Page images
PDF
EPUB

été faite sans la réquisition des parties intéressées et sans l'exhibition d'un titre translatif de propriété.

[ocr errors]

A la vue des ces pièces, et nonobstant tout ce qu'oppose la régie de l'enregistrement àux conséquences qu'en tire le sieur Bonneau, le tribunal civil de Poitiers rend, le 13 mai 1818, un jugement par lequel il annulle la contrainte,

« Attendu qu'aux termes de la loi du 3 frimaire an 7, l'inscription du nom du nouveau possesseur au rôle foncier, a lieu sur un titre de Mutation déclaré par les parties, déclaration qui n'a pas été faite dans l'espèce;

» Et qu'au surplus, l'inscription du sieur Bonneau, ayant été annulée par l'arrêté du préfet du 25 février, n'a pas pu servir de base à l'action de la régie ».

Mais la régie se pourvoit en cassation; et par arrêt du 22 août 1821, au rapport de M. Boyer, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Jourde,

«Vu l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7; » Attendu que cet article fait dépendre, quant à l'exigibilité du droit d'enregistrement, la preuve legale de la Mutation de la propriété d'un immeuble, du seul fait de l'inscription du nouveau possesseur au rôle des contributions foncières, à raison de cet immeuble, lorsque cette inscription a été suivie de paiemens faits en conséquence;

» Que cette disposition de la loi du 22 frimaire an 7 est tout-à-fait indépendante des formalités prescrites, pour l'inscription au rôle foncier. par la loi du 3 du même mois, relative à la contribution foncière ; et que le législateur n'a pas entendu subordonner à l'observation de ces formalités, l'action de la régie en paiement du droit de Mutation;

» Attendu, dans l'espèce, que le fait de l'inscription du défendeur au rôle foncier de la ville de Poitiers, pour la maison dont il s'agit au procès,ainsi que les paiemens par lui volontairement faits des contributions de cette maison, pour les années 1816 et 1817, sont constans dans la cause, et n'ont pas même été contestés; qu'ainsi, cette inscription et ces paiemens constituaient, aux termes de l'art. 12 précité de la loi, la preuve légale de la Mutation opérée à son profit, abstraction faite de toute recherche sur la régularité ou l'irrégularité de ladite inscription; d'où il suit que l'arrêté du préfet de la Vienne, du 25 février 1818, qui, po-térieurement à l'action intentée par la régie, a annulé ladite inscription comme dénuée des formalités prescrites par la loi du 3 frimaire an 7, n'a pas dû être pris en considération dans la cause;

» Attendu qu'en jugeant, d'après cet arrêté, TOME X.

que l'inscription du sieur Bonneau n'avait pu servir de base aux poursuites de la régie, le jugement dénoncé a fait une fausse application des dispositions de ladite loi du 3 frimaire an 7, ainsi que de l'arrêté du préfet, du 25 février 1818, et directement violé l'art. 12 de la loi du 2 frimaire an 7;

>> La cour casse et annulle..... (1) ».

de

III. Ce serait aussi pour la négative que vrait être résolue la troisième question, si la disposition de l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7, formait ce que les anciens jurisconsultes appelaient une présomption juris et de jure, ou si le Code civil dérogeait à la faculté que les lois romaines accordaient à toute personne contre laquelle militait une présomption juris, de la détruire par une preuve contraire.

Mais, d'une part, il n'y a pas un seul mot dans l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7, dont on puisse induire qu'il soit dans l'esprit de cet article d'exclure la preuve contraire à la présomption qu'il établit.

De l'autre, l'art. 1352 du Code civil dit bien que la présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe; mais en ajoutant que nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette présomption, elle annulle certains actes, ou dénie l'action eit justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire, il fait clairement entendre que, hors les deux cas qu'il signale et ceux qu'y ajoutent les art. 1351 et 1363, la preuve contraire est toujours censée réservée par le législateur à la partie contre laquelle il établit une pré somption.

Ainsi, nul doute que la présomption légale de Mutation établie par l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7, ne doive céder à la preuve évidente de faits avec lesquels il est impossible de la concilier; et c'est ce qu'ont jugé deux arrêts de la cour de cassation dont voici les espèces.

Le sieur Lefebvre, propriétaire de plusieurs immeubles qu'il ne pouvait plus faire valoir par ses mains, les avait affermés à ses enfans dont un était mineur, par un bail authentique qui les chargeait de payer la contribution foncière à son acquit, mais seulement jusqu'à concurrence d'une somme déterminée.

A la suite de ce bail, les enfans Lefebvre avaient été substitués à leur père, et selon toute apparence sur sa réquisition, dans le rôle de la contribution foncière, et ils avaient constam

(1) Bulletin civil de la cour de cassation, tome 23. page 236. 39

ment payé les cotes auxquelles ils avaient été taxés, mais seulement jusqu'à concurrence de la somme fixée par le bail.

La régie de l'enregistrement est partie de

pour

décerner contre eux une contrainte en

paiement du droit et du double droit d'une demission clandestine de biens qu'elle a prétendu avoir été faite à leur profit par leur père.

Jugement qui, sur l'opposition des enfans, déclare la contrainte nulle.

Recours en cassation de la part de la régie. Mais par arrêt du 2 août 1814,

« Considérant que la présomption de Mutation établie par l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7, n'exclud pas la preuve contraire, suivant l'art. 1312 du Code civil; que cette présomption, très-forte quand un étranger, nouveau possesseur, est substitué sur le rôle au propriétaire antérieurement imposé, et que celui-là a payé en conséquence, peut s'atténuer quand ce sont des enfans qui se sont fait imposer à la place de leur père; quand ces enfans étaient fermiers de leur père aux fins d'un bail authentique antérieur à leur `mposi tion; quand, aux fins de ce bail, ils devaient acquitter la contribution foncière à la décharge de leur père, jusqu'à concurrence d'une somme déterminée, et que l'imposition qu'ils ont subie et acquittée, n'excède pas cette somme; que la stipulation de n'acquitter la contribution foncière que jusqu'à une certaine somme, et la circonstance de la minorité d'un des enfans, achèvent de concourir à écarter l'idée d'une démission et d'un partage de propriété ;

» La cour rejette le pourvoi..... (1) ». Le 11 mai 1807, acte sous seing-privé par lequel le sieur Ritzenthaller afferme au sieur Heimendinger plusieurs pièces de terre pour trois ou six années.

Le 26 du même mois, acte notarié par lequel le sieur Heimendinger, sans prendre, ni la qualité de fermier, ni celle de propriétaire, afferme les mêmes biens, pour le même espace de temps, à divers particuliers.

Le 25 mai 1810, le sieur Heimendinger meurt, sans avoir fait enregistrer le bail da 11 mai 1807, et laissant pour héritière une fille mariée à Nathan-Lévi Schaenbrun.

En 1813, la régie de l'enregistrement décerne, contre celui-ci, une contrainte en paiement du droit et du double droit résultaut de la Mutation qu'elle prétend, d'après le bail notarié du 26 mai 1807, avoir été opérée de la

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 23, page 105.

part du sieur Ritzenthaller, au profit du sieur Heimendinger.

Nathan-Lévi Schaenbrun forme opposition à cette contr. inte, et tout en convenant que la régie est fondée à faire valoir la présomption qu'elle tire de l'acte notarié du 26 mai 1807, il soutient que cette présomption doit disparaître devant le bail sous seing-privé du 11 du même mois, dont la date est devenue certaine et incontestable par le décès de son beau-père, bien antérieur aux poursuites de la régie.

Il produit d'ailleurs des quittances des fermages payés par son beau-père au sieur Ritzen thaller, comme preuve de la sincérité du bail du 11 mai 1807 et de l'exécution qu'il a constamment recue.

Le 20 mars 1813, jugement du tribunal civil de Colmar, qui, sans avoir égard à ces moyens, rejette l'opposition, et ordonne l'exécution de

la contrainte.

Mais, sur le recours en cassation de NathanLévi Schaenbrun, arrêt du 27 juillet 1816, au rapport de M. Minier, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Henri-Larivière, par lequel,

« Vu l'art. 12 de la loi du 22 frimaire an 7;

>> Considérant que, si l'administration de l'enregistrement et des domaines est autorisée sentation d'un bail, pour supposer que celui par l'article précité à argumenter de la repré qui l'a passé, est devenu propriétaire, au lieu et place de celui qui possédait précédemment les objets loués, par l'effet d'une Mutation tenue secrète pour échapper au paiement des droits dus à cause de cette Mutation, la présomption qui résulte en sa faveur de la connaissance de ce bail, n'est cependant pas de nature à établir d'une manière irrévocable la réalité de la Mutation; que de là il suit que cette présomption doit disparaître devant des preuves matérielles de la nou-existence de cette prétendue Mutation;

» Considérant que, dans l'espèce, il était justifié par un bail sous signature privée, dont la date était devenue certaine bien antérieurement aux poursuites exercées par l'administration, que Heimendinger n'avait pas loué les biens qu'il avait à bail de Ritzenthaller, en qualité de propriétaire, mais en qualité de fermicr; que, dès ce moment, l'obligation d'établir la propriété dans la main d'Heimendinger retombait à la charge de l'administration ; » La cour casse et annulle.... (1) ».

Il existe deux arrêts de la cour supérieure

(1) Bulletin civil de la cour de cassation, tome 18. page 169.

de justice de Bruxelles, formée en cour de cassation, l'un du 14 février 1820, l'autre du 20 mars 182,qui consacrent également le principe que, si l'art. 12 du 22 frimaire an 7 porte » que la Mutation d'un immeuble en propriété » ou usufruit sera suffisamment établie, pour » la demande du droit d'enregistrement et la » poursuite, du paiement contre le nouveau » possesseur, soit par l'inscription de son nom » au rôle de la contribution foncière, etc., » soit des baux par lui passés, cet article » n'exclud néanmoins pas la preuve du con» traire». Mais il y aurait beaucoup de choses à dire sur l'application que le premier de ces arrêts en fait à la cause sur laquelle il prononce; aussi a-t-il été rendu contre les conclu. sions de M. l'avocat-général Destoop (1).

§. VI. Autres questions sur cette matière.

V. les articles Déclaration au bureau de

venir, et spécialement la terre de GauchinLegal, située dans le district de Béthune, département du Pas-de-Calais, ci-devant Artois, avec faculté de prendre hypothèque sur ce bien, par mise de fait, œuvres dé loi et autres actes de Nantissement autorisés par la coutume.

Le 30 du même mois, la dame de Saint-Remy fat transcrire ce contrat au greffe du tribunal du district de Béthune ; et par là, elle supplée, conformément à l'art.3 de la loi du 19-27 septembre 1790, aux formal tés du Nantissement que la suppression des justices seigneuriales avait rendues impraticables.

Le 31 decembre de la même année, le sieur Marbais se rend adjudicataire, à l'audience des criées de Paris, de la terre de Gauchin-Legal, moyennant 250,000 livres qu'il s'oblige de payer, dans quatre mois et demi, au prince de SalmKyrbourg, et à la charge de payer et acquitter,à l'avenir,les rentes,et généralement toutes. les autres prestations annuelles, tant en es

l'enregistrement, Enregistrement (droit d'), pèces qu'en nature, qui peuvent être dues par

§. 3, et Prescription, §. 9.

NAISSANCE. V. les articles Acte de Naissance, Faux, Filation, Question d'État, Maternité, Paternité et Vie.

NANTISSEMENT (PAYS DE). §. I. 10 Dans les inscriptions hypothécaires qui sont prises dans les ci-devant pays de Nant ssement, pour conserver des hypothèques acquises par réalisation avant la loi du 11 brumaire an 7, suffit-il de rappeler la date du titre de la cré ance notariée, vu,est-il absolument n cessaire de rappeler la date de l'acte de réalisation de

ce titre ?

2o La déclaration du roi du 23 juin 1772 qui a aboli les formalités de Nantissement requises dans certaines coutumes pour acquérir hypothèque, avait-elle force de lui en Artois, avant la loi du 1 1 brumaire an 7?

La première question, déjà traitée dans le plaidoyer, et jugée par l'arrêt du 4 thermidor an 12, rapportés aux mots Succession vacante, §. 1, s'est représentée, avec la seconde, dans l'espèce suivante.

Le 6 juillet 1791, contrat passé devant notaires, à Paris, par lequel le prince Fredéric de Salm-Kyrbourg constitue à la dame Valois de Saint-Remy, une rente viagère de 6,000 livres, à laquelle il affecte tous ses biens présens et à

(1) V. la jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1820, tome 1, page 32, et année 1824, tome 1, page 147.

les biens, et de faire ensorte que, pour raison tant des arrerages que des capitaux de ces rentes et redevances, le vendeur ne puisse être inquiété ni recherché en façon quelcon

que.

Le sieur Marbais ne fait point transcrire son cont. at au greffe du tribunal du district de Béthune.

Arrive la loi du 11 brumaire an 7; et sourd à l'avertissement qu'elle lui donne, art. 44, de le faire du moins transcrire au bureau des hypothèques dont elle ordonne l'établissement, il néglige encore ce moyen de consolider son acquisition..

Le 23 prairial an 7, la dame de Saint-Remy prend,au bureau des hypothèques de Bethune, une inscription contre les héritiers du prince de Salm-Kyrbourg, sur tous les biens par lui délaissés dans cet arrondissement, pour súreté d'une créance avec hypothèque généra le, de 78,303 livres, résultant d'un acte passé devant Silly et son confrère, notaires à Paris, le 6 juillet 1791.

Le 15 prairialan 9, la dame de Saint-Remy fait assigner, devant le tribunal de première instance de Paris, les enfans et héritiers du sieur Marbais, dans la personne đu sieur Pierrepont, leur beau père et tuteur, et de la dame Pierrepont, leur mère et tutrice, pour voir dire que le domaine de Gauchin Legal est hypothéqué à sa rente viagère de 6,000 livres ; qu'ils seront en conséquence condamnés à lui en payer les arrérages échus et à échoir, etc., en restituant tous les fruits perçus depuis leur acquisition.

Le 28 messidor suivant, jugement par dé

faut qui prononce conformément à cette deinande.

Les sieur et dame Pierrepont, en leur qualité, y forment opposition.

Le 22 pluviose an 10, la dame Pierrepont, mère et tutrice des mineurs Marbais, prend, en leur nom, au bureau des hypothèques de l'arrondissement de Béthune, une inscription contre les héritiers du feu prince de Salm. Kyrbourg, sur le domaine de Gauchin-Legal, pour súreté et garantie d'une créance de la somme 150,000 francs, résultant d'une ad judication faite sur publications volontaires, à l'audience des criées du ci-devant Chatelet de Paris, le 31 décembre 1791, faisant, à à l'échelle de dépréciation, le montant des sommes payées audit feu prince de Salm, aux termes de l'adjudication susdatée.

Le 6 prairial suivant, la dame de SaintRemy prend au même bureau, contre les mêines héritiers et sur les mêmes biens, une nouvelle inscription pour sûreté d'une créance de 108,847 francs..., résultant d'un acte passé devant Silly et son confrère, notaires à Paris, le 6 juillet 1791, el transcrit sur les registres aux transcriptions qui donnent hypothèque, au tribunal du district de Béthune, le 30 du même mois.

Le 26 fructidor de la même année, jugement du tribunal de première instance du département de la Seine, qui déboute les sieur et dame Pierrepont de leur opposition au ju gement par défaut du 28 messidor an 9.

Les sieur et dame Pierrepont appellent de ces deux jugemens, et soutiennent

10 Que, d'après la législation particulière du ci-devantArtois, la dame de Saint Remy n'a point acquis d'hypothèque par le seul effet de la passation de son contrat du 6 juillet 1791 devant notaires; que ce contrat n'est devenu hypothécaire que par la transcription qui en a été faite au greffe du tribunal du district de Béthune, le 20 du même mois;

2o Que l'inscription du 23 prairial an 7 n'a pas conservé à la dame de Saint-Remy l'hypothèque acquise par cette transcription, parcequ'elle n'en rappelle pas le titre constitutif,formalité rigoureusement commandée par l'art. 40 de la loi du 11 brumaire de la même année; qu'elle n'a pas non plus créé une hypothèque nouvelle, parcequ'elle n'est pas accompagnée de la cinquième des conditions prescrites par l'art. 17 de la même loi;

3. Que l'inscription du 6 prairial an 10 est plus régulière, mais quelle est neutralisée par celle qui a été prise, au nom des mineurs Marbais, le 22 pluviose précédent.

Le 1er fructidor an 11, la cour d'appel de Paris,

« Attendu que l'édit du mois de juin 1771, et la déclaration du 23 juin 1772 (concernant les lettres de ratification) ont été lus, puvincial et alors supérieur d'Artois; et qu'en bliés et enregistrés au ci-devant conseil prosupposant qu'ils n'aient pas été exécutés dans la province, on ne peut pas se faire un droit d'un abus contraire à une loi;

» Que l'art. 35 de l'édit de 1771 donne naissance à l'hypothèque, à compter du jour d'un contrat passé devant notaires, même pour les biens situés en pays de Nantissement;

» Que l'art. 3 de la loi du 19-27 septembre 1790, en substituant, pour consommer les constitutions d'hypothèques, la transcription des grosses des contrats au greffe, à la place des formalités usitées dans lesdits pays de Nantissement, a notamment maintenu ledit art. 35 dans les lieux où l'édit de 1771 et la déclaration de 1772 ont été publiés ;

» Que, dans cette situation, la partie de Moreau (la dame de Saint-Remy) avait, dès le 6 juillet 1791, une hypothèque générale sur les biens du prince de Salm, laquelle elle a conservée par sa première inscription conforme à la loi du 11 brumaire an 7, et notamment à son art. 17, §. 3;

» Met l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son effet ».

Les sieur et dame Pierrepont se pourvoient en cassation, et soutiennent que, par une fausse application de l'édit de juin 1771 et de la déclaration du 23 juin 1772, cet arrêt viole manifestement les art. 17 et 40 de la loi du 11 brumaire an 7.

Pour bien apprécier ce moyen (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 24 floréal an 13), nous devons, avant tout, nous fixer sur deux points importans, et qui sont reconnus implicitement par l'arrêt attaqué: l'un, que l'inscription prise par la dam de Saint-Remy, le 23 prairial an 7, serait nulle, si son contrat du 6 juillet 1791 n'avait pas produit hypothèque par lui-même ; l'autre, que la nullité de cette inscription ne serait point, dans ce cas, réparée par la nouvelle inscription qu'a prise la dame de Saint-Remy, le 6 prairial

'an 10.

>>Et d'abord, pourquoi l'inscription du 23 pra rial an 7 serait-elle nulle, si le contrat du 6 juillet 1791 n'a pas produit d'hypothèque par lui-même, si, pour être converti en titre hypo thécaire, il a cu besoin de la transcription qui en a été faite le 30 du même mois, au greffe du tribunal du district de Béthune, conformément

à l'art. 3 de la loi du 19-27 septembre 1790? C'est parceque, dans cette hypothèse, l'inscription n'aurait été prise ni dans la forme nécessaire pour acquérir une hypothèque nouvelle, ni dans la forme nécessaire pour conserver une hypothèque précédemment acquise.

» Coniment, en effet, une hypothèque nouvelle pourrait-elle résulter de cette inscription? Pour réaliser et consommer, par la voie de l'inscription, l'hypothèque à laquelle un titre peut donner lieu, l'art. 17 de la loi du 11 brumaire veut, no 5, que le créancier, en représentant ce titre, désigne dans ses bordereaux l'espèce et la situation des biens sur lesquels il entend conserver son hypothèque; et il est très-constant que la dame de Saint-Reiny n'a désigné, dans son inscription du 23 pranial an 7, ni l'espèce ni la situation des biens qui com. posent le domaine de Gauchin-Legal.

» Comment, d'un autre côté, l'inscription du 23 prairial an 7 aurait-elle pu conserver l'hypothèque acquise à la dame de Saint-Remy, par la transcription faite au greffe de Béthune le 30 juillet 1791? Il eût fallu pour cela que, conformément à l'art. 40 de la loi du 11 bru. maire an 7, elle eut présenté au bureau des hypothèques deux bordereaux contenant les indications prescrites par l'art. 17 de la même loi; il eut fallu par conséquent, d'après le no 3 de l'art. 17 même, que ses deux bordereaux eussent indiqué la date de la transcription de son contrat au greffe de Bé.hune. Or, dans ces deux bordereaux, ou du moins dans celui qui

est resté entre les mains du conservateur, dans
celui le conservateur a inscrit, on trouve
que
bien la date de son contrat, mais celle de la
transcription qui en a été faite au greffe de
Béthune, le 30 juillet 1791, est totalement
omise.

>>Et vainement dirait-on que, dans le no 3 de l'art. 17, la loi du 11 brumaire exige seulement la mention de la date du titre en vertu

même défaut qu'à celle du 23 prairial an 7, puisqu'elle rappelle expressément la date de la transcription du contrat au greffe de Béthune; mais elle n'en est pas plus efficace pour la dame de Saint-Remy, parcequ'elle se trouve primée par l'inscription que les mineurs Marbais avaient prise le 22 pluviôse précédent, pour sureté de leur action en garantie contre le feu prince de Salm-Kyrbourg, et dont la régularité n'a jamais été contestée.

» La dame de Saint-Remy a bien prétendu

que les mineurs Marbais n'avaient pas pu prendre cette inscription; mais sur quoi s'est-elle fondée? Sur le seul prétexte que leur action en garantie ne pourrait naître que du paiement qu'ils lui feraient de sa créance; que, tant que sa créance ne serait point payée par eux, ils ne pourraient pas se dire évincés ; et que, tant

qu'ils ne seraient pas évincés, ils seraient non

recevables à agir en garantie contre la succession de leur vendeur;

>> Comme si l'obligation de garantir l'acquéreur de toute espèce de trouble, et par conséquent de toute poursuite bypothécaire, ne prenait pas naissance à l'instant même où se forme le contrat de vente auquel elle est de plein droit inhérente! Comme si cette obligation, pour être, dans son effet, subordonnée à la con

dition éventuelle d'une éviction encore incertaine, ne constituait pas moins une créance actuelle au profit de l'acquéreur ! Comme si la

loi 42, D. de verborum obligationibus, n'avait pas mis en principe que, is qui sub conditione st pulatus est, pendente conditione creditor est! Comme si une créance conditionnelle n'était pas susceptible d'être assurée par une inscription, tout aussi bien qu'une créance pure et simple! Comme si cette maxime, déjà implicitement consacrée par l'art. 16 de l'édit des criées de 1551, n'avait pas encore reçu une nouvelle sanction,'une sanction expresse et po

duquel le créancier prend inscription. Que sig-sitive, par l'art. 2132 du Code civil! nifie, dans cet article, le mot titre.......(1)?

>>ll est donc bien constant que, si le contrat passé le 6 juillet 1791, au profit de la dame de Saint-Remy, n'est pas par lui-même un titre hypothécaire, et s'il n'est devenu tel que par sa transcription du 30 du même mois au greffe du tribunal de district de Béthune, l'inscription prise par la dame de Saint-Remy, le 23 prairial an 7, doit être considerée comme nulle et non avenue.

»>Quant à l'inscription du 6 prairial an 10, on ne peut pas, il est vrai, lui reprocher le

(1) J'ai répété ici tout ce qui se trouve, sur cette question, à l'article Succession vacante, §. 1.

>> Disous donc si la dame de Saint-Remy n'a pas acquis hypothèque par son contrat du 6 juillet 1791, si elle n'a acquis hypothèque que par la transcription de son contrat au greffe du tribunal du district de Béthune, 1.on seulement son inscription du 23 prairial an 7 est nulle, mais celle du 6 prairial an 10, quoique valable en elle-même, ne peut avoir pour elle l'effet qu'en a fait résulter l'arrêt de la cour d'appel de Paris; primée par une inscription antérieure des mineurs Marbais, elle ne peut autoriser la dame de Saint-Remy à demander aux mineurs Marbais le paiement direct de sa créance; elle ne peut que lui donner le droit de provoquer sur eux la vente judiciaire du domaine de Gau.

« PreviousContinue »