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a donné lieu, prouvent qu'il n'était pas du tout dans l'intention du législateur de l'abroger.

» Cette loi générale n'a donc abrogé, soit d'après les principes, soit d'après son esprit, que la loi générale du 22 germinal an 11.

» La quincaillerie et la coutellerie ne se trouvent donc pas soumises à cette loi,on ne peut donc encore lui appliquer que le décret précité.

>> Cependant, c'est en vertu et par application de la loi du 28 juillet 1824, que la cour royale de Paris a déclaré les tribunaux correctionnels compétens pour juger l'infraction reprochée aux exposans, infraction qui, d'après le décret de 1810, ne serait pas de leur ressort.

>>> La loi a donc été faussement appliquée......».

Mais par arrêt du 8 décembre 1827, au rapport de M. Gary, et sur les conclusions conformes de M. Laplagne-Barris, avocat-général,

« Vu l'arrêté du 23 nivôse an 9, relatif à la Marque des ouvrages de quincaillerie et de coutellerie;

» Le décret du 5 septembre 1810, relatif aux peines et au mode de poursuite des contrefaçons des Marques, qu'aux termes du précé dent arrêté, les fabricans de quincaillerie et de coutellerie sont autorisés à mettre sur leurs ouvrages;

» L'art. 1er de la loi du 28 juillet 1824, ainsi

concu......:

» Attendu que l'arrêté du gouvernement, du 23 nivôse an 9, et le décret du 5 septembre 1810, contiennent des dispositions pénales relativement à la Marque que les fabricans de quincaillerie et de coutellerie sont autorisés à mettre sur leurs ouvrages; que, dès-lors, ces réglemens étaient sans autorité dans l'espèce, où il s'agit d'usurpation de nom, d'apposition du nom d'un fabricant autre que celui qui a fabriqué lesdits ouvrages; que ce dernier fait a été spécialement prévu et réprimé par la loi du 28 juillet 1824, que les dispositions de cette loi sont conçues en termes généraux qui n'admettent aucune exception; d'où il suit que l'arrêt attaqué en a fait une juste applica

tion.....;

» La cour, disant droit sur l'intervention, rejette le pourvoi.....

MATELOT. V. les articles Gens de mer et

Prises.

MATERNITÉ. 10 L'acte de naissance d'un enfant raturel forme-t-il seul une preuve complète de l'accouchement de la femme qui y est désignée comme mère de cet enfant?

2o Pour être admis à prouver par témoins son identité avec l'enfant naturel dont telle femme est accouchée tel jour, le demandeur en déclaration de Maternité peut-il employer l'acte de naissance constatant l'accouchement de cette femme, comme un commencement de preuve par écrit ?

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Le 30 germinal an 5, un acte de naissance civil de Nantes : « Le 30 germinal an 5, à 4 est rédigé en ces termes, par l'officier de l'état » heures du soir, devant moi Louis Ogier, officier public, élu pour constater l'état civil des citoyens, a comparu, en la maison commune, >> Pierrette Baudru, femme Maillard, sagefemme, âgée de quarante-cinq ans, demeu>> rant en cette municipalité, section de la Concorde, place du Puylori ; laquelle, assistée » de Perrine Clouet, veuve de Joseph Baudru, âgée de soixante-quatorze ans, demeurant >> dites place et section, et de Victoire-Aillade Petit, femme de Louis Cadillon, commis à » l'administration centrale du département, âgée de trente-huit ans, demeurant dite sec» tion, rue de la Commune, m'a déclaré que » Félicité-Désirée Hamelin, lingère,âgé de vingt » et un ans, fille de feu Abel Hamelin et de Marie>> Madeleine Heldin, native de la ci-devant pa> roisse de Saint-Nicolas de cette commune, est accouchée ce jour, à 5 heures du matin, dans » la maison de ladite sage-femme, d'un enfant » mâle qu'elle n'a présenté, et auquel elle a » donné le prénom d'Abel. D'après cette dé» claration, que les témoins ci-dessus ont cer» tifiée véritable, j'ai rédigé le présent acte, que ladite sage-femme et le second témoin » ont signé avec moi, lesdits jour et an, le premier témoin ayant déclaré ne savoir signer. Signé femme Maillard, femme Cadillon, Ogier, officier public ».

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Le 30 frimaire an 14, la femme Maillard signe un billet par lequel elle reconnaît devoir à Félicité-Désirée Hamelin, veuve Mabit, la somme de 130 francs qu'elle promet de lui payer à sa première réquisition.

Le 16 octobre 1806, un conseil de famille, convoqué sur la demande du sicur Maillard, nomme un tuteur à Abel Hamelin.

Le 16 mars 1807, le sieur Maillard et sa femme fout assigner ce tuteur devant le tribunal civil de l'arrondissement de Nantes, et concluent à ce qu'il soit condamné à leur payer 1,500 francs pour les cinq dernières aunées de la pension alimentaire et des vêtemens d'Abel Hamelin, et 300 francs pour l'année courante, et à retirer cet enfant de leurs mains; faute de quoi, ils seront autorisés à le déposer dans l'hospice des orphelins.

Le 20 du même mois, le tuteur dénonce

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cette demande à Félicité Désirée Hamelin, cidevant veuve Mabit, maintenant épouse du sieur Coron; et conclud à ce qu'elle soit condamnée, ainsi que son mari, à le garantir et indemniser de toutes condamnations à intervenir, à lui remettre en conséquence la somme qui sera jugée suffisante pour payer les sieur et dame Maillard, et à lui payer, pour l'avenir, une pension alimentaire de 500 francs.

Le 9 novembre suivant, la dame Coron signifie ses défenses, et y expose

10 Qu'elle n'est pas mère de l'enfant dont il s'agit;

Qu'il est faux qu'elle soit accouchée à l'époque de sa naissance; que l'acte produit pour établir le contraire, est le fruit de l'imposture;

Qu'elle n'a jamais exercé la profession de lingère qu'on lui attribue dans cet acte;

Qu'elle n'est pas née, comme on l'énonce dans le même acte, dans la paroisse de SaintNicolas, mais dans celle de Saint-Similien (et elle le prouve par son acte de baptême du 31 août 1776);

Que la dame Maillard, qui y est qualifiée de sage-femme, n'est pas sur la liste des sagesfemmes de Nantes, que ce fait est constaté par un certificat du maire de cette ville;

Que l'acte de naissance du soi-disant Abel Hamelin, est resté oublié dix années entières dans les registres de l'état civil; que, pendant tout ce temps, Abel Hamelin a constamment passé pour le propre enfant des sieur et dame Maillard; qu'eux-mêmes l'ont présenté comme tel dans les recensemens de la population de Nantes, en 1802, 1803 et 1804 ; que, dans celui de 1807, ils l'ont désigné comme un petitparent à leur charge ;

Qu'il est invraisemblable que les sieur et dame Maillard, qui sont dans un état si voisin de l'indigence, l'aient nourri et entretenu pendant dix ans de leurs propres deniers;

Qu'il est également hors de toute vraisemblance, que, s'ils l'eussent regardée comme sa mère, ils eussent laissé prescrire la moitié de ce qui leur était dû, sans former contre elle aucune demande judiciaire ;

Qu'enfin, il serait absurde de supposer que, le 30 frimaire an 14, ils se fussent personnellement reconnus ses débiteurs d'une modique somme de 130 francs, s'ils avaient eu à exercer contre elle une créance aussi considérable et aussi sacrée.

Le tuteur répond, entre autres choses,

Que la dame Maillard était véritablement sage-femme, à l'époque de la naissance d'Abel; et il justifie son assertion par le diplôme qui

lui avait été délivré, à cet effet, le 1er brumaire an 5.

Au surplus, il offre de prouver par témoins, « 1o Que, dans le mois de germinal an 5, répondant au mois d'avril 1797, la demoiselle Félicité-Désirée Hamelin, demeurant à Nantes, rue de la Commune, hôtel Chabot, étant enceinte, se servit de l'entremise du sieur Louis Cadillon et de la dame son épouse, pour se procurer les soins de la dame Baudru, épouse du sieur Maillard, alors sage-femme, afin de faciliter son accouchement;

» 20 Que, dans la soirée du 29 dudit mois de germinal, la demoiselle Hamelin, ressentant les douleurs de l'enfantement, se rendit, accompag◄ née de la dame Cadillon, chez ladite dame Maillard;

» 3o Que, le lendemain, sur les cinq heures du matin, elle y accoucha d'un enfant mâle qui est identiquement le même que le mineur Abel Hamelin; que la demoiselle Hamelin témoigna le désir que l'enfant fut enregistré sous son nom, et qu'on lui donnât le prénom d'Abel qu'avait porté le père d'elle Hamelin;

>>Que la dame Maillard, sage-femme, assistée de la dame veuve Baudru, aussi sage-femme, et de la dame Cadillon, en fit sa déclaration à la municipalité, ainsi que le constate l'acte de naissance dudit Abel Hamelin;

»40 Qu'environ deux mois avant l'accouchement, la mère de la demoiselle Hamelin, vivant avec elle, prit des arrangemens avec la femme Michel, demeurant au village de Camberland, près Gesvien, pour allaiter, nourrir et élever un enfant qu'elle disait appartenir à une personne de sa connaissance;

» Qu'aussitôt l'accouchement, la nourrice ayant été avertie de venir prendre chez Maillard, l'enfant dont on lui avait parlé, s'y transporta; que là, la demoiselle Hamelin lui remit elle-même un enfant mâle, qu'elle lui dit être le sien ; et que cet enfant est identiquement le même qu'Abel Hamelin, réclamant;

» 50 Que la demoiselle Hamelin, soit seule, soit accompagnée par la demoiselle Cadillon, est allée, différentes fois, voir ledit Abel Hamelin, chez la femme Michel; qu'elle a elleles vêtemens du premier âge; même acquitté les mois de nourrice et fourni

>>6o Que, se trouvant, dans la suite, hors d'état de subvenir à l'entretien et nourriture de l'enfant, elle, demoiselle Hamelin,prià les sieur et dame Maillard de le prendre chez eux et de l'élever comme un parent, sous la promesse de leur payer toutes leurs avances, lorsqu'elle en aurait le moyen; que ceux-ci ayant consenti, elle donna ordre à la femme Michel d'amener

chez eux l'enfant qu'elle appelait son fils, ce qui fut effectué de suite;

» 70 Que, pendant les six premières années, et jusqu'à sa co-habitation avec le sieur Mabit, elle est venue très-souvent voir Abel Hamelin chez Maillard; qu'elle l'appelait son fils, et lui apportait des joujoux et tout ce que sa position lui permettait de donner;

» 80 Que, soit chez la femme Michel, soit chez Maillard, elle a toujours fait connaître, en voyant l'enfant Abel Hamelin, la tendresse maternelle qu'elle lui portait;

» go Enfin, que, sur les demandes réitérées que le sieur Maillard lui faisait parl'entremise de la femme Carton, elle remit à cette dernière, à différentes fois, diverses petites sommes qui, réunies à celles qu'elle fit parvenir elle-même à la femme Maillard, à l'insu du mari de celleci, s'élèvent à 124 livres tournois ».

La dame Coron soutient que la preuve testimoniale de ces faits ne serait recevable, aux termes de l'art. 341 du Code civil, qu'autant qu'il en existerait un commencement de preuve par écrit ; et qu'on ne peut pas considérer comme tel l'acte de naissance du 30 germinal an 5, puisqu'elle ne l'a point signé, et que, suivant l'art. 1347 du même Code, on ne peut qualifier de commencement de preuve par écrit, que l'acte émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Le 17 mai 1808, jugement par lequel, «Considérant que, si l'extrait de naissance représenté ne fait pas preuve entière que le mineur Abel Hamelin est issu de Felicité-Désirée Hamelin, femme Coron, il fournit au moins une violente présomption du fait qu'il réfère; » Que l'art. 341 du Code civil autorise la recherche de la Maternité; que la preuve par to moins en est admissible, lorsqu'il y a eu un commencement de preuve par écrit ; que l'art. 1347 regarde comme commencement de preuve, tout acte par écrit qui rend vraisemblable le fait allégué;

» Que les faits maintenus par le mineur Abel Hamelin, sont graves et imposans, et méritent d'autant plus d'être approfondis, que la sagefemme qui a fait l'accouchement, que les témoins instrumentaires, sur la foi desquels a été rédigé l'acte de naissance, sont censés avoir parlé dans cet acte, au nom de la mère quine pouvait le faire elle-même ;

» Le tribunal, sans avoir égard à la fin de nonrecevoir proposée par la femme Coron, et dont elle est déboutée, ordonne que le tuteur dudit mincur Hamelin justifiera desdits faits par té

moins...., sauf aux sieur et dame Coron à justifier de tous faits pertinens au contraire, le tout dans le délai de la loi, dépens réservés ».

La dame Coron appelle de ce jugement, et la cause est plaidée devant la cour de Rennes sections réunies.

Par arrêt du 31 août 1808,

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Considérant la loi du 20 septembre que 1792, sous l'empire de laquelle est né le mineur Abel Hamelin, ordonne aux sages-femmes et aux maîtres de maison, sous peine de deux mois de prison, de déclarer à l'officier public la naisance de l'enfant qui est né chez eux; que par conséquent l'épouse du sieur Maillard avait une mission légale pour déclarer la naissance dudit Abel;

» Que ladite loi de 1792 n'exige point qu'il soit fait mention dans l'acte, du lieu de la naissance de la mère; qu'ainsi, l'erreur sur ce point, füt-elle réelle, serait indifférente;

» Qu'à l'égard de celle que l'appelante prétend avoir été commise relativement à l'indication de sa profession, elle ne toucherait pas à la substance de l'acte,mais que d'ailleurs l'intimé offre de prouver que cette indication est vraie;

» Il résulte de ce que dessus, que les irrégularités qu'on a reprochées à l'acte de naissance du 30 germinal an 5, n'existent pas;

>> Considérant que l'art. 1o de la loi du 12 brumaire an 2 veut, que l'état et les droits des

enfans nés hors mariage, dont le père et la mère seront encore existans lors de la promulgation du Code civil, soient, en tout point, réglés par lui; que l'art. 341 de ce Code contient les dispositions législatives applicables à l'espèce ; qu'elles gardent le silence, comme l'avaient fait les lois anciennes, sur la question de savoir si l'acte de naissance peut être le commencement de preuve par écrit qui est exigé de l'enfant naturel, pour qu'il puisse être admis à prouver par témoins qu'il est identiquement le même que l'enfant dont celle qu'il réclame pour mère, est accouchée ;

>> Que le législateur n'a pu décider cette question par une règle générale, parcequ'il est des espèces où il est juste et même nécessaire que l'acte de naissance soit admis comme commencement de preuve par écrit, et d'autres où il ne doit pas l'être; que, s'il avait défendu de l'admettre, dans tous les cas, comme commencement de preuve par écrit, il serait très-souvent impossible de prouver la Maternité dont cependant la loi a admis la recherche;

» Que les juges, après un grand appronfondissement des faits, peuvent seuls décider si l'on doit accorder à l'acte de naissance la valeur d'un commencement de preuve par écrit, ou si on

doit la lui refuser; que telle a toujours été la jurisprudence antérieure au Code;

» Considérant que, dans l'espèce soumise à la décision de la cour, les actes de naissance des deux enfans nés hors mariage, dont l'appelante est accouchée, tandis qu'elle a vécu avec Mabit, et les autres faits qui résultent de l'état du procès, présentent un ensemble de présomptions trop fortes, trop concordantes, pour qu'il soit possible de refuser au mineur Abel, pourvu d'un acte de naissance en bonne forme, la faculté de faire par témoins les preuves qu'il offre d'administrer;

» D'où il résulte que le jugement interlocutoire dont il a été relevé appel, a été bien rendu ;

>> Par toutes ces considérations, la cour.... ordonne que le jugement interlocutoire dont il a été interjeté appel, sorte son plein et entier effet ».

La dame Coron et son mari se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

Leur recours est admis par arrêt de la section des requêtes; mais pendant que l'affaire s'instruit contradictoirement à la section civile, la cour d'appel de Rennes rend, le 22 mars 1810, un second arrêt qui, d'après la preuve faite en exécution premier, condamne la dame Coron à fournir des alimens au mineur Abel. Les sieur et dame Coron se pourvoient également contre ce second arrêt; et les deux recours sont portés ensemble à la section civile, le 28 mai 1810.

« Un seul moyen de cassation (ai-je dit à cette audience) vous est proposé dans cette affaire; et il consiste à dire que l'art. 341 dụ Code civil n'admet la preuve par témoins du fait de la Maternité, que lorsqu'il en existe déjà un commencement de preuve par écrit ; que, d'après l'art. 1347 du même Code, on ne peut reputer commencement de preuve par écrit, que l'acte émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué; que, suivant l'art. 324, le commencement de preuve par écrit, en matière de filiation, ne peut résulter que des titres de la famille, des regitres et papiers domestiques du père et de la mère, des actes publics et même privés, émanés d'une partie engagée dans la contestation, ou qui y aurait intérêt, si elle était vivante; que l'acte de naissance du soi-disant Abel Hamelin n'est signé, ni de la dame Coron, ni d'une personne que la dame Coron représente ; qu'il n'a donc pas le caractère requis par l'art. 1347; qu'il est également dénué des caractères déterminés par TOME X.

l'art. 324; que conséquemment il ne peut pas même, à l'aide des circonstances sur lesquelles s'est fondée la cour d'appel de Rennes,avoir l'effet d'un commencement de preuve par écrit; que la cour d'appel de Rennes, en lui attribuant cet effet,a violé les art. 324 et 1347; et qu'en admettant, par suite, la preuve testimoniale des faits articulés par le tuteur du mineur Abel, sans qu'un commencement légal de preuve par écrit l'y autorisât, elle a violé l'art. 341.

» Pour apprécier ce moyen, nous devons d'abord nous fixer sur le véritable sens de l'art. 341 même ; et peut-être trouverons-nous qu'il n'a été bien entendu, ni par les demandeurs, ni par les juges de première instance, ni par la cour d'appel de Rennes.

» La recherche de la Maternité est admise. L'enfant qui réclamera sa mère, sera tenu de prouver qu'il est identiquement le même que l'enfant dont elle est accouchée. Il ne sera reçu à faire cette preuve par témoins, que lorsqu'il aura déjà un commencement de preuve par écrit. Tels sont les termes de l'art. 341.

» Que doit, suivant ce texte, prouver l'enfant qui réclame sa mère ? Il doit prouver, non pas que sa mère est accouchée d'un enfant à telle époque, mais qu'il est le même que l'enfant dont elle est alors accouchée.

» Et quelle est la preuve à laquelle il ne peut être admis par témoins, que lorsqu'il aura un commencement de preuve par écrit ? Ce n'est pas la preuve de l'accouchement de la femme qu'il réclame pour sa mère; c'est, dit la loi, cette preuve, c'est-à-dire, la preuve dont elle vient de parler, la preuve de l'identité du réclamant avec l'enfant dont sa prétendue mère est accouchée.

» La loi ne s'occupe donc pas de la preuve de l'accouchement de la prétendue mère.

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» Mais comment cette preuve a-t-elle pu se faire dans l'esprit de l'art. 341 ? Elle a pu, elle a dû se faire, d'après les règles générales sur la preuve des accouchemens.

» Et ces règles générales, où sont-elles écrites? Elles le sont dans le titre des actes de l'état civil. Dans ce titre, le législateur établit des registres publics où doivent être inscrits les actes de naissance, de mariage et de décès; et bien évidemment son intention, en les établissant, est qu'ils fassent, non pas un commencement de preuve, mais une preuve complète, une preuve légale de leur contenu.

>> Cette intention est surtout bien marquée

14

dans la loi du 20 septembre 1792, sous l'empire de laquelle a été dressé l'acte de naissance du 30 germinal an 5, dont il est ici question:

» Les municipalités (porte-t-elle, tit. 1, art. 1) recevront et conserveront, à l'avenir, les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès.

» Il y aura (continue-t-elle, tit. 2, art. 1) dans chaque munipalité, trois registres pour CONSTATER, l'un les naissances, l'autre les mariages, et le troisième les décès.

>> On ne retrouve pas, il est vrai, ce mot constater, dans le titre des actes de l'état civil du Code civil. Mais si le mot n'y est pas, l'idée qu'il exprime, y est clairement manifestée. Ecoutons l'art. 46: Lorsqu'il n'aura pas existé de registres ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins; et DANS CES CAS, les mariages, naissances et décès, POURRONT ÊTRE PROUVÉS, tant par les registres et papiers émanés des père et mère décédés, que par témoins. Il est évi dent dans ces cas, la que, tirée des papreuve piers domestiques des père et mère décédés, et la preuve par témoins, ne sont que les auxiliaires des registres publics. Et de là, la conséquence nécessaire, que les registres publics eux-mêmes, lorsqu'ils existent, suffisent pour constater légalement les naissances, les mariages et les décès.

>> On dira sans doute que la chose est sans difficulté pour les mariages, parceque les personnes qui se marient, doivent signer sur les registres, et qu'à défaut de leurs signatures, la mention qu'elles n'ont pas su ou n'ont pas voulu signer, en tient lieu; mais qu'il n'en peut pas être de même pour les naissances; qu'il serait trop dangereux de faire dépendre d'une déclaration faite à l'officier de l'état civil par des tiers, souvent mal intentionnés, la preuve de l'accouchement d'une femme; et que le danger augmente encore infiniment, lorsqu'il s'agit d'une femme qui n'est pas mariée ; que donner aux registres publics l'effet de constater l'accouchement d'une fille ou d'une veuve, sans qu'elle appose, sans qu'elle puisse apposer sa signature sur ces registres, c'est mettre l'honneur des personnes du sexe à la merci des passions les plus basses, c'est ouvrir la porte aux plus grands désordres, aux plus honteuses spéculations.

» Rien de plus réel que ces inconvéniens. Et cependant (dit M. d'Aguesseau, dans son 47 plaidoyer, en parlant de l'extrait-baptistère d'un enfant né hors du mariage), c'est la grande, allons plus loin, c'est presque l'unique preuve que l'on puisse avoir de l'état des hommes qu'on renverse cette preuve, tous

les fondemens de la société civile sont ébranlés; il n'y a plus rien de certain parmi les citoyens, si l'on retranche cet argument. Qu'on dise tant que l'on voudra, que ce principe est douteux, que rien n'est plus facile à altérer, à dissimuler, à changer mémc, que le contenu d'un extrait-baptistère toutes ces réflexions sont justes; mais quelque douteuse que puisse être cette preuve, tout sera encore plus douteux, si on ne l'admet pas, si on la rejette sans des preuves convaincantes de fausseté.

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Ajoutons qu'il est aussi facile de supposer un décès qu'un accouchement; que, s'il n'est pas sans exemple que des sages-femmes, des accoucheurs, aient fait inscrire un nouveau-né sous le nom d'une femme qui n'était point sa mère, il ne l'est pas non plus que d'avides héritiers présomptifs aient fait inscrire comme morte, une personne encore vivante dans une contrée lointaine; qu'il n'est pas plus possible à une personne vivante de se prémunir contre une fausse déclaration de décès, qu'il ne l'est à une femme de se prémunir contre une fausse déclaration d'accouchement ; et que, si, nonobstant cette possibilité, la loi veut que les registres de décès fassent pleine foi jusqu'à ce que la fausseté en soit clairement démontrée, il n'y a aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même des registres de naissance.

>>

Enfin, la loi ne distingue pas entre les actes de naissance des enfans naturels et les actes de naissance des enfans légitimes. Pour ceux-ci, il est vrai, l'art. 319 du Code civil dit spécialement que leur filiation se prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de l'état civil; mais cette disposition spéciale ne déroge point à la disposition générale de l'art. 46; elle laisse l'art 46 dans toute sa latitude; et nous l'avons déjà remarqué, cet article, qui est conmun à tous les enfans, soit naturels, soit légitimes, établit nettement que les registres publics forment une preuve légale et complète de l'accouchement de la mère, qu'ils la forment par eux-mêmes, qu'ils la forment surtout indépendamment de la signature de la mère, qui d'ailleurs, si elle est réellement accouchée, est dans l'impossibilité physique de se transporter dans la maison commune pour signer l'acte de naissance de son enfant.

>> Voulons-nous, au surplus, nous convaincre que c'est dans cet esprit qu'a été rédigé le Code civil? Reportons-nous au procès-verbal de la séance du conseil d'état, du 26 brumairefan 10, où fut agitée la question de savoir si l'enfant naturel né avant le mariage de sa mère, peut réclamer sa filiation pendant le mariage que sa mère a contracté avec un autre que son père.

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