Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

• Cela posé, y a-t-il, soit dans la loi du 20 septembre 1792, soit dans toute autre loi faite` avant ou depuis, une disposition par laquelle soient annulés, ou ce qui revient au même, par laquelle soient déclarés incapables de faire preuve en justice, les actes sujets au timbre et néanmoins non timbrés de fait? Non, il n'existe aucune disposition de cette nature; le défaut de timbre donne bien lieu à des amendes, mais les actes non timbrés n'en sont pas moins valables; et c'est en vain que le génie fiscal a prétendu, dans l'assemblée constituante, les faire considérer comme nuls cette prétention a été solennellement rejetée dans la discussion du décret du 29 septembre 1791, servant d'addition aux lois sur le timbre et l'en. registrement, et sactionné le 9 octobre sui

vant.

» Dès-là, comment pourriez-vous accueillir un moyen de cassation qui ne repose sur aucune loi? Comment pourriez-vous déclarer nul un acte que le premier de nos corps législatifs a expressément refusé de déclarer tel? Comment pourriez-vous refuser foi en justice à un acte que la demoiselle Pénicaud reconnaît elle-même avoir signé et dont elle prouve l'existence par la dénégation même qu'elle ose en faire.

» C'est trop nous arrêter à un moyen aussi frivole; et il est temps de mettre fin à une dis cussion qui n'aurait jamais dû s'ouvrir, si la demoiselle Pénicaud eût compté pour quelque chose le respect pour les mœurs et pour les lois. Nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête en cassation et de condamner la demanderesse à l'amende de 150 francs ».

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt du 13 fructidor an 10; voici dans quels ter

mes :

« Attendu, sur le premier moyen, que les art. I et 3 de la sect. 4 de la loi du 20 septembre 1792, en désignant le lieu où le Mariage sera célébré, n'ont joint à cette désignation aucune clause irritante ou prohibitive de le célébrer ailleurs ;

» Attendu que la formalité introduite par cette désignation, est étrangère à la substance de l'acte, et que la loi n'en prescrit pas l'observation à peine de nullité;

» Attendu, sur le second moyen, que le tit. 2 de la loi du 20 septembre 1792, ni aucune loi postérieure, n'a assujeti les registres de naissance, Mariage et sépulture à la formalité du timbre, sous la peine de nullité des actes qui seraient inscrits sur des registres non tim brés; et qu'elle se borne à prononcer des amendes ou la privation des qualités et droits de citoyens actifs, contre les personnes char

gées de la tenue des registres, qui ont contrevenu à quelques-unes des formalités qu'elles prescrivent;

>> Attendu d'ailleurs que les juges de première instance et d'appel ont décidé en fait,

» 10 Que le transport de l'officier civil dans la maison de Pénicaud, père, n'avait été déterminé par aucune circonstance répréhensible, ou qui pût faire supposer le défaut de liberté dans le consentement donné au Mariage par la demoiselle Pénicaud;

» 2o Que l'officier civil avait eu de justes motifs d'inscrire l'acte de Mariage dont il s'agit, sur le registre non timbré dont on se servait alors dans la commune de Mérignac ;

» d'où il suit que le jugement dénoncé n'a violé, ni la loi du 20 septembre 1792, ni celle du 4 germinal an 2 qui ne s'applique qu'aux procedures en matière civile ;

>> Par ces motifs, le tribunal rejette le pourvoi....».

II. Surla seconde question, V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Mariage, sect. 4, §. 1, art. 1.

S. IV. 10 Un Mariage contracté sous l'empire de la loi du 20 septembre 1792, dans une commune où l'un des époux n'était domicilié que depuis peu de jours, mais après des publications faites dans le lieu où il avait eu précédemment son domicile, est-il valable?

20 Est-il valable, quoique l'acte qui en a été dressé après la célébration, ne contienne ni la mention du domicile ni celle de la profession de quelques-uns des témoins?

30 Est-il valable, quoique, parmi les témoins, il se soit trouvé une femme?

Telles sont (ai-je dit, en portant la parole à l'audience de la cour de cassation, section des requêtes, le 28 floréal an 11), telles sont les questions qu'offre à votre examen la demande en cassation sur laquelle vous avez à statuer.

» Dans le fait, il a été reconnu entre les parties, en première instance, comme en cause d'appel, qu'Antoine-Joseph Mackert et Francoise-Philippine-Joseph Marette étaient majeurs, lorsqu'ils se sont mariés ; que celle-ci demeurait à Namur; que même elle n'avait jamais eu d'autre domicile; et qu'Antoine Mackert y avait été également domicilié jusqu'au 29 prairial an7.

» Mais un point sur lequel les parties ne se sont accordées, ni devant les premiers juges ni devant le tribunal d'appel, c'est de savoir si, le 29 prairial an 7, Antoine-Joseph Mackert

avait quitté le domicile qu'il avait eu jusqu'alors à Namur, et s'il en avait pris un dans la commune d'Emines, avant le 10 messidor suivant,jour de la célébration du mariage contesté.

Pour prouver qu'avant comme depuis le 10 messidor an 7, Antoine-Joseph Mackert n'avait pas cessé d'être domicilié à Namur, les demandeurs ont rapporté un certificat du percepteur des contributions de cette ville, constatant qu'il y avait été imposé à la contribution personnelle et mobilière en l'an 5, en l'an 6 et en l'an 7; un certificat du percepteur de la commune d'Emines, constatant qu'il n'est point porté sur les rôles dressés en l'an 7 pour cette commune; un certificat de l'agent municipal du même lieu, en date du 16 floréal an 8, portant qu'il n'est pas inscrit au tableau de cette commune; un certificat du maire de la même commune, en date du 23 messidor an 8, qui atteste la même chose; enfin, l'acte de Mariage même du 10 messidor an 7, dans lequel il est dit qu'Antoine-Joseph Mackert est domicilié à

Namur.

» De son côté, Antoine-Joseph Mackert a représenté un acte ainsi conçu: Je soussigné secrétaire provisoire de l'administration municipale du canton de Namur, déclare que le cit. A.-J. Mckert, habitant de cette commune, a déposé au secrétariat, une déclaration par laquelle il choisit pour son domicile ladite commune d'Emines, chef-lieu de canton, et demande, en conséquence, d'étre rayé du tableau des habitans de Namur. Le 29 prairial an 7. Signé Pepin. A côté est écrit: Vu le présent certificat à la municipalité d'Emines, d'A.-J. Mackert, pour étre inscrit au registre d'Emines. Le 5 messidor an 7, Signé Piron, président. Et plus bas : Enregistré le 8 messidor an 7, au tableau des habitans d'Emines. Fait à la municipa. lité d'Emines, ce 8 messidor an 7. Signé Bodart, secrétaire.

» C'est sur ces preuves respectivès, qu'a prononcé le tribunal d'appel de Liége, par son jugement du 28 floréal an 9, qui vous est aujourd'hui dénoncé: il a tenu pour constant qu'A.-J. Mackert était domicilié à Emines, au moment de la célébration de son mariage avec la demoiselle Marette; et il en a conclu, d'a près le décret du 22 germinal an 2, que ce Mariage avait été légitimement célébré dans cette

[blocks in formation]

l'on a

1

Ensuite, les demandeurs prouvaient bien que Mackert n'avait pas été imposé au rôle d'Emines en l'an 7, et qu'il l'avait été au contraire, cette même année, au rôle de Namur. Mais que pouvait-il résulter de là? Rien autre chose, si ce n'est que Mackert n'avait transféré son domicile à Emines, qu'après le commencement de l'an 7; car c'est toujours par le domicile au commencement de chaque que année, que se détermine le lieu où l'on doit payer la contribution personnelle et mobilière. ́ Mackert n'a jamais prétendu faire remonter avant le commencement de l'an 7, la translation de son domicile à Emines. Il a toujours soutenu que cette translation d.tait du 29 prairial an 7. Les certificats des percepteurs d'Emines et de Namur, dont se prévalaient les demandeurs, étaient donc des pièces insiguifiantes.

» Les demandeurs rapportaient bien encore des certificats par lesquels l'agent municipal, et, d'après lui, le maire d'Emines, attestaient qu'en l'an 8, Mackert n'était pas inscrit au tableau des habitans de cette commune.

» Mais, d'une part, il ne s'agissait pas de savoir si, en lan 8, Mackert était ou n'était pas domicilié à Emines; il s'agissait seulement de savoir s'il y avait été domicilié en messidor an 7.

D'un autre côté, de simples certificats n'auraient pas pu, même pour l'an 7, l'emporter sur un extrait authentique du tableau des habitans d'Emines, extrait que rapportait Antoine-Joseph Machert, et qui portait en toutes lettres: enregistre le 8 messidor an 7, au tableau des habitans d'Emines.

» Enfin, les demandeurs établissaient bien, par l'acte même de Mariage du to messidor an 7, que Mackert y était dit domicilié à Namur. Mais cette enonciation n'avait pas pu effacer Mackert du tableau des habitans d'Emines, sur lequel il avait été inscrit deux jours auparavant; elle n'avait pas pu détruire la translation de domicile qui s'était consommée par cette inscription; elle n'avait pu rendre à Mackert le domicile qu'il avait eu precédemment à Namur, et auquel il avait tout récemment renoncé, comme il en avait le droit; et il serait d'autant plus étrange qu'elle eût produit un pareil effet, qu'elle était en contradiction avec le fait même de la célébration du Mariage de Mackert dans la commune d'Emines; car par cela seul que la municipalité d'Emines recevait l'acte de Mariage de Mackert, elle reconnaissait Mackert pour l'un des habitans de son

[blocks in formation]

Mais n'a-t-il pas violé la loi du 20 septembre 1792, en déclarant valable un Mariage contracté à Emines sans publications préalables dans cette commune? Non, car la loi du 20 septembre 1792 n'attache pas la peine de nullité au défaut de publications dans le lieu où se célèbre un Mariage entre personnes majeures; il est inutile sans doute de vous retracer tous les principes que nous avons eu l'honneur de développer la-dessus à votre audience du 13 fructidor an 10, dans la cause de la demoiselle Pénicaud ils sont encore trop présens à vos esprits, et vous les avez, ce jour-là, consacrés par un jugement trop formel, pour qu'il soit besoin d'y revenir.

:

» Par la même raison, le tribunal d'appel de Liége n'a pas violé la loi du 20 septembre 1792, en décidant que le défaut d'expression du domicile et de la profession de quelques-uns des témoins, n'avait pas pu, dans la rédaction de l'acte de Mariage dont il s'agit, opérer une nullité qui, rétroagissant sur la célébration de ce contrat, la fit regarder comme non-avenue. Encore une fois, il n'y a dans la loi du 20 septembre 1792, d'autres nullités que celles qu'elle a prononcées; et elle n'en a point prononcé pour l'inobservation des formes de précaution dont elle s'occupe dans l'article où elle prescrit l'énonciation du domicile et de la profession des témoins.

[ocr errors]

Enfin, la loi du 20 septembre 1792 n'exige pas que les quatre témoins, dont elle prescrit l'assistance à la célébration du Mariage, soient tous du même sexe que le mari; elle n'exclud donc pas les femmes.

» Et qu'importe que des arrêts de réglement du parlement de Paris, aient défendu de prendre des femmes pour témoins,dans les Mariages qui se contractaient dans l'ancienne forme ? Čes arrêts n'ont jamais eu force de loi dans le département de Sambre et Meuse. Avant la loi du 20 septembre 1792, le département de Sambre et Meuse n'avait pas d'autre loi sur cette matière que le concile de Trente. Or, le concile de Trente n'empêchait pas les femmes d'être témoins dans les Mariages dont il réglait la forme; et nous en trouvons la preuve dans ce passage du Jus ecclesiasticum universum de Van-Espen, part. 2, sect. 1 tit. 12, no 24: qualitatem testium nullam expressit synodus Tridentina.... Undè admittuntur in testes quicumque mentis compotes atque intelligere apti quid agatur; viri ET MULIERES, etiam proximi consanguinei contrahentium, sine exceptione quæ hoc locum non habet.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête des demandeurs, et de les condamner à l'amende ».

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt du 28 floréal an 11, au rapport de M. Delacoste,

« Attendu, sur le premier moyen, que le décret du 22 germinal an 2, quoique rendu dans la forme de passé à l'ordre du jour, par la Convention nationale, a la force et l'autorité de la loi, que, par ces motifs, ce décret ou cette loi décide, comme l'ont pensé les juges, que, pourvu que les futurs aient rempli les formalites de la publication des promesses dans le dernier domicile où ils ont demeuré au moins six mois, l'acte de Mariage peut être reçu dans la maison commune du lieu du domicile actuel de l'un des futurs époux, quoiqu'il n'y ait pas six mois qu'il y réside; parceque l'esprit de la loi ne saurait être d'empêcher, en ce cas, la célébration d'un Mariage; que ce motif et le cas proposé écartent toute ambiguité et détruisent toute interprétation, par laquelle on voudrait faire revivre les doutes qui avaient été élevés sur le vrai sens de l'art. i de la sect. 2 de la loi du 20 septembre 1792; Que les juges, en décidant, en fait, que Mackert avait acquis domicile à Emines avant la célébration de son Mariage, et avait rempli à Namur,lieu du domicile de lui et de la future,

[ocr errors]

depuis plus de six mois, la formalité des publications, ont pu et ont dù appliquer à la question la loi du 22 germinal an 2;.

» Que d'ailleurs cette décision du fait du domicile résulte des déclarations insérées dans l'acte de publication des promesses, et dans celui de célébration du Mariage;

» Q'il suit de là que les juges n'ont pas violé l'art. 1 du tit. 4, sect. 4, de la loi citée;

I

» Attendu, sur le second moyen, qu'ils n'ont pas plus violé l'art. 5 de la sect. 2 de la même loi, ni l'art. 1 de la sect. 4, ni l'art. 2 de la même section, ni faussement appliqué la loi du 13 fructidor an6, en se refusant à prononcer la nullité du Mariage pour omission des formalités articulées contre ledit acte, puisqu'ils ont écarté ces moyens par deux motifs : le premier, fondé sur ce qu'ils ont reconnu que la majeure partie de ces omissions n'existaient pas, et que les actes opposes par Mackert, étaient réguliers et supplétivement appuyés d'une possession d'état; le second, tiré de ce que la loi invoquée n'a attaché la peine de nullité des unions, qu'au mépris marqué des formalités et conditions essentielles requises pour la validité du Mariage des mineurs, ou des personnes désignées dans la sect. I du tit. 4; qu'en effet, les art. 1 et 3 de la sect. 4, en désignant le lieu où le Mariage doit être célébré, n'a joint à cette désignation aucune clause prohibitive ou irritante de le célébrer ailleurs; cette formalité, introduite par cette désignation, est étrangère à la substance

de l'acte, la loi n'en prescrivant pas l'observation à peine de nullité; que d'ailleurs la formalité a été observée, puisque les futurs avaient déclaré, par leurs promesses, que le Mariage serait célébré à Emines, conformément à la loi du 13 fructidor an 6, au temple de la loi, à onze heures du matin ;

» Attendu que le troisième moyen porte sur une prétendue nullité qui n'a pas été présentée au tribunal dont le jugement est dénoncé; que d'ailleurs ce moyen n'entraîne nullité, ni d'après les lois romaines, ni d'après les lois françaises, anciennes et nouvelles ».

§. V. 10 Un Mariage contracté entre majeurs, sous l'empire de la loi du 20 septembre 1792, dans une commune où l'un et l'autre époux n'étaient domiciliés

que depuis un espace de temps au dessous de six mois, et sans publications préala bles, soit dans cette commune, soit dans toute autre, est-il valable?

2o Un Mariage contracté sous l'empire du Code civil, soit entre majeurs, soit entre mineurs du consentement de leurs parens respectifs, dans une commune où l'un et l'autre époux n'avaient qu'une résidence de moins de six mois, et sans publications préalables dans le domicile de chacun d'eux, est-il valable?

30 Serait-il valable, si, dans les mêmes circonstances, il avait été contracté, soit entre français,soit entre français et étrangers, dans un pays étranger et dans les formes usitées dans ce pays?

40 Peut-on aujourd'hui déclarer nul, quant aux effets civils, un Mariage con contracté, en 1788, par un prêtre-religieux profès ?

5o Peut-on aujourd'hui déclarer nul, quant aux effels civi's, un Mariage contracté sous l'empire de la loi du 20 septembre 1792, soit par un religieux profès, soit par un sous-diacre, diacre ou prêtre ?

60 Quel serait le sort d'un pareil Mariage, s'il avait été contracté sous l'empire du Code civil, et avant la charte constitutionnelle du 4 juin 1814?

7 Un pareil Mariage contracté sous l'empire de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814, pourrait-il être déclaré nul, quant aux effets civils?

80 L'officier de l'état civil qui, sous l'empire de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814, se. refuserait à la célé

[ocr errors]

bration d'un pareil Mariage, pourrait-il y étre contraint?

I. Sur la première question (déjà préjugée pour l'affirmative, par les arrêts rapportés dans les deux paragraphes précédens), sur la quatrième, sur la cinquième, et sur une autre qui est indiquée sous les mots Ministère public,§.2, l'ai donné, à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 11 prairial an 11, des conclusions ainsi conçues :

« Le jugement que vous dénonce le cit. Spiess, présente à votre examen des questions majeures, et à tous égards intéressantes.

» Il s'agit de savoir si, dans la forme, ce jugement n'a pas violé, et les lois qui déterminent les attributions des commissaires du gouvernement dans l'ordre judiciaire, et les lois qui circonscrivent les pouvoirs des tribunaux d'appel.

» Il s'agit de savoir si, au fond, il a respecté ou enfreint les lois qui régissent l'état des personnes; si, en exhumant la mémoire d'une femme décédée en possession publique et paisible de la qualité d'épouse légitime; si, en la flétrissant du cachet d'un concubinage longd'une vie immorale et licencieuse, il a contretemps prolongé, si, en la livrant à l'opprobre venu à la volonté du législateur ou seulement à la jurisprudence des anciens tribunaux.

>> Dans le fait, le cit. Spiess était à la fois religieux profès, prêtre, et prieur-curé de Saint-Pierre-du-Bois, près Vendôme, lorsqu'il reçut chez lui la demoiselle Davrilly, âgée de 35 ans, domiciliée, à titre de pensionnaire, chez les sœurs hospitalières de Montoire.

» Deux ans après, une lettre de cachet, sollicitée par l'évêque du Mans, fut lancée contre lui; pour y échapper, il s'enfuit au-delà du Rhin, séjourna quelque temps à Kell, et passa de là en Suisse, où la demoiselle Davrilly fut

le joindre, si elle ne l'y accompagna pas immé

diatement.

[ocr errors]

Leg juin 1783, il lui fut accordé, sous le nom de Philippe Schoënberg,un billet d'habitation, daté du 9 juin 1783, et visé dans un arrêté du directoire exécutif, du 3 ventôse an 5, qui est sous vos yeux.

» Le même arrêté vise encore un certificat de bonne vie et mœurs délivré à Philippe Schoenberg, par les quatre ministrans de Neufchatel, le 25 juin 1785, et qui constate qu'à cette époque, il y avait deux ans que Philippe Schoenberg demeurait en cette ville.

» Il vise de plus un certificat du 20 avril 1787, par lequel le chef de la juridiction de Locle, dépendant de la principauté de Neufchâtel et Valengin, atteste que, depuis dix.

huit mois que Philippe Schoenberg et son épouse demeurent en ce lieu, il ne lui est rien revenu que d'honnête et d'avantageux sur leur compte.

» Quelle était cette épouse avec laquelle vivait alors le cit. Spiess, déguisé sous le nom de Philippe Schoenberg? C'était, sans doute, la demoiselle Davrilly; et dans le fait, il existe dans la production du cit. Spiess lui-même, une lettre écrite à la demoiselle Davrilly, le 25 juillet 1786, dans laquelle son frère lui parle de son Mariage, comme déjà contracté, et l'assure qu'il ne lui en sait pas mauvais gré, persuadé, dit-il, qu'il est de votre goût.

»Et cependant, ce n'est que le 11 juin 1788, que nous voyons le cit. Spiess et la demoiselle Davrilly s'unir par les nœuds du Mariage.

»Ils forment ces nœuds devant le curé catho lique de Landeron, dans la principauté de Neufchâtel, à la suite d'un contrat de Mariage passé devant notaires, le g du même mois, à la Neuveville, commune dépendante alors de la principauté de Porentrui, et actuellement réu nie à la France.

9

»Dans ce contrat de Mariage, le cit. Spiess est désigné sous le nom de Louis-Philippe Epien de Belmont, dit communément et signant de Scheënberg, originaire français de la province d'Alsace, domicilié présentement en cette ville, pour raison d'économie. Quant à la demoiselle Davrilly, elle y est qualifiée demeurant en cette ville, pour raison de

santé.

»Il est dit, dans le corps de l'acte, que les contractans se proposent de célébrer leur Mariage suivant le rite catholique; et ensuite transporter leur domicile en France, aussitôt que l'état de leurs affaires le leur permettra.

>> Les futurs époux se font donation réciproque, en cas de survie, de la propriété de tous leurs biens.

>> Enfin, paraissent les témoins instrumentaires au nombre de quatre, et à leur tête le pas teur, c'est-à-dire, le ministre du culte protestant de la Neuveville; tous signent avec les parties et le notaire; et le cit. Spiess conclud de là

que l'officier chargé par la loi locale de la célébration des Mariages dans cette commune, a consenti que le sien fût célébré dans une autre commune, puisque, pour trouver un prêtre catholique. il fallait sortir de la Neuveville, et passer dans le territoire adjacent de Neufchâtel.

» Quoi qu'il en soit, le cit. Spiess et son épouse, ap ès avoir continué de demeurer en Suisse pendant les premières années de la révolution, reviennent en France vers la fin de 1792, et se rendent directement au quartier

général de l'armée des Pyrénées Orientales, dont le général en chef emploie le cit. Spiess en qualité de secrétaire.

>> En vendémiaire an 2, le cit. Spiess, privé de sa place, par suite de la destitution du général de l'armée, se retire dans la commune d'Ampuis, département du Rhône.

» Et le 24 brumaire suivant, il se présente, avec son épouse et quatre témoins, devant l'officier public de l'état civil de cette commune; il y déclare son vrai nom et son ancienne qualité. La demoiselle Davrilly, de son côté, le reconnaît pour le même individu qu'elle a épousé en Suisse sous le nom de Schoenberg. Les deux époux font lire l'acte de leur Mariage, du 11 juin 1788; ils déclarent le confirmer, et en tant que de besoin, le contracter de nouveau. L'officier public leur donne acte de leurs décla rations, et prononce, au nom de la loi, qu'ils sont unis en Mariage.

»Depuis ce moment jusqu'au 4 pluviôse an 7, jour du décès de la demoiselle Davrilly, le cit. Spiess et elle ont vécu publiquement à Paris comme mari et femme; et il est prouvé par un grand nombre de lettres, qu'ils étaient reconnus pour tels par les familles Davrilly et Labé rardière. A la vérité, les lettres personnelles des cit. Labérardière et Davrilly ne donnent pas au cit. Spiess la qualité expresse de beaufrère; mais en les lisant avec tant soit peu d'attention, et surtout en les rapprochant de lettres de change précédemment tirées sur eux par le cit. Spiess, pour le paiement des arrérages de la rente légitimaire de son épouse, il est impossible de ne pas demeurer convaincu qu'ils le regardaient tous deux comme le mari de la demoiselle Davriliy, et comme l'administrateur légal de ses revenus.

»Il paraît même qu'ils n'ont pensé à élever des difficultés sur son Mariage, qu'après avoir appris, par la communication de l'acte du 11 juin 1788, que le cit. Spiess était donataire de la rente dont nous venons de parler.

» Aussi, le cit. Spiess prétend il que ce n'est pas précisément contre le Mariage même, mais contre la donation, qu'ils ont dirigé leurs attaques; et c'est de là qu'il part pour établir son premier moyen de cassation.

»Dans le fait, il avait débuté par leur faire signifier, le 18 floréal an 7, son coptrat de Mariage du 11 juin 1788, l'acte passé à Ampuis le 24 brumaire an 2, l'arrêté du directoire exécutif du 3 ventôse an 5, concernant son séjour en Suisse, et l'acte de décès de la demoiselle Davrilly.

» A la vue de ces pièces, et d'après les saisiesarrêts auxquelles elles ont donné lieu de la part du cit. Spiess, le 22 fructidor suivant, les cit Davrilly et Labérardière se sont pourvus chacun

« PreviousContinue »