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VI. Par les mêmes raisons, je n'hésite pas à dire que, si un officier de l'état civil se refusait aujourd'hui à marier un prêtre, il devrait y être contraint.

En effet, qu'est censé faire et que fait réellement un officier de l'état civil, lorsque,se fondant sur une cause qui n'est plus rangée par la loi au nombre des empêchemens dirimans, il se refuse à la célébration d'un Mariage entre un homme et une femme dont l'un, au moins, est domicilié dans son territoire ? Bien évidemment il se met à la place des particuliers à qui la loi accorde qualité pour former opposition à ce Mariage; et il supplée d'office au défaut d'opposition de leur part. Son refus ne peut donc pas avoir plus d'effet que n'en aurait l'opposition de ces particuliers. Or,il est certain,et c'est une vérité consacrée par un arrêt de la cour de cassation, du 7 novembre 1814 (1), que jamais l'opposition à un Mariage ne peut en empêcher la célébration, que lorsqu'elle est fondée sur un motif capable de former un empêchement légal au Mariage projeté, et par conséquent sur une cause qui, si ce mariage était célébré effectivement,devrait en faire prononcer l'an

nullation.

Il est vrai qu'un arrêt de la cour royale de Paris, du 27 décembre 1828, a confirmé un jugement du tribunal de première instance de la même ville, qui avait rejeté la demande du sieur Dumonteif, prêtre, tendant à ce qu'un officier de l'état civil qui s'était refusé à la cé lébration de son Mariage, y fût contraint.

Mais, pour prononcer ainsi, la cour royale de Paris a été obligée d'aller jusqu'à dire que les préceptes de la religion catholique qui interdisent le Mariage aux prêtres, ont en France, toute la force de lois civiles proprement dites, en sorte que, si le sieur Dumonteil eût été admis, de fait, à se marier, son Mariage eût pu et dû être déclaré nul.

Et sur quoi a-t-elle fondé cette étrange assertion? Elle n'a plus dit, comme dans son arrêt du 18 mai 1818, cassé le 9 janvier 1821, que la charte, en déclarant la religion catholique, apostolique et romaine, la religion de l'Etat, avait restitué aux lois de l'église la force de lois de l'État, relativement aux ministres de la religion de l'État; mais, ce qui est bien plus étonnant, elle semble avoir voulu dire que les préceptes de l'église, concernant le celibat des prêtres, n'ont jamais cessé d'être civilement obligatoires en France:

« Considérant (a-t-elle dit) que, si, aux ter

(1) V.le Répertoire de Jurisprudence, aux mots Opposition à un Mariage n° 4, observations sur l'art. 173 du Code civil.

mes de la charte, chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte une égale protection, il ne s'ensuit pas qu'un français puisse se présenter comme n'appartenant à aucune religion et comme étranger à tout culte;

» Que, si le législateur n'a pas voulu interroger les consciences et scruter les opinions et les habitudes privées, sa haute prudence ne saurait devenir un moyen de se placer ouvertement hors de toute croyance;

» Considérant que chacun est réputé professer la religion dans laquelle il est né, et qu'il est censé en pratiquer le culte ;

>> Que Dumonteil, non seulement a été reçu à sa naissance dans l'église catholique, apostolique et romaine, où il a été élevé, mais encore que, de sa pleine volonté, il s'est engagé dans les ordres sacrés, et s'est ainsi obligé à observer toujours le célibat prescrit aux prêtres par les conciles dont les canons, quant à cette partic de discipline, ont été admis en France la par puissance ecclésiastique et sanctionnés la par puis sance civile ;

» La cour met l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, condamne Dumonteil à l'amende et aux dépens ».

Ainsi, suivant cet arrêt, l'officier de l'état civil a le droit d'interroger les personnes qui s'adressent à lui pour les marier, sur leurs opinions religieuses; et si elles lui déclaraient n'appartenir à aucune religion, ne professer aucun culte, il serait fondé à leur dire qu'elles en imposent, parcequ'aux termes de l'art. 7 de la charte, il n'est point de français qui ne doive appartenir à une religion et professer un culte quelconque !

Ainsi, suivant cet arrêt, c'est d'après les opinions religieuses des aspirans au Mariage, que l'officier de l'état civil doit juger si elles sont ou ne sont pas capables de se marier, et s'il doit leur prêter ou leur refuser son ministère !

Ainsi, suivant cette arrêt, la jurisprudence civile qui, avant les lois de 1791 1792 et 1793, avait adopté en France les préceptes de l'église concernant le célibat des prêtres, a survécu à ces lois, quoique non encore abrogées, et par conséquent encore existantes; et l'on doit encore annuler le Mariage qu'un prêtre contracterait aujourd'hui, comme la cour de cassation a jugé par son arrêt du 12 prairial an II, rapporté ci-dessus, no 1, qu'avait pu être annulé le Mariage contracté en 1788, par le prêtre et religieux Spiess!

J'avoue de bonne foi que ce sont là, pour moi, de véritables paradoxes.

§. VI. Quel est le juge compétent pour connaitre de la demande formée par un mari, en nullité de son Mariage, contre sa femme déjà séparée de fait d'avec

lui?

Cette question a été agitée, au conseil d'état privé du roi, en 1777, dans une instance en réglement de juges.

Le sieur Peixotto, juif originaire de la ville de Bordeaux, ayant quitté sa patrie, sa femme, ses enfans, toute sa famille, pour venir se fixer à Paris, et y établir le siége de son commerce, a cru devoir attaquer le Mariage qu'il avait contracté depuis plusieurs années.

Il a porté son action au Châtelet, et il s'y est déterminé par cette raison, qu'une demande en nullité de Mariage le suppose existant, et que, dans l'impossibilité d'en préjuger la question, il faut, jusqu'à ce que la justice ait prononcé, diriger les différentes demandes contre la femme, dans les tribunaux du domicile de son mari, qui sont ses juges naturels et les seuls compétens.

Le sieur Peixotto ayant obtenu du lieutenant civil une ordonnance qui lui permettait de faire assigner son épouse, s'est empressé de la lui faire signifier, non à Bordeaux où il l'avait laissée, mais à Paris, dans la maison même qu'il occupait rue Vivienne.

La dame Peixotto ne s'est point présentée sur cette assignation, sans doute parcequ'elle n'avait pas pu en avoir connaissance; et il est, en conséquence, intervenu, le 30 décembre 1775, une sentence par défaut au Châtelet, qui a déclaré le Mariage nul.

Cette sentence a été également signifiée dans la maison du sieur Peixotto, à Paris; mais celui-ci lui en a fait parvenir la signification à Bordeaux, par la voie de la poste.

Sur cette signification, la dame Peixotto a obtenu, au parlement de Guyenne, le 8 janvier 1776, un arrêt qui a cassé l'assignation du sieur Peixotto, ainsi que la sentence du Châtelet, et a fait défense aux parties de procéder ailleurs que devant le sénéchal de Bordeaux.

De son côté, le sieur Peixotto, sur la signification qui lui a été faite de cet arrêt, en a fait rendre un contraire au parlement de Paris, le 7 février 1776, qui a ordonné l'exécution de la sentence du Châtelet, sauf à la dame Peixotto à y former opposition, ou à en interjeter appel; et le même jour, il l'a fait signifier à son épouse, rue Vivienne.

C'est ainsi que s'est formé le conflit qui a donné lieu au réglement de juges.

La dame Peixotto soutenait, d'abord, qu'indépendamment du point de savoir si son mari

avait ou non un véritable domicile à Paris, il n'avait pas pu la faire assigner en nullité de Mariage, devant un autre juge que celui de Bordeaux, où elle faisait sa résidence, du consentement du sieur Peixotto, d'avec qui elle était séparée par une transaction.

Elle prétendait ensuite que tout concourait à établir que le sieur Peixotto n'avait point à Paris de domicile proprement dit, mais seulement une résidence momentanée.

Le sieur Peixotto a commencé par réfuter la première proposition de son épouse. Il a rappelé le principe établi par les lois romaines (1) et universellement reçu, que la femme ne peut avoir d'autre domicile que son mari, et que les juges naturels du mari sont aussi ceux de la femme.

Il est inouï, d'après cela (a ajouté son défenseur),que la dame Peixotto veuille contester le véritable domicile de son mari, et persuader qu'il n'est fixé à Paris que momentanément, comme s'il lui était permis de scruter la volonté de son chef, comme s'il était possible d'admettre qu'elle sait mieux que lui ses intentions.

» En général, les questions de domicile sont très-difficiles à résoudre; mais ce n'est jamais entre l'homme et la femme, parceque toutes les lois assujétissent cette dernière à suivre son mari, partout où il lui plaît de se fixer; aingi, il ne peut s'élever aucun doute sur le domicile de la femme, quand le mari en a un certain ; il lui suffit même de l'indiquer, parceque sa seule volonté déterminant son domicile, cette même volonté détermine également celui de sa femme. » Pour établir un véritable domicile, objectet-on, il faut 1o une volonté marquée d'habiter un lieu; 2o une maison; 3o si c'est un homme marié, que sa femme habite la même maison, ainsi que ses enfans; 4o qu'il y ait établi le siége principal de ses affaires; 5o enfin, qu'il n'ait aucun esprit de retour. Toute habitation qui n'a pas ces caractères essentiels, n'est pas un véritable domicile; ce n'est qu'une simple résidence.

>> Ainsi,de l'aveu même de la dame Peixotto, si toutes les circonstances dont il s'agit concourent, excepté celles qui sont impossibles, la vérité du domicile dont il s'agit, est démontrée. En ce cas, le réglement de juges est décidé en faveur du sieur Peixotto, 1o parcequ'il n'est pas possible de justifier une volonté plus marquée d'habiter un lieu, qu'en l'habitant réellement de

(1) Mulieres honore maritorum erigimus, genere nobilitamus, et forum ex eorum persona statuimus, et domicilia mutamus. Loi 13, C. de dignitatibus. Loi dernière, C. de incolis.

puis quatre ans, avec de nouveaux engagemens pour y demeurer à l'avenir; qu'en y loua et occupant une maison d'un loyer de 9,000 livres; qu'en y tenant le siége principal et unique d'une banque et d'un commerce fort considérables; 2oparceque rien ne prouve mieux que Peixotto n'a point l'esprit de retour à Bordeaux, que la rupture absolue du commerce qu'il y faisait.

» Il est vrai qu'il est marié, et qu'il n'a avec lui ni sa femme ni ses deux enfans: mais ce n'est pas à la première à se prévaloir de cette circonstance, parcequ'elle doit savoir qu'il ne lui est pas permis d'avoir un autre domicile le que sien, et qu'elle ne peut tirer avantage d'une révolte répréhensible à l'autorité légitime; à l'égard de ses deux enfans, c'est inutilement. que Peixotto les a réclamés jusqu'ici.....».

Sur ces raisons, arrêt du 16 juin 1777,qui, faisant droit sur l'instance en réglement de juges, renvoie les parties au Châtelet.

§. VII. 10 Avant le Code civil, les militaires français pouvaient-ils, étant sous les drapeaux dans un pays étranger ou conquis, contracter un Mariage avec des femmes de ce pays, sans observer d'autres formes que celles qui étaient prescrites par les lois ou les usages locaux ?

20 Le pouvaient-ils, lorsqu'un ordre du jour du général en chef leur indiquait les commissaires des guerres comme faisant, à leur égard, les fonctions d'officiers de l'état civil?

30 Le pouvaient-ils, lorsque l'usage du pays était de ne constater les Mariages par aucun registre ni acte public?

4o La preuve par témoins d'un tel est-elle admissible?

usage

50 Cette preuve peut-elle être faite par de simples actes de notoriété, ou ne peutelle l'être que par une enquête ?

Go Doit-elle nécessairement précéder la preuve par témoins du Mariage prétendu célébré conformément à cet usage, ou peuton les faire marcher toutes deux de front? 7o Les art. 88 et 89 du Code civil per. mettent-ils encore au militaire français qui est en expédition dans un pays étranger, de s'y marier dans les formes qui y sont établies et devant l'officier local étranger de l'état civil ?

I. Les cinq premières questions ont été agitées dans l'espèce suivante.

Le 7 septembre 1805, le général de division

Faultrier, inspecteur général d'artillerie, meurt à Nordlingen en Bavière.

Le 11 mars 1807, Marie David fait assigner la mère, les frères et les sœurs du général Faultrier devant le tribunal de première instance de Metz, pour voir dire qu'elle sera maintenue dans sa possession d'état d'épouse, et dans sa qualité de veuve de celui-ci.

A l'appui de cette demande, elle expose

Qu'elle est née à Teflis, ville de la Georgie, du Mariage de Pierre-David, médecin pensionné du souverain, et d'Elisaberth Guiargny, pro. fessant la religion chrétienne grecque ;

Que les troubles occasionnés à Teflis par l'entrée des Turcs dans cette ville, l'ont forcée de fuir sa patrie, et de se retirer en Egypte avec un de ses frères ;

Que là elle a été recue par la musulmane Néphis Rathum, qui, dès le même instant, lui a donné son nom de Néphis;

Que l'Egypte était alors occupée par l'armée française, dite d'Orient, sous les ordres du général en chef Bonaparte;

Qu'un officier d'artillerie fut député vers la musulmane Rathum, par le général Faultrier, faisant partie de cette armée, l'acheter pour en son nom, avec promesse de l'épouser ;

Que le marché ayant été conclu, elle fut conduite à Gisé, près du Caire, où était stationné le général Faultrier;

Que ce général lui donna d'adord l'apparte ment le plus commode de sa maison, et des domestiques particuliers pour la servir ;

Que, trois jours après, un Andri, prélat grec, leur donna la bénédiction nuptiale dans une chapelle, en présence du commandant de Gisé et de deux officiers d'artillerie ; qu'il en rédigea un acte qui fut signé des deux époux et de trois témoins, et remis au général Faultrier;

Qu'elle est venue en France avec son mari au commencement de l'an 10;

Qu'arrivé à Marseille, il écrivit à sa mère qu'il avait épousé une Georgienne, âgée de vingt ans, et qu'il comptait la lui présenter bientôt;

Qu'à cette lettre en succédèrent plusieurs autres par lesquelles il la qualifiait également de sa femme ;

Qu'il lui a donné la même qualité dans un grand nombre de lettres qu'il lui a écrites à elle-même;

Que la dame Faultrier mère l'a,en conséquence, traitée comme sa belle-fille ; qu'elle lui en a donné le titre dans une lettre qu'elle rapportait;

Que les frères et les sœurs du général l'ont également reconnue et traitée comme leur belle sœur;

Que toute la ville de Metz l'a constamment regardée comme l'épouse du général Faultrier;

Qu'à la vérité,elle ne représente point d'acte de Mariage; mais que la faute en est à ses adversaires qui l'ont soustrait; et qu'elle offre d'y les lois de l'Egypte suppléer par la preuve que soit n'admettent pas les chrétiens, soit grecs, romains, à faire constater leurs Mariages sur des registres publics, ou de toute autre manière authentique, et que ces formes sont réservées pour les nationaux exclusivement.

Dans un mémoire publié à la suite de cette demande, Marie David assigne une autre date à son Mariage prétendu : elle convient que c'est le 28 floréal an 8, que le général Faultrier l'a achetée de la musulmane Néphis Rathum, et en effet le registre de ce général porte: « j'ai » acheté Néphis le 28 floréal an 8, de la mu» sulmane Néphis Rhatum, le 5 de Mohazem, » de l'an 1215»; mais elle ajoute qu'il ne l'a épousée que dans le premier mois de l'an 9. La dame Faultrier mère et ses enfans répondent Que le Mariage prétendu dont se prévaut Marie David, n'est qu'un roman;

il

Que, s'il avait été réellement contracté, n'aurait l'être pu devant un commissaire que des guerres, et que l'acte aurait dû en être enregistré, à peine de nullité ; que tel est le résultat de deux ordres du jour du général en chef, des 30 fructidor an 6 et 21 fructidor an 7;

Que, par le premier, il est dit qu'il sera établi dans chaque chef-lieu de province de l'Egypte, un bureau d'enregistrement où tous les titres de propriété et les actes susceptibles d'étre produits en justice,recevront une date authentique ;

Que, par le second, l'armée est prévenue que tous les actes civils qui seront passés par les commissaires des guerres, ceux qui seront passés sous seing-privé entre les citoyens, et ceux qui pourraient l'être entre les Français et les nationaux, pardevant les notaires du pays, seront nuls en France comme ici, s'ils ne sont enregistrés, conformément à l'ordre du général en chef, en date du 30 fructidor

dernier ;

Que ces ordres du jour ont été exécutés pendant tout le temps que l'armée d'Orient a occupé l'Egypte; qu'ils en ont pour témoin un, extrait du registre des actes de Mariages de l'an 8, à Rosette ; qu'on y voit, en effet, que, le 20 vendémiaire de cette année, Auguste Lautun, capitaine quartier-maître de la 4

demi-brigade d'infanterie légère, a épousé Catherine-Sophie Varsy, devant Joseph Agar, commissaire des guerres employé à Rosette, faisant les fonctions d'officier civil, conformément à la loi ; et que l'acte est terminé par ces mots : Le présent ne sera va

lable qu'autant qu'il aura été enregistré conformément aux ordres du général en chef, des 30 fructidor an 6 et 12 vendémiaire

an 7;

Qu'il est prouvé par un certificat de l'exdirecteur général des revenus publics de l'Égypte, que, d'après la vérification qui a été faite sur les registres de l'administration de l'enregistrement d'Égypte, il n'a été présenté, dans aucun temps, à l'enregistrement, aucun acte de Mariage entre le général Faultrier et l'esclave qu'il avait achetée en Égypte;

Que M. Songis, premier inspecteur général de l'artillerie, ci-devant commandant en chef l'artillerie de l'armée d'Orient, atteste également qu'il n'est point parvenu à sa connaissance que le général d'artillerie Faultrier ait contracté aucun Mariage pendant le temps qu'il a été en Égypte, et qu'il a eu de continuelles relations avec lui pour le service;

Que ce certificat est fortifié par celui de plusieurs autres officiers qui ont vécu dans la plus grande intimité en Egypte avec le général Faultrier;

Qu'un certificat plus décisif encore, est celui du général Duroc, qui atteste qu'il a eu des relations d'amitié avec le général Faultrier en Italie et en Egypte ; qu'il l'a vu à Lyon à son retour de l'Égypte ; qu'il lui demanda s'il songeait à se marier, que le général lui répondit qu'il attendrait encore quelque temps ; et que,

dans le courant de la conversation, il lui dit

qu'il avait avec lui une esclave qu'il avait ache. tée en Égypte;

Qu'une autre preuve qu'il n'y a point eu de Mariage entre le général Faultrier et Marie David, c'est que le général n'en a fait aucune mention dans son registre, quoiqu'il y ait spé cialement annoté l'achat qu'il avait fait de cette esclave;

Que cela résulte encore du silence que le général Faultrier a gardé sur ce point dans plusieurs lettres qu'il a écrites à son père, tant en Egypte, qu'au lazareth de Marseille ;

est

Qu'enfin, point d'acte, point de Mariage; Marie David, et que offerte par la preuve inadmissible.

Le 23 juin 1807, jugement par lequel,

la

si

« Attendu que, dans le droit, l'art. 14 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667 porte que, les registres exigés par l'art. 17, pour constater les Mariages, etc., sont perdus, ou s'il n'y en a jamais eu, preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et en l'un et l'autre cas, les baptêmes, Mariages et sépultures pourront être justifiés, tant par les registres ou papiers domestiques des pères et mères décédés, que

par témoins, sauf à la partie de vérifier le contraire.....;

>>Qu'en général, avant d'admettre à la preuve par témoins, il importe essentiellement de s'assurer ou que les registres destinés à les recevoir n'existent plus, ou que, par négligence ou impossibilité, cet acte n'a pas été inséré dans les mêmes registres ;

» Que Marie David squtient que, pendant le séjour des troupes françaises en Egypte....., les époux chrétiens, romains ou grecs, n'ont pu, d'après la religion musulmane, qui est la domi nante, faire constater leur union.....;

» Que l'allégation de la dame Marie David doit être préalablement vérifiée.....;

» Attendu aussi que, quelle que soit la décision à intervenir sur la première question de la cause, il demeure pour constant, d'après la conduite du général Faultrier et son langage envers Marie David, que la bonne foi bien constatée dans laquelle était cette dernière sur le fait de son Mariage, lui donne droit à un secours alimentaire ;

» Le tribunal, avant faire droit, ordonne, sans entendre rien préjuger au fond.., que Marie David produira, au plus tard dans l'anné, un acte de notoriété en forme probante, constatant que ceux professant la religion chétienne, grecque ou romaine, qui s'unissent par Mariage à Gisé, près du Caire, ne sont pas admis par les lois du pays à faire constater leurs Mariages sur des registres publics, ou de toute autre manière authentique commandée pour les nationaux, sauf ensuite à être statué ce qu'il appartien

dra;

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registres, parcequ'en ces deux derniers cas, s'il n'y avait pas lieu d'opposer à la personne qui réclame la qualité d'époux ou d'épouse, le défaut de représentation de l'acte de célébration qui la confère, on ne serait pas empêché d'examiner ensuite s'il peut y être suppléé autrement, et de quelle manière, pour établir la vérité du Mariage; en sorte que, sous ce rapport, le jugement ne fait point de griefs aux appelans.

» Il y en a bien moins dans le premier cas, puisque, s'il y a eu des registres et que le Mariage dont il s'agit, ne soit pas inscrit, les appelans pourront en tirer tel avantage que bon leur semblera, et s'en prévaloir pour soutenir qu'il n'y a point de Mariage, sauf à l'intimée ses exceptions et moyens au contraire; sur quoi le même jugement leur laisse toute facilité, par les réserves qu'il contient,et par ces raisons la connaissance du fond doit demeurer aux premiers juges ; il ne s'agit pas de les en dépouiller par une évocation.

» Considérant, sur la deuxième question, qu'il a été jugé plus d'une fois que la possession de l'état du Mariage, jointe à la bonne foi des époux, suffisait pour en justifier la réalité, quoique non inscrit dans un registre public, et pour en obtenir les effets civils.

>> Une sentence des requêtes du palais, à Paris, avait maintenu la veuve d'un nommé Dohin, procureur au parlement de la même ville, en la possession et jouissance de tous les biens délaissés par son mari en vertu de la donation universelle portée en son contrat de Mariage; les héritiers collatéraux de Dohin s'en étant rendus appelans, elle fut confirmée par arrêt du 7 janvier 1676, conformément aux conclusions de M. l'avocat général Talon.

» Soëfve, qui rapporte cet arrêt dans son recueil, indique que l'acte de célébration du Mariage de cette veuve, ne s'était point trouvé dans les registres de la paroisse en laquelle elle prétendait que le Mariage avait été célébré, quoiqu'il s'y en rencontrât un du même jour que celui qu'elle annonçait, ce que les héritiers lui objectaient.

» En réponse, elle produisait son contrat de Mariage passé en 1633, en présence et du consentement de la mère de Dohin, son père étant décédé, et de la sienne propre, qui était veuve; quantité d'actes publics où ils avaient été considérés par un chacun comme mari et femme, reconnus tels par aucuns des parens, bre desquels étaient ceux qui contestaient ; et finalement, une attestation du vicaire de la paroisse, qu'en 1634 il avait célébré le Mariage. » Mais, ce qui faisait le plus pour sa vérité, remarque l'arrêtiste, c'était la possession en

du nom

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