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c'est à une concession de cette espèce que doit s'appliquer la disposition de l'art. 13 du chap. 122 des chartes générales de Hainaut, qui déclare que le droit de charbonnage est tenu pour héritage, sans cependant l'assimiler, soit aux mainfermes, en aucun cas, soit aux fiefs, hors le cas d'exception qu'il détermine, c'est qu'entendue autrement, cette disposition se trouverait absolument sans objet et resterait sans application quelconque.

En effet, d'une part, le seigneur haut-justicier ne pouvait aliéner le fonds de son droit d'avoir en terre non extrayé, il ne pouvait le détacher du gros de sa seigneurie, moyennant une redevance fixe ou casuelle, que de deux manières: par inféodation, ou par bail à rente purement foncière.

S'il l'aliénait par inféodation, nécessairement il en faisait un arrière-fief, dont il retenait la

mouvance.

S'il l'aliénait par bail à rente purement foncière, ce qu'il ne pouvait faire que par un dé

membrement ou éclissement, et en observant les formalités prescrites par les chartes générales, au titre d'éclisser fiefs, il en faisait un fief distinct et séparé du sien, parallèle en quelque sorte au sien, et relevant, comme le sien, de son seigneur suzerain, à l'égard duquel son concessionnaire devenait, dès-lors, son co-vassal (1).

D'un autre côté, il ne pouvait pas l'aliéner par bail à cens et en faire un mainferme; car il était universellement reconnu, sous le régime féodal, que, dans les coutumes où le jeu de fief était permis, il ne pouvait s'exercer par bail à cens à l'égard des droits incorporels, et que le bail à fief était le seul moyen qu'eût le proprié taire d'un domaine féodal, pour se jouer de ces sortes de droits (2).

C'est même sur cette règle de droit commun qu'est calqué l'article dont il s'agit, puisqu'il ne dit pas, au sujet du droit de charbonnage, ne fút qu'il soit tenu en fief ou en mainferme, mais seulement, ne fût qu'il soit tenu en fief; ce qui suppose bien clairement que ce droit ne peut, en aucun cas, devenir mainferme, ou, ce qui est la même chose, qu'il n'est pas susceptible d'être aliéné par bail à cens.

Il resterait donc à dire que, lorsque le seig. neur aliénait son droit exclusif de tirer du charbon, il le convertissait en franc - alleu. Mais pour pouvoir convertir en franc-alleu un droit inhérent à une haute justice et par conséquent essentiellement féodal, il fallait être

(1) Ibid.

(2) V. le Répertoire de jurisprudence, aux mots Jeu de fief, S. 9.

souverain et cela était, comme je l'ai dit plus haut, no 1, au-dessus du pouvoir d'un seigneur particulier. Or, l'art. 13 du chap. 122 des chartes générales n'est pas limité aux droits de charbonnage détachés par le souverain, de ses hautes-justices; il est commun à tous les droits de charbonnage concédés par les seigneurs hauts-justiciers de tout rang.

Il faut donc nécessairement en revenir à cette idée, que l'art. 13 du chap. 122 des chartes générales de Hainaut ne considère le droit de charbonnage dans la main du concessionnaire, comme aliéné radicalement, que dans le cas où il y conserve sa nature féodale, soit parcequ'il lui a été transmis par inféodation, soit parcequ'il l'a été par un bail à rente avec éclis

sement;

Ce qui entraîne non moins nécessairement la conséquence que, hors ce cas, le concessionnaire du simple exercice du droit d'extraire le charbon, le possède comme droit de charbonnage proprement dit, et par suite, comme héritage.

Dira-t-on, pour justifier les arrêts de 1726 et 1811, qui ont jugé ce droit mobilier, que, dans les espèces sur lesquelles ils ont été rendus, il ne s'agissait que de parts à fosse,et qu'ils n'ont fait que devancer la jurisprudence établie par la loi du 21 avril 1810, laquelle, tout en réputant la Mine immeuble à l'égard de la société qui en a obtenu la concession, déclare, d'après l'art. 559 du Code civil, que les actions ou parts dans cette propriété tiennent nature de meubles aux individus associés?

Oui, sans doute, ils ont devancé cette juris. prudence; mais ont-ils pu le faire, sans violer les chartes générales ?

L'art. 13 du chap. 122 de ces lois, parlant du partage qui se fait, à la mort d'un concessionnaire, entre tous ses héritiers, veut que chacun d'eux y prenne une portion égale; et en s'expliquant ainsi, il fait clairement entendre que chaque héritier et chacun de ses propres héritiers possèdera sa part comme héritage. Il suppose donc évidemment que la division d'un droit de charbonnage en une quantité plus ou moins considérable d'actions ou parts, ne mobilisera point chaque action ou part dans la personne qui la recueillera. Le Code civil et la loi du 21 avril 1810 ont donc introduit, à cet égard, une innovation en Hainaut.

Aussi la cour supérieure de justice de Bruxelles est-elle revenue franchement à mon avis, par un arrêt qu'elle a rendu depuis la publication de la troisième édition de ce recueil, et dont voici l'espèce.

Le 17 avril 1685, acte public par lequel Robert Coupain, Claude-François Segœulle, Louis de Navarre, André Blareau, Simon Planquet, Charles-Simon et Auger Pourbaix s'associent pour l'exploitation d'une Mine de charbon sur le territoire de la commune de Houden, cheflieu de Mons, dont ils se proposent de demander la concession au seigneur de cette commune, et stipulent que les bénéfices de cette exploitation se partageront en onze portions égales, chaque onzième à posséder et tenir par forme d'héritage à toujours, entendu néanmoins le septième pour droit d'entre-cens dû au seig» neur, déduit et payé ».

«

Le 20 août de la même année, le seigneur de Houden leur concède la Mine dont il s'agit, pour eux, successeurs et ayant-cause.

Louis de Navarre, l'un des concessionnaires, transmet sa part à Marie-Thérèse Boussart. Celle-ci épouse Charles Brichot, et meurt la première, laissant plusieurs enfans.

Charles Brichot, se regardant, en qualité d'héritier mobilier de sa femme, par droit d'entravestissement de sang (1), comme pro-priétaire de sa part dans la Mine de Houden, la vend, sans l'intervention de ses enfans, aux sieurs L....

Long-temps après, mais avant que la prescription ait éteint leurs droits, les enfans de Marie Thérèse Boussart font assigner les sieurs L..... devant le tribunal de première instance de Mons, en revendication de la part de leur mère, et soutiennent que cette part étant immobilière, la vente que leur père en a faite, est nulle.

Les sieurs L..... répondent que leur mère n'a possédé et pu posséder cette part que comme un droit mobilier, et que par conséquent leur père en est devenu propriétaire par gain de survie.

Jugement qui admet la réclamation des enfans, et condamne les sieurs L...... à leur délaisser la portion qui a appartenu à leur mère dans la Mine de Houden.

Appel de la part des sieurs L......; et le 23 mai 1827, arrêt par lequel,

« Sur la question de savoir si le droit de charbonnage que l'art. 13 du chap. 122 des chartes générales du Hainaut déclare être générale ment tenu pour héritage, doit s'entendre du droit accordé à perpétuité par le seigneur à des particuliers, d'extraire charbon sur le territoire de sa seigneurie,

» Considérant que tant la rubrique de ce cha

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, aux mots Entravestissement de sang, sect. 1, §. 1, el Fourmouture, S. 4.

pitre, intitulé des biens qui devront être tenus pour meubles ou héritages, que les dispositions de chacun des articles qui le composent, font voir que, lorsqu'il y est parlé des biens tenus pour héritages, il ne s'agit pas là des immeubles proprement dits, et qui en Hainaut étaient ou fiefs, ou alloëts, ou main fermes, mais bien de ceux qui, soit en raison de leur destination, soit comme étant des droits incorporels, et dès-lors par suite d'une fiction de la loi, devaient être tenus pour héritages, c'està-dire, immeubles;

» Considérant que l'art. 1er du chap. 130 desdites chartes, en énumérant les attributs et les droits de la haute-justice et seigneurie, range parmi ces droits, celui d'avoir en terre non extrayé, ce qui est défini par l'art. 2 du même chapitre, choses trouvées en terre, comme charbon, pierres et semblables;

» Que, soit qu'on considère la haute-justice et seigneurie comme attachée à un bien fief, ce qui était le cas ordinaire en Hainaut, soit qu'on l'envisage, ainsi que la présente l'art. 3 chap. 103 des mêmes chartes, comme attachée à un alloët, cas extrêmement rare dans ladite province, toujours est-il que le droit d'avoir en terre non extrayé, ne pouvait, tant et si long-temps qu'il faisait partie intégrante du fief ou de l'alloët haut-justicier, constituer, dans le chef du seigneur, qu'un bien de même nature que le fief ou l'alloët même, c'est-à-dire,un immeuble proprement dit; d'où il suit que ce n'est pas à ce droit qualifié par l'art. 1 du chap. 130, que peut s'appliquer la disposition de l'art. 13 du chap. 122. >> Considérant que c'est en vain que les appelans, pour écarter l'application dudit art. 13 au cas d'une concession à perpétuité du droit d'extraire charbon, soutiennent que le droit de charbonnage dont traite cet article,n'est autre que le droit radical que le seigneur a détaché de la haute-justice; puisque, du contexte de l'art. 13, il appert qu'en règle générale, le droit dont il est question, n'est pas un fief; qu'il ne l'est que par exception; tandis que le droit radical de charbonnage annexé à la hautejustice et seigneurie, est, sauf le cas extrêmement rare, prévu par l'art. 3 du chap. 103, déjà cité, toujours partie intégrante d'un fief hautjusticier ; qu'il ne peut en être détaché que par sous-inféodation ou éclissement, et qu'alors même, il ne perd pas sa nature féodale, mais forme ce que l'on nomme un arrière fief ou fief parallèle; que c'est là le cas de la règle générale et commune ; et que, dès-lors, il n'est pas concevable comment l'art. 13 aurait fait de ce cas l'exception; qu'il paraît d'autant moins que telle ait été l'intention du législateur, qu'il

a établi en principe, à l'art. 13 cité, la divisibilité du droit de charbonnage dont il traite, entre tous les enfans en parts égales, tandis que les fiefs, sont de leur nature indivisibles; qu'il est donc permis de conclure de là que c'est mal interpréter l'intention du législateur que d'appliquer l'art. 13 au droit radical détaché, plutôt qu'à la concession faite à perpétuité du droit d'extraire du charbon;

» Considérant qu'au contraire, tout tend à établir que ledit article doit trouver son application au cas où, comme dans l'espèce, le seigneur a accordé à des particuliers le droit d'extraire charbon dans tout le territoire de sa seigneurie; d'abord, parcequ'en rangeant le droit de charbonnage parmi les immeubles fictifs, l'art. 13 dit qu'il sera tenu pour tel généralement ; ensuite et surtout, parceque l'article qui suit immédiatement celui-ci (l'art. 14), statue que le droit d'entre-cens, qui n'est autre chose qu'une quotité de charbon qu'on extrait, que le seigneur concédant se réservait par l'acte de concession, sera tenu pour héri tage pareillement, comme le droit faisant l'objet de la concession, droit dont l'entre-cens n'était en effet que la représentation;

» D'où suit que l'immobilisation fictive du droit d'entre-cens, aux termes de l'art. 14, ne pouvait être que la conséquence de pareille immobilisation attribuée par l'art. 13 à l'objet même de la concession y indiquée sous le nom de droit de charbonnage;

» Considérant que les appelans, dans l'ordre d'établir la nature mobilière du droit d'extraire charbon, concédé par le seigneur à des particuliers, ont fait valoir l'argument que, tant sous le rapport des dispositions par vente, testament, qu'eu égard aux droits de dévolution, fourmouture et aux formalités à suivre en cas d'exécution et autres rapports particuliers, ledit droit était soumis aux règles qui régissaient les meubles;

» Considérant qu'en supposant même ce soutenement exact, de là ne suivrait pas toutefois la conséquence nécessaire que le droit ne soit pas un immeuble anomal et fictif, puisque l'art. 13 lui a positivement imprimé ce caractère; >> Qu'il suit de tout ce qui précède, que c'est au droit d'extraire charbon, concédé par le seigneur à des particuliers que l'art. 13 du chap. 122 est applicable;

» Relativement au 2e moyen des appelans, fondé sur ce qu'aux termes du contrat du 17 avril 1685, chacun des concessionnaires primitifs n'avait qu'une action contre ses contractans, tendant à s'assurer une part égale dans les gains et une juste contribution dans les pertes; que c'est là une action purement personnelle

résultant du contrat de société, et que cette action étant mobilère en droit, il n'appartenait pas à des particuliers de changer, par leur convention, sa nature dans l'ordre des successions,

>> Considérant qu'une fois établi qu'aux termes de l'art. 13, chap. 122, dans le chef même du concessionnaire, ce droit est héritage, il résulte de la combinaison de l'acte du 17 avril 1685, réglant les bases de l'entreprise dont la concession devait être l'objet, et dans lequel les contractans déclarent que chaque onzième part sera par eux possédée et tenue par forme d'héritage à toujours, avec l'acte de concession luimême, fait en exécution du premier ; que, dans l'espèce, la concession est faite à chacune des personnes dénommées dans l'acte pour la part y déterminée; que ce cas est bien différent de celui où la concession n'ayant été accordée qu'à une seule personne, celle-ci se serait postérieurement associée d'autres personnes pour l'exploitation, ou en aurait elle-même cédé l'objet à une société; que, d'autre part, la volonté de chacun des concessionnaires, ainsi que celle du seigneur concédant, est ici d'accord avec la disposition de la loi ; et que, dès-lors, l'on ne voit pas comment la nature du bien serait autre sur le chef de chaque concessionnaire, par la circonstance qu'au lieu d'avoir été faite à une seule personne, la concession l'a été à plusieurs ;

» Par ces motifs, la cour met l'appellation au néant.......... (1) » .

IV. Sur la huitième question, V. l'article Obligation,§.5.

§. II. Des conditions sous lesquelles la loi du 12-28 juillet 1791 maintenait les anciens concessionnaires de Mines, et leur donnait la préférence sur les propriétaires fonciers qui voudraient exploiter par eux-mêmes.

Voici comment je me suis expliqué à l'audience de la section des requêtes de la cour de cassation, du 1er pluviôse an 9, sur une affaire qui s'y trouvait portée par les sieurs Godard et Defrise, concessionnaires d'une Mine de houilles ou charbons de terre, demandeurs en cassation d'un jugement du tribnnal civil du département de la Lys, qui les avait évincés de leur concession, en faveur du propriétaire du fonds dans lequel existait cette Mine :

« Les demandeurs soutiennent que le tribu

(1)Jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, anuée 1827, tome 2, page 137.

nal civil du département de la Lys a violé la loi du 12-28 juillet 1791, concernant les Mines; mais, pour bien apprécier tout ce qu'ils disent à cet égard, il faut entrer dans quelques détails.

» L'art. 1 er du chap. 130 des chartes générales du Hainaut attribue au seigneur haut-justicier l'avoir en terre non extrayé.

» L'art. 2 du même chapitre ajoute que, par avoir en terre non extrayé, sont entendues toutes choses trouvées en terre, comme charbons, pierres et semblables.

» La conséquence qui résulte naturellement de ces textes, c'est que les seigneurs hauts-justiciers ont, par la loi particulière à cette contrée, le droit exclusif d'exploiter, soit par eux-mêmes, soit par leurs concessionnaires, les Mines de charbon de terre qui se trouvent dans leurs hautes-justices.

» Et telle a été, en effet, la jurisprudence constanté du Hainaut dit autrichien, tant qu'a duré le régime féodal.

» C'est, d'après cela, que, s'il en faut croire. un acte produit par les demandeurs, sous la date du 31 octobre 1795, correspondant au 9 brumaire an 4, le cit. Déroges, alors seigneur 'haut-justicier de Dourlers a concédé le droit d'exploiter deux Mines de charbon, connues sous les dénominations de Grand-Baillon et Grand-Renom.

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>>A cette époque, le régime féodal n'était pas encore aboli en Hainaut ; car ce n'est que le 17 du même mois de brumaire, que les représentans du peuple en mission dans les neuf départemens réunis par la loi du 9 vendémiaire précédent, ont pris un arrêté pour y faire publier les décrets des 4 août 1789 et 15 mars 1790.

>> Ainsi, en supposant véritable et certaine la date du titre produit par les demandeurs, la légalité de leur concession ne doit souffrir aucune ombre de difficulté.

» Deux jours après l'arrêté dont nous venons de parler, les représentans du peuple en ont pris un autre pour faire publier dans les nouveaux départemens la loi du 12-28 juillet 1791,concernant les Mines; et il paraît que cet arrêté est parvenu à l'administration centrale de Jemmapes, le 25 frimaire suivant, c'est-à-dire, en d'autres termes, que c'est à compter du 25 frimaire an 4, que la loi du 12-28 juillet 1791 a commencé d'être obligatoire dans ce départe

ment.

» Il paraît que les demandeurs jouissaient paisiblement de l'effet de leur concession, lorsque, le 4 pluviôse an 6, Agnès Butin, en sa qualité de curatrice de Philigonne Hecquet,son mari, les a fait assigner devant le tribunal de Jemmapes, pour se voir condamner à cesser toute exploitation de Mine et veine de charbon

dans une pièce de deux huitelées de terre appartenant à ce dernier.

>> Les demandeurs ont opposé à cette assignation, et l'acte du 9 frimaire an 4 qui leur avait concédé les Mines de Grand-Baillon et GrandRenom,et l'art. 4 de la loi du 12-28 juillet 1791, par lequel il est dit que les concessionnaires actuels ou les cessionnaires qui ont découvert les Mines qu'ils exploitent, seront maintenus jusqu'au terme de leur concession, du moins pour cinquante ans ; qu'en conséquence, les propriétaires de la surface, sous prétexte d'aucune des dispositions contenues aux art. ne pourront troubler les concessionnaires actuels dans la jouissances des concessions; lesquelles subsisteront dans toute leur étendue, si elles n'excèdent pas 6 lieues car

I et 2,

rées.

» La femme Hecquet a répliqué que l'acte produit par les demandeurs,était faux, c'est-àdire sans doute, antidaté.

>> Elle a ajouté que l'art. 4 de la loi du 12-28 juillet 1791 n'était applicable qu'aux concessionnaires qui exploitaient, au moment de sa publication, les Mines précédemment découvertes par eux ou par leurs cédans; et elle a nié que, dans le fait, les veines de charbon dont il s'agissait, fussent en exploitation actuelle à cette époque.

» Le tribunal civil du département de Jemmapes, s'attachant à ces deux derniers points de la défense de la femme Hecquet, et préjugeant que les demandeurs étaient déchus de leur concession, s'ils ne prouvaient pas le fait nié par leur adversaire, a rendu un jugement interlocutoire par lequel il a admis les deman

deurs à en faire preuve, la preuve contraire

réservée à la femme Hecquet.

» En exécution de ce jugement, dont il n'y a eu appel ni alors ni depuis, les demandeurs ont fait entendre plusieurs témoins qui ont déposé qu'ils avaient commencé leurs travaux dans le courant de novembre 1795; et les témoins produits par la femme Hecquet ont attesté la même chose.

>> Mais ni les uns ni les autres n'ont parlé de la continuation effective de ces travaux, à l'époque de la publication de la loi, c'est-à-dire, le 25 frimaire an 4, jour correspondant au 15 décembre 1795.

>> Les choses en cet état, jugement du 13 ventôse an 6, qui, attendu que l'acte de concession a été passé devant des officiers publics; que tant qu'il n'est pas déclaré faux, il doit avoir son exécution, et que les demandeurs ont suffisamment prouvé leur exploitation lors de la publication de la loi du 12-28 juillet 1791, déclare la femme Hecquet non fondée, quant à pré

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sent, en ses conclusions, et la condamne aux dépens.

» Appel au tribunal civil du département de la Lys, et là, jugement du 29 germinal an 8, qui, attendu que les demandeurs n'ont pas suffisamment prouvé le fait de l'exploitation actuelle des Mines, à l'époque de la publication de la loi, infirme le jugement du tribunal de Jemmapes et adjuge à la femme Hecquet les conclusions qu'elle avait prises en première ins

tance.

» C'est ce jugement que les demandeurs vous dénoncent comme violant et appliquant à faux l'art. 4 de la loi du 12-28 juillet 1791.

» Quels sont les concessionnaires que maintient cet article? Ce sont ceux-là, et ceux-là seulement, qui ont découvert ou dont les cédans ont découvert les Mines qu'ils exploitent : Les concessionnaires actuels ou leurs cessionnaires qui ont découvert les Mines qu'ils exploitent, seront maintenus.

» Or, les demandeurs ont-ils découvert euxmêmes la Mine dont il s'agit? Non.

>> Sont-ils aux moins cessionnaires de ceux qui l'avaient découverte précédemment? Pas davantage.

» L'acte du 31 décembre 1795 constate que précédemment cette Mine était exploitée par un cit. Desvigne, qui l'avait abandonnée; et que, par l'effet de cet abandon, le seigneur d'alors a cru pouvoir en faire aux demandeurs une nouvelle concession, sans néanmoins la leur garantir.

» Les demandeurs ne peuvent donc pas invoquer l'article dont il s'agit, puisqu'ils ne se trouvent point dans le cas pour lequel il prononce la maintenue des concessionnaires actuels.

» Ensuite, l'art. 4 ne maintient les concessionnaires actuels qui ont découvert les Mines, qu'autant qu'ils les exploitent; et ce mot exploitent doit naturellement s'entendre d'une exploitation en pleine activité à l'époque de la publication de la loi. C'est d'ailleurs un point préjugé par le jugement interlocutoire du tri. bunal de Jemmapes, et nous avons déjà observé que les demandeurs n'avaient pas appelé de ce jugement.

>> Or, le tribunal de la Lys a décidé, en point de fait, que les demandeurs n'avaient pas prouvé suffisamment que la Mine dont il est question, fût en exploitation actuelle au temps de la publication de la loi; et en effet, vous avez déjà remarqué, que ni l'enquête des demandeurs, ni celle de la femme Hecquet, ne renfermaient rien qui se rapportât à cette époque.

C'en est assez sans doute pour justifier le

jugement du tribunal de la Lys; mais ce n'est pas tout..

>> Quand on ferait ici abstraction du jugement interlocutoire du tribunal de Jemmapes, ou, ce qui est la même chose, quand on supposerait que les demandeurs en eussent interjeté appel, les demandeurs n'en seraient pas plus avancés. >> C'est bien mal à propos, en effet, que les demandeurs soutiennent les propriétaires nonrecevables à critiquer, dans le cas de l'art. 4 de la loi, le défaut d'exploitation actuelle des concessionnaires.

» Il suffit, pour écarter cette fin de non-recevoir, de faire attention à la contexture des deux paragraphes de l'art. 4.

>> Le premier maintient les concessionnaires qui exploitent actuellement les Mines qu'ils ont découvertes.

» Et le deuxième ajoute: EN CONSÉQUENCE, les propriétaires de la surface, sous prétexte d'aucune des dispositions contenues aux art. 1 et 2, ne pourront troubler les concessionnaires actuels dans la jouissance des concessions.

>>Ce n'est donc qu'en conséquence de la maintenue prononcée par le premier paragraphe, que le deuxième défend aux propriétaires de troubler les concessionnaires dont les titres sont antérieurs à la loi.

>> Cette défense est donc sans effet contre les propriétaires, lorsque les concessionnaires, dont les titres sont antérieurs à la loi, ne sont pas dans la position que la loi requiert pour les maintenir dans leurs concessions.

>>> Les propriétaires ont donc nécessairement le droit d'examiner si les concessionnaires sont' véritablement dans cette position.

>> Ils ont donc le droit de ne pas reconnaître les concessionnaires qui, ou n'avaient pas découvert par eux-mêmes ou par leurs cédans, les Mines qu'ils exploitaient à l'époque de la publication de la loi, ou n'exploitaient pas actuellement, à l'époque de la publication de la loi, les Mines qu'ils avaient précédemment dé

couvertes ».

Sur ces raisons, arrêt du 1er pluviose an 9, au rapport de M. Brillat-Savarin, qui rejette la demande des sieurs Godard et Defrise,

« Attendu, sur le premier moyen, que l'art. 4 de la loi de 1791 n'est relatif qu'aux cóncessionnaires qui ont découvert les Mines qu'ils exploitent, et que les demandeurs ne sont pas dans ce cas;

>> Attendu, sur le deuxième, que les demandeurs en cassation n'ont jamais émis appel du jugement qui a ordonné la preuve de leur exploitation; et qu'ainsi, c'est chose acquiescée par eux, que le fait de l'exploitation a pu influer sur le jugement à intervenir ».

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