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270 MORT SAISIT LE VIF, MOTIFS DES JUGEMENS, §. I er II.

à cet égard, qu'un point de fait ; et dès-là, son arrêt demeure à l'abri de toute atteinte.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête du demandeur, et de le condamner à l'amende ».

Arrêt du 17 août 1809, au rapport de M. Lasaudade, par lequel,

Considérant la Mort civile n'interdit que aux individus qui en sont frappés, que l'exercice des droits et actions qui dérivent du droit civil; qu'aucune loi expresse, avant la promulgation du Code civil, ne privait ces individus des droits et actions qui dérivent du droit des gens;

» Considérant que la vente étant un contrat du droit des gens, l'action en paiement du juste prix résultant de ce contrat, dérive nécessairement du même droit des gens;

'» Considérant qu'à l'époque de la vente dont il s'agit, comme à l'époque de l'action en rescision, le vendeur était inscrit sur la liste des émigrés, sans que l'objet vendu ait été séquestré ;

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» Considérant que celui qui a droit de vendre, a conséquemment le droit d'exiger le prix; » Considérant que Jean Gauthier, pour se maintenir dans la propriété de l'objet vendu, ayant lui-même excipé de la faculté de vendre qu'avait le sieur de Brivazac de Beaumont, quoique porté sur la liste des émigrés (sauf le droit du fisc), parceque la vente est un contrat du droit des gens, s'est rendu non-recevable à lui contester l'action en paiement résultant du même contrat et dérivant du même droit des gens; qu'ainsi, en rejetant la fin de nonrecevoir résultant de l'inscription dudit de Brivazac de Beaumont sur la liste des émigrés, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi;

» Considérant qu'en jugeant, en fait et d'après les titres produits, qu'Edme-Jean-Baptiste de Brivazac de Beaumont était seul propriétaire de l'objet vendu, et qu'en l'admettant à ce titre à exercer pour le tout l'action en rescision, la cour d'appel n'a pu violer les art. 1668 et 1685 du Code civil;

La cour rejette le pourvoi....

§. IV. Quel est l'effet des lettres de grace sur la Mort civile encourue par l'exécution du jugement de condamnation à la peine dont elles font remise? V. l'article Gráce.

§. V. 10 Avant l'abolition des vœux solennels, les religieux étaient-ils véritablement Morts civilement ?

2o Étaient-ils, aux yeux de la loi civile, incapables de se marier? V. l'article Mariage, §. 5.

§. VI. Acception particulière des mots Mort civile, dans la jurisprudence normande.

V. l'article Tiers-coutumier.

MORT SAISIT LE VIF. §. I. Effets dé cette règle, combinée avec la maxime, n'est héritier qui ne veut.

V. les articles Délivrance, Héritier, Séparation des patrimoines, §. 1, et Succession vacante, §. 2.

§. II. Effets de la même règle, dans le cas du concours de la qualité d'héritier ab intestat et de substitué, dans la même personne.

V. l'àrticle Substitution fideicommissaire, §. 8.

MOTIFS DES JUGEMENS. §. I. Peut-on casser, dans l'intérêt privé de la partie qui a demandé en cause d'appel, la nullité du jugement de première instance pour défaut de Motifs, l'arrêt qui, sans statuer sur cette demande, a purement et simplement mis l'appellation

au néant?

V. le plaidoyer et l'arrêt du 17 mai 1810, rapportés au mot Nantissement, §. 2.

§. II. 10 Un jugement en dernier ressort qui, dans son dispositif, est conforme à la loi, mais qui la viole dans ses Motifs, peut-il étre cassé?

2° Peut-il l'être au moins dans l'intérêt de la loi?

30 Doit-il l'être, lorsque, pour substituer aux Motifs illégaux qu'il contient, des Motifs conformes à la loi, il faudrait discuter des faits non allégués et non prouvés, et des actes non produits devant les juges du fond?

4o Y a-t-il lieu à la cassation d'un ju gement en dernier ressort qui, d'accord avec la loi dans ses Motifs, l'est aussi littéralement dans son dispositif, mais qui, en réalité, est nécessairement contraire à la loi dans son dispositif, par cela seul qu'il y est conforme dans ses Motifs?

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50 Peut-on attaquer les Motifs d'un jugement dont on n'attaque pas le dispositif?

I. Sur la première question, j'ai prouvé, dans des conclusions des 21 thermidor an 9 et 29

thermidor an 12, rapportées aux mots Appel, §. 9, et Contrefaçon, §. 5, que la négative est incontestable. Elle a d'ailleurs été consacrée par plusieurs arrêts de la cour de cassation, notamment par ceux qui sont rapportés dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Motifs des jugemens, no 21, et par trois autres dont voici les espèces.

Le 23 juin 1824, plainte au procureur du roi près le tribunal de première instance de Rouen, par laquelle un particulier est dénoncé comme prévenu d'un attentat à la pudeur tenté avec violence. Sur cette plainte, transmise par le procureur du roi au juge d'instruction, une information s'ouvre, et il en résulte qu'il n'y a contre le prévenu aucun indice de violence, mais quelque apparence d'outrage aux mœurs. A la vue de cette information, le procureur du roi donne un réquisitoire par lequel, en reconnaissant que les faits imputés au prévenu, n'offrent aucune intention de violence, et consentant à ce que celui-ci soit mis provisoirement en liberté, sous caution, il demande qu'un témoin déjà entendu soit cité de nouveau pour donner des explications.

Le 22 juillet, ordonnance de la chambre du conseil, qui, sur le rapport du juge d'instruction, décide que l'audition du témoin n'est pas nécessaire, et renvoie le prévenu à l'audience correctionnelle.

Opposition à cette ordonnance de la part du procureur du roi.

Le 27 du même mois, arrêt de la chambre d'accusation de la cour royale de Rouen, qui, attendu que le procureur du roi avait pris des conclusions au fond, confirme l'ordon

nance.

Le procureur général de la cour royale de Rouen se pourvoit en cassation contre cet arrêt, et l'attaque par deux moyens : contravention aux art. 61 et 127 du Code d'instruction criminelle, en ce que les juges ont statué sur le fond sans attendre que-le procureur du roi y eût conclu; et violation de la foi due aux actes publics, en ce que la chambre d'accusation a supposé que le procureur du roi avait conclu au fond, tandis que son réquisitoire constatait tout le contraire.

Mais par arrêt du 25 septembre 1724, au rapport de M. Aumont, et sur les conclusions de M. l'avocat-général de Vatismesnil,

« Attendu qu'aux termes des art. 61 et 127 du Code d'instruction criminelle, le ministère public doit avoir communication de la procédure avant tout acte d'instruction et de poursuite, et faire toutes les réquisitions qu'il juge convenables;

Qu'il doit en avoir connaissance après que

l'instruction est terminée, avant qu'il soit statué par la chambre du conseil sur l'affaire instruite; mais que, ces formalités remplies, cette chambre est pleinement saisie, et peut prononcer ce qu'elle juge bon être;

» Qu'il importe peu que le ministère public, après que l'instruction terminée lúi a été communiquée, n'ait conclu qu'à une continuation d'instruction;

» Que ces réquisitions incidentes ne lient point la chambre, et que, si elle trouve l'affaire suffisamment instruite, elle peut statuer au fond;

» Que, dans l'espèce, le ministère public avait eu connaissance préalable de la procédure; qu'il avait requis une instruction; que, l'instruction terminée, il avait fait de nouvelles réquisitions; que c'est sur le vu de ces réquisitions que le tribunal de première instance de Rouen a prononcé en chambre du conseil ;

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Que, si la cour royale de la même ville, chambre des mises en accusation, a maintenu le jugement de ce tribunal, par le Motif erronné que le ministère public avait conclu au fond, tandis que, dans la réalité, il s'était borné à requérir une continuation d'instruction et la mise en liberté provisoire du prévenu, il ne s'ensuit pas que l'arrêt attaqué doive être annulé, puisqu'il maintient d'ailleurs un jugement régulièrement intervenu et qui n'a ni violé ni pu violer les art. 61 et 127 du Code d'instruction criminelle;

» La cour rejette le pourvoi... (1) » .

Le 16 août 1808, les héritiers Allier font citer le sieur Chaix, meunier, devant le juge de paix du canton de Romans, en réparation du trouble qu'il a apporté depuis peu à la possession dans laquelle ils sont de faire dériver deux fois par semaine, dans une prairie qui leur appartient, une partie des eaux qui font tourner son moulin, et concluent à ce qu'ils soient réintégrés dans cette possession.

La cause portée à l'audience, les parties produisent respectivement des titres à l'appui de leurs prétentions.

Un premier jugement ordonne une visite des lieux, et un rapport d'experts sur l'état dans lequel ils se trouvent.

Un second jugement admet les héritiers Allier à prouver leur possession par témoins,sauf la preuve contraire.

Enfin, par son jugement définitif, le juge de paix examine les titres produits par les héri

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1825, partie 1, page 32.

tiers Allier, il en tire des conséquences qui portent sur le fond du droit, et il raisonne de manière à faire entendre que le fond du droit devrait être décidé en faveur des héritiers Allier; mais arrivant au dispositif, il déclare formellement qu'il ne prononce que sur le possessoire, et il se borne à maintenir les héritiers Allier dans leur possession annuellement renouvelée.

Le sieur Chaix appelle de ce jugement au tribunal civil de Valence.

Le 20 juin 1810, jugement qui annulle celui dont est appel, attendu que le juge de paix a cumulé le pétitoire et le possessoire.

Recours en cassation de la part des héritiers Allier; et par arrêt du 18 mai 1813, au rapport de M. Oudot,

« Vu l'art. 10 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790;

» Attendu que le juge de paix, tout en énoncant des motifs surabondans dans son jugement, s'est cependant décidé par la possession annuellement renouvelée jusqu'au moment de l'instance; ce qui fait voir qu'en jugeant au possessoire, comme il l'énonce dans son jugement, il s'est déterminé par la possession de la dernière année des héritiers Allier qui lui a paru établie par les dépositions des témoins ;

» Attendu que le défendeur soutenait que la possession des héritiers Allier était clandestine; que le juge de paix a pu croire nécessaire de consulter les titres, pour connaître l'espèce des actes de possession dont ils se prévalaient, et s'ils ont joui des eaux les jours où ces eaux sont attribuées aux propriétaires riverains du canal du moulin de Clérieux;

» Que, si le juge de paix a inséré dans la rédaction de son jugement, des raisonnemens inutiles, ou qui paraissent avoir eu pour objet le fond du droit, ce n'était pas une raison de l'annuler, si, d'ailleurs, son dispositif ne contient aucune décision sur le fond du droit, enfin s'il n'a fait que prononcer la maintenue de la possession, telle qu'elle a eu lieu, l'année qui a précédé l'instance;

» Qu'en annulant ce jugement, le tribunal civil de Valence a violé l'art. 10 du tit. 3 de la loi du 24 août 1790;

» La cour casse et annulle le jugement du tribunal de Valence, du 20 juin 1810...... (1) ».

Le 6 janvier 1825, le sieur Biraud fait citer le sieur Pasquier devant le juge de paix du

(1) Bulletin civil de la cour de cassation, tome 15, page 149.

canton de........., en réparation du trouble qu'il lui a causé dans la possession d'un pré, en y passant avec une charrette chargée de bois.

Le sieur Pasquier répond qu'il n'a fait, en passant sur le pré du sieur Biraud, qu'user du droit de servitude d'enclave.

Le sieur Biraud ne conteste pas le droit de servitude; mais il se plaint de ce que le sieur Pasquier en a abusé, en ne passant pas sur la portion de son pré dans laquelle ce droit s'exerce ordinairement.

Le juge de paix ordonne son transport sur les lieux; et après en avoir fait la visite en présence des parties, il rend, le 4 février 1825, un jugement par lequel, attendu que le sieur Pasquier a fait passer sa voiture sur 72 mètres de terrain, au lieu de la faire passer par le lieu ordinaire dont le trajet n'est que de 48 mètres, et dont le fonds est à-la-fois plus solide et moins dommageable, il maintient le sieur Biraud dans sa possession, avec défenses au sieur Pasquier de l'y troubler à l'avenir, en abusant ainsi qu'il l’a fait de son droit de passage.

Sur l'appel du sieur Pasquier au tribunal civil de Rochefort, jugement du 1er juin de la même année, par lequel, « attendu que, si, en

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règle générale, la compétence doit se puiser » dans le dispositif du jugement, néanmoins » lorsque le dispositif a une corrélation tel

lement directe avec les Motifs du jugement, » qu'il ne soit pas possible de douter que le >> prononcé ne soit la conséquence des Motifs » qui lui servent de base, qu'il ne les sanctionne » implicitement et ne fasse avec eux un même << tout, il est alors indispensable d'apprécier » tant les Motifs que le dispositif pour se fixer » sur la compétence »; le tribunal annulle le jugement du juge de paix, comme rendu incom. pétemment, « en ce que tous les motifs en étant » tirés du fond, c'est-à dire, du mode dont le » sieur Pasquier doit exercer son droit de servi tude,il a évidemment cumulé le pétitoire avec » le possessoire ».

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Mais le sieur Biraud se pourvoit en cassation, et par arrêt du 24 juin 1828,

<< Ouï le rapport fait par M.-le conseiller Poriquet.... et les conclusions de M. l'avocat. général Cahier ;

» Vu les art. 10, tit. 3, de la loi du 24 août 1790, et l'art. 25 du Code de procédure civile;

» Attendu que, si dans les Motifs de son jugement, le juge de paix a pris en considération, d'après la visite par lui faite, en présence des parties, en exécution de son jugement inter locutoire, que le licu par lequel Pasquier avait

exercé son droit de passage, était plus dommageable que celui sur lequel il s'exerçait ordinairement, tant par lui que par divers particuliers dont les héritages étaient également enclaves ; si, en conséquence, il avait qualifié le fait qui devait donner lieu à la demande en complainte d'abus de l'usage du droit de servitude, il n'a cependant, par le dispositif de son jugement, statué qu'au possessoire, soit en maintenant Biraud dans sa possession, soit en faisant défense à Pasquier de l'y troubler, et n'a, par ces dispositions, porté aucune atteinte à la faculté que les parties auront de se pourvoir au pétitoire, pour faire fixer le lieu du passage,conformément à l'art.683 du Code civil;

>> Attendu qu'il suit de là qu'en annulant le jugement du juge de paix pour cause d'incompétence, sous le prétexte qu'il aurait cumulé le possessoire et le pétitoire, le tribunal civil a faussement appliqué l'art. 25 du Code de procédure, et violé l'art. 10, tit. 3, de la loi du 24 août 1790;

» La cour casse et annulle le jugement du tribunal civil de Rochefort, rendu le 1er juin 1825.... (1) ».

II. Sur la seconde question, V. ce que je dis à l'article Désertion, §. 5, sur l'arrêt de la cour de cassation du 28 décembre 1826, qui annulle celui de la cour royale de Lyon, du 27 juillet précédent.

III. Sur la troisième question, j'ai établi la négative dans les conclusions du 21 ventôse an 12, rapportées aux mots Papier-monnaie, §. 4.

par lequel, considérant que, sur tel et tel article, l'avis du sieur Barreau lui paraissait fondé; que, sur tel et tel autre article, c'était l'avis du sieur Gisquet qui devait prévaloir; que, de cette différence entre son opinion et celle des deux arbitres sur chacun des articles litigieux, il s'ensuivait tout naturellement qu'il ne devait, sur le résultat général, embrasser, ni l'avis de l'un ni l'avis de l'autre ; mais que, forcé par l'art. 1018 du Code de commerce, d'opter entre les deux opinions, Il devait s'en tenir à celle qui se rapprochait le plus de la sienne, il déclare fixer la somme des bénéfices 99,000 francs.

à

Le sicur Pailhès a appelé de ce jugement à la cour royale de Paris, mais inutilement. Par arrêt du 3 juin 1822, « la cour, adoptant les » Motifs du jugement du sur-arbitre, a mis l'appellation au néant ».

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Recours en cassation contre cet arrêt pour contravention à l'art. 1018 du Code de procédure civile.

Le vœu de cet article (a dit le sieur Pailhès) est évidemment d'empêcher que le tiers-arbitre ne juge seul en se formant une opinion particulière; il a voulu que la sentence arbitrale fût le résultat de l'opinion de deux arbitres. Lorsque plusieurs chefs sont soumis à l'arbitrage, et que le tiers-arbitre croit reconnaître que l'avis d'un arbitre est juste sur tel fait et faux sur tel autre, tandis que l'avis du second arbitre est bien fondé sur un point et erroné sur un autre point, ce tiers-arbitre, en adoptant divisément les deux avis, et en rejetant ce qui lui paraît contraire à l'équité de l'un et de l'autre côté, rend un jugement qui exprime l'opinion des deux ju

IV. La quatrième question s'est présentée ges sur les points qu'il adopte. Ici s'applique dans une espèce fort singulière.

Dans une contestation élevée entre les sieurs Aubry et Pailhès sur la quotité des bénéfices dont l'un devait tenir compte à l'autre dans une entreprise qu'ils avaient faite en société, il avait eté, en exécution d'un arrêt de la cour royale de Paris, du 8 mai 1821, nommé deux arbitres, le sieur Barreau de la part du sieur Aubry, et le sieur Gisquet de la part du sieur Pailles.

Les deux arbitres ne se sont pas accordés dans le résultat de leurs opérations. Le sieur Barreau a fixé les bénéfices à 99,000 francs; et le sieur Gisquet les a réduits à 37,000 francs.

En conséquence, le sieur Thory a été, d'office, nommé sur-arbitre; et après avoir conféré avec les deux arbitres, il a rendu un jugement

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l'adage tot capita, tot sententiæ. A chaque instant les cours royales et la cour de cassation, en prononçant sur des sentences qui embrassent plusieurs chefs, confirment les uns et réforment les autres.

» Peu importe qu'il n'y ait pas similitude entre le résultat définitif obtenu par le tiers. arbitre et le résultat de l'une ou l'autre des opinions précédentes; ce résultat n'est pas le jugement; il n'en est que la conséquence, et il forme, en quelque sorte, l'addition ou la somme des divers jugemens particuliers.

» Dans l'espèce, le tiers-arbitre a déclaré que la décision la plus juste lui paraissait exister divisément dans chacune des deux opinions. Ce n'est que parcequ'il s'est cru lié par une fausse interprétation de l'art. 1018, qu'il s'est enfin rallié à une opinion contraire à sa conscience, et qu'il frappe lui-même de réprobation. Il n'a certainement pas été dans

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la pensée du législateur d'imposer au tiers arbitre une aussi pénible nécessité. La cour royale a mal interprété la loi, en s'appropriant l'erreur du sieur Thory ».

Sur ces moyens, arrêt de la section des requêtes qui admet le recours en cassation du sieur Pailhès.

L'affaire portée à la section civile, le sieur Aubry s'est défendu par le principe général que, dans toute décision judiciaire, il faut distinguer le dispositif de la déclaration qui le précède.

« Loin de violer l'art. 1018 du Code de commerce (a-t-il dit), le dispositif du jugement du sur-arbitre n'en est que la plus parfaite exécution. L'article porte que le tiers-arbitre qui n'a pu réunir les deux autres, doit prononcer seul; mais qu'il est tenu de se conformer à l'avis de l'un d'eux. Voilà précisément ce qui s'est passé. Le tiers-arbitre déclare qu'après avoir fait des efforts inutiles pour rallier les arbitres à une opinion commune, il se réunit de lui-même à l'opinion de l'un d'eux dont il adopte tous les Motifs.

>> Serait-ce dans la déclaration qui accompagne le dispositif qu'il y a violation de la loi? La loi ne commande pas au tiers-arbitre d'émettre lui-même l'avis qui lui paraît le plus juste; elle veut, au contraire, qu'il se range å l'une des opinions déjà formées. Si, par un motif de délicatesse, le sieur Thory a cru convenable d'ajouter à l'accomplissement de ce devoir légal, la déclaration que l'avis en faveur duquel il a opté, n'est pas le mieux fondé sous tous les rapports, une semblable observation n'est pas défendue par la loi; elle est simple

ment surabondante.

» Au surplus, l'art. 1018 exige encore que le tiers-arbitre ne prononce qu'après avoir conféré avec les arbitres divisés, et après avoir fait tous ses efforts pour les ramener à une opinion commune, selon lui la plus sage et la plus conforme à l'équité. Or, c'est ce qui a eu licu, et la déclaration avait pour but de le constater.

» Quant à la maxime tot capita, tot sententiæ, elle n'est applicable que dans les contestations qui présentent diverses questions de droit et sur lesquelles il y a à rendre autant de décisions particulières qu'il y a de points litigieux.

» L'arrêt de la cour royale, en exécution duquel la sentence arbitrale a été prononcée, avait définitivement statué sur les questions de droit; il ne s'agissait plus, de la part des experts, que de fixer un seul point, la quotité des bénéfices; et dès que le tiers-arbitre n'avait pas réussi à mettre d'accord les deux ar

bitres sur les divers détails de fait, il ne lui restait plus qu'à choisir l'une ou l'autre des opinions».

Cette défense eût sans doute triomphé, si l'on eût pu, aux Motifs du jugement du surarbitre, en substituer d'autres qui, dérivant des mêmes faits, eussent été susceptibles de se lier avec le dispositif comme un principe se lie avec sa conséquence. Mais cela était évidemment impossible. Les propositions que le sur-arbitre avait qualifiées de motifs, en étaient nécessairement indépendantes; elles formaient par conséquent, sous le nom apparent de motifs, des dispositifs proprement dits; et par conséquent encore il se trouvait dans le

jugement deux parties distinctes dont la pre

mière était, à la vérité,d'accord avec l'art. 1018 du Code de procédure civile, mais dont la seconde violait ouvertement cet article. Com

ment, dès lors, l'arrêt qui avait confirmé ce jugement, aurait-il pu échapper à la cassa

tion?

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le

»>Que le reliquat d'un compte n'est que résumé des premières opérations; qu'il ne constitue pas le jugement; qu'il doit nécessairement être fixé d'après les décisions portées sur chacun des objets en contestation ; qu'il ne peut en être que la conséquence;

Que cependant, dans l'espèce, le tiers-arbitre, après avoir statué particulièrement sur les diverses questions sur lesquelles les autres arbitres avaient été discordans, s'est cru dans l'obligation d'adopter le reliquat du compte fixé par l'un d'eux, quoique ce reliquat ne se trouvât pas en harmonie avec ses premières opérations;

>>Que le tiers-arbitre n'a'pu le juger ainsi sans faire la plus fausse interprétation de l'article cité, et sans violer toutes les règles de la raison et de l'équité;

» Qu'en adoptant purement et simplement les motifs du tiers-arbitre, et en refusant, par suite, de faire droit à l'appel que le demandeur avait interjeté de sa décision, la cour royale de Paris s'est rendue propre la fausse interprétation dudit article ; qu'il y a lieu, dès-lors, de

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