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qu'Ignace-François Depaëpe y avait comparu sans l'assistance ni l'autorisation de son père; et leur prétention a été accueillie par une sentence des échevins de Ninove, du 6 brumaire an 3.

» La demanderesse a interjeté appel de cette sentence au conseil provincial de Gand; et ce tribunal ayant été supprimé sans y avoir fait droit, elle a été assignée par les héritiers Depaëpe, en reprise d'instance, devant le tribunal civil du département de l'Escaut.

Là, il est intervenu, le 1er floréal an 7, un jugement contradictoire, qui a confirmé purement et simplement la sentence des échevins de Ninove, sur le seul motif que les Mineurs ne peuvent valablement contracter, à l'effet d'obliger leurs personnes et leurs héritiers; qu'aucune espèce de contrat n'est exceptée de cette disposition générale; qu'ainsi, le contrat de mariage exige, aussi bien que tout autre, l'autorisation des parens ou de tuteurs, quand des Mineurs y sont parties; que d'ailleurs le contrat de mariage dont il s'agit, présente des stipulations peu communes et déviant des droits et avantages ordinaires prescrits par les coutumes entre les conjoints, en ce que feu Ignace-François Depaëpe y stipule que tous les biens immeubles seront communs, ce qui en emporte l'aliénation ; qu'enfin, si le consentement des parens au mariage d'un Mineur faisait présumer l'autorisation à faire un contrai anténuptial, ce qui cependant n'est décidé nulle part, au moins cette présomption ne serait applicable qu'au contrat dans lequel on ne trouverait que des stipulations ordinaires ou celles que l'on rencontre le plus fréquemment dans un tel contrat.

» C'est contre ce jugement, que la demanderesse se pourvoit en cassation : elle l'attaque à la fois dans la forme et au fond.

» Dans la forme, elle soutient que ce jugement est nul,

» 1o Parcequ'il a été rendu sur une expédition en langue flamande du contrat de mariage du 13 juin 1763, et sans qu'à cette expédition fût jointe une traduction authentique de l'acte, ainsi que le prescrivait l'arrêté des représentans du peuple Pérez et Portiez (de l'Oise), du 28 frimaire an 4;

2o Parceque c'est aussi en langue flamande que les parties ont plaidé devant le tribunal civil de l'Escaut ; ce qui emporte contravention à l'arrêté des mêmes représentans, du 12 du même mois;

» 30 Parceque, d'après la loi du 12 octobre 1790, ce n'était pas devant le tribunal civil de l'Escaut que l'affaire devait être portée.

>> De ces trois moyens, le deux premiers reposent sur des faits qui ne sont nullement prouvés, et tous trois sont non-recevables dans la bouche de la demanderesse.

» Le premier est non-recevable, parceque, si c'est la demanderesse qui a produit elle-même son contrat de mariage en langue flamande, elle ne peut pas se faire un moyen d'une contravention qui serait son ouvrage personnel; et que, si la production en a étéfaite par ses adversaires, l'art. 4 de la loi du 4 germinal an 2 s'oppose à ce qu'elle s'en prévaille devant vous,après avoir négligé de s'en prévaloir devant le tribunal de l'Escaut.

» Le deuxième est non-recevable par les la demêmes raisons, c'est-à-dire, parceque manderesse ne peut pas se plaindre devant vous d'avoir elle-même violé devant le tribunal de l'Escaut l'arrêté qui lui défendait de plaider en flamand; et que, d'après la loi du 4 germinal an 2, elle ne peut pas se plaindre davantage de ce que ses adversaires ont également violé le même arrêté.

» Le troisième enfin est non recevable, parconsenti ceque la demanderesse a, par le fait, à être jugée par le tribunal civil du département de l'Escaut.

que

» Au fond, la demanderesse soutient le jugement est contraire à ce qu'elle appelle la loi de 1540, et au placard du 29 novembre 1623.

» Pour en bien juger, nous devons commencer par un examen attentif de ces deux lois.

» La première forme l'art. 17 du placard ou édit de Charles-Quint, du 4 octobre 1540. En voici les termes :

» Et pour ce que journellement plusieurs inconvéniens adviennent en nosdits pays, par mariages clandestins qui se contractent entre jeunes gens, sans avis, conseil et consentement des parens et amis des deux parties : nous, considérant que, selon la disposition du droit écrit, tels mariages ne correspondent à bonne et honnéte obéissance, et communément ont difficile fin; voulons, ordonnons et statulons que, si aucun s'avance de solliciter ou séduire quelque jeune fille nonexcédant l'âge de vingt ans, par promesse ou autrement, de contracter mariage avec elle, ou de fait contracte mariage sans consentement des père mère ou de ladite fille, ou des plus prochains parens ou amis, en cas qu'elle n'ait père ni mère, ou de ceux de la justice du lieu, que tel mari ne pourra jamais avoir, prendre ou lever aucun douaire ou autre gaignage, soit en vertu de contrat anténuptial, de coutume du pays, par testament, donation, transport, cession, ou autrement en manière

que ce soit, sur les biens que ladite fille pourra délaisser, ores qu'après le mariage consommé, il obtiendrait le consentement du père ou mère, desdits parens ou amis ou de ladite justice, auquel ne voulons en ce cas avoir prins regard.

» Semblablement, si quelque fille ou femme s'avance de contracter mariage avec un fils non excédant l'age de vingt-cinq ans, sans consentement de père ou de mère, ou des plus prochains amis, s'il n'a père, ou de ceux de la justice du lieu, telle femme ne pourrajamais avoir, prendre ou lever aucun douaire ou autre gaignage sur les biens que tel mari pourra délaisser, soit en vertu du contrat anténuptial, de coutume du pays, par iestament, donation, transport, cession, ou autrement en manière que ce soit, quand ores après le mariage consommé, ils obtiendraient de père ou mère, desdits parens et amis, ou de la justice, le consentement; auquel, audit cas, ne voulons avoir prins aucun regard.

» En outre, défendons à tous nos sujets de point être présens, consentir ou accorder à tels mariages faits sans consentement des père et mère, des plus prochains parens ou de la justice, ou recevoir, entretenir ou loger tels mariés en leur maison, sur peine de cent carolus d'or, ou d'autre peine arbitraire plus grande.

» Quant au placard du 29 novembre 1623, voici ce qu'il porte, art. 1: Avons déclaré et déclarons que lesdits enfans de famille n'ayant encore vingt-cinq ans accomplis, qui se marieront contre le gré, vouloir et consentement, ou au desçu de leurs dits père et mère, et tous autres Mineurs d'ans qui contracte. ront mariage sans le conseil, avis et consentement, tant de leurs proches parens du côté paternel et maternel, que de leurs tuteurs, ensemble tous ceux qui épouseront lesdits jeunes gens, de quelque qualité ou condition qu'ils soient, seront incapables de tous et quelconques avantages, profits et émolumens qu'ils pourraient aucunement prétendre direcment ou indirectement l'un de l'autre, par contrats, donations entre-vifs ou à cause de mort, testamens, successions, coutume du lieu, ou autrement en manière quelconque; déclarant toutes donations ou pactions, ou autres avantages auparavant faits au profit l'un de l'autre, nuls et de nulle valeur; le tout nonobstant que, depuis la consommation de tels mariages, père et mère y auraient prété leur consentement, et à quoi ne voulons étre pris aucun égard.

Vous voyez que cette disposition se rapproche beaucoup de celle du placard de 1540,

Mais il importe de bien saisir les points dans lesquels ces deux lois s'accordent, et les points, s'il y en a, dans lesquels elles diffèrent entre elles.

» Elles s'accordent à ne pas déclarer nuls, mais à priver de tout avantage coutumier et conventionnel, les mariages contractés par des Mineurs dans les circonstances dont elles parlent.

» Elles paraissent différer, en ce que la disposition du placard de 1540 ne porte littéralement que sur les mariages clandestins, tandis que celle du placard de 1623 embrasse dans la généralité de son texte, les mariages contractés publiquement, comme les mariages contractés

en secret.

» Elles paraissent différer encore, en ce que, dans le placard de 1540, il est question des mariages contractés par des Mineurs, sans le consentement de leur père ou mère, tandis que, dans le placard de 1023, il s'agit de mariages que des Mineurs contractent contre le gré, vouloir et consentement, ou au desçu de leurs dits père et mère.

» Ainsi, le placard de 1540 frappe sur le mariage que le consentement du père et de la mère n'a pas précédé ; et celui de 1623 sur le mariage qui a été fait, ou à l'insu des père et mère, ou au préjudice de leur opposition.

» Ainsi, d'après le placard de 1540, la privation de tout avantage coutumier ou contractuel est encourue, si le père n'a pas consenti; mais d'après le placard de 1623, il n'y a lieu à cette peine, que lorsque le père s'est opposé au mariage ou lorsqu'il l'a ignoré.

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» Cependant ces différences entre l'une et l'autre loi ne sont qu'apparentes ; et dans la réalité, elles s'accordent parfaitement.

» Quels sont, en effet, les mariages que frappe le placard de 1540, lorsqu'ils ont été faits sans consentement du père et de la mère? Ce sont les mariages clandestins, c'est-à-dire, les mariages faits à l'insu des parens. Ainsi, le mariage dont le père a été instruit, et auquel il n'a pas formé opposition, n'est pas plus compris dans le placard de 1540 qu'il ne l'est dans celui de 1623.

» Et voilà pourquoi Voët, qui ne connaissait pas le placard de 1623, parceque la Hollande, où il écrivait, n'était plus, à l'époque

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de la publication de cette loi, sous la domination autrichienne, n'a pas laissé d'établir, dans son commentaire sur le digeste, titre de ritu nuptiarum, no 18, qu'il n'y a pas lieu aux peines portées par le placard de 1540, lorsque le père, instruit, par la publication des bans, du mariage de son fils Mineur, n'y a pas formé opposition: Observandum autem, circà hunc parentum similiumque requisitum ad nuptias assensum non præcisè expressum, sed et tacitum sufficere, convenienter juri romano, dùm cognitis nuptiis contrahendis contradictores non extiterunt. Quá ratione, si fortè minores per subreptionem impetraverint solemnes ex mero faciendas denunciationes, et parentes hæc ipsa scientes passi sint, nec apud eos quibus id curæ, quibusque obreptum est, intercesserint quominùs solemnia denunciationum peragantur, ac nuptiæ sequantur, non possunt non videri suo silentio cùm certa scientiá conjuncto, nuptiis talibus, antequàm consummarentur, consensum dedisse, atque ità effecisse ne.... locum sibi vindicent pænæ edicto Caroli quinti, anno 1540, art. 17, narratœ.

>> Voët argumente, en faveur de son opinion, de plusieurs lois romaines qui, relativement au mariage du fils de famille, assimilent le consentement tacite du père à son consentement exprès.

» Et c'est aussi ce qu'enseignent trois autres jurisconsultes bataves qui ont également écrit sur le placard de 1540, savoir à-Sande, dans son recueil d'arrêts du conseil de Frise, liv. 2, tit. 1, def. 2, quest. 2 ; Groenewegen,sur les Institutes, tit. de nuptiis, no 5, et Brouwer, de jure connubiorum, liv. 2, chap. 24, nos 43 et 44.

>> Nous trouvons la même doctrine dans les auteurs belges qui ont écrit à la fois sur le placard de 1540 et sur celui de 1623, notamment dans le Tribonien belgique d'Anselmo, chap. 54, §.38, et dans les Institutions au droit belgique de Deghewiet, page 43; voici les termes de celui-ci : Le consentement des père ét mère dont je viens de parler, ne doit pas toujours étre exprès et précis; leur consentement tacite suffit, lorsqu'ils ont été pleinement informés que le mariage allait se faire, sans y avoir contredit. Voët le tient ainsi, et le parlement de Flandre en a décidé de même, par arrêt du 18 juillet 1704, entre la douairière de Bavinckove et la baronne d'Assig. nies, pour laquelle j'avais écrit. Le père du mariant, Mineur, était dans l'église, mais dans un autre endroit que là où l'on célébrait le mariage.

» Nous n'avions pas au surplus besoin de ces

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» Et qu'on ne dise pas que, si, aux termes des placards de 1540 et de 1623, le père est censé avoir consenti au mariage de son fils, par cela seul qu'il l'a su et ne s'y est pas opposé, il doit, par la même raison, être censé en avoir également approuvé les stipulations préalables.

» D'abord, les placards de 1540 et de 1623 ne disent pas un mot de cela. Que l'on infère des termes dans lesquels ils sont conçus, que le défaut d'opposition du père, lorsqu'il est informé du mariage de son fils, équivaut à un consentement formel, à la bonne heure. Mais les térmes dans lesquels sont conçues ces deux lois, ne conduisent pas directement à la même conséquence, relativement au contrat de mariage; ainsi, impossible de regarder ces deux lois comme violées, à cet égard, par le jugement du tribunal de l'Escaut.

» En second lieu, comment pourrait-on sérieusement argumenter ici de la cérémonie nuptiale au contrat de mariage? Qu'un père soit censé approuver le mariage de son fils, lorsqu'il ne s'y oppose pas, cela se conçoit. Les proclamations qui précèdent cette cérémonie, la publicité qu'elle a par elle-même, ne permettent pas de supposer que le père l'ait ignorée; et l'on ne peut pas l'en supposer instruit, sans attacher à son silence l'idée d'une approbation virtuelle. Mais le contrat de mariage est,

par sa nature, un acte secret pour tous ceux qui n'y sont pas appelés, surtout dans les pays où il n'est sujet, ni à l'insinuation, ni à l'enregistrement, ni a aucune autre formalité équipollente; et telle était la Flandre autrichienne en 1763. Le père, qui n'est pas appelé au contrat de mariage de son fils, peut donc trèsbien en ignorer, non seulement les clauses, mais même l'existence on ne peut donc pas exciper, à cet égard, du défaut d'opposition de la part du père; le père ne peut pas s'opposer à la passation d'un contrat de mariage, lorsque rien ne lui annonce qu'on le passe effectivement.

» Ecartous donc les inductions que tire la demanderesse, soit du placard de 1540, soit de celui de 1623; encore une fois ces deux édits sont absolument étrangers à la cause qui nous occupe; et renfermons-nous dans l'examen de la seule question qu'elle nous offre, de celle de savoir si le tribunal de l'Escaut a violé quelque loi, en déclarant nul le contrat de mariage d'un fils de famille, Mineur, parceque son père n'y était pas intervenu pour l'autoriser.

Sur ce point, nous devons d'abord observer que la coutume de Ninove ne décide rien, absolument rien; elle ne parle, ni des fils de famille, ni des mineurs, ni des contrats de mariage, ni même des contrats en général.

» Mais les lettres-patentes de Philippe II, du 9 juillet 1563, portant homologation de cette coutume, ordonnent expressément que ce qui n'est pas compris dans son texte, demeurera à la disposition du droit commun. » C'est donc par le droit commun', que doit se résoudre notre question. Mais que doit-on, à cet égard, entendre par le droit commun? Est-ce le droit romain ? Est-ce la jurisprudence la plus générale de la ci-devant province de Flandre?

» Si c'est le droit romain, nous n'y trouverons rien qui ne soit en harmonie, sinon avec les motifs textuels, du moins avec le dispositif du jugement du tribunal de l'Escaut.

» A la vérité, dans le droit romain, le fils de famille est capable de contracter toutes sortes d'obligations. La loi 39, D. de obligationibus et actionibus porte qu'il peut généralement s'obliger comme un père de famille, ex omnibus causis tanquàm paterfamilias obligatur, et qu'on peut agir contre lui, de même que contre un père de famille, pour lui faire exécuter ses engagemens, et ob id agi cùm eo tanquàm cùm patrefamilias potest.

» Il est vrai encore que, d'après cette règle générale, Ignace-François Depaëpe doit être considéré comme ayant pu s'obliger valable

ment par le contrat de mariage du 13 juin 1763, quoiqu'il fût alors, non seulement en puissance de père, mais encore Mineur de vingtcinq ans; car s'il était mineur de vingt-cinq ans, bien certainement il était au-dessus de l'âge de pupillarité; or, par le droit romain, tout individu au-dessus de quatorze ans, peut, quoique Mineur de vingt-cinq, s'obliger comme s'il avait atteint sa pleine majorité, sauf le recours au bénéfice de rescision.

>> Mais aussi, par le droit romain, toute convention matrimoniale qui emporte aliénation des immeubles d'un Mineur, est nulle, si elle n'a été autorisée par un décret préalable de justice. C'est ce qui résulte de la loi 8, C.de prædiis minorum, et de la loi 22, C. de administratione tutorum et curatorum.

» Et certes, elle emportait aliénation des immeubles d'Ignace-François Depaëpe, la clause de son contrat de mariage, qui les ameublissait, et les faisait entrer en communauté.

ciens arrêts, même du parlement de Paris, par » Aussi existe-t-il un grand nombre d'anlequels a été déclarée nulle, toute clause de cette espèce, qui, de la part d'un Mineur, n'était pas précédée des formalités ordinaires pour la vente de ses biens-fonds; et si, depuis, dans le ressort du parlement de Paris, on s'est relaché de cette rigidité de principes, ce n'est assurément pas une raison pour faire casser un jugement qui, dans une autre contrée, s'est tenu sur cette matière, aux véritables et saines maximes du droit romain.

>> Maintenant veut-on, par le droit commun auquel renvoient les lettres-patentes approbatives de la coutume de Ninove, entendre la jurisprudence la plus générale de la ci-devant province de Flandre? Nous la trouverons d'accord, non seulement avec le dispositif, mais même avec les motifs du jugement attaqué.

» En effet, le jugement attaqué porte tout entier sur ce principe, qu'un Mineur de vingtcinq ans et un fils de famille, même majeur,ne peuvent s'obliger valablement par aucune espèce de contrat, s'ils n'y sont expressément autorités, l'un par son tuteur, l'autre par son père.

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Or, ce principe est écrit dans presque toutes les coutumes de Flandre, notamment dans celles de Gand, rubr. 22, art. 8; de Poperingue, tit. 13, art. 24; de Bergues rubr. 17, art. 31; de Lille, tit. 4, art. 2; de Douai, chap. 7, art. 2; de Tournai, tit. 10, art. 2; de Nieuport, rubr. 19, art. 13, etc.

» Toutes ces coutumes ont, comme de con. cert, aboli la différence que mettait le droit ro

main entre les pupilles et les Mineurs; elles ont appliqué aux Mineurs l'incapacité de s'obliger, que le droit romain établissait contre les pupilles; elles ont fait plus encore, relativement aux fils de famille : considérant la puissance paternelle comme une espèce de tutelle légiti. me, elles ont, par rapport à la faculté de con. tracter, étendu aux personnes soumises à l'une, tous les effets que produit l'autre à l'égard de ceux qui y sont assujétis.

» Et tel est véritablement le droit commun, non seulement de toute la ci-devant province de Flandre, mais encore de toutes les ci-devant provinces belgiques, l'Artois excepté.

» Cela posé, nul doute que le tribunal de l'Escaut n'ait pu et dû admettre en principe, que les Mineurs non autorisés ne peuvent vaTablement contracter, à l'effet d'obliger leurs personnes et leurs héritiers ; et il ne reste plus de difficulté que sur le point de savoir s'il n'a pas dû en excepter les contrats de mariage.

» Sur quel fondement les en aurait-il donc exceptés? Aucune loi générale, aucune coutu. me particulière de la ci-devant province de Flandre ne dispense, à cet égard, les Mineurs, de la nécessité de l'autorisation, soit paternelle, soit tutélaire; nous trouvons, au contraire, dans la coutume d'Ypres, rubr. 13, art. 2, une disposition qui exige formellement cette autorisation dans les contrats de mariage des Mi

neurs.

»

» Qu'importe que Vandenhane, dans ses notes sur la coutume de Gand, rubr. 20, art. 20, ait dit que Minor, sicut est habilis ad matrimo nium, ità est ad omnia pacta antenuptialia congrua, solita et in regione frequentia ?

» Inférons de là, si l'on veut, que, dans l'opinion de Vandenhane, le consentement tacite du père d'Ignace-François Depaëpe au mariage de celui-ci, l'aurait suffisamment habilité à signer des conventions matrimoniales dans les quelles il ne serait entré rien que d'ordinaire et d'usité dans le pays.

» Mais d'abord cette opinion n'est pas une loi; et un jugement qui y serait contraire, ne devrait ni ne pourrait pour cela être cassé; ensuite, la question est précisément de savoir si le contrat de mariage d'Ignace-François Depaëpe peut être assimilé à ce que Vandenhane appelle pacta antenuptialia congrua, solita et in regione frequentia. Or, cette question qui git tout entière en fait, le tribunal de l'Escaut l'a décidée pour la négative, sans que la demanderesse en cassation ait rien produit, rien articulé, qui tendît à prouver le contraire; et certes, nous ne sommes pas, sur un point de fait, obligés ni même autorisés à pousser notre examen au-delà du cercle dans lequel nous TOME X.

circonscrivent les pièces qui sont sous nos yeux.

>> Si la demanderesse trouvait que le tribunal de l'Escaut se fût mépris, en présentant comme une clause extraordinaire, celle qui faisait entrer en communauté tous les immeubles d'ignace-François Depaëpe, il lui était extrêmement facile de relever et de réfuter cette erreur. Elle n'avait qu'à prouver que les immeubles d'Ignace-François Depaëpe étaient situés, soit dans la coutume de Ninove, soit dans toute autre coutume de communauté universelle : elle ne l'a point fait; elle ne l'a pas même entrepris elle a donc reconnu, par cela même, que les immeubles d'Ignace-François Depaëpe ne seraient pas entrés en communauté, sans la clause dont il s'agit; elle a donc, par cela même, reconnu que le tribunal de l'Escaut avait eu raison de qualifier cette clause d'extraordinaire; elle a donc, par cela même, reconnu que cette clause emportait aliénation, et par une suite nécessaire, qu'elle était nulle, même en supposant à Ignace-François Depaëpe la capacité de s'obliger personnellement.

» Sans doute, on n'objectera pas que la nullité de cette clause a été effacée par la prescrip

tion.

» De quelle prescription voudrait-on parler? » Serait-ce de celle de dix ans, établie par l'art. 19 de l'édit perpétuel des archiducs Albert et Isabelle de 1611,copiée sur l'art.40 de l'ordonnance de Louis XII, de 1510? Mais cette prescription ne porte que sur les rescisions de contrats valables dans leur origine, elle ne s'étend pas jusqu'aux contrats radicalement nuls; ainsi l'a décidé une déclaration du conseil privé de Bruxelles, du 14 novembre 1638; ainsi l'ont jugé trois arrêts du conseil de Brabant, des mois de mai 1645, octobre 1704 et octobre 1705, rapportés par Stockmans et Wynants; ainsi l'ont pareillement jugé deux arrêts du parlement de Flandre, des 27 janvier 1698 et 13 octobre 1706, rapportés par Desjaunaux et Deghewiet.

» Voudrait-on parler de la prescription de trente ans? Il est vrai que, du contrat de mariage d'Ignace-François Depaëpe, à son décès, il y a un intervalle de trente ans et quatre mois. Mais à quelle époque Ignace-François Depaëpe était-il devenu majeur? C'est ce que nous ignorons; et ce qui doit, au moins à nos yeux, prouver qu'il ne s'était pas écoulé trente ans de sa majorité à sa mort, c'est que la demanderesse ne l'a pas dit, c'est qu'elle n'a pas cherché à s'en faire un moyen, c'est qu'en un mot, elle n'a pas plus allégué la prescription trentenaire que la prescription décennale.

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