avait adopté l'usage de s'emparer lui-même A quoi faut-il s'attades biens conquis sur l'ennemi, et d'en composer | cher pour distinguer, entre les choses prises sur l'ence qu'il appelait son domaine extraordinaire, pour nemi, celles qui peuvent rester aux soldats qui en ont prendre sur ce domaine de quoi fournir aux récom- fait la capture, et celles qui ne doivent être acquises penses dues à ceux des militaires qui s'étaient spécia- | qu'à l'Elat? lement distingués. Mais nous lisons dans l'article 25 de la loi du 2 mars 1832, qu'il ne sera plus formé de domaines extraordinaires; qu'en conséquence tous les biens meubles et immeubles acquis par le droit de la guerre, ou par des traités patents ou secrets, appartiendront à l'Etat, sauf toutefois les objets qu'une joi donnerait à la couronne.

Néanmoins, lorsqu'il n'y a pas d'ordre contraire, ou que le commandant de l'armée souffre volontairement que les soldats s'approprient les dépouilles mobilières faites sur l'ennemi, et qui consistent en choses appropriées aux usages personnels des particuliers, l'acquisition doit en rester à ceux qui s'en sont saisis,

Ainsi qu'on l'a déjà dit, la règle générale est que les prises de guerre doivent appartenir à l'Etat, et non aux soldats de l'armée victorieuse, puisque c'est l'Etat qui fournit aux frais de l'armée, el que c'est en son nom et dans son intérêt que les soldats agissent, comme étant ses députés; mais, comme on l'a dit aussi, cette règle n'est pas sans exception: il faut donc examiner dans quels cas la règle générale doit être inflexiblement exécutée, et cela se rattache à la nature et à la destination des choses qui sont l'objet de la prise ou de l'occupation.

1o En fait de guerre maritime, la prise des vaisseaux ne doit profiter qu'à l'Etat (1).

porte le montant au trésor public. » (Antiq. Rom., lib. VII, qui envoie en détachement pour s'emparer des vivres, des municap. LXIII.)

«Il est bien vrai que le butin appartenait au peuple; mais le général avait le droit de le distribuer aux soldats, toutefois en rendant compte au peuple de la manière dont il en avait usé. Ce droit de distribution résulte, entre autres textes, de celui de la loi 36, tit. LIV, lib. VIII, C. de donationibus, et la charge d'en rendre compte, de cet exemple de Lucius Scipion, qui fut condamné comme coupable de péculat, pour avoir gardé une certaine somme d'argent, qu'il fut obligé de remettre au trésor. (Voir Valère-Maxime, liv. V, chap. III.)

«On faisait prêter serment aux soldats de ne rien détourner du butin, et d'en rendre compte fidèlement. (Polybe, lib. X, chap. XVI.) Le soldat qui détournait du butin se rendait aussi coupable de péculat, « is qui prædam ab hostibus captam subripuit, peculatus tenetur, et in quadruplum damnatur. » (D. lib. XLVIII, tit. XIII, ad leg. jul. pecul)

« Ce texte, dit Grotius (liv.III, chap. VI, § 21, no 4), devait suffire pour empêcher que les interprètes modernes ne se missent dans l'esprit que les choses prises sur l'ennemi sont acquises à chaque particulier qui s'en cst saisi le premier; car il est constant que le crime de péculat ne se commet qu'en matière de choses publiques ou sacrées.

[ocr errors][merged small]

« Voici comment Vinnius (§ 17, de rer. div.) explique l'acquisition du butin, considéré comme chose nullius, au profit du peuple romain: « Quæ nullius sunt, sive immobilia sint, sive mobilia, semper fiant capientium; sed tàm eorum qui per alios, quàm qui per se capiunt: neque enim servi tantum aut filiifam, sed et liberi homines, qui venando, aucupando, piscando, margaritas legendo, operam suam addixerunt: statim ejus quod ceperunt, possessionem et dom nium aliis acquirunt, iis scilicet, quibus operam navant ; quippè quæ naturaliter acquiruntur, non modò per nosmetipsos, sed etiam per quemlibet alium, cujus ministerio utimur, acquirere possumus; locumque hic habet, quod dicitur, nihil interesse, utrum per se quis faciat, an per alium. (L. 53, de acq. rer. dom.; L. 20, de acq. poss. ff.) Sic apud Græcos, qui în Olympiis certabant, præmia acquirebant is, à quibus mittebantur.» Cependant, comme il arrive dans certaines occasions que le soldat acquiert directement les choses qu'il prend sur l'ennemi, Vinnius, d'après Grotius, (liv. III, chap. VI, 5, 10), explique cette circonstance en faisant une distinction entre les actes militaires, entre les exploits véri-❘ tablement publics et les exp'oits faits d'autorité privée à l'occasion d'une guerre publique. Dans les derniers, les choses prises sur l'ennemi sont acquises directement aux particuliers; dans les autres, au peuple, parce qu'alors, dit ce jurisconsulte, les soldats ul ministri operam navant ; dans les exploits privés, non intelliguntur capere ut ministri. Telles sont les dépouilles prises sur l'ennemi dans un combat singulier, les objets que les soldats rapportent de la maraude, etc. Mais les choses qui sont prises days une bataille çu dans un combat, ou sur l'ordso du général

[ocr errors]

tions ou des bagages de l'ennemi, appartiennent au peuple. No pourrait-on pas, avec Barbeirac, critiquer cette distinction? Toute guerre publique se faisant par autorité du peuple ou du chef du peuple, c'est de lui aussi que vient originairement tout le droit que les particuliers peuvent avoir sur les choses prises à l'ennemi. I faut toujours ici un consentement exprès ou tacite du souverain.

« Ces principes du droit romain sont applicables aujourd'hui. << Le butin, dit Vattel (loc. cit.), n'appartient pas moins que les conquêtes au souverain qui fait la guerre; car lui seul a des prétentions à la charge de l'ennemi, qui l'autorisent à s'emparer de ses biens et à se les approprier. Ses soldats, et même les auxiliaires, ne sont que des instruments dans sa main pour faire valoir son droit. Il les entretient et les soudoie ; tout ce qu'ils font, ils le font en son nom et pour lui. »

Mais le souverain peut faire aux troupes telle part qu'il lui plaît du butin. Aujourd'hui on leur abandonne, chez la plupart des nations, tout celui qu'elles peuvent faire eu certaines occasions où le général permet le pillage, la dépouille des ennemis restés sur le champ de bataille, le pillage d'un camp forcé, quelquefois celui d'une ville qui se laisse prendre d'assaut. Le soldat acquiert encore, dans plusieurs services, tout ce qu'il peut enlever aux troupes ennemies quand il va en parti ou en détachement, à exception de l'artillerie, des munitions de guerre, des magasins et convois de provisions de bouche et de fourrage, que l'on applique aux besoins et à l'usage de l'armée. (Op. conf. de POTHIER, no 88, 89.)

Les objets que nous acquérons ainsi nous sont acquis aussi légitimement qu'à tout autre titre et d'une manière aussi incontestable. Celui de nos compatriotes qui nous en dépouillerait commettrait un vol, lors même que ces choses lui auraient appartenu avant la guerre; car il en avait perdu la propriété, et le soldat qui les a reprises s'est emparé d'objets appartenant alors à l'ennemi. Il faut cependant faire une exception dans le cas où entre l'enlèvement et la reprise il s'est passé un temps fort court. Le butin pris par l'ennemi n'est censé lui appartenír défi sitivement que lorsqu'il a été conduit dans un lieu protégé par sa puissance: jusque-là, il peut le perdre d'un moment à l'autre ; si ce fait arrive, il est juste de le rendre à celui auquel l'objet avait été enlevé primitivement. » (Heineccius, Elem. juris, no 348; DuRANTON, no 343.)

(1) Op. conf. de CHAVOT, qui ajoute, t. II, no 396 : « Tous les citoyens de l'État avec lequel on est en guerre sont ennemis, et tout ce qui appartient soit à cette nation, soit à ses citoyens, est au nombre des choses appartenantes à l'ennemi : ces choses conservent ce caractère en quelque lieu qu'elles se trouvent; voilà pourquoi le droit public autorise, en temps de guerre, au nombre des hostilités, les attaques dirigées contre le commerce maritime de la nation entière. »

2o Dans la guerre sur terre, la prise des canons et | ritoire plus ou moins vaste, vient à en être ensuite autres armes, celle des bagages et approvisionnements de l'armée vaincue, doivent également appartenir à l'Etat, attendu que dans ces diverses hypothèses les choses conquises ne sont destinées qu'au service d'une puissance, et non de quelques particuliers. 3o Il en est de même des contributions publiques ordonnées par le vainqueur sur le peuple vaincu.

4° Quant à l'occupation des terres, elle a d'abord pour objet la souveraineté territoriale sur le pays conquis, avec la propriété foncière des domaines appartenant à l'Etat qui subit le sort des armes : Publicatur enim ille ager qui ex hostibus captus sit (L. XX, $1 in fine, ff. de captivis, lib. XLIX, tit. XV).

Sous ce point de vue, l'occupation est un mode d'acquérir, à titre universel, tous les droits de la souveraineté sur le pays conquis, ainsi que ceux de propriété, soit immobilière, soit mobilière, qui se trouvent dans l'enceinte du territoire occupé, et qui appartenaient au prince ou à l'Etat dépossédé par suite de la conquête (1).

En ce qui touche aux terres des particuliers, l'usage ordinaire est de les laisser entre les mains de leurs maîtres; mais, en s'en rapportant à l'empire de la force, qui fait ici la loi du droit des gens, il faut dire aussi que ces terres peuvent être confisquées par le vainqueur, soit pour les vendre à son profit, soit pour servir de récompense aux soldats de son armée; et la loi romaine est formelle à cet égard : « Lucius «Titius, y est-il dit, a acheté des fonds dans la Ger«manie, au delà du Rhin, et il en a payé une par«tie du prix. Son héritier, ayant été actionné par le « vendeur en payement du reste, s'est refusé à cette « demande, se fondant sur ce que ces mêmes terres << avaient été en partie aliénées par le prince, et en • partie assignées aux soldats vétérans pour leur récompense sur quoi l'on demande si ces risques doivent peser sur le vendeur. Le jurisconsulte «Paul (2) a répondu que les causes d'éviction posté«rieures à la vente n'étaient point à la charge du « vendeur, et qu'en conséquence, dans cette espèce, « le vendeur était bien fondé à demander le restant « du prix qui lui était dù. » Lucius Titius prædia in Germania trans Rhenum emit, et partem pretii intulit. Cùm in residuam quantitatem hæres emptoris conveniretur, quæstionem retulit, dicens has possessiones ex præcepto principali partim distractas, partim veteranis in præmia adsignatas. Quæro an hujus rei periculum ad venditorem pertinere possit. Paulus respondit futuros casus evictionis post contractam emptionem ad venditorem non pertinere, et ideò, secundùm ea quæ proponuntur, pretium prædiorum peti posse.

Mais lorsque l'ennemi, qui s'était emparé d'un ter

[blocks in formation]

|

expulsé, ou à le rendre par le traité de paix qui termine la guerre, les habitants du pays sur lequel la victoire de l'ennemi s'était d'abord appesantie, doivent rentrer dans leurs possessions devenues libres et évacuées par le conquérant, sans qu'on puisse dire qu'elles doivent rester à l'Etat dont l'armée en a fait la reprise, attendu que ce genre de confiscation ne doit jamais porter que sur les choses provenant originairement de l'ennemi. Verum est, expulsis hostibus ex agris quos ceperint, dominia eorum ad priores dominos redire, nec aut publicari, aut prædæ loco cedere : publicatur enim ille ager, qui ex hostibus captus sit (L. 20, § 1, ff. lib. XLIX, tit. XV). 353 2o (2).

354. C'est par des confiscations de cette nature, faites même sur les terres de particuliers, que la féodalité avait, dans les temps anciens, dévoré les plus belles possessions territoriales dans les diverses provinces de la France, par suite de la conquête des barbares du Nord qui étaient venus s'emparer des Gaules.

Les malheurs publics et les souffrances des peuples de ces temps anciens nous sont bien patemment attestés par les restes de ces antiques châteaux forts dont nous voyons encore les ruines çà et là sur les parties escarpées ou les points les plus élevés de nos campagnes.

Ces anciens vestiges de la puissance féodale nous attestent quatre choses sur lesquelles les monuments de l'histoire sont également d'accord.

La première, c'est qu'alors les peuples soumis à ces nouveaux conquérants gémissaient sous la tyrannie de ceux qui étaient venus s'emparer de leurs terres par la force des armes, et qui ne reconnaissaient au-dessus d'eux aucune puissance qui put les soumettre aux règles d'aucune discipline.

355. La seconde, c'est que ces chefs de la féodalité, ou ces grands possesseurs de fiefs, étaient presque habituellement en guerre entre eux : et c'est pourquoi ils se trouvaient forcés de se clore dans leurs châteaux forts. S'il en avait été autrement, ils se seraient contentés d'habiter dans des maisons somptueuses si l'on veut, mais construites dans les formes ordinaires, au lieu d'édifier à grands frais leurs forteresses défensives.

356. La troisième, c'est que, dans ces anciens temps, où l'emploi de la force tenait lieu de toute loi, ces petits tyrans féodaux s'unissaient aussi pour faire la guerre à nos rois, qui se sont trouvés obligés de donner des chartes aux communes, pour trouver dans l'organisation municipale une force au moyen de laquelle ils pussent résister à la puissance des seigneurs, attendu qu'il ne peut y avoir de force morale parmi les hommes que là où la puissance publique est orga

[merged small][ocr errors]

Le droit de prise maritime est une dépendance à la fois du droit des gens et du droit public; ce n'est donc pas ici le lieu d'entrer dans les détails étendus que ce droit comporte. CHAVOT examine dans un premier article quels sont ceux qui ont le droit de

« Telle est la source de la législation sur les armements en s'emparer des vaisseaux ennemis; dans un second, quels sont course et les prises maritimes.

L'armement en course doit être autorisé par le gouvernement. « La raison primitive de cette autorisation, dit Valin (ord. de 1681, tit. IX), est qu'il n'y a que le souverain qui ait le droit de faire la guerre,

« A cette raison il en faut joindre une autre, fondée sur l'intérêt qu'a l'État que la course se fasse dans les règles et suivant les lois de la guerre, sans excès à l'égard des ennemis, comme sans inju

les vaisseaux et les effets dont la prise est légitime; dans un troisième, comment se distribue le produit de la prise ; mais ce ne sont là que des idées sommaires, et par cela même incomplètes. Pour s'en convaincre, il suffirait de confronter ce qu'il dit avec l'article Prises maritimes, au Recueil de DALLOZ. C'est dans un traité du droit des gens que cette matière doit être examinée avec ensemble. Nous y reviendrons quelque jour. (2) Loi 11, ff. de evictionib., lib, XXI, tit. II.

nisée, et soumet à une discipline convenable les habitants de la cité.

357. La quatrième, enfin, c'est qu'il n'est pas un bon Français qui ne doive rendre grâce à la divine providence de ce qu'elle a permis que, par la marche du temps, et par les événements de notre révolution, la lèpre féodale ait entièrement disparu de notre sol. Mais, quoique en remontant aux principes du droit international, on parvienne, sous le rapport matériel des choses, à considérer comme bien acquises les conquêtes de la guerre, comme étant le fruit du jeu terrible des batailles; quoiqu'il soit reçu par les diverses nations que la possession des biens de cette nature doive être excusée aux yeux de la justice, parce que les peuples en guerre se trouvent, par le fait, placés sous les lois de la nécessité, et dans des positions telles qu'on ne reconnait plus que la force pour toute règle, il ne faut pas conclure de là que l'exercice de ce jeu soit toujours licite en lui-même, et que, sous les rapports de la charité chrétienne, qu'il ne faut pas confondre avec ceux de la justice politique, comme encore sous le rapport de tous les maux que l'état de guerre entraîne pour l'humanité, on puisse en toujours justifier les conquêtes aux yeux de la morale et de l'équité naturelle.

De tout quoi il faut conclure que les princes ou les gouvernements qui, sans de vraies causes de nécessité, se portent à entreprendre des guerres par esprit d'orgueil ou de domination, se chargent d'une effroyable responsabilité devant Dieu, par rapport à tous les maux que l'état de conflagration qu'ils allument attire sur les plus innocentes victimes, qui sont en nombre indéfini (1).

CHAPITRE XI.

[blocks in formation]

358. Ce second genre d'occupation, selon le sens que nous entendons ici donner à cette expression, consiste dans l'action de s'emparer, pour en devenir maître, d'une chose qu'on ne possédait pas auparavant, et qui n'appartenait encore à personne.

Dans l'occupation qui a lieu par le droit de la guerre, on arrache à son maître le bien qu'il possédait, et qui pouvait lui appartenir légitimement. Au contraire, le droit d'occupation dont nous allons traiter ici, n'a lieu

De l'occupation qui a lieu autrement que par le fait qu'à l'égard des choses qui, n'appartenant encore à

de la guerre.

358. L'occupation s'étend ici sur ce qui n'appartient encore à personne.

359. De ce droit dérive l'origine primordiale de celui de propriété.

359 2o. Distinction entre l'acquisition primitive ou originaire et l'acquisition dérivée ou secondaire. Leurs différences.

359 50. Principes sur lesquels est fondée l'occupation. 360. Le principe du droit d'occupation est-il abrogé par les articles 539 et 713 du code civil?

361. L'article 714 explique la généralité apparente de ces deux articles.

personne, deviennent, comme un don de la fortune, la propriété légitime du premier occupant : Quod nullius est, id ratione naturali occupanti concedilur (L. 3 ff. de acquirendo rerum dom., lib. XLI, tit. I).

359. C'est de ce droit d'occupation que dérive l'origine primordiale de celui de propriété, attendu que, toutes les choses ayant été, par le Créateur, abandonnées en masse au genre humain, et leur indivision ayant été reconnue incompatible avec l'état social de l'homme, elles ont dù successivement devenir le patrimoine particulier de ceux qui s'en sont mis en possession à l'effet de se les approprier au moyen des travaux qu'ils y ont pratiqués pour se les rendre utiles.

361 2o. On ne peut acquérir par occupation les immeu-la
bles situés dans l'étendue du territoire fran-
çais.
362. Le droit de premier occupant régi par des lois spéciales.
Division de la matière.

362 20. L'occupation simplement dite est un nom géné

(1) C'est ce qui fait dire à CHAVOT, t. II, no 389 : « Mais le droit de se faire justice à soi-même a, même dans ces circonstances, ses bornes légitimes; en effet, comme le dit Vattel, tout le mal que l'on fait à l'ennemi sans nécessité, toute hostilité qui ne tend point à amener la victoire et la fin de la guerre, est une licence que la loi naturelle condamne. »

Ainsi, à s'en tenir aux principes du droit naturel, première règle qui gouverne cette matière, c'est que la chose qui n'appartient encore à personne, doit rester acquise en toute propriété au premier individu qui vient s'en saisir ou s'en emparer pour s'en rendre possesseur et maitre (2). 359 2o (3).

comme on pourrait le croire d'après la disposition qui attribue à l'État tous les biens vacants et sans maître. »

(3) Distinction entre l'acquisition primitive ou originaire et Leurs différences. l'acquisition dérivée ou secondaire. dit « Considérés par rapport aux choses qu'ils ont pour objet, CHAVOT, t. I, nos 208-210, les modes d'acquisition s'appli(2) Op. conf. de DURANTON, no 257 : « Nous traiterons toute- quent aux choses qui n'appartiennent à personne, ou aux choses fois ici du mode d'acquisition par occupation, dont le code] ne qui appartiennent à quelqu'un. Lorsqu'une chose qui n'apparteparle pas expressément, mais qu'il n'a cependant pas rejeté, I nait à personne passe dans la propriété de quelqu'un, cette ac

« PreviousContinue »