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ou de permettre à d'autres d'exploiter, les Mines de charbon existant dans leurs hautesjustices, sans l'autorisation préalable du gouvernement.

Mais ce droit, en redevenant régalien, cessat-il, pour cela, d'être seigneurial dans les trois provinces dont il s'agit?

Non, car le réglement n'abrogeait pas plus, soit les art. 61 et 70 des coutumes d'Anjou et du Maine, soit les art. 1 et 2 du chap. 130 des 'chartes générales du Hainaut, qu'il n'abrogeait, relativement aux autres parties de la France, les dispositions des anciennes ordonnances qui accordaient aux propriétaires des fonds où se trouvaient des Mines de charbon, la préférence sur les concessionnaires du gouvernement. Il ne faisait qu'imposer aux seigneurs hauts-justiciers, dans ces trois provinces, comme aux propriétaires des fonds, dans toutes les autres, l'obligation de se munir d'une autorisation du gouvernement, pour pouvoir exercer leur droit; et il est clair, dès-lors, que, dans ces trois provinces, les seigneurs hauts-justiciers restèrent maîtres, ni plus ni moins que les propriétaires de fonds dans toutes les autres, d'évincer les concessionnaires du gouvernement, en se faisant subroger à leurs concessions. En un mot, ce réglement concentrait bien dans le gouvernement le pouvoir de faire les concessions de Mines de charbon de terre, en Hainaut, en Anjou, dans le Maine, comme partout ailleurs; mais, en ôtant ce pouvoir aux seigneurs hauts. justiciers de ces trois provinces, il les maintenait virtuellement dans une sorte de droit de veto sur les concessions royales.

Et ce qui prouve que c'était dans cet esprit qu'il avait été rédigé, c'est que ce fut dans ce sens que la question fut jugée, pour le Hainaut français et pour l'Anjou, par les six arrêts du conseil de 1749, 1754, 1755, 1756 et 1771, qui sont cités plus haut, §. 1, no 1; mais ce qui est encore plus décisif, c'est que telle fut la condition expresse qu'imposa à la compagnie des Mines d'Anzin, l'arrêt du conseil du 1er mai 1759, qui lui permit d'ouvrir et d'exploiter exclusivement à tous autres, pendant l'espace de quarante années, à compter du 1er juillet 1760, toutes les Mines de charbon qui étaient ou pourraient se trouver dans l'étendue de terrain qu'il déterminait : « à la charge par eux (y » était-il dit) de se conformer au réglement du 14 janvier 1744, et à condition qu'ils ne pour»ront en ouvrir (des Mines de charbon) sur les » terres des seigneurs hauts-justiciers....., qu'a. près les avoir fait sommer dexploiter eux» mêmes les Mines qui pourraient se trouver » sous ledits terrains, et que, faute par eux de » s'être mis en devoir d'exploiter lesdites Mines,

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» après en avoir obtenu la permission de S. M., qui leur est nécessaire, dans les six mois à >> compter du jour de la sommation qui leur » aura été faite, lesdits sieurs prince de Croy » et compagnie pourront exploiter lesdites Mi»nes, en vertu du présent arrêt, en dédom» mageant par eux de gré à gré, ou à dire » d'experts, ceux SUR les terrains desquels ils » feront ladite exploitation ».

buaient aux seigneurs hauts-justiciers sur les Ainsi, le droit que les chartes générales attriMines de charbon, ne fut pas abrogé, mais seulement modifié par le réglement de 1744; et les seigneurs hauts-justiciers conservèrent toujours, tant qu'il subsista, le droit de dire aux concessionnaires du gouvernement : « ou ache» tez de nous la renonciation à la faculté que >> nous avons de nous faire subroger à votre con>> cession, ou nous allons vous évincer » ; et certes, c'était une continuation bien évidente, quoiqu'incomplète, de leur ancien droit d'avoir en terre non extrayé.

Aussi, les entrepreneurs des Mines d'Anzin prirent-ils le parti de traiter avec les seigueurs hauts-justiciers des lieux qu'embrassait leur concession, du droit qu'ils avaient de la paralyser, en s'en faisant donner de pareilles ; et c'est une vérité que confirme bien clairement un arrêt du conseil du 6 juillel 1787.

Ces entrepreneurs avaient exposé au roi «que » les dépenses extraordinaires que leurs travaux » exigeaient, étaient encore augmentées par les >> redevances qu'ils étaient obligés de payer aux » seigneurs des terres sur lesquelles ils exploi» taient ; qu'en effet, et suivant les art. 1 et 2 » du chap. 130 des chartes et coutumes de Hai» naut, il était dû à ces seigneurs un droit de » charbonnage ; que, par des actes du 23 no»vembre 1765 et du 15 septembre 1786, ils » avaient traité, sous le bon plaisir de S. M., de » ces objets avec l'abbaye de Saint-Amand et le chapitre noble de Sainte-Renfroy de Denain; » que, par le premier de ces actes, l'abbaye de >> Saint-Amand avait accordé aux exposans le » droit d'extraire du charbon dans sa terre et » seigneurie d'Escaupont, à la charge de l'in» demniser des dommages et de lui payer an>> nullement 600 livres, jusqu'à ce qu'ils eussent >> trouvé du charbon, et une somine de 2,000 » livres, au lieu de 600, à compter du jour que » se ferait l'extraction : que, par le second, le » chapitre noble de Sainte-Renfroy leur avait ▾ cédé le droit de charbonnage dans l'étendue » des terres et seigneuries de Denain et Hau>> chin, à condition de payer annuellement, tant qu'on n'extrairait point sur lesdites terres,6 ,600 » livres ; tant qu'on n'extrairait que sur l'une,

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» 2,400 livres; et lorsqu'on extrairait sur les deux » ensemble, 4,800 livres ».

L'arrêt cité approuve et confirme lesdits » actes, et veut qu'ils soient exécutés, sans que >> les conventions qu'ils renferment, puissent » être attaquées sous prétexte des disposi» tions de l'édit du mois d'août 1749, concer>> nant les gens les main-mortes ».

la

Mais, ce qui mérite encore une attention bien particulière dans l'arrêt de concession de la compagnie d'Anzin, du 1er mai 1759, c'est la restriction qu'il faisait aux seigneurs hautsjusticiers, de la faculté de se faire subroger à cette compagnie : c'est qu'il ne laissait pas même faculté aux propriétaires des fonds, quoiqu'elle fût de droit pour eux dans les parties de la France où les seigneurs n'avaient pas sur les Mines la même pérogative qu'en Hainaut; c'est qu'il n'obligeait la compagnie,envers les propriétaires des fonds, qu'à dédommager SUR les terrains desquels elle ferait ladite exploitation.

ceux

Et remarquons bien qu'il ne disait pas sous, mais SUR les terrains : preuve évidente et sans réplique qu'aux yeux du gouvernement,comme d'après l'esprit des chartes générales du Hainaut, les propriétaires n'avaient aucun droit aux produits des Mines existant sous leurs fonds; et qu'en cas d'extraction de ces richesses souterraines, ils n'avaient à réclamer que la valeur du dommage que l'ouverture des fosses avait causé à la surface.

Il existe deux autres arrêts de concession, l'un du 27 janvier 1757, l'autre du 31 janvier 1769, qui mettent ce principe dans un plus grand jour encore.

Par ces arrêts, le roi concédait à un particulier, le droit qu'il avait,comme seigneur hautjusticier de quelques parties de la banlieue de Valenciennes, aux Mines de charbon qui s'y trouvent ; et non seulement il ne réservait pas aux propriétaires de la surface (comme il avait réservé aux seigneurs hauts-justiciers par l'arrêt de concession de la compagnie d'Anzin) la faculté de se faire subroger aux concessionnaires, mais il n'obligeait le concessionnaire qu'à dédommager les propriétaires des terrains qu'il prendrait pour faire ses recherches et établir ses ouvrages, de gré à grẻ ou à dire d'experts (1).

(1) Voici le second de ces arrèts qui rappelle le premier.

« Sur la requête présentée au roi en son conseil, par le sieur Laurent, contenant qu'il appartient à S. M., en Hainaut, A CAUSE DE SA HAUTE-JUSTICE, un droit d'entre-cens, qui, suivant la coutume de cette province, consiste dans la faculté d'extraire les Mines de charbon; que, par arrêt du conseil, du 27

Voyons maintenant quels nouveaux changeinens la législation sur les Mines de charbon, éprouva dans le Hainaut français, par l'effet des décrets du 4 août 1789, quels changemens ces décrets opérèrent dans cette même législation, par rapport au Hainaut ci-devant autrichien, lorsqu'ils y furent promulgués après la réunion de ce pays à la France ; et à qui appartint, dans l'une et l'autre contrée, depuis la promulgation de ces décrets jusqu'à celle du 12-28 juillet 1791, le droit d'ouvrir et d'exploiter les Mines de charbon.

Les justices seigneuriales ayant été supprimées par les décrets du 4 août 1789, avec elles s'est nécessairement éteint le droit que les chartes générales du Hainaut avaient jusqu'alors attribué aux seigneurs hauts-justiciers sur les Mines de charbon.

De là résulte, pour le Hainaut français, une conséquence irrésistible: c'est qu'à compter de la promulgation de ces décrets, le gouvernement n'a plus eu besoin du concours des seigneurs hauts-justiciers, pour concéder les Mines de charbon dans cette partie du Hainaut; c'est que, dès-lors, les concessionniaires du gouvernement n'eurent plus ni trouble, ni éviction, ni subrogation à craindre de la part des ci-devant seigneurs; c'est que les propriétaires des fonds sous lesquels il existait des Mines de charbon, se sont retrouvés, tant à l'égard du gouvernement qu'à

janvier 1757, S. M. Iui aurait fait concession de ce droit sur les Mines de charbon qui pourraient se trouver dans la partie de la banlieue de Valenciennes qui s'étend le long de la rive droite de l'Escaut, y compris Saint-Saulve, la Briquette et Marly, aux conditions y portées; qu'il se trouve des enclavemens ou petits terrains appartenant à S. M., tels que le boisle-prince, une partie du bois provenant de la terre des Francs, et d'autres parties de terres dans la banlieue de Valenciennes, rive gauche de l'Escaut, sur lesquelles il serait à désirer qu'il pût porter ses recherches de houille; qu'en conséquence, il suppliait S. M. de vouloir bien lui faire concession de son droit d'entre-cens sur ces terres; qu'il offrait en outre de payer annuellement au domaine de S. M. une rente de 150 livres, jusqu'à l'époque de la première extraction, et celle de 1,000 livres, depuis le jour où il parvien drait à extraire; et qu'il s'obligeait de dédommager les propriétaires des terrains SUR lesquels il établirait ses travaux, de gré à gré ou à dire d'experts...;.

>> Le roi, en son conseil, a fait et fait concession au suppliant du droit d'entre-cens appartenant à S. M., et faculté d'extraire les Mines de charbon (dans les parties de terres ci-dessus désignées), à la charge de payer annuellement au domaine de S. M. une rente de 150 livres, et de dédommager les propriétaires des terrains qu'il prendra pour faire ses recherches et établir ses travaux, de gré à gré ou à dire d'experts.....

l'égard de ces concessionnaires, dans la même été rangées parmi les droits régaliens; et il

position qu'auparavant.

Et il suit également de là, avec la même évidence, que, dans le Hainaut ci-cevant autrichien, le gouvernement est rentré dans le droit exclusif qu'il avait laissé usurper sur lui par les seigneurs hauts-justiciers, de permettre l'ouverture et l'exploitation des Mines de charbon; en sorte que, dans cette partie du Hainaut, comme dans celle qui était réunie à la France depuis plus d'un siècle, les propriétaires du sol n'ont rien gagné, sous le rapport des Mines de charbon, à l'abolition des justices seigneuriales.

:

Mais ce n'est pas ainsi raisonnent les cique devant seigneurs hauts-justiciers qui étaient en même temps propriétaires des fonds sous les quels se trouvaient des Mines de Charbon : les décrets du 4 août 1789 les conduisent à un tout autre résultat Ces décrets, disent-ils, ayant converti en francs-alleux, ainsi que l'a formellement déclaré la loi du 27 septembre 1790, tous les biens ci-devant féodaux ou censuels, il s'ensuit nésessairement que, par l'effet de ces décrets, la propriété des Mines a été rendue aux propriétaires des ci-devant fiefs et mainfermes.

Là-dessus, deux observations.

que

1o Si la propriété des Mines a été rendue par les décrets du 4 août 1789, aux propriétaires des ci-devant fiefs et mainfermes, ceux-ci, suivant les ci-devant seigneurs, ne l'avaient donc pas précédemment; ils étaient donc précédemment, suivant eux, de la même condition les propriétaires fonciers d'Allemagne, où, comme on l'a vu plus haut, le domaine privé se borne à la surface des terres (privatorum dominium ultrà solam superficiem agri aut prædii non extendit); ils n'avaient donc pas même le stérile avantage dont pouvaient se targuer les propriéraires des fonds dans l'intérieur de la France, d'avoir la propriété réelle des Mines qui s'y trouvaient, quoiqu'ils ne pussent pas y toucher, dans le Hainaut ci-devant autrichien, sans la conces sion des seigneurs hauts justiciers; et dans le Hainaut français, sans une concession du gouvernement que le seigneur haut-justicier n'avait pas frappée de son veto.

Mais les propriétaires des francs-alleux étaient-ils, à cet égard, d'une autre condition que les propriétaires des fiefs et main fermes? Pourquoi les premiers n'étaient-ils pas, avant la révolution, propriétaires des Mines existant sous leurs terrains? Cela provenait-il de la qualité féodale ou censuelle de leurs terres ? On a déjà vu que non. Cela provenait uniquement de ce que les Mines avaient

était égal pour les propriétaires de la surface féodale ou censuelle, que ce droit restât dans les mains du prince, ou que le prince le laissât exercer par les seigneurs. Que le prince l'exerçât lui-même ou qu'il en abandonnât l'exercice aux hauts-justiciers, à titre de profit et émolument de leurs fonctions publiques, suivant l'expression de l'art. 3 du chap. 105 des chartes générales, la condition des propriétaires de la surface n'en était ni meilleure ni pire; et dans un cas, comme dans l'autre, ils se trouvaient toujours dénués de toute espèce de droit sur les Mines.

Eh bien! Qu'ont fait les décrets du 4 août 1789, en supprimant les justices seigneuriales? Ils ont, et rien de plus, retiré des mains des ci-devant seigneurs hauts-justiciers, un droit régalien qui leur avait été précédemment délégué. Ils l'ont donc restitué au souverain dans dans toute sa plénitude; car ils ne l'ont dénaturé, ils ne lui ont pas ôté son caractère de droit royal et domanial; ils ne l'ont donc pas rendu aux propriétaires des fonds; les propriétaires des fonds ne l'ont pas recouvré, en devenant francs-tenanciers.

pas

Et dans le fait, les propriétaires de francsalleux du Hainaut français avaient-ils eu, dans l'intervalle de 1744 à 1789, plus de droit que les propriétaires de fiefs et de main fermes, sur les Mines de charbon? Le réglement de 1744 les distinguait-il de ceux-ci? Le droit régalien sur les Mines n'affectait-il pas également tous les terrains, soit que la surface en fût féodale, soit qu'elle fût censuelle, soit qu'elle fût allodiale?

20 Veut-on ne pas nier formellement qu'avant les décrets du 4 août 1789, le droit d'ouvrir et d'exploiter les Mines ne fut un droit régalien, relativement aux francs-alleux, comme il était seigneurial relativement aux fiefs et aux mainfermes, dans le Hainaut ci-devant autrichien, comme il était à la fois régalien et seigneurial, relativement aux mêmes biens, dans le Hainaut français ? Veut-on seulement dire qu'en dépit de toutes les fictions d'économie politique et fiscale, les propriétaires de surfaces allodiales étaient, même alors, propriétaires de Mines qui se trouvaient dessous? Ne veuton, par là, qu'arriver à cette conséquence, que le droit exclusif qu'avaient alors, soit le gouvernement, soit les seigneurs hauts-justiciers, de permettre l'exploitation des Mines, n'en constituait pas véritablement la propriété foncière?

Nous convenons de tout cela.

Mais nous disons aussi qu'il n'y avait, à cet égard, avant les décrets du 4 août 1789, aucune

différence entre les propriétaires de surfaces allodiales, et les propriétaires de surfaces féodales et censuelles.

Nous disons aussi que, nonobstant, soit le droit exclusif que les seigneurs hauts-justiciers du Hainaut ci-devant autrichien avaient à l'exploitation des Mines de charbon, dans les fiefs et les main fermes, soit la part que les seigneurs hauts-justiciers du Hainaut fancais avaient au droit exclusif du gouvernement dans les biens de la même nature, les propriétaires de ces biens n'en étaient pas moins également propriétaires des Mines de charbon que recélaient leurs terres.

Nous disons aussi que, soit ce droit exclusif, soit cette participation au droit exclusif du gouvernement, ne conférait aux seigneurs hauts-justiciers, que la faculté exclusive de rechercher et d'extraire de leur propre mouvement, dans le Hainaut ci-devant autrichien, et moyennant l'autorisation préalable du gouvernement, dans le Hainaut français, les substances minérales des fiefs et des mainfermes; et que c'est parceque cette faculte ne formait pas pour eux une propriété foncière et pleinement acquise, qu'ils l'ont perdue par l'effet des décrets de 1789.

Mais à quoi toute cette argumentation abou. tira-t-elle en définitive? Une propriété qui n'était ni ne pouvait être d'aucune utilité, soit au feudataire, soit au censitaire, soit au franc-tenancier, et que la puissance publique, soit qu'on l'appelât gouvernement, soit qu'on la qualifiât de haute-justice, pouvait seule mettre en valeur ; une propriété souterraine qui ne donnait à ceux qui en étaient investis, qu'une action en dédommagement des dégats causés à la surface de leurs terrains par les entrepreneurs qui l'exploitaient sans leur consentement et même malgré eux, une telle propriété, disons-nous, ne pouvait pas être d'un fort grand prix et ne vaut pas aujourd'hui la peine d'une investigation sérieuse.

C'est cependant sur cette base que repose tout le système des ci-devant seigneurs qui préten dent se faire continuer, comme propriétaires de la surface, les redevances qu'ils ont stipulées en la qualité dont les décrets du 4 août 1789 les ont dépouillés.

Notre titre de haut-justicier est éteint, disent-ils; mais en le perdant, nons avons conservé celui de propriétaire; les redevances que nous avions stipulées comme seigneurs, sont donc, dès-lors, devenues le prix de la jouissance des Mines unie libre à la propriété.

Mais que devient ce raisonnement, lorsqu'on le rapproche des propositions démontrées ci

dessus, qu'avant les décrets du 4 août 1789, les propriétaires fonciers du Hainaut n'avaient sur les Mines existant sous leurs terrains, qu'un droit absolument illusoire, puisqu'ils nè pouvaient le mettre en activité que du consentement de la puissance publique; qu'affranchis, par les décrets du 4 août 1789, du besoin du consentement des seigneurs hauts-justiciers, ils sont demeurés soumis à la nécessité de celui du gouvernement, que le gouvernement pouvait même concéder ces Mines, malgré cux, à des tiers ; et qu'en les indemnisant des dégats causés à la surface de leurs terres, par les travaux de l'exploitation, ces tiers étaient entièrement quittes envers eux ?

Comment accorder des vérités aussi palpables, aussi constantes, avec la prétention de metamorphoser tout-à-coup en redevance due à la propriété, une redevance qui n'a eté stipulée qu'au profit de la haute-justice?

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Pour que cette prétention füt admissible, il faudrait au moins que l'on pût dire aux entrepreneurs des Mines: « vous n'avez, il est vrai, pris d'engagement qu'envers le seigneur hautjusticier; mais ce que le seigneur haut-justi» cier a exigé de vous, le propriétaire a pu éga» lement l'exiger, depuis que, rendu à sa liberté >> naturelle par l'abolition des hautes-justices, » il a recouvré le droit d'exploiter lui-même, >> en cette seule qualité, les Mines existant sous » son terrain; il a donc pris, à votre égard, de » plein droit, et par la seule force des choses, la place du seigneur haut-justicier D.

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Et c'est bien là effectivement le langage des ci-devant seigneurs; mais sur quoi repose-t-il? Sur une supposition chimérique, sur l'idée souverainement fausse et démontrée telle jusqu'à l'évidence, que les propriétaires du Hainaut sont rentrés, par les décrets du 4 août 1789, dans le droit exclusif d'exploiter ou de permettre d'exploiter les Mines de charbon.

Que l'on raisonnât ainsi dans le pays de Liége, on le concevrait. La coutume de ce pays, chap. 6, art. 13, et chap. 11, art. 20, ayant toujours conservé aux propriétaires de la surface, comme on l'a vu plus haut, §. 3, le domaine libre, indépendant, absolu, des Mines existant sous leur sol, il n'y aurait rien d'étonnant qu'une redevance stipulée à titre seigneurial, pour prix de la concession d'une Mine gisant sous une superficie dont le propriétaire en était à la fois le seigneur haut-justicier, fût considérée comme ayant survécu à l'abolition de la haute-justice; et il serait assez naturel de penser que, si, par un mouvement de vanité, le concédant avait pris, dans l'acte de concession, la qualité de seigneur haut-justicier qui ne lui donnait aucun droit de concéder, il n'a

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Mais, dit-on, il est de principe que l'abolition des droits féodaux n'a dú profiter qu'aux propriétaires de la surface.

Ce prétendu principe n'est écrit dans aucune loi; et, vrai sous un rapport, il est faux sous beaucoup d'autres.

Il est vrai, sans doute, en ce sens que le fermier qui, avant 1789, avait pris à bail la superficie d'un bien grevé d'un droit de champart, ou de tout autre semblable, n'a pas pu faire tourner à son profit l'abolition de ce droit, et qu'il a dû en tenir compte à son bailleur. Telle est effectivement la disposition textuelle de la loi du 10 avril 1791.

Mais si vous allez plus loin, si vous prétendez en inférer, par exemple, que l'usufruitier d'un pareil bien n'a pas dû profiter de l'abolition du droit, et que le propriétaire seul a dû en recueillir l'avantage, vous tombez dans une erreur insoutenable.

Il n'y a, en cette matière, qu'un principe bien exact et susceptible d'une application générale c'est que l'abolition des droits féodaux n'a profité qu'à ceux au préjudice immédiat desquels ces droits s'exerçaient, et qui, ces droits mis de côté, se seraient trouvés parfaitement libres.

» Or, au préjudice immédiat de qui s'exerçait, avant les décrets du 4 août 1789, le droit d'avoir en terre non extrayé des seigneurs de Hainaut ? Quels étaient ceux qui, ôté ce droit, auraient pu exploiter ou permettre d'exploiter les Mines ?

Très-certainement ce n'étaient pas les propriétaires fonciers. On l'a déjà dit et démontré, les propriétaires fonciers étaient, indépendamment de ce droit, empêchés d'exploiter les Mines, par le pouvoir exclusif que le gouvernement s'en était réservé. Ils n'avaient rien à gagner à l'abolition de ce droit. Ce n'est donc pas à eux que l'abolition de ce droit a profité. Elle n'a donc profité qu'au gouvernement et à ses concessionnaires, en les débarrassant de la concurrence et du veto des seigneurs hauts-justiciers.

Mais on prétend que, si les redevances imposées par les ci-devant seigneurs hauts-justi

ciers aux entrepreneurs des Mines cachées sous des fonds dont la superfice leur appartenait, ont été abolies, comme redevances seigneuriales, par les décrets du 4 août 1789, elles ont du moins été recréées, comme redevances de la propriété, par les lois des 12-28 juillet 1791 et 21 avril 1810.

Analysons ce nouveau système.

La loi du 12-28 juillet 1791 n'a pas dérogé aux actes de l'ancienne législation, qui, sans se prononcer formellement sur la question de propriété des Mines, la décidaient cependant d'une manière implicite en faveur des propriétaires de la surface, et en même temps placaient ceuxci (au droit de préférence près qu'ils leur laissaient sur les concessionnaires étrangers) dans la même position que s'ils n'avaient eu sur les Mines aucune espèce de domaine réel. !'e n'a fait, à cet égard, que maintenir, par des dispositions nouvelles, la sorte de transaction que les lois précédentes avaient faites sur cette question.

Mais ce qui prouve qu'elle n'a pas été rédigée avec l'intention d'accorder de nouveaux droits aux propriétaires de la surface, c'est que, dans le rapport à la suite duquel le projet de cette loi fut présenté à la séance du 30 janvier, au nom des comités de constitution, d'agriculture, de commerce, des fiances, des impositions et des domaines, l'orateur qui était l'organe de ces six comités, s'attacha spécialement à établir que les Mines ne sont pas des propriétés privées, mais des propriétés publiques. « Les Mi»nes (a-t-il dit) ne sont point le produit de l'in»dustrie; elles re font point partie de la super» fice sur laquelle l'homme applique son travail; » elles sont des bienfaits de la nature : tous les » hommes y ont un droit égal; elles ne peuvent >> donc appartenir qu'à tous, et la nation a le » droit d'en disposer et d'en régler l'usage : plus » éclairée dans ses opérations que l'intérêt par» ticulier, elle dirige toujours les richesses publiques vers l'intérêt général. Conservez-lui, » messieurs, ce droit imprescriptible ». Copendant les six comités ne proposèrent pas, à l'assemblée constituante, de déduire de leur doctrine, la conséquence directe que les Mines étaient des propriétés domaniales; mais ils arrivèrent au même but, en lui proposant de déclarer que les Mines étaient à la disposition · de la nation.

>>

Plusieurs orateurs s'élevèrent contre cette proposition, et insistèrent fortement pour que les Mines fussent déclarées des propriétés pri

vées.

Mais (s'écria Mirabeau, dans le discours qu'il prononça à l'appui du rapport des comités, et

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