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La commune d'Aurel attaquait un arrêt de la cour royale de Grenoble, du 14 février 1823, qui l'avait déboutée de sa demande en revendication d'un bois, et en restitution du prix des coupes qui y avaient été faites; et elle soutenait qu'il avait violé l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, de deux manières : d'abord, en ce qu'il n'avait pas motivé suffisamment le rejet de sa demande en revendication; ensuite, en ce qu'il n'avait pas du tout motivé le rejet de sa demande en indemnité pour les coupes faites dans le bois.

Par arrêt contradictoire, du 14 novembre 1827,

«Attendu que les deux dispositions de l'arrêt attaqué, sous prétexte du défaut de motifs, sont réellement motivées ; que, de plus, elles le sont valablement quant au chef concernant l'indemnité, puisque ce chef était la conséquence du principal, et que tous les motifs donnés pour le rejet de ce principal, s'appliquaient à l'accessoire, c'est-à-dire, à l'indemnité pour bois coupés ou vendus dans un enclos sur lequel la commune d'Aurel était déclarée n'avoir aucun droit;

» La cour rejette le pourvoi........ (2) » .

MOTIFS DES LOIS. §. I. Les motifs d'une loi venant à cesser, la loi perd-elle son autorité?

V. les articles Tribunal d'appel, §. 3, et Usage (droit d'), §. 3:

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§. II. Les Motifs des lois sont-ils toujours des guides súrs pour déterminer l'étendue de leurs dispositions? V. le plaidoyer du 15 décembre 1809, rapporté aux mots Inscription hypothécaire, §. '3, et l'article Notaire, §. 3.

§. III. Peut-on étendre une loi nouvelle et restrictive, à des objets dont elle ne parle pas, mais auxquels ses Motifs sont applicables?

V. le plaidoyer du 19 juillet 1810, rapporté à l'article Testament, §. 15.

MOULIN. §. I. 10 Les lois relatives à la féodalité, ont-elles prononcé l'abolition ou du moins ordonné la réduction de la rente qu'un ci-devant seigneur s'était réservée, en concédant un fonds (adjacent à un canal non navigable, mais dérivant d'une rivière navigable), avec la charge d'y batir un Moulin à

(1) Ibid., tome 28, page 184. (2) Ibid., tome 27, page 49.

eau, et cela dans un pays où le droit de cours d'eau, et par suite celui de bâtir des Moulins sur des rivières non navigables, appartenait exclusivement aux seigneurs?

2o Que doit-on décider à cet égard, si la rente a été, par l'acte de concession, qualifiée d'emphyteotique? Peut-elle, nonobstant cette qualification, être considérée comme censuelle?

30 La rente serait-elle conservée dans tous les cas, si la concession avait été stipulée perpétuelle, mais résoluble par l'extinction de la postérité, du concessionnaire ?

Ces questions, et deux autres qui sont indiquées sous les mots Franc-alleu, §. 3, et Ministère public, §. 4, se sont présentées à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 12 nivôse an 12; voici de quelle manière je

les ai discutées :

« Le cit. Anthès vous dénonce un jugement du tribunal d'appel de Colmar, du 17 germinal an 10, et vous avez à décider si ce jugement a été, comme il le soutient, rendu dans une forme illégale, ou si du moins il a violé, au fond, les lois qui, en supprimant les rentes seigneuriales, ont maintenu les rentes purement foncières.

» Dans le fait, par contrat du 6 septembre 1738, Jean-Philippe Anthès acquit de la dame Schawenbourg, la terre de Nambsheim, située sur la rive gauche du Rhin ».

» A ce contrat, est annexé un état de la consistance de la terre.

>> Il est divisé en plusieurs articles; et dans celui qui est intitulé Droits seigneuriaux et juridiction, on remarque notamment que le justicier; qu'il avait sur la commune et sur ses seigneur de Nambsheim était haut et moyen membres, des droits de taille annuelle; que chaque habitant lui devait cinq corvées par an; qu'il jouissait, comme presque tous les seigneurs alsaciens, du droit appelé umbgelt, espèce d'impôt sur le vin ; qu'il avait le droit exclusif de la chasse ; qu'à lui seul appartenaient les amendes prononcées par justice; qu'il affermait la pêche sur le Rhin; que les sources et autres eaux dont il était propriétaire, n'étaient pas affermées.

>> Dans un autre article, intitulé Bâtimens, se trouve compris un Moulin à eau, affermé dent, moyennant 80 réseaux de blé, 90 livres avec les édifices et les jardins qui en dépenen argent, un porc gras et quelque volailles.

» A la fin de l'année 1750, ce Moulin ayant besoin de grandes réparations, le propriétaire

crut devoir le faire transplanter dans un autre emplacement; et pour s'épargner les avances que ce changement devait lui occasionner, il prit le parti de faire avec son fermier, une convention par laquelle celui-ci s'obligea de reconstruire le Moulin à neuf, dans le terrain qui lui serait indiqué et cédé à cet effet; et le propriétaire, de son côté, déclara lui bailler en emphythéose perpétuelle, pour lui et ses héritiers en ligne directe seulement, le Moulin à la reconstruction duquel il venait de s'engager. »Pour lui faciliter cette reconstruction, le propriétaire lui abandonna les matériaux du Moulin alors existant, lui compta en outre une somme de 600 livres, et lui prêta une autre somme de 400 livres.

» Il fut convenu en même temps, qu'à chaque mutation, les nouveaux emphyteotes obtiendraient l'agrément du seigneur direct, comme aussi dans le cas d'aliénation, sans qu'en l'un ou l'autre cas, le seigneur direct pút prétendre le droit de LAUDEMIUM.

»Enfin, la redevance emphyteotique fut fixée à 50 réseaux de mouture pár an.

>>Le 17 juillet 1777, le domaine utile de ce Moulin fut vendu par décret, sur les enfans mineurs du premier emphyteote; et parmi les clauses de la vente, faite devant le bailli du cit. Anthès, nous en remarquons deux qui portent,

» L'une,que ladite vente et adjudication n'aura lieu que tant et silong-temps qu'il restera des descendans máles ou femelles en ligne directe des premiers preneurs emphyteotiques,en sorte qu'à l'extinction de ladite descendance directe, la propriété utile dont il s'agit, RETOURNERA au seigneur de ce lieu qui la réunira et consolidera avec la directe;

D

L'autre, que l'adjudicataire ne pourra se dire propriétaire dudit DOMAINE UTILE, qu'en obtenant L'AGRÉMENT DU SEIGNEUR DIRECT, et qu'autant que ledit seigneur ne voudra pas user de son DROIT DE PRÉFÉRENCE DANS LES QUATRE MOIS, à compter du jour que la vente lui aura été notifiée.

» Le 21 janvier 1791, Jean Ulsass, acquéreur des droits de l'adjudicataire, fit citer le cit. Anthès devant le bureau de paix du district de Colmar, pour se concilier sur les demandes qu'il entendait former contre lui, tant en remboursement des frais de construction du Moulin, qu'en suppression, ou du moins en réduction proportionnelle de la redevance annuelle dont il était grevé par le bail emphytéotique du 3 novembre 1750; et à l'appui de ces demandes, il exposa que le Moulin s'était trouvé tout à coup privé des eaux qui faisaient rouler ses quatre tournans, attendu que, par ordre des ingénieurs, le canal qui TOME X.

recevait les eaux du Rhin, avait été entièrement fermé et bouché, de manière qu'il n'y avait plus d'autres eaux que celles qui filtraient à travers la digue de fermeture.

» Le cit Anthès comparut sur cette citation, le 25 du même mois, et répondit, entre autres choses, que Jean Ulsass ne devait pas ignorer qu'étant propriétaire du domaine utile, la diminution, dégradation et extinction du fonds serait à sa charge, par la maxime RES PERIT DOMINO; et qu'il ne pouvait se soustraire à la reconnaissance du domaine direct, qu'en réfutant l'emphy téose, ce qu'il se gardait bien de faire.

La comparution se termina par un arrangement qui ne portait que sur les arrérages échus avant 1789, et qui réservait les droits du cit. Anthès au fond.

>> Le 25 pluviose an 3, Jean Ulsass, revenant à la charge, fit de nouveau citer le cit. Anthès pour se concilier sur la demande qu'il entendait former à ce que la redevance annuelle de 50 réseaux de mouture fût déclarée abolie comme droit féodal, aux offres de payer une rente proportionnée à la jouissance du seul terrain qui formait l'enclos du Moylin à qui de droit, c'est-à-dire, ou à la commune qui venait de s'en faire déclarer propriétaire par un jugement arbitral, ou au cit. Anthès; laquelle serait estimée par experts.

>> Cette citation fut suivie, le 12 ventôse suivant, d'un procès-verbal de non conciliation, dans lequel on voit le cit. Anthès soutenir que les décrets cités par Ulsass, n'abolissent point les emphytéoses; qu'ils les maintiennent au contraire, comme tous autres droits fonciers; que le cours d'eau qui fait tourner le Moulin dont s'agit, n'est pas un droit féodal, pas plus pour ce Moulin que pour ceux de Saasheim, Heiteren, Volghelsheim et Algolsheim, dont les Moulins sont mis en mouvement par les mêmes eaux et par le même canal, qu'ils ont ouvert et nettoient à frais communs, et que jamais le terrain et l'enclos du Moulin n'ont été enlevés par un jugement arbitrál.

»D'après ce procès-verbal de non-conciliation, et dès le 25 du même mois, Jean Ulsass s'est pourvu au tribunal du district de Colmar, où il paraît que la cause est restée sans poursuites jusqu'au 15 brumaire an 7, époque de l'assignation en reprise d'instance, qui fut donnée par ses héritiers au cit. Anthès, pardevant le tribunal civil du département du Haut-Rhin.

» Mais dans l'intervalle, il s'est fait au bureau de paix, des actes qu'il ne sera pas inutile de vous rappeler.

» Le 13 vendémiaire an 6, la commune de Nambsheim avait fait citer les héritiers Ulsass,

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pour les faire condamner à lui payer la part et portion de la redevance emphyteotique, relative à l'emplacement formant l'enclos du Moulin qu'ils occupent et tiennent à emphyteose, attendu que ce Moulin est situé sur le terrain dont la propriété a été adjugée à ladite commune, par jugement arbitral du 25 nivóse an d'après une ventilation à faire par experts, lesquels estimeront la quotité du canon relative au sol, et celle qui pourrait l'être au cours d'eau et droit de Moulin, auxquels derniers droits la commune n'a point de prétention, comme étant des droits seigneuriaux suppri

2,

més.

» Le 18 du même mois, les héritiers Ulsass, comparaissant devant le bureau de paix, avaient requis la mise en cause du cit. Anthès, attendu qu'il prétendait la partie du canon répétée contre la commune, et qu'à ce sujet il y avait

contestation entre eux et lui.

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» En conséquence, l'affaire avait été remise par le bureau de paix, au 2 brumaire an 6, et les héritiers Ulsass avaient fait citer le cit. Anthès à y comparaître ce jour-là. Mais ce jour venu, le cit. Anthès avait fait défaut, et il avait été dressé procès-verbal de non-conciliation entre les héritiers Ulsass et la commune. » Que s'est-il fait en conséquence de ce procès-verbal? La cominune a-t-elle poursuivi, contre les héritiers Ulsass, les fins de sa citation du 13 vendémiaire an 6? Et les héritiers Ulsass, de leur côté, ont-ils conclu contre le cit. Anthès, à ce que le jugement qui pourrait intervenir en faveur de la commune, fût déclaré commun avec lui? Nous l'ignorons les parties n'ont rien dit, rien produit qui nous fournisse là-dessus le moindre éclaircissement.

:

>>Il est cependant certain, et vous en avez la preuve dans la sentence arbitrale que les défendeurs viennent de produire, que, le 25 nivôse an 2, la commune s'était fait adjuger par des arbitres, contradictoirement avec le cit. Anthès, la propriété du terrain et de l'enclos sur lequel était élevé le Moulin dont il s'agit.

» La commune aurait-elle donc renoncé à l'effet de cette sentence? Cela n'est pas vraisemblable. Le cit. Anthès en aurait-il obtenu l'annullation? Rien ne l'annonce, et le cit. Anthès lui-même n'en parle pas. Il est donc bien probable que cette sentence subsiste encore; et s'il nous était permis de hasarder une conjecture sur le silence dans lequel la commune s'est renfermée à cet égard, depuis le procèsverbal de non-conciliation du 2 brumaire an 6, nous penserions que la commune, mal conseillée sans doute, a cru devoir attendre, pour donner suite à son action, que les différends entre le

cit. Anthès et les héritiers Ulsass, fussent terminés définitivement.

Nous disons mal conseillée : car le moyen le plus sûr et tout à la fois le plus expéditif de mettre fin aux contestations entre le cit. Anthès et les héritiers Ulsass, était que la commune y intervînt pour faire usage de son jugement arbitral du 25 nivôse an 2. De là, en effet, il serait résulté infailliblement que le cit. Anthès était sans qualité pour réclamer la redevance litigieuse ; qu'à la vérité, l'aliénation qu'il avait faite en 1750 du terrain sur lequel le Moulin avait été érigé, ne pouvait pas être attaquée par la commune ; mais qu'aux termes des art. 4 et 13 de la loi du 28 août 1792, c'était à la commune qu'appartenait la redevance constituée pour le prix de cette aliénation.

>> Quoi qu'il en soit, les héritiers Ulsass, en reprenant devant le tribunal civil du HautRhin, l'instance qui avait été portée en l'an 3 au tribunal du district de Colmar, y ont pris des conclusions qu'il importe de remarquer. Elles tendaient à ce que, sous le mérite des offies déjà faites de payer, A QUI DE DROIT, une rente emphyteotique proportionnée à la jouissance du seul terrain qui forme l'enclos du Moulin, et ce, à dire d'experts, il fût dit que la rente ou le canon emphyteotique de 50 réseaux de mouture par an, assis sur ledit Moulin, était un droit féodal supprimé sans indemnité, ainsi que les arrérages qui en seraient dus.

» Vous voyez que les héritiers Ulsass n'offraient pas précisément de payer au cit. Anthès, une rente proportionnée à la valeur de l'emplacement de leur Moulin, mais qu'ils offraient de la payer à qui de droit: ce qui suppose manifestement que, dans leur opinion, ils pouvaient bien ne pas la devoir au cit. Anthès, mais à la commune; ce qui, par conséquent, suppose encore que la commune, à cette épo que, ne s'était pas désistée et n'avait pas été évincée de l'effet de sa sentence arbitrale du 25 nivôse an 2.

» Au surplus, il ne paraît pas que cette sen tence ait été produite devant le tribunal civil du Haut-Rhin, ni qu'on s'en soit prévalu devant lui, de part ni d'autre. Nous en ferons donc ici une abstraction complète; et nous examinerons la cause comme si le cit. Anthès était encore reconnu avoir pu aliéner, en 1750, la propriété de l'emplacement du Moulin possédé par les héritiers Ulsass.

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» Par jugement du 8 frimaire an 7, le tribu nal civil du Haut-Rhin a prononcé conformé ment aux conclusions des héritiers Ulsass; et pour prononcer ainsi, il s'es fondé sur un point de droit et sur un point de fait.

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» Il a considéré, dans le fait, que la redevance emphyteotique stipulée par le bail de 1750, n'avait pas pour seule cause la concession du terrain sur lequel l'emphyteote avait construit le Moulin dont il s'agissait; que la concession de ce terrain n'aurait pas suffi pour y pouvoir établir un Moulin, si le seigneur n'y eût joint la concession du droit de cours d'eau; que le droit de cours d'eau était, avant la révolution, réputé seigneurial dans toute l'Alsace; qu'en conséquence, aucun particulier propriétaire d'un terrain adjacent à une rivière ou à un canal, n'eût pu, avant la révolution, y construire un Moulin à eau, sans la permission de son seigneur; que de là il suivait nécessairement que le droit de cours d'eau avait été concédé par le bail emphyteotique de 1750, en même temps que l'emplacement sur lequel le Moulin était bâti; qu'ainsi, la rente stipulée par ce bail, était foncière, en tant qu'elle avait pour cause la concession de l'emplacement du Moulin: mais qu'elle était seigneuriale, en tant qu'elle avait pour cause la concession du droit de cours d'eau; que conséquemment elle était mixte, et que, d'après la loi du 17 juillet 1793, elle eût dû être déclarée abolie en totalité, si les héritiers Ulsass ne s'étaient pas bornés à en demander la réduction.

» Le cit. Anthès a appelé de ce jugement, mais vaine tentative: le tribunal d'appel de Colmar a déclaré qu'il avait été bien jugé, et il s'est fondé sur les mêmes motifs que le tribunal civil du Haut-Rhin, notamment sur ce que, dans la ci-devant Alsace, le droit de cours d'eau, avant la révolution, appartenait exclusivement aux seigneurs; qu'on saurait d'autant moins en douter, que pour lors un particulier ayant un terrain contigu à une rivière, n'aurait pu y construire une usine sans la permission expresse du seigneur, pas même souvent en tirer des eaux pour l'irriga tion de ses prés.

» C'est de ce jugement du tribunal d'appel de Colmar, que le cit. Anthès vous demande aujourd'hui la cassation.

» Son premier moyen consiste à dire que les

règles de l'ordre judiciaire ont été violées dans la forme du jugement dont il se plaint; et elles l'ont été, suivant lui, en ce que le cit. Anthonin, qui avait pris part, comme président du tribunal civil du Haut-Rhin, au jugement de première instance, a encore figuré dans la cause d'appel, en qualité de commissaire du gouvernement, et y a conclu au bien jugé.

>> Mais aucune loi ne défendait au cit. Anthonin de porter la parole, au nom du ministère public, sur l'appel du jugement auquel il avait participé comme juge. Les convenances exigeaient sans doute qu'il s'en abstînt; mais blesser les convenances et violer une loi, ce n'est pas, à beaucoup près, la même chose : et si, comme vous l'avez jugé, le 14 ventôse an 10, au rapport du cit. Cochard, un jugement d'appel n'est pas nul, par cela seul qu'il y est intervenu un magistrat qui avait connu de l'affaire en première instance, et qu'aucune des parties n'a récusé par ce motif, à combien plus forte raison ne peut-on pas, dans notre espèce, faire résulter une nullité de ce que le cit. Anthonin a rempli sur l'appel les fonctions de commissaire du gouvernement, après avoir rempli celles de juge en première instance!

» Le second moyen de cassation du cit. Anthes n'est pas d'une discussion aussi facile que le premier. Il est tiré des art. 1 et 2 de la loi du 17 juillet 1793, que le cit. Anthès soutient avoir été, l'un faussement appliqué, l'autre violé par le tribunal d'appel de Colmar.

I

>> Suivant le cit. Anthès, la redevance litigieuse n'a aucun caractère de féodalité; ainsi, en la déclarant abolie par l'art. 1 de la loi citée, le tribunal d'appel de Colmar a fait une fausse application de cet article. D'un autre côté, cette redevance est purement foncière, elle est conséquemment maintenue par le deuxième article de la même loi; ce second article a donc été violé par le tribunal d'appel

de Colmar.

» Pour bien apprécier ce moyen, il importe, avant tout, de nous fixer, d'une manière précise, sur les cas dans lesquels une redevance créée originairement au profit d'un seigneur, pour prix d'une concession quelconque, est, ou n'est point frappée de la suppression prononcée psr les lois relatives au régime féodal.

»De deux choses l'une : ou la redevance a été

constituée pour prix de la concession d'un objet qui ne faisait point partie de la seigneurie du concédant, et qui par conséquent était possédée par celui-ci, soit en franc-alleu roturier, soit en censive; ou elle a été constituée pour

prix de la concession d'un objet que le concédant possédait comme partie intégrante de sa seigneurie.

ou,

ce

>> Au premier cas, la concession ne peut être envisagée que comme un bail à rente, qui revient à peu près au même, comme une emphyteose perpétuelle. Et alors, la redevance qui en forme le prix, est purement foncière, quelle que soit d'ailleurs la qualification qui lui a été donnée par l'acte de concession (1). » Au second cas, il faut distinguer: ou la redevance a été stipulée d'une manière qui rap pelle la féodalité, c'est-à-dire, soit avec le caractère de cens, soit avec mélange de droits tenant au régime censuel; ou elle l'a été comme une rente purement foncière ou emphyteotique.

»Si elle a été stipulée avec le caractère de cens ou avec mélange de droits censuels, elle est abolie par la loi du 17 juillet 1793. Ainsi l'ont déclaré les décrets interprétatifs du 2 octobre 1793 et du 7 ventôse an 2; et vous savez que le gouvernement s'est prononcé l'année dernière, dans une forme très - solennelle, sur l'obligation dans laquelle sont toutes les autorités de respecter ces deux décrets, tant qu'ils ne seront pas rapportés.

» Si la redevance a été stipulée seule, comme purement foncière, et sans rétention de foi (2), il faut encore distinguer.

Ou la concession a pour objet un fonds de terre, un droit réel non aboli par les nouvelles lois, en un mot,, une chose qui est encore aujourd'hui dans le commerce; et alors la redevance est maintenue par l'art. 2 de la loi du 17 juillet 1793.

» Ou la concession a pour objet un droit que les lois nouvelles ont aboli; et dans ce cas, l'abolition du droit concédé emporte nécessairement l'abolition de la redevance qui formait le prix de la concession.

>> Ou enfin, la concession embrassait à la fois des fonds de terre et des droits actuellement abolis; et dans cette troisième hypothèse, la redevance n'est ni entièrement supprimée ni entièrement maintenue; elle est sujette à réduction.

Sur ces deux derniers points, il existe, comme vous le savez, une disposition formelle dans l'art. 38 du tit. 2 de la loi du 15-28 mars 1790: Les preneurs à rente d'aucuns droits abolis, ne pourront demander qu'une réduction proportionnelle des redevances dont ils sont chargés, lorsque les baux contiendront, outre les droits abolis, des batimens, immeubles ou autres droits dont la propriété est

(1) V.Particle Rente foncière, §. 13 et 14. (2) V. Particle Locatairie perpétuelle, §. 1.

conservée...; et dans le cas où les baux à rente ne comprendraient que des droits abolis, les preneurs seront...... déchargés des rentes.

» D'après ces données, il est évident, et que la redevance dont il est ici question, est abolie par nos lois nouvelles, si, dans la stipulation qui l'a créée, il est entré quelque caractère ou mélange de féodalité; et que, dans le cas où il ne serait entré rien de semblable dans la sti

pulation constitutive de cette redevance, elle

devrait du moins être réduite, si elle était à la

fois le prix de deux choses distinctes, d'une concession de propriété foncière, et d'une concession de droit féodal.

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Ainsi, deux questions à examiner. La redevance dont il s'agit, a-t-elle été constituée sans caractère ni mélange de féodalité? C'est la première. A-t-elle été constituée pour prix d'un droit féodal, en même temps que pour prix d'une propriété foncière? C'est la seconde.

» Sur la premiére question, nous n'avons à consulter que l'acte de 1750, qualifié de bail emphyteotique; et toute la difficulté consiste à savoir si cet acte est effectivement une emphytéose, ou si ce n'est pas un bail à cens.

»Nous n'avons pas besoin de prouver que la solution de cette difficulté n'est pas dans la dénomination que les parties ont donnée à l'acte même. Il est de principe que la nature des contrats se détermine, non par les qualifications qu'il a lu aux parties contractantes de leur donner, mais par la substance des clauses qu'ils renferment. Ainsi, l'on aurait qualifié de bail à cens l'acte de concession de 1750, qu'il n'en serait pas moins une emphytéose, si véritablement il en avait le caractère. Et réciproquement en vain l'aura-t-on qualifié d'emphyteose, si, dans la réalité, on n'y trouve qu'un bail à cens, c'est comme un bail à cens que nous devons le considérer.

» Quelle différence y a-t-il en général entre un bail à cens et un bail emphyteotique?

»Elle consiste principalement (répond Boutaric,dans son Traité des droits seigneuriaux, page 2) en ce qu'on ne peut bailler à cens qu'un fonds que l'on possède noble; au lieu que, pour bailler un fonds à titre d'emphyteose, il suffit de le posséder en franc-alleu et indépendant de toute seigneurie directe, quoique d'ailleurs rural et sujet au paiement des tailles, la roture n'ayant rien d'incompatible avec l'allodialité et l'indépendance.

» L'essence et le fond de ces deux contrals (ajoute l'annotateur de Boutaric) sont absolument les mêmes, puisque l'un et l'autre sont également un contrat par lequel il n'y a que le domaine utile qui soit aliéné, tandis que la

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