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2° Que, le vendeur venant à se marier, cette action lui resterait propre, et ne tomberait point en communauté en sorte que si, durant le mariage, la rescision était proposée et admise, et que l'acquéreur voulut retenir l'immeuble en suppléant l'estimation, ce supplément appartiendrait toujours exclusivement à l'époux vendeur, parce que le prix d'une action, comme celui de toute autre chose, ne peut appartenir qu'à celui qui en est le maître.

Il en serait de ce supplément d'estimation comme du prix d'une vente de fonds faite par l'un des époux pendant son mariage, pour lequel il aurait droit au remploi ou à la reprise sur la communauté qui en aurait profité : le tout suivant les règles établies sur le contrat de mariage.

Mais cette décision ne doit avoir lieu que dans l'état primitif de l'action, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a point eu encore de novation dans son objet car, si l'on supposait que le vendeur eût proposé lui-même et obtenu la rescision de son contrat; que, parvenu à ce point, l'acquéreur eùt, de son côté, consommé son option en offrant de suppléer le juste prix pour retenir le fonds; et que, dans cet état de choses, le vendeur eut laissé deux légataires, l'un de son mobilier, l'autre de ses immeubles, il est incontestable que le supplément du prix encore dù serait dévolu au légataire des meubles, parce que la créance ne serait plus que mobilière par son objet on retomberait alors dans la même hypothèse que si la vente avait été faite d'abord pour un juste prix, mais qui n'eût pas été totalement acquitté avant la mort du vendeur.

Par la même raison, si la rescision avait eu lieu, et si l'option de l'acquéreur pour conserver le fonds avait été faite avant le mariage du vendeur, les deniers restant dus pour supplément d'estimation tomberaient en communauté, puisqu'il n'y aurait plus eu qu'une créance purement mobilière à exercer.

196. QUINZIÈME QUESTION.—Si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente (1634); et elle doit être prononcée de suite si ce dernier se trouve en danger de perdre la chose et le prix (1655): quelle est la nature de l'action qui appartient au vendeur d'un immeuble, lorsqu'il se trouve dans cette position?

Dans la discussion d'une des questions qui précèdent, nous avons fait voir que, quand on a consigné au contrat de vente une clause portant qu'à défaut de payement du prix dans un délai fixé, la vente serait résolue, il suffit que l'acquéreur ait été dûment constitué en demeure, pour que dès lors l'action du vendeur doive être considérée comme étant devenue réelle et immobilière par l'acte de constitution en demeure qui a donné ouverture à l'action résolutoire réservée dans le contrat.

Mais cette hypothèse n'est point celle de la présente question, où nous supposons tout simplement que, suivant la règle du droit commun, il s'agisse d'un vendeur qui actionne pour obtenir, non une résolution conventionnelle expressément stipulée par les parties, mais bien une résolution judiciaire de la vente pour cause de non-payement.

L'hypothèse de la présente question est aussi trèsdifférente de celle de la précédente, qu'on suppose avoir pour objet la résolution du contrat de vente pour cause de lésion; et, quoiqu'elles paraissent avoir ensemble beaucoup de similitude, en ce que dans l'une et l'autre il s'agit de résoudre l'acte d'aliénation, et

de réintégrer le vendeur dans la possession du fonds vendu, néanmoins elles sont, quant aux principes qui les régissent, de deux espèces totalement différentes, et celle-ci doit recevoir une décision tout autre que celle que nous avons portée sur la précédente: en sorte qu'il faut dire qu'ici l'action, considérée dans son état primitif, n'est absolument que mobilière.

Et en effet l'action en résolution de la vente, en ce cas, ne peut être que subsidiaire: elle n'est jamais directe et principale, parce que celui qui l'intente ne peut demander la restitution du fonds qu'à défaut du prix dont il est seulement créancier. Pour se conformer à l'ordre que lui trace la nature des choses, il doit, par ses conclusions principales, réclamer le prix qui lui est dù, et subsidiairement conclure à ce que, faute de payement, la vente soit résolue d'où il résulte que la restitution du fonds n'est que l'objet d'une demande accessoire, et qu'avant le jugement, et même avant l'expiration du délai accordé à l'acquéreur pour payer en gardant l'immeuble, le vendeur n'est toujours créancier que d'une somme d'argent.

Cette hypothèse est tout autre que celle où se trouve celui qui agit en rescision du contrat de vente pour cause de lésion. Dans ce dernier cas. en effet, la restitution du fonds est l'objet direct de l'action principale: le demandeur n'est pas alors créancier du prix, et ne peut conséquemment l'exiger, puisqu'il en a déjà été payé; il n'est pas même créancier du supplément que l'acquéreur pourra lui offrir pour conserver le fonds, attendu que ce supplément ne lui a point été promis, et qu'il n'est que in facultate liberandi pour l'acquéreur.

L'action en rescision pour cause de lésion dans la vente d'un fonds, et l'action en résolution du contrat pour cause de non-payement du prix du fonds, sont donc absolument différentes quant aux objets auxquels elles s'appliquent, puisque l'une est totalement réelle et immobilière, tandis que l'autre n'est que personnelle, quoique hypothécairement privilégiée.

L'action en rescision pour cause de lésion est tellement réelle et immobilière dans l'objet auquel elle s'applique, que le vendeur peut aller revendiquer le fonds sur le tiers acquéreur (1681); tandis qu'au contraire celui qui n'a pas reçu le prix de l'immeuble par lui vendu, ne peut agir, à l'égard du tiers acquéreur, que comme créancier privilégié, si toutefois il a fait inscrire son privilége; en sorte qu'il ne lui est toujours dù que le prix non payé : Si non donationis causâ, sed verè vineas distraxisti, nec pretium numeratum est, actio tibi pretii, non eorum quæ dedisti repetitio competit (1). C'est-à-dire que l'une de ces deux actions tend à la revendication de l'immeuble, tandis que l'autre n'a qu'un prix mobilier pour objet direct (2). L'action de celui qui agit pour cause de lésion n'a que l'obtention de l'immeuble pour objet. S'il sort vainqueur de la lutte, il est forcé de rembourser le prix qu'il avait reçu, et ne peut faire autre chose que reprendre son fonds, sans pouvoir forcer l'acquéreur à lui payer le supplément du prix en conservant l'immeuble: au contraire, quand il s'agit de faire résoudre le contrat pour défaut de payement, le demandeur est si peu obligé de ne s'attacher qu'à la revendication du fonds, qu'il peut se contenter de provoquer, aux risques et périls de l'acquéreur, la revente de l'immeuble, pour obtenir par là le payement du prix dont il est créancier en sorte que, sous tous les rapports, les actions de l'un et de l'autre sont totalement différentes dans leurs applications.

(1) L. 8, cod. de contrahend. empt., lib. IV, tit. 38. tion peut être prononcée; il n'y a donc pas d'action autre que (2) En effet l'action contre l'acquéreur ne tend d'abord qu'au | l'action du privilége, à exercer contre le tiers acquéreur, avant payement du prix; ce n'est qu'à défaut de payement que la résolu- que la résolution ait été prononcée contre le premier acquéreur.

197. SRIZIÈME QUESTION.-Lorsque l'acquéreur d'un héritage est menacé d'en souffrir l'éviction, l'action en garantie qu'il a à exercer contre son vendeur doitelle être considérée comme meuble ou comme immeuble?

Si l'action en garantie n'avait pour but que la restitution du prix de la vente et les dommages-intérêts qui résultent de l'inexécution du contrat, elle serait purement mobilière; mais ce n'est pas ainsi qu'il faut l'envisager.

Celui qui agit en garantie, demande, en premier ordre, à être maintenu dans la propriété et possession du fonds: tel est le but principal qu'il se propose soit dans sa défense personnelle, soit dans l'appel qu'il fait à son vendeur pour qu'il ait à se joindre à lui : car son objet direct, dans la coopération qu'il demande de la part de celui-ci, est de le contraindre à employer tous les moyens légitimes et possibles pour lui conserver le fonds, soit en repoussant les attaques du tiers qui agit pour l'en dépouiller, soit en rachetant ses actions, ou transigeant avec lui pour le faire discéder de sa demande. S'il conclut aussi à la restitution du prix et aux dommages-intérêts contre son garant, ce n'est que par voie subsidiaire : l'action principale et directe est donc absolument immobilière, puisqu'elle ne tend qu'à la conservation de l'immeuble.

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comment la restitution du prix de la vente et les dommages-intérêts pourraient lui être adjugés, puisqu'il ne peut rien souffrir de l'éviction du fonds, et qu'il ne saurait figurer sous aucun rapport dans la cause. Ainsi cette action ne pourra être dirigée que contre le légataire des immeubles : c'est à lui seul à défendre sur cette demande, puisqu'il est seul revêtu de tous les droits immobiliers délaissés par le testateur. S'il succombe dans sa défense, c'est à lui seul qu'on doit la restitution du prix et les dommages-intérêts, attendu que lui seul souffre l'éviction; et l'on ne pourrait les adjuger qu'à lui, puisqu'il est seul en cause pour les réclamer.

L'action en garantie pour vente de fonds est donc véritablement immeuble; et, comme telle, elle doit être dévolue au légataire des immeubles, et rester propre en matière de communauté.

Mais si l'acquéreur avait souffert l'éviction avant sa mort ou avant son mariage, la restitution du prix et les dommages-intérêts qui lui auraient été adjugés, et qui lui seraient encore dus, ne formeraient plus qu'une créance mobilière qui tomberait en communauté, ou serait dévolue au légataire des meubles, comme si le même acquéreur avait volontairement revendu son fonds sans en avoir touché le prix.

197 2o (1).
197 3° (2).
197 4° (3).

S IV.-DES IMMEUBLES PAR LA DÉTERMINATION DE LA LOI. 197 59. Le code civil qualifie meubles toutes les rentes,

Pour rendre plus sensible la justesse de cette décision, supposons, comme dans la réponse à la septième question, que l'acquéreur de l'immeuble soit décédé avant d'avoir été troublé dans sa possession, mais après avoir nommé deux légataires à titre universel, l'un de tout son mobilier, l'autre de tous ses immeubles : dans cette hypothèse la contestation élevée par le tiers qui agit en revendication de l'héritage, sera certainement étrangère au légataire des meubles, puisqu'il n'aura pas l'immeuble en sa possession, et que la revendication ne peut être exercée que contre le possesseur. Ce légataire sera également non recevable à intervenir au 197 60. Décret du 16 janvier 1808, relatif à l'immobiliprocès, attendu qu'il ne peut avoir aucun droit sur le

ainsi que les actions sur des compagnies de finance, etc.; mais des dispositions ultérieures ont autorisé des dérogations à ce principe (4).

sation des actions sur la banque de France (5). londs en litige : il n'est donc pas possible de concevoir 197 70. Statut du 1er mars 1808, relatif à l'immobilisation

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(1) L'action pour avoir un meuble resterait mobilière, encore une somme de 10,000 livres à mon choix, et que je fusse venu à bien qu'elle fut accompagnée d'une hypothèque. - « L'action décèder sans avoir fait mon option, auquel de mes héritiers pour avoir quelque chose de mobilier ne cesserait pas d'être mo- appartiendrait le legs? Cette question est résolue par MERbilière, parce qu'elle serait accompagnée d'une hypothèque. Peu LIN, Quest. de droit, vo Dévolution coutumière, § III, et posée importe que l'hypothèque ne puisse résider que sur un immeu- | Rép., va Biens, no 13. ble: son objet n'étant que d'assurer le payement de la créance (4) DURANTON comble, aux nos 102 à 105 de son traité, la lacune (art. 2114), et cette créance étant quelque chose de mobilier, il laissée par PROUDHON relativement aux immeubles par la déterest conséquent que l'hypothèque elle-même soit de cette na- mination de la loi. Nous reproduisons ici ces quatre numéros corture (a), quoique sous le rapport de la faculté qu'a le créancier | respondant aux nombres d'ordre du traité de PROUDHON : de suivre l'immeuble dans toutes mains, elle soit un droit réel. « Le code civil déclare meubles toutes les rentes, soit sur C'est d'après ce principe que, suivant l'art. 778 du code de pro-l'État, soit sur particuliers, ainsi que les actions de la banque de cédure, a tout créancier peut prendre inscription pour conserver « les droits de son débiteur; mais le montant de la collocation de a celui-ci est distribué, comme chose mobilière, entre tous les • créanciers inscrits ou opposants avant la clôture de l'ordre. » En sorte que celui qui aurait une hypothèque générale sur tous ses biens ne serait pas préféré, sur le montant de cette collocation, à un simple créancier chirographaire.» (DURANTON, To 101). Op. conf. de CHAVOT, no 48; de ZACHARIÆ, § 171 ubi POTHIER, no 77; MERLIN, Rép., vo Biens, § I, no 13.

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France et autres compagnies de finance, de commerce ou d'industrie; mais depuis sa publication, diverses dispositions ont autorisé l'immobilisation des rentes sur l'État, et ont ainsi créé une quatrième classe de biens immobiliers, que, pour cette raison, nous appelons immeubles par la détermination de la loi.

« A la vérité, ces dispositions ne sont que de simples décrets; mais ils ont, aux termes de la constitution de l'an viii, et suivant la jurisprudence constante de la cour de cassation, acquis force de loi, pour n'avoir pas été attaqués, pour cause d'inconstituNous avons vu ci-dessus, no 169, quelle est la nature de l'hypo- tionnalité, dans les dix jours de leur insertion au Bulletin des lois.>> thèque activement considérée.

(2) L'indemnité accordée en France aux émigrés était immobilière. Secùs de celle accordée aux anciens colons de SaintDomingue. Cette proposition, quant à la nature des indemnités accordées en France aux émigrés et aux anciens colons de SaintDomingue, est établie par la jurisprudence de la cour de cassation. Voyez ci-dessus no 178 à la note.

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(DURANTON, no 102.)

(5) «Par celui du 16 janvier 1808, art. 7 (Bull., no 2959), les propriétaires d'actions de la banque de France peuvent, en déclarant leur volonté dans la forme du transfert des rentes, leur imprimer le caractère d'immeubles; auquel cas, ces actions sont soumises aux dispositions du code touchant l'aliénation des immeubles et aux priviléges et hypothèques sur immeubles proprement (3) S'il m'avait été légué un héritage ou pour cet héritage dits.» (DURANTON, n° 103). Op. conf. de CHAVOT, t. Ier, no 63. (a) Pothier, de la Communauté, no 76.

Voir ci-après no 234.

de ces mêmes actions et des rentes sur l'État | due, suivant qu'il est employé seul ou avec d'autres
pour la formation d'un majorat. Décret du 21 dé-expressions qui en resserrent ou étendent la significa-
cembre suivant, relatif au même objet (1).
tion. Nous avons donc à examiner dans ce chapitre,

197 80. Décret du 16 mars 1810, qui a étendu les disposi-
tions des précédents aux actions des canaux d'Or
léans et du Loing (2).

CHAPITRE VII.

Des Meubles (3).

198. Dans le langage du droit, meuble n'est pas synonyme de chose mobile.-Diverses acceptions du mot meuble, employé seul ou avec d'autres expressions modificatives.-Division de la matière.

198. Puisque le code qui nous régit a civilement réparti tous les biens qui peuvent nous appartenir en deux classes, qui sont celle des immeubles et celle des meubles, et que, dans le chapitre qui précède, nous avons traité des immeubles, il nous reste actuellement à parler des meubles.

Le mot meuble dérive du terme latin mobilis ou mobile, ce qui est mobile.

Cette expression, généralement prise, s'applique à tout ce qui peut être changé de place; mais, dans le langage propre de la jurisprudence, elle a moins d'étendue, parce qu'il y a des choses mobiles par leur nature, et qui néanmoins ne sont pas meubles dans le droit tels sont les objets mobiliers qui deviennent immeubles par la destination du maître, d'après les principes développés plus haut.

Il y a des biens meubles par leur nature; il y a aussi des biens meubles par la détermination de la loi (327) (1); mais ce mot meubles, isolément pris, ne s'applique pas également à tous les genres: il a plus ou moins d'éten

(1) D'après le statut du 1er mars 1808 (Bull. no 3207), ces actions et les rentes sur l'État peuvent aussi être immobilisées pour la formation d'un majorat ; mais d'après le décret du 21 décembre suivant (Bull., no 4029), ces actions et ces rentes reprennent leur nature primitive de choses mobilières, si la demande en institu tion est rejetée ou retirée. » (DURANTON, no 104.)

(2) « Enfin, par décret du 16 mars 1810 (Bull., no 5355), ces dispositions ont été appliquées aux actions des canaux d'Orléans et du Loing. (DURANTON, no 105.)

(3) Les questions qui se présentent pour savoir si un objet mobilier, de sa nature, a conservé ou non son caractère originel, pouvaient se traiter soit ici, soit à l'occasion des immeubles par destination ou incorporation. C'est donc en recourant aux deux sections où ces deux matières ont été examinées, que l'on complétera ce qu'il fallait dire à l'occasion des meubles.

(4) La première partie de cet article s'applique aux êtres physiques; la seconde, aux choses immatérielles in bonis omnia jura computantur. Pothier, ad leg. 21 D. lib. 50, tit. 16. (HENNEQUIN, p. 65.)

(3) « Le mot mobilis, dit CHAVOT, nos 3, 4 et 5, dérive du verbe movere, dont le participe movens, pris adjectivement, s'appliquait plus particulièrement aux objets qui changent de lieux de leur propre mouvement, c'est-à-dire aux animaux («); mais on étendit insensiblement sa signification à des objets non susceptibles de mouvement par eux-mêmes, quoique capables d'être mus par une impulsion étrangère.

(a) Voyez L. 49 de verb. signif. ff.

(b) Cujas, dans son grand Commentaire sur le Digesto, L. 93. de võib. sig, (c) L. 2 de supellect. log. E.

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1° Quelles sont les choses qui sont biens meubles par leur nature;

2o Quelles sont celles qui ne sont biens meubles que par la détermination de la loi;

3° Quelles sont, dans les dispositions de l'homine ou de la loi, l'étendue et les limites qu'on doit assigner au mot meuble, suivant qu'il est employé seul, ou avec d'autres expressions propres à en étendre ou restreindre la signification.

SECTION PREMIÈRE.

DES BIENS MEUBLES PAR LEUR NATURE.

199. Biens meubles par leur nature. 200. Quid des presses d'imprimerie? Disposition spéciale, quant à la saisie, relativement aux usines non fixécs par des piliers. Renvoi au code de commerce pour certains bâtiments de mer.

201. Quand les matériaux sont meubles. Cas où ils sont immeubles. Quid dans le cas d'incendie ou de ruine de l'édifice par vétusté? Conséquences quant à la communauté. Quid des fleurs et arbustes? Quid d'un fonds de boutique? Jurisprudence ancienne. 202. Il est meuble d'après l'article 533. 202 2o. Quid d'un contre-feu simplement harponné?

199. Les biens meubles par leur nature sont les choses corporelles qui peuvent se transporter d'un licu en un autre, soit qu'elles se meuvent par elles-mêmes, comme les animaux, soit qu'elles ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, comine les corps inanimés (528) (5).

Ainsi, sont biens meubles par leur nature tous les

De là l'assimilation, dans les lois, des mots movens et mobilis: moventium item mobilium appellatione idem significamus (b); c'est par cette raison que le jurisconsulte Florentinus (c), interprétant le mot moventes employé dans un legs, a le soin de fai e remarquer qu'il ne s'applique pas dans l'espèce aux animaux. Nihil interest dicas, dit Cujas, lego mobilia vel moventia, nam et animalia dicuntur mobilia, licet propriè sint moventia, et mobiles res etiam inanimæ dicuntur moventes (d).

« Le code civil, conforme à cette doctrine, définit aussi les meubles « des corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées (e). »

« Cette définition ne s'applique qu'aux objets mobiliers corporels, aux objets quæ tangi possunt, car il n'y a que les objets corporels qui occupent une place et qui puissent en changer.

BOILEUX ajoute : « Le législateur aurait dû ajouter à la définition qu'il nous doune des meubles par leur nature, les mots sans détérioration; car il ne suffit pas que les choses soie transportables, il faut de plus qu'elles puissent l'être sans se détériorer. »

SAVOYE-ROLLIN, orateur du tribunat, disait en effet : Le caractère spécifique des meubles est dans la faculté de les transporter d'un lieu à un autre sans les endommager ou les dénaturer, soit qu'ils se meuvent par cux-mêmes comme les animaux, soit qu'ils reçoivent leur impulsion d'une force extérieure. »

(4) Cujas, grand Commentaire sur le Digeste, 1, 93, de verb, signíf. (e) Art. 528.

corps mobiles qui se trouvent dans le domaine de l'homme, et qui sont destinés à son usage, sans avoir été attachés à aucun fonds, d'après les règles que nous avons expliquées en traitant des immeubles par destination (1).

Tels sont les animaux que l'homme emploie à son service;

Les ustensiles de ménage, les linges, les habits, les équipages, les denrées et comestibles, et tous effets garnissant les appartements;

L'argent, les livres, les bijoux et pierreries, les tableaux, gravures et médailles, les statues non placées dans des niches.

200. Les presses d'imprimerie, les outils et instruments employés dans les métiers, les arts et les sciences (2).

Les bateaux, les bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers et ne faisant point partie d'une maison, sont aussi meubles par leur nature (551) (5).

(1) Op. conf. de DURANTON, no 108. «Il serait sans doute inutile d'observer ici que les choses mobilières qui n'ont acquis la qualité d'immeubles que par leur destination, reprennent leur qualité de meubles, lorsque cette destination est changée ainsi, une glace ou un tableau enlevés de leur parquet par le père de famille, avec l'intention de ne pas les y replacer, redeviennent meubles; ils n'étaient immeubles que par destination, ils cessent d'être immeubles par une destination contraire. » Exposé des motifs par TREILHARD, orateur du gouvernement. Op. conf. de SAVOYE-ROLLIN, orateur du gouvernement. (LOCRÉ, t. IV, p. 39, no 5.)

(2) Quant aux presses d'imprimerie, voy. ci-dessus no 135 bis. (3) • La grandeur et la valeur d'un objet corporel, quelles qu'elles soient, n'empêchent pas qu'il soit meuble; cependant les rédacteurs du code civil ont jugé à propos d'énumérer quelques objets que l'on doit considérer comme meubles, afin d'éviter toute équivoque qu'auraient pu faire naître leur importance et leur volume (art. 531), ou leur emploi passé ou leur destination future (art. 532).

Suivant le premier de ces articles : « Les bateaux, bacs, na• vires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usi■nes non fixées sur des piliers, et ne faisant point partie de la • maison, sont meubles. >>

« Les bateaux étant meubles, les moulins et bains sur bateaux ont nécessairement la même qualité, car ils peuvent facilement changer de lieu, ainsi que cela se voit et se pratique sur les grandes rivières. Pour leur ôter le caractère de meubles, il faudrait, suivant les art. 519 et 531, que les moulins ou bains, ou toutes autres usines, fussent fixés sur piliers, car alors on leur assigne pour toujours la même place, ou qu'ils fassent partie d'un bâtiment; dans ce dernier cas, ils ne sont plus qu'un accessoire du principal et en suivent le sort. L'art. 90 de la coutume de Paris ne s'expliquait pas sur cette dernière circonstance; il suffisait qu'ils pussent changer de place sans être dépecés ou désassemblés, pour qu'ils fussent réputés meubles. Cependant, si l'accessoire n'avait pu subsister séparément du principal, sans aucun doute on devait le réputer immeuble, puisqu'il rentrait dans la classe des objets mis à perpétuelle demeure, que le même article regardait comme immeubles. Les coutumes n'étaient pas d'accord sur la qualité que l'on devait donner aux moulins à vent ou à eau, que l'on pouvait faire changer de place; car tandis que la coutume de Paris les réputait meubles, on lit, dans l'art. 10 du titre I du liv. II des Inst. de Loisel: « Moulins tournants à vent ou à eau sur bateaux, on autrement, sont tenus pour immeubles. » C'est à cette diverGence que l'on doit attribuer la répétition des dispositions de l'art. 519 dans l'art. 531. » (CHAVOT, t. Ier, nos 11 et 12.) Op. conf. de DURANTON, no 109. ROLLAND DE VILLARGUES, Meubles, n° 2. —Goupil-PréFELN, dans son discours au tribunat, no 8.

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Néanmoins la saisie de ces derniers objets est, par rapport à leur importance, soumise à des règles particulières.

Lorsqu'il s'agit de barques, chaloupes et autres bâtiments de mer du port de dix tonneaux et au-dessous, ou de bacs, galiotes, bateaux, et autres bâtiments de rivière, ou de moulins et autres édifices mobiles assis sur bateaux, les formes de la saisie et de la vente en sont spécialement déterminées par le code de procédure (620).

Mais quand il est question de bâtiments de mer audessus de dix tonneaux, c'est le code de commerce (197) qu'il faut consulter sur les formalités de saisie et de vente (4).

201. Les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ceux assemblés pour en construire un nouveau, sont aussi meubles par leur nature, jusqu'à ce qu'ils soient employés par l'ouvrier dans une construction (532), parce qu'ils ne peuvent faire partie de l'édifice tant qu'il n'est pas construit (3).

stant la vente, le navire ou son prix continue d'être le gage des créanciers (196). » [CHAVOT, t. Jer, no 14.]

(5) GOUPIL-PRÉFELN, orateur du gouvernement au tribunat, disait en effet : « La destination du propriétaire aurait pu induire à considérer comme immeubles les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, et surtout ceux assemblés pour en construire un nouveau. L'intention de les employer à la construction de l'édifice déjà commencé est manifeste, dirait-on. Vous avez vu que los objets mobiliers ne sont immeubles que quand ils ont été placés par le propriétaire d'un fonds pour le service ou l'exploitation de ce fonds, et c'est le placement qui prouve la destination; mais l'intention de placer ne se présume point. Ainsi les matériaux ne seront immeubles que quand ils seront employés par l'ouvrier dans une construction.» (LOCRÉ, t. IV, p. 35).

« L'article 533, dit CHAVOT, t. 1o, no 15, a reproduit les disposi tions de la loi 17, §§ 5 et 10 des act, empt. et vend. Quod insulæ causâ paralum est, si nondum perfectum, quamvis positum in ædificio sit, non tamen videtur ædium esse. Quæ parata sunt ut imponantur, non sunt ædificii. »

Les termes de l'article et l'explication de GOUPIL-PRÉFELN ne doivent pas être étendus au delà de leur portée; aussi CHAVOT ajoute, no 16: « Cette loi (romaine) nous indique quel est le caractère des matériaux distraits de l'édifice pour y être replacés; elle les répute immeubles : ea quæ ex ædificio detracta sunt ut reponantur, ædificii sunt. Quoique le code civil ne s'explique pas à cet égard, cette disposition est trop sage pour ne pas être suivie; ces matériaux, séparés qu'ils sont pour un moment de l'édifice, n'en sont pas moins une partie intégrante, un accessoire nécessaire; tandis que, dans le premier cas, l'édifice n'étant pas commencé, il ne pourrait y avoir un accessoire où le principal n'existait pas encore. Lors même que l'édifice aurait été commencé, les matériaux non employés ne peuvent être regardés comme un accessoire de ce dont ils n'ont jamais fait partie. » Op. conf. de DELVINCOURT, in-8°, t. II, p. 297.- TOULLIER, no 19. ROLLAND DE VILLARGUES, Meubles, no 9. DEMANTE, no 536. - DURANTON, no 112.

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CHAVOT continue en posant une autre question: « Le même art. 532 répute meubles les matériaux provenant de la démolition d'un édifice.

« Mais quid si les matériaux provenant de la démolition d'un édifice sont destinés à la construction d'un nouveau ?

« Il faut d'abord écarter le § 10 de la loi 17 suprà, il ne saurait dans l'espèce nous fournir un motif de solution légitime, car il n'y est question que de matériaux provenant d'un édifice subsistant et destinés à le réparer; tandis qu'ici, il n'y a plus d'édifice, plus de corps principal,

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Chopin, dans son Commentaire sur la coutume d'Anjou, page 509, a traité cette question et posé l'espèce suivante : Un (4) « Ce qui distingue le navire des autres objets énoncés en fils de famille a hérité, au décès de son père, d'une maison conl'art. 620, et généralement de tous les autres objets mobiliers, sidérable, mais tombant en ruine; l'ayant fait démolir, il a conc'est qu'il demeure affecté aux dettes du vendeur (190), et que nonobservé et rangé les matériaux et les a destinés à la construction

Les fleurs, arbustes, orangers, plantés dans des vases ou dans des caisses, sont meubles aussi, puisqu'ils ne sont point attachés au sol.

Il en est de même des matières extraites d'une mine, et des approvisionnements d'une usine. (Art. 9, loi du 21 avril 1810.)

d'une maison plus belle. Mais à peine avait-il commencé les travaux qu'il meurt, laissant sa mère survivante. Alors se présente la question de savoir si les matériaux appartiendront à la mère comme héritière des meubles, ou à l'héritier des propres.

Chopin, argumentant de la destination qu'avaient reçue les matériaux, les répute immeubles et les attribue à l'héritier des propres.

« Mais nous avons vu que, quoique cette destination fât bien manifeste, la loi 17, § 5 suprà, les déclarait meubles tant qu'ils n'étaient pas employés, et lors même qu'ils étaient déjà transportés sur les lieux de la construction; nous avons déjà dit que le code avait reproduit cette loi. En effet, peu importe que ces matériaux proviennent d'un ancien édifice ou des carrières et bois des environs et si, dans ce dernier cas, on les répute meubles, on doit, par la même raison, les regarder comme meubles dans le premier. Ils n'étaient réputés immeubles qu'en conséquence de leur réunion avec l'édifice; l'édifice étant détruit, ils reprennent leur nature primitive, qu'ils doivent conserver jusqu'à ce qu'ils aient reçu un nouvel emploi. » (CHAVOT, t. Ier, nos 17 et 18.)

Le mot démolition semble présenter l'idée d'une destruction complète, et non d'une destruction partielle dans le but d'une réparation. Le fait d'avoir laissé subsister le principal, fait alors légalement supposer la destination donnée aux matériaux par celui qui veut se borner à une réparation.

Un fonds de boutique a-t-il la nature de meuble? Un fonds de boutique, considéré comme corps ou agrégation de marchandises, n'est pas semblable à un meuble ordinaire : c'est principalement dans ses parties qu'il est mobile, parce qu'elles en sortent en détail, et sont successivement remplacées par d'autres;

meubles. C'est parfaitement le cas de l'exception de la loi romaine, ea quæ ex ædificio detracta sunt ut reponantur, ædificii sunt; car l'édifice subsiste toujours. Au lieu que dans l'espèce jugée par la cour de Lyon, et dans celle donnée comme exemple par Pothier, il était détruit en totalité; il n'y avait plus, par conséquent, de principal qui attirât toujours à lui l'accessoire: tout l'édifice lui-même était devenu meuble; aucun des objets qui avaient servi à sa construction ne pouvait être considéré comme en faisant encore partie; en un mot, ce n'était plus le cas de la loi romaine. »

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C'est dans un cas où il y avait démolition complète, que s'est tion faite volontairement, dans le but de replacer la chose sépaprononcée la cour de Lyon, le 23 décembre 1811.

En fait, les époux Durand, acquéreurs d'une salle de bains, la démolissent pour la reconstruire : les cornets, plombs et cuivres provenant de cette démolition sont frappés de saisie-exécution, à la requête des vendeurs non payés. Les saisis opposent que ces objets sont immeubles par destination, le mot démolition, dans l'article 532, ne pouvant s'entendre du cas où le bâtiment doit être reconstruit. Mais arrêt qui, « considérant que les objets saisis sont de simples matériaux déclarés mobiliers par leur nature et par les dispositions de la loi, » valide la saisie.

Après avoir cité cet arrêt, CHAVOT continue en ces termes : « Cependant Pothier (Communauté, part. Ire, no 62), a adopté l'opinion de Chopin, et dans une espèce bien moins favorable que celle proposée par ce dernier auteur, car Pothier n'exige pas même que la destination des matériaux soit certaine ou qu'elle ait été manifestée par le propriétaire; il s'exprime ainsi : «< Si une maison a été incendiée, ou est tombée de vieillesse, les matériaux qui en restent conservent leur qualité d'immeubles, tant qu'ils peuvent paraître destinés à la reconstruction de la maison. >> II tire la raison de cette décision du § X de la loi 17 suprà, et de la loi 18, § Ier, dont le texte et l'esprit sont avec bien plus de raison le fondement de l'opinion contraire. En effet, comme nous l'avons déjà dit, il ne s'agit dans ces lois que d'une simple réparation à un édifice subsistant, tandis que, dans l'espèce actuelle, il n'y a plus de corps principal, mais seulement des matériaux assemblés pour construire un nouvel édifice; en les réputant meubles, ne rentre-t-on pas mieux dans la lettre et l'esprit de l'article 533, qui ne distingue pas entre leurs diverses origines (a)? [CHAVOT, t. ler, no 19.]

DURANTON, no 115, ajoute ici à cette opinion: «Au surplus, en posant la règle que les matériaux provenant de la démolition d'un édifice sont meubles, même lorsqu'on les destinerait à servir à la construction d'un nouveau bâtiment, nous n'avons pas entendu restreindre la modification qu'elle souffre, au seul cas où l'objet détaché momentanément ne serait que de peu d'importance relativement au tout, comme une porte pour être réparée, une glace pour être repassée au tain. Nous décidons aussi que si, pour réparer une couverture ou exhausser un édifice, on en descend la charpente, les bois et les tuiles conservent leur qualité d'im

(a) Voyes Duranton, t. IV, p. 98,

rée, comme serait une porte détachée pour y mettre de nouvelles bandes ou pour lui donner plus de jeu; tandis que, dans le cas qu'il présente, l'édifice est détruit en totalité il n'y a plus de principal, et dès lors plus d'accessoire. La séparation a eu un effet absolu, parce qu'elle n'a pas eu lieu en vue de replacer la chose, mais bien par force majeure. Les matériaux ne serviraient qu'à la construction d'un autre édifice, et non ad reintegrandam domum, comme dans le cas prévu au texte ci-dessus; par conséquent, ils ne feraient point partie de l'ancien, qui ne subsiste plus ils doivent donc être assimilés à ceux qui ont été assemblés pour en construire un nouveau. Il y a encore plus de raison de le décider ainsi dans ce cas, que dans celui jugé par la cour de Lyon, où l'intention du propriétaire n'était pas douteuse.

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Il est vrai qu'en déclarant meubles les matériaux provenant d'un édifice, l'art. 532 parle de ceux qui proviennent de la démolition de cet édifice, et que ce terme indique plutôt une séparation opérée par la main de l'homme que celle résultant d'une force majeure; car, dit l'Académie, « démolir, c'est détruire, << abattre pièce à pièce; » tandis que dans le cas dont il s'agit, la destruction s'est opérée par incendie ou vétusté. Mais le principe n'en est pas moins le même : il est toujours vrai de dire que l'édifice était, par rapport aux matériaux considérés séparément, l'objet principal, comme l'était le fonds par rapport à l'édifice; et cet édifice étant détruit, les matériaux n'accèdent plus, ni médiatement, ni immédiatement à un fonds. Ils ne peuvent non plus être rangés dans les immeubles par destination, puisque aucune disposition du code ne les y range.

a Notre décision, au reste, ne fait aucun préjudice à l'époux commun en biens, propriétaire de l'édifice, si cet édifice est détruit pendant le mariage, attendu que, si, d'après ce que nous avons dit au no 110, cet époux doit récompense à la communauté, comme ayant employé à la reconstruction, et dans son intérêt particulier, des objets devenus communs de son côté, la communauté lui doit indemnité pour s'être enrichie de choses provenant de son propre (art. 1403 et 1433): il se ferait compensation.» (DURANTON, t. II, nos 113 et 114.)

Voici ce que disait DURANTON, no 110: « Les matériaux assemblés pour la construction d'un édifice sont meubles, tant qu'ils ne sont pas employés. [Art. 53a.] (6) »

(b) L. 17,8 10, ff. de act, empt, et vend.

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