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tous d'accord, a-t-il dit, que, si l'annullation du jugement dont il s'agit, peut être prononcée par la cour de cassation, elle ne peut du moins l'être que dans l'intérêt de la loi. L'exécution de ce jugement ne peut donc être empê. ́ chée que par des lettres de grâce; et dès-lors, il faut bien que je commence par ordonner, comme je le fais, qu'elles seront expédiées. De savoir ensuite s'il y a lieu de dénoncer ce jugement à la cour de cassation, pour qu'elle l'annulle au moins dans l'intérêt de la loi, c'est une question qui est hors des attributions du conseil privé, et sur laquelle le ministre de la justice me fera un rapport spécial.

Ce rapport a été fait le 21 avril 1813, et il a été suivi d'une décision du même jour par laquelle le chef du gouvernement a ordonné que le jugement du 30 juillet 1809 fût déféré à la cour de cassation, pour étre annulé exemplairement et pour le maintien de la loi.

Et c'est de là qu'est venu l'arrêt du 19 juin 1813, par lequel, « la cour, faisant droit sur le » réquisitoire du procureur général; vu la let» tre à lui écrite par le grand-juge, ministre de » la justice; vu l'art. 441 du Code d'instruction » criminelle.... ; casse et annulle le jugement » rendu le 30 juillet 1809, par la commission mi» litaire formée à Ajaccio, conformément au dé. »cret du 17 messidor an 12......; et ce, dans » l'intérêt de la loi seulement, et sans préjudice » de l'exécution dudit jugement (1) ».

Je le demande maintenant, n'est-ce pas une dérision de citer cet arrêt comme décidant que les parties condamnées par des jugemens non sujets par eux-mêmes au recours en cassation, doivent profiter de l'annullation qui en est prononcée par la cour suprême dans le cas et de la manière réglés par l'art. 441 du Code d'instruction criminelle?

M. Legraverend a-t-il mieux rencontré dans la citation qu'il a faite de l'arrêt du 12 octobre 1815?

La négative n'aurait pas été douteuse, même à ses yeux, s'il eût fait attention à l'espèce et aux motifs de cet arrêt.

Une commission militaire, qualifiée de permanente, et créée par un ordre du général en chef de l'armée de la Loire, avait, par jugement du 24 juillet 1815, déclaré coupable d'assassi nat, François Mire, canonnier au 5. régiment d'artillerie, et l'avait condamné à mort.

Le 13 septembre suivant, le ministre de la justice a dénoncé ce jugement au procureur

(1) Répertoire de jurisprudence, au mot Peine, no 12 bis. Bulletin criminel de la cour de cassation tome 18. page 333.

général de la cour de cassation, et l'a chargé d'en requérir l'annullation.

En conséquence, voici comment a été prononcé l'arrêt dont il s'agit :

« Ouï le rapport de M. Busschop ; conseiller en la cour, et les conclusions de M. Lebeau, avocat-général;

» Vu l'art. 441 du Code d'instruction criminelle; vu l'art. 1er de la loi du 13 brumaire an 5; » Vu aussi l'ordre donné au procureur géné ral de la cour, par son exc. le garde-des-sceaux, en sa lettre en date du 13 septembre 1815;

» Les art 1er, 11 et 19 de la loi du 18 vendémiaire an 6; les art. 1, 2 et 4 de la loi du ri frimaire an 6;

» Vu enfin les art. 62 et 63 de la charte constitutionnelle;

» Attendu que les conseils de guerre et de révision permanens, créés par les lois des 13 brumaire an 5 et 18 vendémiaire an 6, ont été

investis par ces lois d'une attribution générale sur tous les délits qui appartiennent à la juridiction militaire; qu'ils sont les tribunaux ordinaires de cette juridiction;

les

» Que les conseils de guerre spéciaux, commissions militaires et les conseils de guerre extraordinaires qui, d'après des décrets postérieurs à ces lois, doivent être formés pour juger d'une manière spéciale certains délits, et qui sont dissous aussitôt qu'ils y ont prononcé, ne sont, dans la juridiction militaire, que des tribunaux d'exception, des tribunaux extraordinaires qui, d'aprés les art. 62 et 63 précités de la charte constitutionnelle, ne pourraient encore être formés sans que leur création ne fût une violation du principe consacré par cesarticles;

» Qu'il en est de même de la formation de toute commission militaire ou de tout autre tribunal, fût-il créé pour être permanent et pour connaître des délits militaires en général, s'il n'était pas organisé dans les formes établies par les susdites lois des 13 brumaire an 5, 18 vendémiaire et 11 frimaire an 6, et si ces jugemens étaient privés du recours qu'accordent ces lois envers les jugemens des conseils de guerre permanens ;

» Qu'aucune loi, pas même aucun décret, n'ont d'ailleurs autorisé les généraux en chef des armées, antérieurement à la charte constitutionnelle, à priver les militaires des garanties que leur accordent les susdites lois, et à les soumettre à des tribunaux autres que ceux établis;

» Que l'art. 11 du tit. 1o de la loi du 30 septembre-19 octobre 1791, confère bien aux généraux en chef le droit de faire, à la guerre,des réglemens ayant force de loi pendant la durée

de leur commandement, pour le maintien du bon ordre dans leur armée;

Mais que, de l'art. 13 du même titre, il résulte évidemment que ce droit de faire des réglemens, conféré aux généraux en chef, pour le maintien du bon ordre, ne s'étend point jusqu'à créer des tribunaux dont la composition serait différente de celle prescrite par la loi, et dont les jugemens seraient affranchis des recours qu'elle a accordés ;

Que ce droit concédé aux généraux en chef ou commandans de troupes, se borne à l'autorisation de faire des réglemens de simple discipline correctionnelle pour le maintien de l'ordre et de la subordination;

>>Et attendu que le susnommé François Mire a été traduit devant un tribunal qualifié de commission militaire permanente, qui l'a condamné à la peine de mort pour un crime à raison duquel il ne pouvait être jugé, d'après la loi, que par un conseil de guerre permanent;

Que l'instruction faite devant cette commission,et la condamnation qu'elle a prononcée, n'ont aucun caractère légal;

>Que la formation de cette commission même est une violation des art. 62 et 63 de la charte constitutionnelle;

Daprès ces motifs, la cour, faisant droit sur le réquisitoire du procureur général, déclare nul et de nul effet les susdites condamnation et instruction.....(1) ».

Que cet arrêt étende virtuellement jusqu'au condamné, ou du moins jusqu'à sa mémoire, le bénéfice de la cassation qu'il prononce sur la dénonciation du gouvernement, cela ne parait pas douteux; mais quelle en est la raison?

C'est uniquement 'parcequ'il s'agissait d'un jugement qui n'en avait que le nom, en ce qu'il avait été rendu par une commission militaire qui, ayant été créée par un général en chef auquel aucune loi ni même aucun acte du gouvernement n'en avaient confié le pouvoir,n'avait point d'existence légale, et ne pouvait, sous aucun rapport, être considérée comme investie de l'autorité judiciaire (2).

C'est par un motif du même genre, qu'un autre arrêt du 12 février 1812, en cassant, sur un réquisitoire que j'avais fait d'après l'ordre du ministre de la justice, un jugement rendu par un conseil de guerre, en faveur de deux accusés justiciables d'une cour spéciale ordinaire, qui, enlevés par force des prisons de cette cour, n'avaient été traduits devant lui que par une voie de fait répréhensible, a ordonné

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 20, page 117.

(2) Ibid., tome 20, page 117.

qu'ils seraient réintégrés dans les prisons de La cour spéciale, et qu'ils seraient jugés de nouveau. Aussi cet arrêt déclare-t-il, en termes exprès, que, si le jugement du conseil de guerre n'était entaché que du vice d'incompétence, la cassation n'en pourrait être prononcée que dans l'intérêt de la loi, sans que le Ministère public (près la cour spéciale) ni les parties. intéressées pussent se prévaloir de cette cassation, ni en tirer avantage (1).

Ainsi, des quatre arrêts que cite M. Legraverend, à l'appui de son système, il y en a deux qui sont évidemment étrangers à la question, et un qui, bien loin de la résoudre dans le sens de cet auteur, la résoud, d'accord avec le gouvernement, dans un sens diamétralement opposé.

Quant au quatrième, c'est-à-dire, celui du 15 juillet 1819, j'avoue qu'il est cité plus à propos, et qu'en annulant, sur un réquisitoire présenté d'après l'ordre du ministre de la justice, un jugement du conseil de révision de la 5e division militaire, du 10 mai 1815, un autre jugement du conseil de guerre permanent de la même division du 2 juin suivant, et un troisième jugement du conseil de révision, du 5 du même mois, par lesquels Jean Fabry, quartiermaître du dépôt général des conscrits réfractaires à Strasbourg, avait été déclaré coupable d'avoir détourné à son profit une somme de 10,843 francs appartenant à l'État, il'ordonne que, pour être de nouveau statué sur la plainte sur laquelle ont été rendus ces divers jugemens, et ce, d'après les décisions administratives qui ont prononcé sur les comptes de Fabry, et l'ont déclaré créancier du trésor public, à raison de ses comptes, le prévenu sera ren voyé, avec les pièces de la procédure, devant le 1er conseil de guerre permanent de la division militaire de Paris (2).

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Rébellion, §. 3, no 19.

(2) Voici comment l'espèce de cet arrêt est rapportée dans le Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 24, page 224 :

<< Jean Fabry, quartier-maître du dépôt général des conscrits réfractaires, à Strasbourg, fut traduit devant le 1er conseil de guerre permanent de la 5o division militaire.

>>Il était prévenu d'adord d'avoir détourné à son profit les deniers de l'État ; ensuite, d'avoir fait imprimer un libelle calomnieux contre des fonctionnaires publics.

>> Sur cette double prévention, jugement du 1er conseil de guerre permanent, du 3 mai 1815, par lequel, attendu qu'il y a complication de calomnie, qui est du ressort des tribunaux civils, il se déclare incompétent.

Mais comment la cour de cassation a-t-elle pu se déterminer à rendre un pareil arrêt? .

» Le 10 du même mois, jugement du conseil de révision de la même division qui annulle la déclaration d'incompétence, et renvoie l'accusé par devant le même conseil de guerre.

» Devant ce conseil de guerre, Fabry comparut, remit une défense signée de lui, qui, sur sa demande, fut jointe à la procédure, et dans laquelle il soutenait que le conseil ne pouvait pas le juger; qu'il devait surseoir à prononcer, jusqu'à ce que l'autorité supérieure eût statué sur les plaintes qu'il avait portées contre les membres du conseil d'administration, ses accusateurs ; que, s'il parvenait à prouver tous les faits par lui avancés, il n'y aurait pas de délit à lui imputer.

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Malgré ces moyens, jugement du 1er conseil de guerre permanent, du 2 juin 1815, qui déclare Fabry coupable d'avoir détourné à son profit une somme de 10,843 francs et 49 centimes, appartenant à l'État, et le condamne à cinq années de travaux forcés.

» Fabry se pourvoit en cassation contre ce jugement; et le 5 juin, instruit que le conseil de révision s'assemble pour prononcer, il lui notifie, avant l'ouverture de la séance, qu'il s'est pourvu, ron pas en révision, mais en cassation.

>> Le même jour, jugement du conseil de révision qui, sans s'arrêter au mot cassation, en place de révision, qui se trouve dans l'appel de Fabry; et, sans avoir égard aux observations de son défenseur ordonne que le pourvoi soit admis; et y statuant, confirme le jugement du 1er conseil de guerre, du2 du même mois.

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» Le6 janvier suivant, arrêt de la cour de cassation, qui, sur le pourvoi en cassation envers le jugement du 1er conseil de guerre, du 2 juin, considérant que ce jugement a été rendu par un tribunal militaire; que Jean Fabry, qui fait cette de mande, a la qualité militaire de lieutenant-quartier-maître; qu'ainsi, le jugement est, sous tous les rapports, indépendant de la censure de la cour de cassation, déclare Fabry non-recevable en son pourvoi,

» Le 11 mai précédent, Fabry avait notifié au procureur du roi, à Strasbourg, un pourvoi devant la cour de cassation en réglement de juges, à raison de la connexité entre la prévention sur laquelle il était poursuivi devant le conseil de guerre, et une instance criminelle par lui précédemment introduite devant le juge de Strasbourg, pour violence et enlèvement de ses papiers et pièces comptables.

» Il prétendait que, si la cour de cassation ne statua pas sur le pourvoi, c'est qu'il ne lui fut transmis. pas » En cet état, il se pourvut devant l'autorité royale. » Une première ordonnance de S. M., de 1817, déclara qu'il n'était pas reliquataire de 10,843 francs 69 centimes, ordonna que le réglement de ses comptes serait fait par une commission ad hoc. L'avis de cette commission, approuvé par décision du ministre de la guerre, du 21 août 1818, fut qu'au 13 décembre 1813, Fabry n'était reliquataire que de 6,000 francs; que, par conséquent, sur les 9,960 francs trouvés en caisse chez lui le même jour 13 décembre, il restait

Que le quartier-maître Fabry eût été condamné avec une précipitation illégale; que,

créancier de 3,960 francs, qui étaient sa propriété particulière.

>> Enfin, une seconde ordonnance de S. M., du 6 mai 1819, autorise Fabry à poursuivre, devant les tribunaux compétens, les sieurs Schillé, Béranger et autres, et renvoie au garde-des-sceaux, ministre de la justice, la demande de Fabry, relative à la cassation des jugemens du conseil de révision de la première division militaire, du 10 mai 1815, et des jugemens du premier conseil de guerre et du conseil de révision des 2 et 5 juin suivans.

» D'après les ordres de Son Excellence le gardedes-sceaux, fondés sur l'art. 441 du Code d'instruc tion criminelle, M. le procureur général a présenté un réquisitoire tendant à l'annullation de ces trois jugemens, sauf à renvoyer devant un autre conseil de guerre, sur quoi il s'en rapporte entièrement à la sagesse de la cour.

>> De son côté, Fabry a formé une demande en intervention, à l'appui de laquelle il a pris des conclusions conformes à celles du réquisitoire, et de plus formé diverses réclamations qui consistent, principaIement,

10 En ce que les jugemens attaqués par M. le procureur général fussent cassés pour cause d'inconciliabilité de leur prononcé déclarant Fabry débiteur du trésor public, avec celui des décisions administratives qui l'en ont déclaré créancier;

» 2o A ce que la cassation du jugement du premier conseil de guerre, du 3 mai 1815, qui se déclarait incompétent, fût aussi prononcée;

» 3o A ce que la cassation des jugemens attaqués, fût prononcée sans qu'il fût ordonné de renvoi;

»4° A ce qu'on ordonnât le renvoi de Schillé et consorts, devant la cour royale de Paris, pour y être jugés sur les prévarications et actes arbitraires que Fabry leur impute, conjointement avee ceux qu'il dit avoir dénoncés comme coupables de faux, au procureur du roi près le tribunal de première instance de Paris.

» Sur ces demandes diverses, admission de l'intervention de Fabry;

>> Cassation des jugemens du conseil de révision du 10 mai 1815, du conseil de guerre permanent de la première division, du 2 juin suivant, et du conseil de révision du 5 du même mois; le premier, pour violation de l'art. 16 de la loi du 18 vendémiaire an 6, combiné avec les art. 18 et 19 de la même loi; le second, pour violation des règles de compétence; et le troisième , pour excès de pouvoir et violation des art. 12 et 13 de la loi du 18 vendémiaire an 6;

» Rejet des trois premières demandes de Fabry, et déclaration qu'il n'y a lieu à statuer, quant à présent, sur la quatrième, par les motifs ci-après:

» Ouï M. Ollivier, conseiller en la cour, en sop rapport; Me Sirey, avocat de Fabry, partie intervenante, en ses observations; M. Hua, avocat-général, en ses conclusions;

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La cour, après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;

par suite, il l'eût été injustement, et qu'il fût, dès-lors, du devoir du gouvernement de venir

» Vu l'art. 441 du Code d'instruction criminelle.....i

» Vu aussi l'ordre formel donné par le garde-dessceaux, ministre de la justice, au procureur général de la cour, pour qu'il dénonce à la section criminelle, comme contraires à la loi, 1o le jugement du conseil de révision de la cinquième division militaire, du 10 mai 1815, qui a annulé le jugement du premier conseil de guerre permanent de la même division, du 3 du même mois, qui s'était déclaré incompétent pour connaître de la plainte en dilapidation et calomnie, formée contre Fabry, ancien quartier-maître provisoire du dépôt des conscrits réfractaires, et a renvoyé devant le même conseil de guerre, pour qu'il fût par lui poursuivi et statué sur cette plainte; 2o le jugement de ce conseil de guerre permanent, du 2 juin qui, après avoir instruit en conséquence de ce renvoi, a condamné ledit Fabry, comme coupable de dilapidation de deniers publics, à cinq ans de travaux forcés; 30 le jugement du même conseil de révision du 5 du même mois, qui, sans avoir été saisi d'aucun recours envers ce jugement, en a néanmoins prononcé la confirmation;

» Vu encore le réquisitoire du procureur général, présenté conformément audit ordre du ministre de la justice, et tendant à la cassation desdits jugemens ;

» Vu enfin la requête en intervention présentée, sur ce réquisitoire, par ledit Fabry;

» Statuant en premier lieu, sur l'admissibilité de ladite intervention;

» Attendu que, par les ordres du garde-dessceaux et par le réquisitoire du procureur général, la demande en cassation n'est pas restreinte au seul intérêt de la loi; que, dès-lors, l'annullation peut être prononcée par la cour, dans l'intérêt personnel dudit Fabry; que celui-ci a donc intérêt à appuyer la demande du procureur général, et que, dans cette circonstance, il a qualité pour intervenir;

» La cour reçoit son intervention;

>> Statuant, en deuxième lieu, tant sur le réquisitoire que sur l'intervention;

>> En ce qui concerne 1o l'annullation demandée par le réquisitoire et les chefs de la requête d'intervention qui s'y réfèrent;

>> Relativement au jugement du conseil de révision, du 6 mai 1815,

>> Attendu que, d'après la combinaison du §. 3 de l'art. 16 de la loi du 18 vendémiaire an 6, et des art. 18 et 19 de la même loi, les conseils de révision, en annulant un jugement de conseil de guerre permanent doivent renvoyer devant un conseil de guerre autre que celui dont le jugement a été annulé ;

>> Que néanmoins, dans l'espèce, le jugement du 10 mai 1815, après avoir annulé le jugement rendu le 3 du même mois, par le premier conseil de guerre permanent, a renvoyé devant le même conseil de guerre ; en quoi il a violé les susdits articles de la loi du 18 vendémiaire an 6;

>> Relativement encore à ce même jugement du conseil de révision, du ro mai 1815, ainsi que relativement

à son secours, c'est ce qui ne peut être douteux pour personne.

au jugement du premier conseil de guerre permanent, du 2 juin suivant, et au jugement du susdit conseil de révision, du 5 du même mois,

>> Attendu que Fabry était poursuivi pour fait de dilapidation de deniers publics; mais qu'il n'en pouvait être déclaré coupable qu'autant qu'il aurait été préalablement décidé,par l'autorité compétente, qu'il était reliquataire dans les comptes de sa gestion; qu'il avait requis cet examen préjudiciel de sa comptabilité; et que néanmoins, sans qu'il eût définitivement prononcé, le conseil de révision a déclaré la compétence de la juridiction militaire par son jugement du 10 mai 1815; qu'en conséquence, le premier conseil de guerre permanent a statué sur la plainte, et a condamné Fabry, par son jugement du 2 juin, qui a été confirmé, le 5 du même mois, par le conseil de révision; ce qui a été, de la part de ces deux tribunaux, une violation des règles de compétence;

» Attendu enfin, relativement à ce dernier jugement du conseil de révision, que ce conseil ne pouvait être saisi de la connaissance du jugement du premier conseil de guerre du 2 juin, que par un recours devant lui, déclaré par la partie publique ou par le condamné ; qu'aucun recours n'avait été formé ; que, si Fabry avait attaqué ce jugement par un pourvoi devant la cour de cassation, ce pourvoi, étranger à la juridiction militaire, n'avait pu investir le conseil de révision du droit de connaître du jugement contre lequel il était dirigé; que cependant, en vertu de ce pourvoi, le conseil de révision, par son jugement du 5 juin, a prononcé la confirmation dudit jugement du premier conseil de guerre; qu'il est ainsi sorti du cercle de ses attributions, et a violé les art. 11, 12 et 13 de la loi du 18 vendémiaire an 6;

>> Qu'il y a donc lieu, sous ces différens rapports, à l'annullation dudit jugement du conseil de révision et de celui du premier conseil de guerre permanent;

>> En ce qui concerne 2o les chefs particuliers de la requête d'intervention qui ne rentrent pas dans les conclusions du réquisitoire du procureur général,

>> Attendu 1o sur le moyen de cassation non relevé dans le réquisitoire et employé seulement par l'intervenant contre lesdits jugemens du conseil de révision et du conseil de guerre, et qu'il fonde sur l'inconciliabilité de ces jugemens, qui l'ont déclaré débiteur du trésor public, avec les décisions administratives, qui l'ont déclaré créancier;

>> Que ces jugemens ont été rendus antérieurement à ces décisions; que d'ailleurs les actes administratifs et les jugemens des tribunaux sont d'une nature essentiellement différente; que les autorités dont ils émanent, procèdent d'une manière indépendante, dans des cercles particuliers d'attributions distinctes; qu'entre les décisions administratives et les jugemens des tribunaux, il ne peut donc jamais exister de contrariété judiciaire; et que, de leur inconciliabilité, ne peut, en aucun cas, résulter l'ouverture de cassation prise de la violation de la chose jugée ;

» Attendu 2o, sur la demande en cassation formée par l'intervenant contre le jugement du premier conseil permanent du 3 mai 1815, par lequel ce conseil de

Mais de quelle manière le gouvernement pou vait-il réparer la fatale erreur dont cet infortuné se trouvait victime?

Il pouvait sans doute accorder au sieur Fabry, non seulement des lettres de grâce pure et simple, mais même, comme je l'ai prouvé à l'article Gráce, §. I, des lettres portant abolition des jugemens qui l'avaient condamné.

Il pouvait aussi proposer une loi qui autorisât la cour de cassation à annuler, dans l'intérêt des condamnés, et sans préjudice des droits acquis aux parties civiles, sur la dénonciation qu'il lui en ferait, les jugemens rendus et à rendre par les conseils de guerre.

Mais pouvait-il également, sans une nouvelle loi et en vertu du seul art. 441 du Code d'instruction criminelle, procurer au sieur Fabry l'avantage de se faire juger de nouveau ?

On vient de voir qu'avant la restauration de 1814, la négative était tenue pour constante, et par le gouvernement lui-même, et par la cour de cassation. Comment donc a-t-on pu, en 1819, lire dans l'art. 441 du Code d'instruction criminelle, ce que personne n'y avait lu en 1811, 1812 et 1813? Comment une manière de

guerre s'était déclaré incompétent pour connaître des poursuites faites contre lui;

que

>>Que l'attribution conférée à la cour de cassation par l'art. 441 du Code d'instruction criminelle, est une attribution extraordinaire; qu'elle ne peut donc être exercée dans le sens et sous les conditions de cet article; que l'annullation qu'il autorise, ne peut donc être étendue au-delà des réquisitions du procureur général et des ordres qui lui ont été transmis par le garde-des-sceaux, ministre de la justice; que la cour ne peut donc entrer dans l'examen de la demande en cassation formée par l'intervenant contre un jugement du conseil de guerre qui ne lui a pas été dénoncé par le réquisitoire du procureur général;

>> Attendu 3o, sur le chef des conclusions particulières de l'intervenant, tendant à ce que la cassation du susdit jugement du conseil de révision et du conseil de guerre permanent soit prononcée sans renvoi,

>> Que les dispositions administratives qui ont prononcé sur les comptes de Fabry et l'ont déclaré créancier de l'État, ne sont point et n'ont pu être un jugement sur la plainte en dilapidation formée contre lui; qu'elles ne sont qu'un élément, une base nécessaire pour le jugement de cette plainte par les tribunaux ; que les jugemens qui ont prématurément statué, étant annulés, et cette annullation n'étant pas prononcée dans le seul intérêt de la loi, mais devant aussi profiter à Fabry, d'après ce qui résulte des conclusions du réquisitoire que la cour reconnaît devoir être accueillies, il doit être nécessairement prononcé par l'autorité compétente sur la susdite plainte; qu'un renvoi doit donc être ordonné;

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Qu'il doit l'être surtout dans l'espèce particulière de la cause, où le jugement qui en doit être l'effet, peut ne pas être sans influence sur le résultat des poursuites que Fabry a été autorisé à exercer par l'ordon

juger qui, en 1811, 1812 et 1813, c'est-à-dire, à des époques où l'esprit dans lequel avait été rédigé cet article, était encore présent à tous les souvenirs, aurait été généralement regardée comme un abus de pouvoir et un acte arbitraire, quelque juste qu'elle fût au fond, est-elle devenue tout à coup une mesure légale?

On chercherait vainement la solution de ce problême dans les motifs de l'arrêt dont il s'agit. Il y est bien dit que, par les ordres du garde-des-sceaux, et par le réquisitoire du procureur général, la demande en cassation n'est pas restreinte au seul intérêt de la loi; et que, dès-lors, l'annullation peut être prononcée par la cour dans l'intérêt personnel de Fabry. Mais sur quoi M. le garde-des-sceaux s'est-il fondé pour charger M. le procureur général de requérir, dans l'intérêt personnel de Fabry, l'annullation des jugemens rendus contre cet officier? Sur quoi M. le procureur général s'est-il fondé lui-même pour étendre jus que-là son réquisitoire (sans cependant dissimuler qu'il y trouvait de la difficulté, puisqu'il s'en rapportait à la prudence de la cour)? L'arrêt se tait absolument là-dessus ; et

nance du 6 mai 1819, contre les individus qui sont dénommés dans cette ordonnance;

>> Attendu 4o que, sur la demande de Fabry en renvoi devant la cour royale de Paris, de Schillé et consorts, pour y être jugés sur les prévarications et actes arbitraires qu'il leur impute, conjointement avec ceux qu'il dit avoir dénoncés comme coupables de faux, au procureur du roi du tribunal de première instance de Paris,

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>> Qu'en supposant l'existence de cette dénonciation, jugement à rendre sur la plainte en dilapidation, sans le renvoi demandé ne pourrait être accordé avant le qu'il en résultât, soit sur cette plainte, soit sur les faits prétendus dénoncés par l'intervenant, un préjugé quelconque, ce qui suffit pour que la demande en renvoi doive être jugée prématurée;

>> D'après ces motifs, la cour casse et annulle le jugement du conseil de révision de la 5e division militaire, da 6 mai 1815; celui du premier conseil de guerre permanent de la même division, du 2 juin suivant ; celui dudit conseil de révision, du 3 du même mois; >> Et, pour être de nouveau statué sur la plainte sur laquelle ont été rendus ces divers jugemens, et ce, d'après les décisions administratives qui ont prononcé sur les comptes de Fabry et l'ont déclaré créancier du trésor public, à raison de ces comptes, le renvoie, avec les pièces de la procédure, devant le premier conseil guerre permanent de la division militaire de Paris, qui a été pour ce déterminé par la délibération prise à la chambre du conseil, conformément à l'art. 430 du Code d'instruction criminelle;

de

» Déclare n'y avoir lieu de statuer, quant à présent, sur la demande en renvoi, formée par ledit Fabry, rejette toutes ses autres demandes additionnelles aux conclusions du réquisitoire du procureur général...».

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