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plusieurs années dans cet état. Mais l'exemple de plusieurs ci devant seigneurs qui tentaient de ressusciter le droit d'entre-cens, plus encore le droit particulier qui appartenait au cidevant prince de Chimay, comme propriétaire, entraîna ses agens. Les deux sociétés furent traduites au tribunal civil de l'arrondissement, pour être condamnées à payer les arrérages échus, et continuer le service de l'entrecens à l'avenir.

>> Les concessionnaires ne comparurent pas. Un premier jugement rendu par défaut, le 12 germinal an to, adjugea à Fhilippe-GabrielMaurice d'Alsace, les conclusions qu'il avait prises.

» Sur les oppositions formées par les sociétés, s'élevèrent divers incidens; enfin, le premier juge accueillit les prétentions du ci devant seigneur de Boussu.

D

Appel de la part des deux sociétés.

» Les griefs étaient que la concession avait été faite aux sociétés, par d'Alsace, en sa qualité de seigneur haut-justicier de Boussu;

» Qu'en Hainaut, le droit d'extraire les Mines de charbon, n'appartenait aux seigneurs, qu'en vertu de la coutume (art. 1 et 2, chap. 130, des chartes générales);

» Que ce droit était donc purement féodal; que, s'il était féodal, il était supprimé ;

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Que l'exercice de ce droit n'avait pu survivre à son abolition;

» Que la loi du 12-28 juillet 1791, rendue sur les Mines et minières, était devenue la seule règle à suivre sur cette matière;

» Que, si elle avait maintenu les concessionnaires pendant cinquante ans, ce n'était qu'en considération de leurs dépenses et de leurs travaux;

Qu'en tout cas, ils ne tenaient plus ce bé. néfice que de la loi même, et non des ci-devant seigneurs, dont tous les droits étaient frappés de suppression, en tant qu'ils sont féodaux, et n'ont pas pour cause une concession de fonds;

» Que la découverte et l'appréhension de la Mine n'ajoutaient rien au titre de l'intimé ;

» Que, si la loi du 20 avril 1791 conservait aux ci-devant seigneurs hauts-justiciers, la propriété des biens dont ils s'étaient mis en possession à titre de déshérence ou de bâtardise, avant la suppression des hautes-justices, il ne fallait pas en conclure que l'entre-cens devait être rangé sur la même ligne;

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Que, dans le premier cas, le haut-justicier acquérait à la fois et le fonds et les fruits que le fonds pouvait produire ; qu'au second cas, il exerçait seulement un droit sur le fonds d'au

TOME X.

trui, une sorte de servitude que lui accordait sa qualité de haut-justicier, et pour la jouissance de laquelle la coutume était son seul et unique titre; qu'ainsi, le droit résultant de l'appréhension d'une Mine recélée dans les entrailles de la terre, où elle n'est rien que par le travail et l'extraction, est un être métaphysique, une abstraction. Les Mines ne sont ni plantées ni cultivées de main d'homme; leur existence n'est due qu'à la nature. Si elles pouvaient appartenir exclusivement à quelqu'un, ce serait au propriétaire du sol où elles sont découvertes, comme tout ce qui se trouve au-dessus et au-dessous de son domaine, lui appartient;

» Qu'il est vrai que les seigneurs s'étaient arrogé le droit de faire ou de faire faire la récolte des Mines dans l'étendue de leurs hautes-justices: mais que cette moisson a dû leur échapper, en même temps que la qualité en laquelle ils la faisaient;

» Qu'il importe peu que l'exploitation dont il s'agit, ait commencé dans le bois de Boussu, propriété particulière de l'intimé, et qu'elley soit encore circonscrite. La concession s'étendait sur toutes les terres de la seigneurie, à mesure que les veines y auraient conduit les travaux. Ce n'est pas comme propriétaire, mais comme seigneur haut-justicier, qu'il a traité. Si donc il était dû une indemnité à raison de la propriété de la surface, ce serait par un autre principe qu'il faudrait la régler: la loi du mois de juillet 1791 a prévu le cas dans lequel les parties se trouvent.

>> L'intimé convenait que le droit d'avoir en terre non extrayé, tel qu'il est exprimé à l'art. 1, chap. 130, des chartes générales de Hainaut, est un droit de haute-justice supprimé, en telle sorte que les seigneurs ne peuvent plus en user aujourd'hui; mais il soutenait que, par le de la Mine concédée, il en avait acquis la pro seul fait de la découverte ou de l'appréhension priété.

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Il fondait principalement son système sur la disposition de la loi du 20 avril 1591, qui maintient les hauts-justiciers dans le domaine des biens dont ils avaient pris possession à titre de déshérence ou bâtardise; et il assimilait ainsi le corps de veine donné en exploitation, à toute autre propriété acquise avant la suppression des hautes-justices.

» De là il tirait la conséquence que l'entrecens stipulé n'était pas plus féodal que le fermage d'une prairie qui proviendrait d'une acquisition faite par le seigneur à titre de déshérence ou de bâtardise.

>>Il y ajoutait que la loi du 12-28 juillet 1791 ne devait être d'aucune considération, parce24

qu'elle avait été rendue dans un temps où le Hainaut autrichien n'était pas réuni à la si les droits France; qu'il est probable que, des seigneurs de cette province eussent été connus du législateur, il n'aurait pas manqué de les traiter sous le point de vue particulier de leurs rapports avec les concessionnaires ;

» Qu'en tout cas, les concessionnaires étant maintenus pour 50 ans, les concédans étaient censés l'être pour le même temps, puisque le titre leur était commun; que les appelans sont nonrecevables à refuser l'exécution du contrat passé entre les parties, tant qu'ils jouissent des effets de la convention;

» Que les lois postérieures ne leur ôtent rien, excepté qu'elles limitent la durée du temps;

» Que cette circonstance ne suffit pas pour les délier de leurs engagemens et les soustraire à la prestation d'une redevance convenue et stipulée de bonne foi; que, tout au plus, elle pourrait donner lieu à une indemnité, si la limitation n'était pas l'effet de la loi.

» L'intimé motivait ensuite sa demande sur sa qualité de propriétaire de la surface.

» Il n'était pas désavoué au procès, que l'exploitation fût restée dans la circonférence de Îa forêt de Boussu, dont d'Alsace est propriétaire. Ici, disait-il, il n'y a, ni droit seigneurial, ni droit féodal. On doit me considérer comme tout particulier qui aurait contracté pour son domaine; et s'il est vrai que le droit d'extraire la Mine a été ôté de la main des seigneurs, ce n'est pas au profit des concessionnaires, mais uniquement en faveur du propriétaire de la

surface.

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occupé, mais qui est devenu ensuite d'une grande importance devant la cour de cassation. réclaque Il résultait de ce que les redevances mait le prince de Chimay, étaient le prix, non seulement de la cession de son droit d'avoir en terre non estrayé, mais encore de l'abandon qu'il avait fait aux deux sociétés, ses concessionnaires, des machines et des travaux des anciens entrepreneurs; machines et travaux qui, bien certainement, avaient une valeur réelle et indépendante de toute idée de féodalité. Mais il ne prenait, à cet égard, aucunes conclusions précises.

Sur ces débats, arrêt du 14 fructidor an 11, ainsi conçu:

« De la discussion sont nées les questions suivantes :

» L'entre-cens a-t-il dû continuer à être servi dans les mains de l'intimé, depuis la publication faite en Hainaut des lois suppressives des droits de haute-justice et féodaux ?

>> En tout cas, l'entre-cens est-il dû au même intimé, comme propriétaire de la surface du terrain dans lequel l'exploitation des appelans se trouve encore circonscrite?

» Sur la première question,

» Considérant que la prestation réclamée par l'intimé, est l'exercice et la représentation du droit d'avoir en terre non extrayé, attribué aux seigneurs hauts-justiciers par l'art. 1, chap. 130, des chartes générales de Hai

naut;

» Considérant que les droits de haute-justice étant abolis par les décrets du 4 août 1789, ne peuvent subsister dans les effets qui n'en sont que la conséquence;

>> Considérant que l'art. 8 (du titre 1er) de la loi du 20 avril 1791 ne s'applique qu'aux choses dont la propriété s'acquérait par un seul acte qui les mettait dans le domaine absolu des seigneurs, et non dans le droit actif et continuel

de récolter dans le fonds d'autrui, comme était celui d'avoir en terre non extrayé, ou autre. ment celui de disposer des productions qui se trouvaient dans les fonds dont ils n'avaient pas le domaine, tandis qu'à titre de déshérence ou de bâtardise, ils devenaient propriétaires du fonds et des fruits dont il était susceptible;

» Que le droit d'avoir en terre non extrayé, c'est-à-dire, d'exploiter ou de faire exploiter les Mines qui é aient recélées dans le sein de la terre, lorsqu'elles se découvraient, a expiré avec le titre de haute-justice qui le conférait;

>> Que la découverte d'une ou de plusieurs Mines dépendantes de la terre dans laquelle elles se trouvaient, n'ajoute rien au droit du

seigneur, lequel droit consistant en l'avoir en terre non extrayé, ne peut s'étendre au-delà de ce qui est extrait, puisque ce qui n'est pas extrait, rentre dans le titre haut-justicier, et que ce titre est aboli;

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Qu'il est si vrai que le droit d'avoir en terre non extrayé, ou de jouir des Mines trouvées en terre, était, non une propriété individuelle, mais un attribut de la haute justice, qu'il suivait la haute-justice dans les mains du successeur à la seigneurie à laquelle il était attaché, à l'exclusion de l'époux non seigneur, qui n'y prenait aucune part comme acquêt;

» Considérant que, par la suppression des justices-seigneuriales,les Mines et minières sont rentrées dans le domaine de la loi du 12-28 juillet 1791, et ne sont plus assujéties à d'autres règles que celles que prescrit cette loi ;

» Considérant que la loi du 12-28 juillet 1791 ayant été appliquée aux départemens réunis, doit y être observée comme dans le surplus des départemens de France ; et que c'est une erreur de prétendre que les chartes générales de Hai. naut ont été inconnues du législateur, puisqu'elles exercent leur empire dans le Hainaut français, où il y avait, en 1791, des exploitations considérables de Mines de charbon de terre;

» Sur la deuxième question,

» Considérant que, par les actes des 9 octobre 1775 et 4 juillet 1785, l'intimé a concédé, en qualité de seigneur, aux appelans, le droit d'exploiter les Mines dans l'étendue de la seigneurie de Boussu;

» Que ce qu'il a voulu comme seigneur, il n'a pas pu ne pas le vouloir comme propriétaire de la surface (1); que c'est donc de son consentement que la Mine dont il s'agit, cst exploitée dans sa propriété ; ce qui résulteencore de son silence depuis la publication de la loi du 12-28 juillet 1791, et de sa réclamation actuelle ; qu'ainsi, les appelans se trouvent dans l'exception de l'art. 6 de ladite loi ;

Qu'il est vrai que l'intimé, comme pro

(1) Ceci ne veut pas dire, soit qu'il eût cédé son droit d'avoir en terre non extrayé, comme propriétaire, puisque, comme propriétaire, ce droit lui était étranger; soit qu'il se fût réservé le droit d'entrecens comme propriétaire, puisqu'il n'avait pu le stipu ler que comme haut-justicier. La cour d'appel entend seulement qu'il a consenti, comme propriétaire, la concession qu'il faisait comme seigneur, et que, par là, il ne peut pas user, contre les concessionnaires, du droit de préférence et d'éviction que l'art. 6 de la loi du 12-28 juillet 1791 réservait, comme on l'a vu plus haut, au propriétaire qui avait découvert une Mine dont un concessionnaire de l'autorité publique était venu ensuite s'emparer malgré lui,

priétaire de la surface, est fondé à exiger un dédommagement (1); mais que l'indemnité qui lui est due, ne peut plus être celle qui est réglée par les actes de concession, puisque la matière de ces actes est changée, et que la loi du 12-28 juillet 1791 a établi un nouveau régime des Mines et minières, incompatible avec les stipulations énoncées aux anciens actes;

>> Par ces motifs, le tribunal, réformant, dé. clare l'intimé non-recevable et non-fondé dans sa demande, en tant qu'elle a pour objet la continuation de l'entre-cens stipulé dans les concessions, depuis la publication des lois suppressives des droits de haute-justice et seigneuriaux;

» Réserve à l'intimé ses droits en indemnité à faire valoir autrement dûment, s'il s'y croit fondé, les défenses au contraire aussi réservées ».

Rien de plus formel, comme l'on voit, rien de plus positif que cet arrêt. Émané d'un tribunal qui sait parfaitemeut que, d'après l'esprit de l'ancienne législation du Hainaut, les pro. priétaires de la surface étaient (indépendamment du droit exclusif que les seigneurs hautsjusticiers exerçaient, par exception, sur les Mines de charbon de terre) assujétis à la règle générale qui rangeait ce droit parmi les attributs de la souveraineté, et que, par conséquent, ils n'avaient pas récupéré ce droit par l'effet de la suppression des justices seigneuriales, cet arrêt n'a garde, ni d'adopter l'idée que l'extinction de ce droit dans les mains des ci-devant seigneurs, n'a dú profiter qu'aux propriétaires de la surface, ni d'en conclure que le propriétaire de la surface qui avait joui de ce droit comme seigneur, conserve, comme simple propriétaire, l'entre-cens qui en formait le prix : il juge nettement que le ci-devant seigneur, en stipulant l'entre-cens, comme tel, ne l'a pas stipulé comme simple propriétaire, et qu'il ne peut pas l'exiger en cette dernière qualité, quoiqu'il la cumulât avec l'autre à l'époque de la stipulation; en un mot, il détruit, il renverse de fond en comble le faux principe qui sert de base au système des cidevant seigneurs-propriétaires.

Il est vrai que le prince de Chimay a pris, contre cet arrêt, la voie du recours en cassation, et que sa requête a été admise ; mais quel a été le motif de l'arrêt d'admission? Pour s'en

(1) Effectivement, la loi du 12-28 juillet 1991 lui en attribue un, et il consiste, comme on l'a déjà vu dans le double de la valeur de la surface prise du occupée pour l'exploitation de la Mine.

former une idée approximative, il faut se reporter aux moyens que le demandeur faisait valoir contre l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles.

Il soutenait, pour premier moyen, que cet arrêt avait, par une fausse application des lois relatives aux droits de justice seigneuriale, violé celles qui maintiennent les rentes purement foncières; et il cherchait à le prouver, en répétant tout ce qu'il avait dit à Bruxelles, pour établir 10 que les Mines de charbon, une fois découvertes et mises en exploitation, étaient devenues, pour les ci devant seigneurs, des propriétés foncières et incommutables; et que, dès-lors, on ne pouvait considérer que comme foncières, les redevances qui avaient été le prix de ces propriétés; 2o qu'il pouvait, au besoin, réclamer, comme propriétaire de la surface, ce qu'il avait stipulé comme seigneur, et que c'était chose jugée par l'arrêt du 11 nivôse an 8.

Pour second moyen, il rappelait la circonstance que, dans les concessions qu'il avait faites en 1775 et 1785, s'étaient trouvés compris des travaux et des machines qui n'étaient pour lui que des propriétés privées et absolument indépendantes du régime féodal; et il concluait de là qu'au moins la cour d'appel eût dû lui conserver une quotité quelconque de ses droits d'entre-cens, puisqu'ils ne représentaient pas moins ces machines et ces travaux, que le

droit d'extraire du charbon.

L'affaire portée à l'audience de la section des requêtes, le 12 messidor an 12, j'y ai donné des conclusions ainsi conçues :

« Il se présente ici trois questions distinc

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>>> La seconde question consiste à savoir si le droit d'entre-cens est aboli au préjudice des ci devant seigneurs du Hainaut qui étaient, au moment où ils l'ont stipulé, et qui sont encore aujourd'hui, propriétaires de la surface des fonds dans lesquels ils ont concédé, avant 1789, l'exercice de leur droit exclusif de rechercher, d'ouvrir et d'exploiter les Mines de charbon.

» Il existe, pour la négative, un arrêt de la cour du II nivôse an 8, rendu contre la société

charbonnière de Sars-Longchamps; mais cet arrêt n'a fait que rejeter une demande en cassation, et conséquemment il n'est pas d'un aussi grand poids que s'il avait cassé un jugement pas qui eût décidé le contraire : il ne peut donc empêcher que la question ne soit discutée de nouveau, et avec la même liberté que si elle était encore entière.

» En quelle qualité les auteurs de Philippe d'Alsace ont-ils concédé aux sociétés du Nord et du Midi du bois de Boussu, l'exploitation des Mines de charbon existantes dans leurs terrains? Est-ce comme propriétaires fonciers? Non, car s'ils n'avaient été que propriétaires fonciers, ils n'auraient pas pu leur faire une pareille concession. C'est donc comme seigneurs et même comme seigneurs hauts-justiciers; et non seulement les contrats de 1775 et de 1785 énoncent que c'est comme tels qu'ils y ont stipulé, mais cela résulte encore bien mieux de deux clauses du second de ces actes: l'une, consignée dans le préambule et dans l'art 1, qui donne à la société du Midi la faculté d'exploiter toutes les veines de charbon existantes dans toute l'étendue de la seigneurie de Boussu, sous la seule réserve de celles qui ont été concédées en 1775 à la société du Nord; l'autre, consignée dans l'art. 1o qui oblige les membres de la société du Midi d'indemniser, à leurs dé. pens, TOUS AUTRES PROPRIÉTAIRES dont ils auront besoin de se servir des terrains pour leur exploitation.

» 2o Dans l'espèce particulière de la cause, ce droit a-t-il survécu à la suppression du régime » Cela posé, Philippe d'Alsace peut-il aujourféodal? 'd'hui réclamer, comme propriétaire foncier, un 30 S'il n'y a pas survécu en totalité, n'y droit qu'il n'a stipulé, qu'il n'a pu stipuler que a-t-il pas du moins survécu en partie ?

>> La première question n'en est plus une aujourd'hui. Vous l'avez décidée affirmativement le 20 prairial an 10, en admettant, à la presqu'unanimité, la requête des sieurs Deschuytener, Morlet et autres, en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles qui l'avait jugée dans un sens opposé, en faveur du sieur Decarondelet; et, depuis, en cassant ce même arrêt, le 16 ventôse an 12, au rapport de M. Ruperou, la section civile a consacré invariablement cette opinion.

comme seigneur? Proposer une pareille question, c'est évidemment la résoudre pour la négative. Dépouillé de la qualité en vertu de laquelle il a acquis ce droit, il ne pourrait le conserver qu'autant que ce droit serait devenu sa propriété foncière. Or, il est très-constant que le droit d'entre-cens n'a jamais formé une propriété foncière dans la main de Philippe d'Alsace, et qu'il n'a jamais existé dans sa main qu'avec le caractère de contribution stipulée pour prix de l'exercice de la faculté exclusive qu'avait Philippe d'Alsace, comme seigneur

haut-justicier, d'ouvrir et d'exploiter les Mines charbonnage n'était, ni fief, ni mainferme ou de charbon de sa seigneurie.

» Que peut, d'après cela, signifier l'assertion écrite dans l'arrêt de Sars-Longchamps, du 11 nivôse an 8, que la suppression des droits feodaux prononcée par les lois de la république, ne peut profiter qu'aux propriétaires de la superficie des terres?

» Elle est vraie, sans doute, pour les droits féodaux qui étaient purement fonciers, ou, en d'autres termes, qui étaient exigés des propriétaires des fonds, soit par pure puissance féodale, soit à raison de la concession primitive des fonds mêmes, prouvée par titre, ou présumée par la loi.

» Mais elle est fausse pour les droits féodaux qui avaient pour cause la permission accordée par un seigneur à des particuliers d'exercer leur industrie, ou de faire certaines choses, dans des fonds qui ne leur appartenaient

pas.

» Prenons pour exemple le droit de Blairie qui, dans les ci-devant provinces de Nivernais et de Bourbonnais, se payait au seigneur hautjusticier par ceux qui, dans l'étendue de sa justice, menaient leurs bestiaux en vaine pâture dans les terres dépouillées et non closes. Assurément l'abolition de ce droit ne profite pas seulement aux propriétaires des fonds soumis à l'exercice de la vaine pâture; elle profite à tous les habitans sans distinction, même à ceux qui n'ont aucun fonds en propriété. Et si un ci-devant seigneur haut-justicier voulait aujourd'hui exiger ce droit des particuliers qui mènent leurs bestiaux en vaine pâture sur ses terres, sa prétention serait certainement rejetée dans tous les tribunaux.

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» Eh bien! Il en est de même du droit d'entre-ceus dans le ci-devant Hainaut. Car ce droit n'était pas plus foncier que celui de Blairie, Les sociétés charbonnières ne le payaient pas raison de la propriété des Mines de charbon, puisque ces Mines ne leur appartenaient pas: elles ne le payaient qu'à raison de la faculté que le seigneur leur accordait d'extraire du charbon des terres d'autrui; et cette faculté que les chartes générales appelaient droit de charbonnage, n'était pas pour eux une propriété foncière : il est vrai que les chartes gé nérales la réputaient héritage, mais elle ne l'était que de now, elle ne formait qu'un immeu ble fictif, et les chartes elles-mêmes l'avaient rayée bien clairement de la liste des immeubles réels, en la soumettant par l'art. 13 du chap. 122, à des règles dont la conséquence nécessaire est, comme nous l'avons démontré à votre audience du 20 prairial an 10, que le droit de

censive, ni franc-alleu.

» La suppression du droit d'entre cens ne peut donc profiter aux propriétaires des fonds, que de la même manière que leur profite la suppression du droit de Blainie;

» C'est-à dire que, si le propriétaire d'un terrain dans lequel il existe une mine de charbon, en a entrepris l'exploitation avant 1789, et s'est pour cela obligé de payer au seigneur hautjusticier un droit d'entre cens. il peut aujour d'hui continuer cette exploitation, sans rien payer au ci-devant seigneur ;

» C'est-à-dire encore que,s'il n'a pas commencé cette exploitation avant 1789, il peut l'entreprendre aujourd'hui, sans le consentement du ci-devant seigneur, conséquemment sans s'obliger à rien envers lui, et avec la seule autorisation du gouvernement.

>> Mais assurément on ne concluera point de là qu'un propriétaire dans le fonds duquel un seigneur a ci-devant donné la permission d'ouvrir et d'exploiter une Mine, peut aujourd'hui exiger, à la place du seigneur, le droit d'entre-cens que celui-ci s'était réservé en accordant cette permission.

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>> Comment donc voudrait-on en conclure que le seigneur qui a ci-devant permis, moyennant un droit d'entre-cens, l'ouverture d'une Mine existante dans son propre fonds, doit aujour d'hui conserver ce même droit? Dans un cas comme dans l'autre, le droit d'entre-cens dérive, non de la propriété foncière, mais de la seigneurie; il ne peut donc pas plus subsister dans le second que dans le premier ; il ne peut donc pas plus être réclamé par le seigneur qui était propriétaire à l'époque de l'ouverture de la Mine, qu'il ne peut l'être par le propriétaire qui, à la même époque, n'était pas seigneur.

>> Il est de principe qu'il ne peut pas y avoir de contrat sans cause juste et licite, et que tout contrat cesse d'être obligatoire, quand la cause sans laquelle il n'aurait pas pu exister dans l'origine, vient à cesser. Or, dans notre espèce, quelle a été la cause du contrat par lequel les sociétés charbonnières du Nord et du Midi de Boussu se sont obligées à un droit d'entre-cens envers le seigneur du lieu? Ce n'est point la qualité de proprietaire foncier de ce seigneur, puisqu'encore une fois, ce seigneur n'aurait pas pu, en cette qualité, permettre l'ouverture et l'exploitation d'une Mine. Ce contrat n'a donc pas eu d'autre cause que le droit exclusif qui était attaché à la seigneurie de Boussu, de rechercher et d'extraire tout le charbon de son territoire. Or, cette cause a cessé par l'abolition du régime féodal; le contrat qui n'aurait pas pu se former sans elle, est donc résolu, le droit

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