Page images
PDF
EPUB

§. III. 10 Avant la loi du 12-28 juillet 1791, les maîtres de forges pouvaient-ils, dans le pays de Liége, exploiter, sans le consentement des propriétaires fonciers, les Mines de fer existantes dans les héritages d'autrui ?

2e A qui appartiennent les minerais que les maîtres de forges ont, postérieurement à la publication de la loi du 12-28 juillet 1691, extraits des fonds d'autrui, sans avoir rempli, envers les propriétaires, les formalités prescrites par cette loi (1)?

<< En brumaire an 3 (ai-je dit à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 23 ventôse an 11), le cit. Daoust, maître de forges, domicilié à Hourbes, fit, dans les terres d'une ferme dite Pommereuil, située dans la commune de Ragnies, pays de Liége, et dépendante de l'abbaye de Lobbes, les fouilles nécessaires pour en extraire les Mines de fer qu'elles recélaient dans leur sein.

» Peu de temps après la suppression de l'abbaye de Lobbes, prononcée par la loi du 15 fructidor, an 4, le cit. Daoust, troublé dans son exploitation par le receveur des domaines de Beaumont, parvint à s'y faire maintenir, non pas, comme il l'assure, par un arrêté de l'administration du département de Jemmapes (du moins il n'en rapporte aucune preuve), mais de fait, et d'après un simple avis du directeur des domaines de ce département, daté du 21 frimaire an 5, et motivé sur la fausse assertion avancée par lui, et que personne n'était à même de contredire, que le terrain sur lequel il avait établi ses travaux, n'était point national, et qu'il était autorisé du propriétaire de ce terrain à l'exploiter.

» Le 23 floréal an 6, la ferme de Pommereuil fut vendue par l'État au cit. Lefebvre; et par le procès-verbal d'adjudication, il fut déclaré qu'au milieu des terres de cette ferme, se trouvaient des fosses dont on exploitait la Mine de fer, ce qui avait occasionné deux ou trois bonniers de dommage.

» Le 21 fructidor an 7, le cit. Lefebvre obtint du juge de paix du canton de Thuin, une ordonnance qui défendit au cit. Daoust d'emporter les Mines de fer qu'il avait extraites d'un terrain dépendant de la ferme de Pommereuil, attendu que, d'après la loi du 12 juil. let 1791, il ne pouvait faire cette extraction que de son consentement formel, et en lui payant la valeur de ces Mines.

» De là s'est ensuivie une instance, d'abord

(1) Ces questions appartiennent plutôt à l'article Minière qu'à celui-ci.

devant le tribunal civil du département de Jemmapes, ensuite devant le tribunal de première instance de Charleroy, dans laquelle le cit. Daoust, après avoir articulé, sans en fournir aucune ombre de preuve, qu'il n'avait entrepris et commencé ses fouilles, qu'en vertu d'une concession expresse de l'abbaye de Lobbes, s'est réduit à soutenir que la commune de Ragnies était régie par la charte de la commune de Morialmez, de 1384, et par l'ordonnance de Philippe IV, roi d'Espagne, du 24 octobre 1635, rendue pour le pays de Namur, lesquelles permettent aux maîtres de forges d'ouvrir et d'exploiter les Mines de fer sur les héritages d'autrui.

»Après plusieurs interlocutoires, des enquê tes et des contre-enquêtes, jugement est intervenu, le 25 frimaire an 9, par lequel le tribunal de Charleroy, sur le fondement que l'usage d'extraire les Mines de fer, sans la permis· sion des propriétaires, était prouvé à Ragnies, tant par la charte de Morialmez et l'ordonnance de 1635, que par les enquêtes, et que cet usage valait concession, maintenait indéfiniment le cit. Daoust dans son entreprise, à la charge de payer au cit. Lefebvre le prix de tous les minerais extraits depuis son acquisition.

rendu, le 13 messidor an 9, par le tribunal d'ap» C'est sur l'appel de ce jugement, qu'a été pel de Bruxelles, le jugement dont le cit. Daoust vous demande aujourd'hui la cassation. Il contient quatre dispositions distinctes.

[ocr errors]

10 Il décide qu'en matière d'exploitation ni l'ordonnance rendue en 1635 pour le pays de de Mines, ce n'était ni la charte de Morialmez, Namur, qui, avant la réunion du pays de Liége à la république française, faisait loi dans la commune de Ragnies; que cette commune n'aLiége, qui attribuait aux seuls propriétaires de vait, à cet égard, d'autre loi que la coutume de la surface, le droit d'ouvrir et d'exploiter les Mines existantes dans leurs héritages, et qui par conséquent rendait leur consentement nécessaire pour l'exercice de ce droit ; qu'ainsi, le cit. Daoust avait, dans l'origine, commis une voie de fait en faisant des fouilles dans les terres de de Lobbes; que l'illégalité de son entreprise Pommereuil, sans l'autorisation des religieux n'avait été couverte par l'énonciation conpas 23 floréal an 6, parceque cette énonciation ne signée dans le procès-verbal d'adjudication du faisant qu'indiquer l'existence des fosses et le dommage qui en était résulté, n'avait pas conféré au cit. Daoust plus de droits qu'il n'en avait auparavant; que la loi du 12-28 juillet 1791, publiée dans les départemens de l'Ourthe et Jemmapes, le 29 brumaire an 4, n'avait pas

purgé les vices originaires de la possession du cit. Daoust; et que celui-ci ne pouvait pas s'en prévaloir pour suppléer au titre qui lui manquait. » 2o Il décide que les minerais extraits et enlevés par le cit. Daoust, depuis l'acquisition faite par le cit. Lefebvre, de la ferme de Pommereuil, étant la propriété de celui-ci, le cit. Daoust doit en rendre la valeur intégrale, suivant le taux du commerce à l'époque de l'extraction, sous la seule déduction des frais de main-d'œuvre; mais qu'en faisant cette restitution, il ne devra au cit. Lefebvre aucune indemnité pour la dégradation du fonds, puisque, par là, il remettra le cit. Lefebvre dans le même état que s'il eût exploité lui-même.

» 30 Il décide que le cit. Daoust ne peut pas enlever les minerais actuellement extraits et encore existans sur le terrain, parceque nul ne peut, sans son fait et consentement, être dépouillé de sa propriété; et que, puisque ces minerais appartiennent au cit. Lefebvre, ils doivent demeurer à sa disposition, tant qu'il peut les saisir en nature.

» 4° Il décide que néanmoins les frais d'extraction de ces mêmes minerais doivent être remboursés le cit. Lefebvre au cit. Daoust, par parceque l'équité ne permet pas que l'on s'enrichisse des dépenses d'autrui, quoique faites illégalement.

»De ces quatre dispositions, le cit. Daoust attaque les trois premières, et il vous les présente » Comme faisant une fausse application de l'art. 13 du chap. 5 de la coutume de Liége; »Comme violant les art, get to du chap. 9 de la même coutume;

>> Comme contraire aux art. 4 et 20 du tit. 1, et aux art. 2, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 du ftit. 2 de la loi du 12-28 juillet 1791;.

» Comme enfreignant l'art. 20 du tit. 2 de la même loi.

Voilà donc quatre moyens de cassation à discuter; et d'abord, il s'agit de savoir si c'est par une exacte ou par une faussé application de l'art. 13 du chap. 6 de la coutume de Liége, que le tribunal d'appel de Bruxelles a décidé qu'avant la publication de la loi du 12-28 juillet 1791, le cit. Daoust n'avait aucun titre légitime pour exploiter les Mines de fer existantes dans les terres de Pommereuil?

» Sur cette première question, le cit. Daoust n'invoque plus devant vous la charte de Morialmez et l'ordonnance du roi d'Espagne de 1633, comme faisant loi par elles-mêmes dans la commune de Ragnies, mais uniquement comme des preuves écrites de la jurisprudence des pays voisins de cette commune, sur l'exploitation des Mines de fer; et suivant lui, il en TOME X.

résulte que, dans cette commune, tout mattre de forges avait, par sa seule qualité, le droit d'exploiter les Mines qui se trouvaient dans le terrain d'autrui, lorsque le propriétaire de ce terrain ne les exploitait pas personnellement. » A la vérité, continue-t-il, l'art. 13 du chap. 6 de la coutume de Liége suppose manifestement que les Mines existantes dans un fonds, appartiennent au propriétaire de ce fonds; mais, d'une part, il n'y est question que des Mines ouvertes par le propriétaire lui-même, et non de celles que la terre recèle encore dans son sein; de l'autre, il est constant que les Mines non encore ouvertes ont toujours élé, dans le pays de Liége, à la disposition des maîtres de forges, à moins que les propriétaires fonciers ne voulussent les exploiter eux-mêmes.

» En un mot, dit. le cit. Daoust, le propriétaire du fonds avait un droit de préférence pour l'exploitation de la Mine; s'il voulait l'exploiter lui-même, il excluait le maître de forges; mais s'il ne voulait pas l'exploiter, le maftre de forges prenait sa place de plein droit; il ne fallait à celui-ci ni permission ni eoncession du propriétaire ; et cela est si vrai, qu'aux termes de l'art. 10 du chap. 9 de la coutume de Liége, celui qui, au vu et su du propriétaire foncier, ouvre, c'est-à-dire, travaille, commence et poursuit les travaux nécessaires à l'exploitation d'une Mine, pendant l'espace de quarante jours, acquiert, par cela seul, les prises de tel fonds, en payant au propriétaire le droit de terrage accoutumé, expressions qui désignent la redevance à laquelle l'usage avait fixé l'indemnité de celui-ci.

A tout cela, le cit. Lefebvre oppose deux ordonnances du ci-devant prince de Liége, des 14 juin 1756 et 13 juillet 1758, dans lesquelles il croit trouver la preuve que le cit. Daoust n'aurait pas pu, avant la publication de la loi du 12-28 juillet 1791,ouvrir une Mine de fer dans le pays de Liége, même avec le consentement des propriétaires du fonds; et voici comment il raisonne.

» Le cit. Daoust était étranger au pays de Liége; le lieu d'Hourbes dans lequel il était domicilié et où il avait sa forge, faisait partie du Hainaut autrichien. Or, par les deux ordonnances dont il s'agit, il était défendu à tout étranger d'exploiter aucune Mine de fer du pays de Liége. Donc le cit. Daoust n'aurait pas pu, quand même les anciens propriétaires de la ferme de Pommereuil y auraient consenti, extraire le minerai des terres dépendantes de cette ferme.

» Mais d'abord, il n'est pas bien constant que le lieu d'Hourbes ne fût pas, au moins en partie, situé dans le pays de Liége.

21

pas.

>> Ensuite, le cit. Lefebvre fait dire aux ordonnances de 1756 et 1758 ce qu'elles ne disent Elles défendent bien l'exportation du minerai hors du pays de Liége; mais elles n'exigent pas qu'on soit domicilié dans ce pays, pour y pouvoir exploiter une Mine de fer. Les étrangers étaient donc admis à cette exploitation, comme les indigènes; seulement il ne leur était pas permis d'emporter leurs minerais hors du pays de Liége; et sans doute, ils pouvaient ou les vendre, ou les convertir euxmêmes en gueuses dans des forges que rien ne les empêchait d'avoir dans ce pays.

>> Les ordonnances de 1756 et 1758 ne peuvent donc être ici d'aucun secours au cit. Le febvre. Mais le système du cit. Daoust ne nous en paraît pas pour cela mieux fondé.

>>Il est certain que la coutume de Liége conserve aux propriétaires le domaine libre, independant, absolu, des Mines existantes dans leurs fonds; et pour nous en convaincre, il suffira de rapprocher ses dispositions des lois romaines, leurs interprètes naturelles... (1). » Ainsi, dans le dernier état de la législation romaine, les Mines même de marbre ne pouvaient être ouvertes et exploitées que par les propriétaires fonciers, ou de leur consente

ment.

» C'est sur le modèle de cette législation, qu'ont été rédigées les dispositions de la coutume de Liége, relatives aux Mines.

» L'art. 13 du chap. 6 est ainsi conçu : Le transporteur d'héritage se peut réserver toutes Mines de houilles (charbon de terre) et autres ; et par telle réserve, lui, ses hoirs et représentans demeurent maîtres et seigneurs de telles Mines: autrement, s'il n'y a retenue, passent au domaine du preneur, qui en peut faire son bon plaisir, pourvu que l'héritage demeure à toujours suffisant pour ses charges. Dans cet article, comme vous le voyez, la coutume n'a pas pour objet direct de déclarer que les Mines appartiennent au propriétaire du fonds; mais considérant ce point de droit comme incontestable, elle le prend pour règle de décision entre le vendeur et l'acquéreur d'un héritage dans lequel il se trouve des Mines; et elle veut que les Mines soient censées comprises dans la vente, s'il n'en a pas été fait une réserve expresse.

>> On ne peut certainement rien de plus clair ni de plus positif. Cependant le cit. Daoust prétend que cette disposition est restreinte aux Mines ouvertes au moment de la vente. Il én résulte bien, suivant lui, que le vendeur, en se

(1) Ici, j'ai placé des développemens que je sup prime, parcequ'ils se retrouvent ci-dessus, §. 1,

11 I.

et

réservant les Mines dont il a entrepris l'exploitation, en demeure maître et seigneur, qu'à défaut de réserve de sa part, elles passent au domaine de l'acquéreur, qui en peut faire son bon plaisir. Mais il en est autrement des Mines qui, à l'époque de la vente, ne sont pas encore ouvertes: la coutume ne s'explique pas sur celles-ci, et il est tout naturel de regarder son silence à leur égard, comme une preuve que le premier venu peut les exploiter, si le propriétaire du fonds ne le prévient pas. » Où le cit. Daoust a-t-il donc la couvu que tume ne parle dans l'article cité, que des Mines ouvertes au moment de la vente ? Cet article porte sur toutes les Mines de houilles et autres, et bien évidemment le mot toutes comprend les Mines non ouvertes comme les Mines ouvertes; rien d'ailleurs, de ce qui le précède ni de ce qui le suit, ne conduit à la moindre distinction

entre les unes et le autres.

» Mais ce qui écarte absolument toute idée de différence entre celles-ci et celles-là, c'est qu'à la fin de l'article, il est dit que l'acquéreur, à défaut de réserve de la part du vendeur, peut en faire son bon plaisir, pourvu que l'héritage demeure à toujours suffisant pour les charges. Qu'est-ce que faire son plaisir d'une Mine existante dans un fonds? C'est en disposer en maître absolu, et comme dit la coutume, en seigneur. C'est par conséquent l'ouvrir ou ne la pas ouvrir, l'exploiter ou ne la pas exploiter, suivant qu'on le juge à propos. Et puis, que signifient ces dernières expressions de l'article, pourvu que l'héritage demeure à toujours suf fisant à ses charges? Elles signifient que, si le fonds dans lequel se trouve une Mine, est grevé d'une rente foncière, la faculté d'ouvrir et d'exploiter cette Mine, demeurera subordonnée à la suffisance de ce qui restera du fonds pour faire face à la rente. Elles signifient par conséquent que le propriétaire ne pourra pas ouvrir et exploiter la Mine, s'il doit en résulter pour l'héritage une dégradation préjudiciable aux droits du créancier. Et par conséquent en- . core, elles signifient que les Mines non encore ouvertes sont comprises dans la disposition de cet article, tout aussi bien que les Mines actuellement ouvertes.

» C'est encore des Mines non ouvertes au temps où prend naissance le droit d'usufruit sur un fonds, qu'il est question dans l'art. 20 du chap. II; voici ce que porte cet article: S'il y a houilles ou Mines sous les héritages dont le survivant est usufructuaire et l'enfant propriétaire, en cas qu'on les ouvre, moitié des profits appartient à l'usufructuaire, et l'autre moitié au propriétaire.

la

» Il n'y a là ni obscurité ni équivoque. La coutume décide nettement que les Mines non

encore ouvertes, font partie de la propriété du fonds la distinction imaginée par le cit. Daoust, est donc, à tous égards, insoutenable.

» Il est, après cela, bien indifférent que, dans le Namurois, il ait été, par l'ordonnance de 1635, permis aux maîtres de forges de fouiller les Mines dans les héritages d'autrui, sans le consentement des propriétaires. Il est, après cela, bien indifférent que cette permission ait été accordée aux maîtres de forges, par une loi particulière, dans une commune du pays de Liége, dans celle de Morialmez. La législation du Namurois n'avait rien de commun avec la législation Liégeoise; et la preuve que la législation Liégeoise différait essentiellement sur ce

point de la législation du Namurois, c'est qu'il a fallu une loi expresse pour étendre celle-ci à la commune de Morialmez, et pour soustraire cette commune à celle-là.

» Le cit. Daoust n'est pas plus heureux dans les inductions qu'il cherche à tirer de l'art. 11 du chap. 9 de la coutume de Liége. De ce que cet article donne les prises du fonds à celui qui, au vu et su du propriétaire, en a extrait la Mine pendant quarante jours, le cit. Daoust prétend conclure que le propriétaire n'a, pour l'extraction de la Mine, qu'un droit de préférence sur le maître de forges ; et que si le maître de forges le gagne de vitesse, ce droit de préférence est perdu pour lui.

» Mais, d'une part, l'article dont il s'agit, exige que le maître de forges ait travaillé pendant quarante jours sur le fonds, au vu et su du propriétaire, pour qu'à ce titre, il ait droit à ce que la coutume appelle les prises du fonds: cet article ne lui donne donc pas droit aux prises du fonds, par cela seul qu'il a gagné le propriétaire de vitesse..

» D'un autre côté, cet article n'embrasse pas dans sa disposition les Mines de toute nature. Sa disposition est limitée aux Mines de houilles ou charbons de terre ; et l'on conçoit très-bien comment la coutume a pu se déterminer à accorder un pareil privilége aux extracteurs d'un combustible aussi universellement nécessaire. La coutume n'a fait, à cet égard, pour eux, que ce qu'avaient fait les empereurs Constantin, Julien et Théodose pour les extracteurs de marbre.

» Aussi Deméan, dans sa cent dix-septième observation sur le Jus civile Leodiensium, établit-il que cette disposition de la coutume n'est pas applicable à toutes les Mines, mais qu'elle est particulière aux Mines de houilles. On ne peut pas (ce sont ses termes) entrer dans le fonds d'autrui, sans le consentement du propriétaire, , pour y fouiller des métaux et y

couper des pierres, à moins qu'on n'y soit autorisé par la coutume, comme on l'est par celle de Liége, relativement à la houille: invito domino, non licet alienum fundum ingredi perquirendorum metallorum et cædendorum lapidum causâ, nisi ex consuetudine; QUALIS

EST CONSUETUDO LEODIENSIS IN MATERIA HULLA -RIA.

» Par là, se trouve réfuté, à l'avance, le moyen de cassation que le cit. Daoust fait résulter de ce qu'il avait exploité les Mines litigieuses pendant plus de quarante jours, au vu et su des propriétaires, et sans réclamation de leur part.

>> Il est évident, en effet, que le tribunal d'appel de Bruxelles n'a pas violé l'art. 10 du chap. 9 de la coutume, en le jugeant inapplicable aux Mines de fer; il est évident, au contraire, qu'il lui aurait donné une extension illégale, qu'il l'aurait déplacé, qu'il en aurait abusé sans raison ni justice, s'il eût pris sur lui d'en faire l'application à ces sortes de Mines.

[ocr errors]

D'après cela, c'est bien inutilement que le cit. Daoust cherche encore à se prévaloir devant vous des circonstances qu'il invoquait devant le tribunal d'appel à l'appui de sa défense.

» Car, premièrement, qu'importe que les religieux de Lobbes n'aient élevé aucune réclamation contre lui, lorsqu'il s'est ingéré d'ouvrir et d'exploiter leurs Mines de fer? Quand on supposerait qu'ils ont eu connaissance de son entreprise, quand on supposerait qu'ils eussent pu la sanctionner, sans délibération capitulaire, et sans les autres solennités requises pour l'aliénation d'une partie de leurs propriétés, toujours restera-t-il constant qu'il n'existe, de leur part, aucune preuve écrite de concession; et dès-là, nul doute que l'entreprise du cit. Daoust n'ait conservé, tout le temps qu'a existé l'abbaye de Lobbes, son caractère primitif de voie de fait c'est même ce qui résulte de la déclaration du ci-devant religieux Delpier, dont le cit. Daoust vient de vous faire lecture. Que porte-t-elle en effet? Rien autre chose, si ce n'est que, dans le courant du mois d'octobre 1794, correspondant au mois de brumaire an 3, le cit. Daoust a ouvert les Mines litigieuses, en vertu de la permission que lui en avait donnée verbalement un simple religieux, retiré alors de son abbaye, dans l'absence de ses supérieurs, dans l'absence même de tous ses confrères, alors émigrés ou dispersés ; et certainement, un simple religieux n'a pas pu donner légalement une permission semblable; certainement cette permission, si elle a été réellement donnée, n'a pas pu former, pour le cit. Daoust, un titre légitime de concession.

[ocr errors]

⚫ Qu'importe encore qu'après la suppression de l'abbaye de Lobbes, le cit. Daoust, sur le faux exposé que le terrain sur lequel il faisait ses fouilles, n'appartenait pas à l'État, ait obtenu la main-levée des défenses que le receveur des domaines de Beaumont lui avait faites de les continuer? Il est bien évident que cette main-levée n'a pas pu purger les vices originaires de son entreprise; et que ce qui était voie de fait de sa part avant cette main-levée n'a pas pu devenir, par cette main-levée, un acte légitime.

» Qu'importe encore que, dans le procès-verbal d'adjudication de la ferme de Pommereuil, il ait été énoncé qu'on avait ouvert et qu'on exploitait des Mines de fer dans quelques pièces de terres dépendant de cette ferme? Cette énonciation n'avait certainement pas pour objet de donner au cit. Daoust, des droits qu'il n'avait pas; elle tendait bien plutôt à avertir l'adjudicataire qu'il pouvait avoir des droits à exercer contre le cit. Daoust lui-même. Elle a donc laissé le cit. Daoust dans l'état où il se trouvait depuis le commencement de ses fouilles, c'est-àdire, dans l'état d'un homme qui s'est emparé, par voie de fait, de la propriété d'autrui, et qui n'a légalisé cette voie de fait par aucun acte postérieur.

D

Qu'importe enfin que le cit. Lefebvre ait, après son adjudication, laissé écouler près de quinze mois sans se pourvoir contre le cit. Daoust? Il était tout simple qu'avant de se pourvoir, il s'assurât, par des recherches toujours peu faciles, surtout pour un cultivateur peu habitué par état aux affaires litigieuses, si le cit. Daoust avait un titre légal pour exploiter les Mines existantes dans les terres qu'il venait d'acquérir. Et vouloir que son seul silence ait puritié les vices de la possession du cit. Daoust, c'est vouloir que la disposition de l'art. 10 du chap. 9 de la coutume de Liége soit commune aux Mines de toute nature; et encore une fois cette disposition est limitée aux Mines de charbon de terre.

» Il est donc bien démontré que le jugement du tribunal d'appel de Bruxelles n'a ni faussement appliqué l'art. 13 du chap. 6, ni violé l'art. 10 du chap. 11 de la coutume de Liége.

» Mais il nous reste à examiner si, comme le prétend le cit. Daoust, ce jugement a enfreint la loi du 12-28 juillet 1791.

» Les dispositions de cette loi auxquelles le cit. Daoust soutient qu'il a été contrevenu par le tribunal d'appel, peuvent être rangées en quatre séries.

» Les art. 4 et 20 du titre premier forment la première.

>> La seconde est formée de l'art. 2 du second titre.

» La troisième comprend les art. 6, 7, 8, 9,

10 11 et 12 du même titre.

[ocr errors]

» Et l'art. 20 du même titre forme la quatrième.

>> Que portent donc les articles de la première série, c'est-à-dire, les art. 4 et 20 du titre premier? Une seule chose : c'est que les anciens concessionnaires qui ont découvert des Mines, sont maintenus dans leur concession, sauf que, si elle a été faite par plus de cinquante ans encore à courir, elle doit être réduite à cet espace de temps.

» Mais d'abord le cit. Daoust n'avait point de concession avant la publication de la loi du 12-28 juillet 1791.

Ensuite, dans les deux articles cités du premier titre de cette loi, il n'est point question des concessionnaires de Mines de fer. Comme l'observe le cit Daoust lui-même, les Mines de fer sont, dans cette loi, l'objet spécial du titre second; les dispositions du titre premier leur sont étrangères.

» A l'égard de l'art. 2 du second titre, compose la deuxième série des textes invoqués qui par le cit. Daoust, il se borne à déclarer qu'il ne pourra, à l'avenir, être établi aucune usine pour la fonte des minerais, qu'ensuite d'une permission du corps législatif; et la seule conséquence que l'on puisse en tirer pour le cit. Daoust, c'est l'établissement de sa que forge d'Hourbes étant anterieur à cette loi, on ne peut pas argumenter de cette loi pour l'obliger à la détruire. Mais aussi le jugement attaqué n'a pas ordonné la destruction de la forge du cit. Daoust. Cet article est donc sans application à la difficulté qui nous occupe.

» Les textes de la troisième série, c'est-àdire, les art. 6, 7, 8, 9, 10, 1 i et 12 du tit. 2, ont un rapport direct avec cette difficulté ; mais de quelle manière la résolvent-ils ? Est-ce en faveur du cit. Daoust? Est-ce, au contraire, dans le sens du jugement du tribunal d'appel? C'est ce que ces articles eux-mêmes vont nous apprendre.

» Aux termes de l'art. 6, la permission d'établir une usine pour la fonte des minerais, emporte avec elle le droit d'en faire des recherches, soit avec des sondes à ce destinées, soit par tout autre moyen praticable. Ainsi, par cet article, le législateur applique aux Mines de fer, et il leur applique comme loi permanente, ce que les empereurs Constantin,

Julien et Théodose avaient ordonné momentanément pour les carrières de marbre. Mais est-ce à dire pour cela que le maître d'une forge légalement établie, puisse, sans le con

« PreviousContinue »